Line-up sur cet Album


  • Varg The Mighty : composition, percussions, synthétiseurs, épées
  • Von Päx : voix

Style:

Synthwave / Darkwave / Dark Ambient

Date de sortie:

26 juillet 2024

Label:

Negra Nit

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

Ce qui compte le plus pour l’épiphanie spirituelle, c’est le contraste entre les styles de vie.” Helen Fielding

J’aime beaucoup cette citation, si l’on oublie qu’elle émane d’un roman humoristique qui met en scène Bridget Jones. Je l’aime beaucoup car elle résume une partie de ma complexe pensée. L’Épiphanie, au-delà du concept chrétien qui fête chez les catholiques la visite des Trois Mages, chez les orthodoxes la consécration du Christ par son baptême, vient du grec ancien Epipháneia qui signifie « manifestation » ou « apparition ». Mais ce que j’aime dans l’ajout citatif des styles de vie, est que nos croyances n’émanent parfois pas directement sur nos modes de vie. Et cela, c’est essentiel pour comprendre les gens, voire les musiciens dans le metal. Il est bien évident qu’un musicien qui parle de vikings ne l’est pas, et ne consacre pas sa vie entière à la culture viking. Un musicien qui rend hommage aux forêts des Carpates ne passe pas son temps à se promener entre les arbres dans la recherche évidente d’un salut. Et pourtant, ces personnes ont selon moi autant de légitimité qu’une autre qui se revendiquerait entière et authentique, tant que leurs croyances demeurent entières pour elles. A titre personnel, je me revendique comme plutôt proche des croyances païennes. Je fais des offrandes et des libations à certaines divinités, j’adore me ressourcer auprès des grandes forces de la Nature, que je vénère modestement au détriment des divinités humanisées depuis la nuit des temps. Et pour autant, je ne vis pas dans une cabane au fond des bois (du moins, pas pour le moment), j’ai un travail qui est aux antipodes des quelconques convictions que je peux avoir, j’ai un enfant que je n’éduque pas particulièrement en étant cloisonné dans mes croyances. Est-ce que pour autant ma légitimité à croire n’est pas existentielle ? La réponse est non. Je n’ai pas à rougir de ma situation réelle, et je respecte contrairement à beaucoup, les personnes qui ont la foi chevillée au corps sans pour autant s’en trouver bloquées dans des racines trop profondes. Et je suis persuadé que dans le metal, une écrasante majorité de musiciens sont dans mon cas. Alors, doit-on stopper toute velléité musicale ? Je pense qu’il ne restera pas beaucoup de groupes. Pourquoi je pars dans ce raisonnement ? Parce que la groupe que je m’apprête à chroniquer m’a inspiré cette réflexion personnelle. D’abord par le nom de son album, « Funesta Epifania » ; ensuite parce que le groupe L’Espectre Que Alimenta La Flama Dels Ancestres se situe dans une forme épiphanique ; enfin, parce que le visuel du groupe démontre aussi une sorte de croyance, une des plus élémentaires dans la musique et des plus touchantes : la nostalgie. On y va ?

Outre le fait que L’Espectre Que Alimenta La Flama Dels Ancestres va me forcer, par flemme assumée, à me servir du ctrl-V pour ne pas me forcer à retenir l’exacte orthographe du nom du groupe – et comme chaque fois le nom de l’album avec les guillemets histoire de gagner du temps -, il convient de dire que je connaissais rien du tout du groupe. Il provient tout droit de Catalogne (je n’ai pas dit d’Espagne !) et du village pittoresque de Vidreres. Rien de médiéval à l’horizon, et pourtant, il s’agit de la marque de fabrique du duo de musiciens Von Päx (Barbarian Swords) et Varg The Mighty (Halflighted, Gorguina, Elven Sorrow). En outre, « Funesta Epifania » constitue à ce jour la seule et unique sortie du groupe, tout droit produite par Negra Nit, petit label que je connaissais pas non plus. La beauté du « métier » du chroniqueur, la découverte totale ! Et j’ai grand hâte de me plonger dedans pour de bons puisque j’avais amorcé une première écoute lors d’un apéritif chez le boss Metalfreak avec Yaiba !

J’expliquais en introduction que le groupe abordait manifestement la dimension nostalgique dans sa musique, et visuellement parlant L’Espectre Que Alimenta La Flama Dels Ancestres joue cette carte en proposant une magnifique photographie. Cette dernière en elle-même n’est pas d’une grande finition, on sent qu’elle est faite un peu avec des moyens moins importants, rappelant donc une sorte de démarche old school. En revanche, j’adore les jeux de couleurs et les contrastes avec ce soleil à peine levant, un ciel encore très nocturne d’un bleu absolument sublime, et les ombre des deux protagonistes posant avec des épées et des capes, le tout en étant juché sur des rochers. On croirait une sorte d’avant-bataille ultime où les deux chevaliers se soudent une dernière fois dans l’adversité et dans leur destin funeste, un dernier combat en somme. J’émets une petite réserve toutefois sur la calligraphie du nom de l’album, difficilement visible et ce malgré la facilité de contraste avec l’image. Mais franchement, sur cette photographie, tout fonctionne à la quasi perfection. Le décorum est splendide, l’intention musicale et visuelle ne fait pas l’ombre d’un doute et je suis agréablement surpris de cette volonté de faire dans le dramatique, dans le solennel tout comme dans l’old school. Je crois qu’avec une telle image, quand on est sensible à une potentielle dimension guerrière ou païenne, voire tout simplement historique, on ne peut pas rester indifférent à ce type d’artwork. Cela s’annonce dingue comme écoute !

Et effectivement, la musique représente à un ou deux détails près tout ce que j’aime. A savoir une musique qui emprunte des sonorités très années 80, sur fond manifeste de krautrock, voire tout simplement de synthwave, de darkwave ou même tout simplement de dark ambient. J’ai, comme beaucoup de chroniqueurs, lu le dossier presse de L’Espectre Que Alimenta La Flama Dels Ancestres qui faisait mention de la phrase suivante qui est très parlante pour résumer la musique : « Varg has endowed the whole album with a gloomy atmosphere and a distant, enigmatic, absolutely lo-fi and retro sound. To think that he’s not even 20 years old is really scary. » En effet, le compositeur principal de ce projet est apparemment un petit jeune mais qui produit des sonorités résolument anciennes. D’emblée, l’album m’a fait penser au son employé par Ice Ages, avec ces claviers analogiques, ces ambiances horrifiques ou tout simplement dramatiques et il faut rajouter à cela des éléments percussifs là encore ultra old school, avec cette caisse claire fort peu réglée, et cette voix black metal venue tout droit d’on-ne-sait quel monde parallèle, surement enférique au possible. En fait, la principale richesse de ce mini-album est dans la banque son foisonnante, tout en restant très ancienne. Ce n’est pas ce piano tragique qui me fera dire le contraire, mais il y a derrière cette musique en apparence des temps anciens un aspect solennel, guerrier ou mythologique comme le ferait à échelle purement artistique Midnight Odyssey par exemple. C’est là d’ailleurs que la pochette est trompeuse avec la musique. On devrait s’attendre à avoir un projet black metal old school, ou peut-être un hommage vibrant à des groupes comme Bathory. Mais on est totalement pris au dépourvu par cette musique électronique, ambiante et horrifique, cet espèce de mélange subtil entre des genres -wave noirs, le krautrock, quelques incorporations peut-être néo-classiques mais surtout dark médieval comme l’aurait fait le groupe moqué Evol ou parfois le groupe Aborym que j’adore. C’est rare qu’un album en première écoute m’inspire autant de références, c’est vous dire à quel point j’ai été transporté, bouleversé et touché dans mon âme par « Funesta Epifania« . Je crois qu’il convient de préciser qu’il faut avoir une certaine dose d’expérience dans la musique ambiante pour s’accommoder de cette bizarrerie terrifiante que propose le duo catalan. Parce qu’elle n’est pas donnée à tout le monde, il faut d’abord être un peu (beaucoup ?) initié à ce type de musique qui ne s’écoute guère souvent et qui est loin d’être sur le même piédestal que ce qui passe en boucle actuellement dans notre scène. Quoiqu’il en soit, si vous aimez comme moi tout ce qui est synthwave, darkwave, dark ambient voire krautrock ou tout simplement le black metal des années 90, franchement, foncez. C’est un album totalement et résolument exceptionnel.

Comme la coutume qui consiste à m’abreuver régulièrement de ce type de musique le veut, je ne sais pas si à proprement parler, il y a une bonne production ou non. A vrai dire, la dimension old school me pousse à penser qu’au regard de l’ère moderne dans laquelle nous baignons, ce type de production se contenterait d’un « non » cinglant pour les jeunes. Elle serait également un grand « oui » pour les gens de mon entourage comme ma compagne qui raffole de ce type de production. Et même si je suis à peine de décrire avec précision ce que l’on attend d’un genre de production comme le requièrent les styles dûment nommés plus haut, je peux d’ores et déjà affirmer que « Funesta Epifania » coche toutes les cases ! Un son ancien, des claviers analogiques qui sont à la fois chacun à leurs places respectives, des banques sons qui donnent ce côté un peu sale inhérent notamment au krautrock, quelques instruments plus « digitaux » comme le piano par exemple, et cette voix possédée, lointaine qui donne une coloration beaucoup plus torturée à un ensemble musical résolument nostalgique. Franchement, c’est une pépite. Je n’ai pas d’autre chose à dire.

Par contre, je serai un peu plus bavard concernant l’intention musicale. Comme je le disais en amont, on s’attend à beaucoup de choses en restant focalisé sur le visuel de l’album, mais certainement pas à ce que L’Espectre Que Alimenta La Flama Dels Ancestres fasse cela. Un registre purement électro mais qui semble se situer dans une sphère nostalgico-historique, avec ces coups d’épée (véritables épées par ailleurs) qui s’accommodent volontairement et qui sont manifestement les seuls éléments traitres d’un univers médiéval ou fantastique caché, je trouve cela génial. Dantesque même ! Une prise de risque incroyable puisque l’on pourrait s’attendre, si l’on reste en dehors de la musique metal, à quelque chose de plus dungeon synth par exemple, ce qui n’est pas le cas. Là, on a pèle-mèle de la synthwave, de la dark ambient, de la dark électro même, du krautrock et peut-être un brin de néo-classique, ce qui est inhabituel pour aborder des thématiques aussi… Habituelles dans le milieu. Moi, je trouve que d’amener l’auditeur vers cette dimension nostalgique avec une musique aussi old school certes peut s’avérer être de la facilité, mais comme on le disait, cette dernière prend tout son sens dès lors que l’on devine l’âge des protagonistes et que l’on se rend compte que les années chevauchant ne donnent pas de possibilité de semer le passé, même si l’on est très jeune. Et c’est en cela que j’ai adoré au-delà des mots ce projet bicéphale nommé L’Espectre Que Alimenta La Flama Dels Ancestres parce que ce n’est simplement pas une question de talent ou quoique ce soit de basique pour la musique. Il s’agit ici d’émotions, de souvenirs, d’envie et donc de ressusciter une entité spirituelle profondément endormie. Et cela, j’adore. Pourquoi tergiverser plus ? Ce projet nommé « Funesta Epifania« , qui est je le rappelle le premier né du duo catalan, est juste extraordinaire.

Je passe sur le chant qui est trop peu présent et qui fonctionne selon moi comme du sampling, pour passer directement à la conclusion. L’Espectre Que Alimenta La Flama Dels Ancestres propose un premier album nommé « Funesta Epifania« , sorti sur un label obscur. D’ailleurs, tout parait obscur sur cette entrée en matière d’un duo catalan de musiciens inconnus au bataillon, un peu comme un album sorti du chapeau. Et question magie ici, il en est réellement itou. La corrélation entre le visuel et la musique fond littéralement comme neige au soleil avec une pochette qui fait très médiéval et une musique qui fait très électro ou -wave pour ne citer que cela. Et pourtant, la magie opère avec une facilité totalement déconcertante. La musique qui est très perchée, et qui me convient parfaitement, fonctionne sur un mode nostalgique bien improbable mais qui désarçonne l’amateur d’ambiances électro ou horrifiques comme moi. Résultat, ce premier album est une énorme découverte pour moi, une forme de conviction profonde selon laquelle ma citation du début n’a jamais été aussi bien placée. “Ce qui compte le plus pour l’épiphanie spirituelle, c’est le contraste entre les styles de vie », eh bien, force est de constater qu’on est en plein dedans. Un bijou !

  1. Funesta Epifania 20:06
  2. Presència a la Runa dels Temps 13:01
  3. Fins L’Esglai 08:44

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