Line-up sur cet Album
- A. : inconnu
- E. : inconnu
Style:
Post-black MetalDate de sortie:
26 novembre 2021Label:
Source Atone RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
“Que sommes-nous devenus, nous qui aurons inlassablement rêvé de bonheur, qui avons inventé la démocratie, su repérer les trous noirs, l’invisible sidéral et les amnésies de l’histoire ?” Yves Simon
Et si on parlait alcool pour changer? Je ne sais pas vous, mais avec cette putain de cinquième vague de covid, j’ai une furieuse envie de boire un coup. Sauf que je n’ai plus rien chez moi, donc je vais me confectionner un plateau apéritif mental digne des grands palaces. Alors, sur mon plateau, il y aurait une bière des Cuves de Sassenage plutôt ambrée, un bon rosé provençal, un vin rouge type Costebelle ou Bordeaux (je préfère au Bourgogne), une liqueur que j’avais acheté il y a longtemps lors d’un voyage au Liechtenstein et qui a un goût qui ressemble au génépi mais en meilleur, et un bon whisky peu importe lequel. Je ne suis pas très original mais c’est mon côté rustique les gars! En vérité, je suis parti sur l’alcool pour cette introduction pas forcément pour le côté ludique, mais plus pour la face sombre. Vous savez qu’en France, l’éthylisme chronique est encore un tabou, peu considéré comme une maladie alors que c’en est une. Et les effets sur le moyen à long terme sont dévastateurs sur à peu près tout ce qui est altérable dans le corps humain. Travaillant dans les métiers de la santé, je peux vous assurer que je vois toutes les semaines les ravages affreux de l’alcool sur le corps. Et parmi les nombreuses altérations, il existe un syndrome peu connu mais qui a le mérite d’être mis en avant ce soir par le biais d’un groupe : L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke dont la complication principale est le syndrome de Korsakoff. Pour vous la faire courte, ce sont les complications neurologiques dues à une absorption massive et répétée d’alcool. Accessoirement ce sont des carences en vitamine B1 qui en résultent. Ce soir donc, je m’interrogeais au préalable sur le fait d’appeler son projet musical Korsakov. Y-a-t-il un lien? En tout cas, me voilà au choix de Korsakov et de son premier album nommé « Погружать« .
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Korsakov n’est pas un projet musical russe, le nom de l’album nous aurait induit quoiqu’il arrive en erreur, mais… Français! Cocorico! Le groupe qui est en fait un duo de musiciens aux noms inconnus mais dont on sait qu’ils sont demi-frères, sont de Lille. Le voilà le lien avec l’alcool! Non je blague. « Погружать » est en tout cas le premier album autoproduit des musiciens qui ont fondé ce projet en… On ne sait pas. En vérité on ne sait pas grand-chose de Korsakov. Mais il faut savoir que cet album était sorti en février 2021 en autoproduction, et est réédité en format CD, vinyle et avec quelques goodies par un nouveau label que je ne connaissais pas : Source Atone Records. C’est le label qui a produit Néfastes, Demande à la Poussière, Nature Morte, etc. Rien que cela! Donc « Погружать » est annoncé en sortie prochaine sur ce label, et je suis plutôt impatient de découvrir ce projet musical en duo qui a tapé dans l’œil de ce nouveau label avec quelques belles productions. C’est parti!
La pochette m’a offert un avis à deux poids deux mesures. Sur le style photographique en noir et blanc, je trouve que la qualité est superbe et colle parfaitement avec la traduction du nom de l’album qui veut dire en russe « immerger ». Du reste, cette main suspendue au-dessus de l’eau ne laisse aucun doute sur ce qu’il y a en dessous. En tout cas le paysage derrière est magnifique, un décor à la fois très beau et à la fois macabre par cette mise en scène figée. Maintenant, je me demande s’il n’y avait pas moyen de faire mieux. Je trouve que cela frôle la facilité que de faire une photographie d’une main de noyé, même si comme je disais tout est raccord et que le symbole en haut reste une énigme mais qui semble devoir être touché par cette main. Simplement, sans trop que je comprenne pourquoi, je trouve la pochette assez peu intéressante. Elle ne me fait rien ressentir de spécial, je n’arrive pas à avoir de l’empathie pour ce personnage qui se retrouve sous l’eau, en détresse. Après, je suis persuadé qu’il y a un sens métaphorique qu’on n’aura jamais en l’état, que le sens caché n’est pas vraiment accessible à nous autres auditeurs. Mais comme je n’ai que le devant, je me contenterai donc de cet avis mitigé sur les motivations de Korsakov. Sincèrement, n’y aurait-il pas eu moyen de faire mieux?…
J’ai oublié de préciser une chose importante : j’ai eu envie de découvrir « Погружать » parce que beaucoup de groupes Facebook en parlaient. Apparemment, le black metal proposé par le groupe français valait la peine d’être vécu, aussi ai-je profité de l’occasion qui m’était donné pour sauter le pas. Alors, à quelques nuances près, la musique de Korsakov est rigoureusement du post-black metal. Pourquoi? Eh bien par les moments de tranquillité qui sont dans un esprit franchement shoegaze. Avec une vraie dimension atmosphérique, des mélodies agressives et un son froid, clinique, Korsakov nous délivre une petite démonstration d’album. Je ne suis pas un fin connaisseur de post-black metal, aussi ai-je abordé cette chronique sur des bases saines. Et j’ai été agréablement surpris par cette propension à proposer des passages black metal d’une rapidité et d’une linéarité folle, et des passages relativement longs de calme, de moments apaisants et tranquilles. C’est quelque chose que j’avais déjà écouté ailleurs sans que je sache exactement de quoi il en tournait. Maintenant, au-delà de ces alternances riffiques, je trouve qu’il y a surtout une vraie souffrance qui émane de la musique de Korsakov. D’abord par une production vraiment intéressante, qui rappelle presque un peu le sludge metal notamment dans le chant et le son, et ensuite par l’intention. On a un album très mystérieux, sans nom de morceaux ni accès aux textes, et donc ce mystère qui plane sur les oreilles donne une coloration inédite à la musique. Il y a quelque chose de profondément insondable dans « Погружать » et cela renforce l’intérêt pour ce premier album qui a déjà beaucoup de promesses en lui. Ce n’est pas un coup de cœur pour moi mais c’est en tout cas une première écoute qui a réveillé mon intérêt. C’est déjà bien!
Je parlais un peu en amont de la production qui n’est pas sans me rappeler quelques productions sludge metal. On n’a pas le son boueux mais ce post-black metal qui se dote d’un son un peu tranchant et moderne surtout m’évoque cela. Mais en tout cas, j’ai été un peu bluffé par la production qui a été mise sur « Погружать« , et qui est extrêmement bien foutu. Avec des guitares puissantes et avec un réglage sur de l’aigu, une basse qu’on entend peu mais surtout c’est la batterie qui m’a épaté. Je ne connais pas les rôles précis des deux musiciens mais je ne serai pas étonné que l’un d’eux est un batteur, parce que la technique et les arrangements ne pourraient en temps normal être faits que par un batteur expérimenté. Souvent je loue les one-man band qui incorporent des batteurs dans les line up en invités, et dans le cas de Korsakov on ne peut voir que les bienfaits tellement les rythmiques de l’album sont fabuleuses. Un son propre et bien travaillé, qui offre donc un post-black metal moderne et atmosphérique, c’est du très bon! Bien joué les gars.
J’éviterais de faire des comparaisons si je n’avais pas envie de parler de cette antithèse entre Korsakov qui me plait beaucoup et probablement l’une de ses inspirations (on ne sait pas du tout), qui est considéré comme le pionnier du genre en France : Alcest. Je n’aime pas du tout Alcest, je n’ai jamais accroché et c’est probablement à cause de ce groupe que je n’ai jamais poussé mes investigations sur le post-black metal. Néanmoins, « Погружать » n’est pas loin de me faire changer d’avis. Si le post-black metal induit de libérer des émotions et de donner envie de les partager, alors je pense que Korsakov a rempli sa mission. L’album fonctionne comme un vecteur de conscience, un baromètre qui donne envie de ressentir tout le poids qui est porté par les musiciens. En tout cas, ces compositions qui sont en plus très longues donnent largement le temps aux émotions de se libérer. Via des parties très agressives et des moments plus calmes, qui font que les émotions s’entrechoquent. Moi, j’aurais juste préféré que le mystère ne soit pas aussi grand, parce qu’il est difficile de faire de l’analyse quand on n’a pas ou peu de pions comme ici. En auditeur simple j’aurais pu pénétrer pleinement l’album sans fondre d’extase. Mais le concept manque de clarté. Du coup, je me suis arrêté à deux écoutes, l’album est vraiment bien fait, plein de potentiels mais je pense qu’il faut élargir le concept en le rendant plus accessible.
Le chant est un ravissement à lui tout seul! La voix est bien entendu sur du scream mais qui n’est pas non plus trop dans les voix de tête, je pense qu’on est plus proche d’un chant très retouché dont les imperfections sont étouffées, cela est donc très moderne. Après, la tessiture amène un vrai intérêt de rendre tortueux les morceaux, comme si l’on vivait le purgatoire avec le chanteur. Mais encore une fois, une petite présentation des textes n’aurait pas été de refus pour clarifier le tout, parce que le chant manque d’articulation (mais cela est normal presque), et donc on ne comprend pas ce qui est véhiculé textuellement. Dommage parce que la technique vocale est sublime.
Je termine ma diatribe sur un sentiment un peu de déception. J’attendais beaucoup de Korsakov et de son premier album « Погружать« , d’abord autoproduit et prochainement en sortie officielle chez un label. C’est un album qui amène des bases prometteuses avec un post-black metal tout ce qu’il y a de bien fait, avec une production moderne et atmosphérique, des compositions très bien ficelées et très agréables à l’écoute. Ce n’est pas mon style de prédilection mais j’ai été agréablement étonné de constater que j’étais parvenu à rentrer dans l’album avec plus de facilité que je ne le pensais au départ. Toutefois, « Погружать » manque cruellement d’éclairage sur le concept album et je trouve que l’univers artistique du duo français manque sérieusement de bases pleines. A l’avenir, un concept mieux expliqué, plus assumé et mis en exergue ne serait pas de refus. L’album est à ce titre pour moi une belle découverte, avec plein de bonnes choses pour la suite, mais aussi une petite frustration. J’attends la suite alors les frangins, à vous de jouer pour améliorer tout cela.
Tracklist :
1. I 07:44
2. II 02:40
3. III 10:38
4. IV 04:38
5. V 08:49
6. VI 08:56
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