Khors – Where the Word Acquires Eternity

Le 29 octobre 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Khorus : basse
  • Khaoth : batterie
  • Jurgis : guitare, chant
  • Andres : guitare

Style:

Black Metal Atmosphérique

Date de sortie:

15 septembre 2020

Label:

Ashen Dominion

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

« Qui craint la mort ne connaît pas la joie de vivre. » Proverbe ukrainien

Vous le savez sûrement si vous gravitez de manière assidue et approfondie dans le milieu metal, rock et punk, les groupes qui ont mauvaise réputation sont extrêmement nombreux. Certains pour des raisons de comportement dans le backstage, ou en studio, d’autres le sont plus par bouche à oreille sur des situations plus courantes. Et puis, vous avez ceux qui cultivent une imagerie volontairement provocante, allant jusqu’à émettre des spéculations à leur encontre. Fondées ou pas, il n’en demeure pas moins que certains groupes sont facilement listés pour cela, et en deviennent indésirables sur notre territoire. J’ai un avis particulier sur le monde metal et ses extrêmes-extrêmes, je pense que chacun a son seuil de tolérance et qu’il ne faut pas se priver d’assumer ce dernier quand bon nous semble. Mais j’ai envie de vous dire : c’est idem dans la vie de tous les jours. J’ai par exemple une plus grande sensibilité pour le sort des sans domicile fixe en France que la bientraitance des animaux d’élevage. C’est ainsi que je n’ai pas franchement de scrupules à faire la présentation et la chronique d’un album dont le groupe a une réputation dans les chaussettes. Il en va donc de même pour le groupe Khors, qui sort son album appelé Where the Word Acquires Eternity. Il suffit que vous surfiez vaguement sur des sites antifascistes pour vous apercevoir de la réputation douteuse mais semble-t-il injuste du groupe Khors. Bien que n’ayant jamais présenté de références directes à une quelconque idéologie nazi ou fascistes, le groupe originaire d’Ukraine paye en fait un soutien musical au Bataillon Azov, une sorte de milice d’extrême droite, et ont le malheur de partager le guitariste/chanteur de Nokturnal Mortum dont le passé NSBM est véridique. Mais ce n’est pas le sujet qui nous intéresse.

Khors, je le disais, est un groupe ukrainien, basé à l’oblast de Kharkiv et qui existe depuis l’année 2004. Une carrière musicale de seize ans que je serais bien en peine de résumer efficacement tant le groupe est productif et actif. Sept albums en comptant le dernier, trois singles, un EP, deux albums live, plus quelques vidéos, sans compter les tournées européennes, voilà un groupe qui n’est pas resté dans l’ombre malgré son appartenance assumée au milieu underground. Je découvre le groupe pour ma part, n’ayant jamais connu l’existence de ce dernier avant l’affiche décriée du Ragnard Rock Fest de 2016 et les échos qu’il y en avait. L’occasion de faire la chronique d’un de leurs albums était surtout celle de les découvrir et de me faire ma propre opinion. Car on n’est jamais mieux servi que par soi-même! Et puis, j’ai toujours essayé, dans la mesure du possible, de mettre de côté les potentiels attraits politiques qui jonchent la musique metal.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expérience scénique mais surtout idéelle, et cela transpire abondamment grâce à l’artwork de ce septième album. Je le trouve vraiment de toute beauté, avec cet immense corbeau qui semble mort et qui fond droit sur une ville sinistre, le tout dans une atmosphère très critique avec ce ciel chargé de nuages gris, plus brumeux que réellement orageux, et les fumées qui s’échappent des habitations, des cheminées ou des toits tout simplement. Cet artwork me fait penser à une allégorie de la destruction que peut faire l’Homme sur son environnement. Et ce corbeau géant semble être une métaphore de la conséquence de cette destruction, ce dernier « aspirant » les fumées des maisons comme une essence nourricière de ce Mal absolu. La présence du logo du groupe et du titre de l’album en ukrainien bien en évidence et en dorée, a le mérite d’attirer l’auditeur et amène un côté « brillant » qui pourrait attirer aussi ce corbeau. Enfin le nom de l’album est non seulement bien trouvé car un tantinet poétique, mais aussi bien en adéquation avec mon idée de ce que représente le design : Where the Word Acquires Eternity, ou « Là où la parole acquiert l’éternité » rappelle la sombre histoire de l’humanité, et ce n’est pas pour rien que Khors est connu pour aborder une part de paganisme et historique dans sa musique. En tout cas c’est un excellent travail qui est accompli ici, j’aime beaucoup et c’est un argument de choix pour vendre cet album. J’ai lu le pressbook et le groupe parle d’un groupe d’artistes et de savants ukrainiens qui étaient réprimés dans les années 20/30 et cet évènement de répression avait eu lieu justement dans leur ville de Kharkiv. Le genre de concept original, historique et probablement empreint de nostalgie que j’adore!

Et comme certainement beaucoup d’amateurs du groupe mais ayant une longévité dans l’histoire d’amour que vous avez avec nos braves ukrainiens (surtout qu’il faut être brave quand on se prend sept buts contre l’équipe de France!), je me suis pris une belle déferlante musicale. C’est le bon terme car avec cette arrivée du corbeau, on a vraiment l’impression qu’il fond sur nous musicalement parlant. Vaillamment, du black atmosphérique qui est bien représenté, avec un total de huit morceaux qui sont redoutablement efficaces. C’est étonnant parce que je perçois qu’au travers de ce concept historique, il y a aussi cette grande part de nostalgie qui émane des nombreux groupes de pagan qui sont issus du milieu black metal. Et cette fameuse nostalgie, controversée car parfois probablement à l’origine de certaines dérives de pensée, quand elle est dans une forme intime comme chez Khors, moi j’aime beaucoup. C’est une essence personnelle qui envoie beaucoup de vapeurs dans l’atmosphère de la musique, un peu comme les feux follets dans les cimetières. Quoi qu’il en soit, ma première écoute a été fort agréable, et m’a donné clairement l’envie d’aller plus loin dans l’analyse de l’album.

Je me répète pas mal en ce moment car j’ai fait ou découvert pas mal de groupes catalogués black atmosphérique, mais je trouve que le travail sur le son est primordial et peut-être très difficile. Mais là où j’ai été totalement pris au dépourvu réside dans l’utilisation d’arrangements aux claviers, ou en MAO je ne sais pas exactement. J’ai été vraiment surpris parce que je m’attendais à un banal black atmosphérique avec, il est vrai, le fameux gros travail qui est fait en studio pour avoir une production carrée, mais non seulement le dit travail est fait avec brio, mais en plus la présence de ces claviers en fond donne une incroyable dimension dramatique à la musique. On devine aisément toute la persécution dont ont été victimes les écrivains et autres penseurs de cette Будинок “Слово” (La Maison « Mot »), sorte de Pléiades. En tout cas, gros point fort que sont les arrangements. Viendra ensuite le son de la batterie qui est sublime, les guitares qui sont stridentes et très mélodiques (ce qui pour de l’atmosphérique est surprenant) et le chant qui tient une place importante sans être étouffant. Un des meilleurs sons que j’ai pu entendre sur l’année 2020 qui plus est en black metal et qui mérite toute votre attention! Grosse claque sonore.

L’autre grande singularité se trouve dans la composition. Les pistes sont présentées comme étant bien entendu atmosphérique et c’est vrai. Il y a en effet avec ces fameux claviers un côté presque cinématographique qui ne laisse aucune place au doute. Néanmoins, il y a malgré tout cette importance capitale qui est accordée au black metal dans sa brutalité, sa froideur et en plus de cela de la mélodie à outrance qui fait que la composition frôle le génie. Je n’ai jamais entendu de black atmosphérique aussi mélodique de mon expérience d’auditeur, et surtout je n’ai réussi à trouver à ce jour de black atmosphérique qui parvient à incorporer aussi subtilement la brutalité qui s’élève de Where the Word Acquires Eternity. D’ordinaire on tombe sur des groupes très linéaires, avec surtout un aspect aérien qui met au coin l’aspect bestial du black metal, et mes dernières chroniques, si elles m’ont porté satisfaction, ne sont pas allées jusqu’à proposer une musique aussi intelligente. Il y a certes des morceaux plus calmes mais dans l’exemple de « Crystals of the Fall », la batterie est plus jazzy ce qui apporte une facette différente de ce que peut être de l’atmosphérique. Je pense que je peux le dire, cela ne relève en rien d’une quelconque présomption de ma part, mais je suis… Bluffé. C’est vraiment un groupe surprenant d’originalité, et avec une maturité musicale plus qu’évidente! Khors a de la bouteille, et ça s’entend sans problème!

Il faut savoir une chose qui, selon moi, a son importance : le line up a connu un changement radical en 2010. Tous les connaisseurs du metal ukrainien s’accordent à dire, en tout cas ceux que je connais, que l’arrivée au chant et à la guitare du bien nommé Jurgis a considérablement impacté la musique du groupe. Je pense qu’il est judicieux de constater que les instruments qui composent les morceaux, à savoir les membres originaires qui sont le bassiste et le batteur, font un énorme travail sur la rythmique de l’album, et offrant par-là ce que je décrivais plus haut concernant la base composante. Mais les guitaristes – dont le dernier est arrivé récemment, en 2019 – apportent un plus indéniable par leur expérience pour Jurgis et par leur talent. Les parties mélodiques sont tellement bien exécutées que je croise les doigts, moi qui ne m’affirme pas pourtant comme un grand amoureux du groupe, pour que ces derniers restent dans Khors. Parce que le quatuor ukrainien tient là ce qui s’apparente de près ou de loin comme THE line up pour faire de la belle et grandiose musique. Bref, tout cela pour dire que les musiciens sont très talentueux, avec de technicité et de habileté, et quand on voit les groupes dans lesquels ils officient (KZOHH que je vous conseille rudement, Raventale, Sanatana, etc.), cela ne pouvait être qu’une certitude.

Il ne me reste plus qu’à parler du chant, la traduction des textes écrits en ukrainien ne m’ayant hélas pas apporté satisfaction. Et là encore, je ne vais pas faire originalement je sais, mais j’ai adoré le chant. Je trouve qu’il y a une vraie symbiose entre le chant metal, quel qu’il soit, et la langue slave. Les exemples fourmillent comme Arkona, Batushka, mais surtout je trouve que le chant a cette puissance vocale démentielle, et couplée avec la langue ukrainienne cela donne une profondeur artistique impressionnante. Je loue surtout la technique vocale de Jurgis qui a un coffre dantesque et une telle émotion dans le chant, sans le surjouer ce qui est fort notable, qu’on ne peut qu’être conquis par une telle prestation studio. Non vraiment! Le chant est incroyablement bien exécuté, et apporte cette tristesse qui arpente ostensiblement les salles des pas perdus de l’Histoire. On ne pouvait pas mieux tomber pour cela que sur l’album de Khors.

Je ne sais pas si c’est un effet Kiss-Cool en ce moment où si je trouve tous les CDs que j’écoute vraiment bien foutus, mais je vais finir cette chronique sur Khors par une vraie sensation de plaisir. Je ne connaissais pas le groupe mais je comprends désormais totalement les fanatiques du quatuor ukrainien. Proposant une musique qui ne pouvait que me plaire au final, avec cette profonde nostalgie qui n’a que de rares synonymes assez forts pour lui amener toute sa quintessence, cette musique intelligente, constructive et sincère, et surtout cette expérience qui est le gros avantage du groupe, il ne m’en faudra pas plus pour que j’achète au moins cette dernière sortie. Avec Where the Word Acquires Eternity, Khors vient (à nouveau?) de frapper un très gros coup sur la table des sorties musicales black metal de l’année 2020. Des maîtres du genre, incontestables!

Tracklist :

1. Starvation 05:09
2. Blissforsaken 07:10
3. Crystals of the Fall 06:52
4. The Sea of My Soul 05:35
5. …and Life Shall Harvest One’s Past 05:24
6. Up the Ladder to a Lance 06:20
7. The Mist (Let This Fog Devour a Snow) 06:46
8. Beneath the Keen Edge of Time 07:13

Facebook
Site officiel
Myspace
ReverbNation
Spotify
Twitter
Vk
Bandcamp
YouTube

Retour en début de page

Laissez un commentaire

M'informer des réponses et commentaires sur cet article.

Markup Controls
Emoticons Smile Grin Sad Surprised Shocked Confused Cool Mad Razz Neutral Wink Lol Red Face Cry Evil Twisted Roll Exclaim Question Idea Arrow Mr Green