Line-up sur cet Album
- Cindy : chant, guitare folklorique, synthétiseurs, paroles
- Hugo : basse, synthétiseurs, production, artwork
- Michaël: guitare électrique
- Christèle: batterie
Style:
Dark Wave / Dark Folk / Drone AmbientDate de sortie:
02 décembre 2022Label:
Throatruiner RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
« Si vous dirigez votre attention sur la position d’un oiseau par rapport à la surface de la vague, vous remarquerez rapidement qu’il est presque toujours du côté de la face montante de la vague et qu’il se déplace apparemment à angle droit par rapport à la trajectoire de la vague, mais en réalité en diagonale. » Lawrence Hargrave
C’est marrant, parce qu’une très bonne amie m’a fait remarquer, il y a peu, que j’avais un côté gothique dans mon approche de la musique. Alors là, les bras m’en sont tombés ! Moi ? Un côté gothique ? Moi qui n’ai jamais abordé le style vestimentaire qui va avec. Moi qui n’ai jamais participé, de près ou de loin, à un projet musical de ce style de musique au sens large, car le style gothique touche plusieurs styles de musique. Bref, si cette remarque ne venait pas de cette charmante personne, ou d’une personne proche en général, j’aurais rué dans les brancards. En vérité, je plaisante, parce que je suis un non-violent. Enfin… Non, pour être sérieux, je pense qu’il me faut admettre l’inéluctable : j’ai bel et bien un truc un peu gothique en moi. Alors, non pas dans l’attitude, ni dans le look, il ne faut pas rêver, ai-je répondu à ma bonne amie pour qui il y avait un certain attrait pour les garçons « atypiques » – je cite- et une photo de mes dix-neuf ans révolus témoignent que j’avais une certaine propension pour mettre, de temps en temps, du mascara autour des yeux… Mais diable ! J’avais dix-neuf ans ! Et aussi parce que je reconnais une certaine attirance, grandissante, pour certains styles autour du gothique. On pourrait citer, par exemple Angellore, Hekate, Ice Ages, Narsilion, Dernière Volonté, Antivote, etc. Tous ces groupes gravitent plus ou moins près de la mouvance gothique, que ce soit dans l’approche musicale ou dans la stylistique pure. Et oui, je les adore ! Pourtant, j’ai beaucoup de mal à m’enthousiasmer sur du metal gothique. Probablement parce que, pour moi, à tort sûrement, le metal et le gothique ont quelque peu du mal à se marier efficacement, sans que cela termine sur un divorce. En tout cas, le metal gothique , j’ai du mal ! En revanche, pour les groupes ou projets musicaux nommés, j’adore. Et je suis avide de découverte de musiques qui proposent cette approche singulière. Récemment par exemple, j’ai découvert Pusto. Projet solo d’une musicienne ukrainienne qui se rapproche parfois de la cold wave, et qui se situe dans les ambiances que je viens de citer. Mais ce soir, ce n’est pas de cela dont il s’agit. Un petit coup de publicité n’a jamais fait de mal, n’est-ce pas ? Non. Ce soir, on va causer de Lisieux, et de son album nommé « Abide ! ». Qui, d’ailleurs, n’a peut-être rien à voir avec le gothique… Introduction inutile, bonsoir !
Ce qui m’étonne en premier, c’est le nom du projet. Lisieux est le nom d’une commune de Normandie, en France, mais je n’ai pas tellement compris le rapport avec la musique proposée, ni pourquoi le groupe avait utilisé ce nom. Peut-être par phonétique… En tout cas, j’ai cherché des informations sur une potentielle autre signification pour Lisieux, mais je n’ai rien trouvé d’autre. Bon… En tout cas, nous parlerons ici d’un projet musical qui nous vient de Toulouse. Cocoricoooooooo ! Au départ, il s’agissait d’un duo de musiciens formé en 2014, puis le projet est devenu quatuor par la suite. Aujourd’hui, le groupe est à la tête d’une discographie forte de trois albums, en comptant ce dernier « Abide ! », sorti l’an dernier. Avec un univers qui me semble particulièrement unique (pléonasme !), je suis bien curieux de tester cet album qui porte, si j’en crois les arguments dithyrambiques du label sur Bandcamp, tous les mots-clés permettant d’aiguiser à la fois mes sens et ma curiosité. Alors, comme chaque fois qu’un projet m’attire, je me lance et je l’écoute ! Mais ici, l’exercice de la chronique ne sera qu’un bonus bien mérité. Go !
Pourquoi je suis curieux ? Parce que l’artwork m’a tout simplement éveillé, en me demandant comment il était possible d’avoir ce mélange aussi beau et impressionnant. Entre une image très médiévale et le style moderne, j’avoue avoir été quelque peu époustouflé par l’ensemble qui sert de pochette à l’album « Abide ! ». En fait, cela va même un peu au-delà de ce simple constat, parce que l’image est relativement abstraite et n’évoque rien de spécialement précis. Simplement, on reconnaîtrait presque un crieur public, ou à la rigueur un ménestrel, ce qui ne serait pas incohérent dans les deux cas, puisque l’un rappelle un peu la politique, l’autre la musique, et dans les deux cas on peut supposer qu’il y a un lien avec Lisieux. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Ensuite, on note cette couleur rouge assez pure, qui rappelle également une certaine branche politique, avec notamment le drapeau qui donne un côté révolutionnaire ou contestataire. Et puis bien évidemment, la symbolique des chaînes qu’on ne présente plus, le tout accompagné par deux mains monstrueuses, qui prennent le personnage par les épaules, dans une forme de prosternation naissante, avec ce faciès fasciné. En tout cas, je pense que même si l’ensemble demeure un brin abstrait, on a des bases posées pour la suite. Cette apparente complexité visuelle, je pense que cela marque l’identité musicale de Lisieux. Complexité, peut-être une forme de politiquement incorrect, et éventuellement une dose de médiéval qui ferait référence au New Age ou à un simple concept-album. En tout cas, tout est raccord selon moi avec le nom de l’album qui signifie en anglais « se conformer ». Cela sent bon ! En tout cas, j’adore la pochette. Toute pochette qui me fait déblatérer et réfléchir me sied, alors ici on pourrait se dire sans problème que Lisieux s’est bien paré d’un visuel impeccable et plein de sens cachés, ou non. Bravo !
Alors, je vais lever le voile sur le style proposé ici, mais qui est loin d’être une sinécure. J’entends par-là qu’on ne peut décemment pas rapporter la musique de Lisieux à un seul style. Répertorié comme produisant de la dark wave, je pense que c’est bien plus complexe que cela et je rejoins ma théorie de la complexité liée par l’artwork. J’ai repéré, en effet, des éléments électroniques qui font effectivement très dark wave, avec une résonnance qui fait très années 80 avec les orgues, les éléments analogiques aux claviers, avec parfois des éléments électroniques qui effleurent de très près le krautrock selon moi. Mais pas que ! C’est là que la subtilité intervient et qu’elle est foncièrement très très intéressante. On peut également nommer des éléments de composition qui font très musique folklorique ou acoustique, c’est selon, ce qui est normal quelque part, au vu des références médiévales que Lisieux revendique sur « Abide ! ». Cela se traduit donc par l’utilisation approfondie et intelligente d’une guitare sèche sur une base plutôt rythmique, rarement mélodique, pour amener cette petite touche singulièrement rythmique. On pourrait également citer le chant féminin qui se mue sur un registre folklorico-acoustique, voire complètement dark wave par moment, mais j’y reviendrai. Et surtout, grande surprise pour moi, car je ne m’y attendais pas du tout : l’utilisation de passages drone metal, voire drone ambient ! Alors là, j’ai été soufflé, parce que non seulement j’adore ce style, beaucoup savent désormais que j’ai une accointance spéciale avec tout ce qui est drone quelque chose, mais en plus cela sonne incroyablement bien ! Sur les passages acoustiques, voir des nappes de guitares, si j’ose dire, en balancement d’accords très « drone », soit sur une étendue sonore longue et pesante, avec une batterie qui marque le rythme succinctement, c’est juste incroyablement bluffant. Je ne m’y attendais pas du tout à celle-là, et j’ai été véritablement mis par-terre. Du coup, cet ensemble ingénieux et inédit pour moi, qui démontre tout le talent de Lisieux pour la composition originale, donne des ambiances effectivement un brin « dark wave » avec un côté gothique par moment, des relents médiévaux pour d’autres temps, et surtout un côté solennel et un brin mélancolique, presque contestataire, sinon pessimiste, qui transpire allègrement. « Abide ! » n’est pas tellement un album qui s’écoute avec une grande logique, c’est plus une sorte de recueil dont émanent des poèmes en fusion, ou des contes éthérés. En tout cas, par cette complexité composale, j’avoue avoir adoré la première écoute. Je me suis régalé de bout en bout et je dois admettre que l’analyse qui suit est alléchante, mais difficile, tant je serais tenté d’écrire des éloges sur cet album. Lisieux, je vous félicite!
Quand on évoque le mot dark wave, on s’imagine tout de suite des ambiances spéciales, oscillant entre l’onirisme, le fantastique et d’autres plus variés encore. Ce qui induit forcément une production impeccable. J’ai personnellement rarement entendu une production dégueulasse dans ce domaine musical, et donc je ne m’attendais pas à être déçu. Mais je ne m’attendais pas non plus à entendre une telle beauté sonore. Franchement, c’est démentiel, à ce stade ! Les ambiances sont donc très variées, mais chaque fois le groupe Lisieux adapte le son en fonction des besoins, et chaque instrument se voit doter d’une place qui lui est propre. C’est en cela que, pour moi, « Abide ! » fonctionne plus comme un recueil de morceaux, puisque chacun a son propre son, sa propre histoire ainsi. Mais je trouve par exemple l’utilisation du drone metal ou drone ambient bien opportune soniquement parlant, avec une légère mise en retrait pour que ce dernier n’étouffe pas de lourdeur tout le reste. Ou alors, on pourrait citer la guitare sèche, instrument « organique » comparé aux autres, qui se voit parée d’une mise en avant intéressante. Les nappes aux claviers, très années 80, sont bien entendu un peu plus mises en avant pour installer le décorum, mais sans être grandiloquentes non plus. J’y vois, par exemple, une belle référence à Dead Can Dance, qui faisait cela aussi pour donner une place plus prépondérante aux chants. Peut-être un léger, très léger bémol pour le chant, que je trouve un poil trop en retrait, alors que la voix est superbe. Autrement, le reste est un modèle du genre ! Si vous ajoutez à cela la fameuse touche moderne que je trouvais présente sur le visuel, vous avez un son atypique, mais réellement magnifique. On dirait que Lisieux a tout juste ou presque sur la production de ce méfait nommé « Abide ! ». Tout un paradoxe quand on a un album qui veut dire « se conformer » et qui est finalement produit de manière un brin atypique. Mais c’est bluffant, encore !
Maintenant, toute la difficulté d’ « Abide ! » est de comprendre s’il y a un sens derrière tout cela. Comme je disais, j’ai surtout le sentiment que cet album fonctionne comme un recueil de plein d’inspirations différentes, sans forcément faire des liens entre les pistes, et permettant une forme de liberté artistique où la contrainte de faire dans le linéaire, le logique et le fluide n’existe pas. Ce qui n’est pas plus mal au demeurant, mais quand on est comme moi, avide de concept-albums, on reste un peu sur sa faim. Surtout que quand on voit la pochette et l’univers musical revendiqué par le groupe lui-même sur son Bandcamp, on se dit qu’il y aurait largement de quoi trouver un terrain fertile pour un concept ! Le médiéval, rien que cela ! N’est-ce-pas un terreau propice ? Enfin, moi, je pense que Lisieux aurait tout à gagner à soit clarifier son concept, soit à carrément en faire un, s’il n’y en a pas. Cela permettrait de mieux rentrer dans l’album et d’en apprécier encore plus la musique. Déjà qu’en étant sur une base « hasardeuse », si j’ose dire, et encore une fois cela n’est que le reflet de mon interprétation scabreuse, on a une musique exceptionnelle, je n’ose imaginer le jour où Lisieux nous pondra un album conceptuel du début jusqu’à la fin, ce que cela donnerait de merveilleux. Donc je dirais qu’il y a un peu de tout à manger et à boire sur « Abide ! », qu’il faut prendre ce qui vous sied, d’autant que les morceaux ne se ressemblent absolument pas instrumentalement parlant, et qu’il y a de quoi ravir les amateurs de drone metal / ambient, de musique acoustique, de dark wave et peut-être même de musique folklorique. Le côté brillant de la médaille nous indique, en tout cas, que cet album est d’une richesse incroyable, et que la musique est tout bonnement exceptionnelle. Il n’y a pas d’autres mots suffisamment superlatifs, si l’on reste stricto facto sur la musique. Ce qui relève déjà d’un excellent point pour nos ami(e)s toulousains!
Et pour terminer l’analyse, on passe au chant, comme d’habitude, vu que j’y accorde toujours un paragraphe. Vous le savez, je l’ai souvent dit, j’ai du mal avec le chant féminin dans le metal. Mais ici, bonne nouvelle ! Nous ne sommes pas totalement dans un registre metal ! Donc, point de blocage idiot et psychologique comme d’habitude, et sincèrement j’adore le chant ! Il est magnifique, en voix claire tout le temps, parfois légèrement agressive, mais très légèrement, pour amener un semblant d’énergie, parfois. Mais globalement, on reste quand-même clairement selon moi sur un registre dark wave, une voix très éthérée, presque onirique, lointaine et flottante comme un feu follet. Et l’atout charme dans la voix, indéniable, amène un cachet supplémentaire que je ne soupçonnais pas. Parce que, à mon grand étonnement, j’ai ressenti une forme réelle de charisme et de romantisme dans la voix. Comme un apport poétique supplémentaire dans un ensemble instrumental pourtant varié, comme si le chant était le liant ultime de cet album disparate. En tout cas, une chose est certaine : j’adore le chant de Lisieux. Vraiment, la voix est magnifique en tous points et ne souffre d’aucune contestation possible, au regard du ou des styles proposés ici. « Abide ! » est bien chanceux d’être habillé d’une voix aussi divine.
Il est temps d’en finir avec la chronique ! Lisieux nous présentait en fin d’année dernière un album nommé sobrement « Abide ! ». Troisième né du groupe toulousain au parcours déjà bien rempli, cet album se situe sur une forme hybride de dark wave, avec des incorporations originales et bluffantes de drone metal / ambient et de musique à la frontière entre l’acoustique et le folklorique. En tout cas, la musique est suffisamment riche pour que chacun y trouve son compte. A présent, il convient de dire à quel point cet album est, musicalement parlant, d’une beauté rare, et d’une originalité époustouflante. Ce genre de croisement hybride où vous savez que le groupe n’a, en plus de cela, rien laissé au hasard et au petit bonheur la chance, que tout est prémédité pour que l’ensemble instrumental, accompagné de ce chant incroyablement beau, puisse donner un résultat qui dépasse la galaxie de l’exceptionnel. Ne manquerait, selon moi, qu’un petit concept plus précis, et non ce qui s’apparente à un recueil de compositions. Mais franchement, c’est du très très haut niveau ce soir ! En matière de dark wave en France, on n’est pas loin du tout des grands noms. Magnifique.
Tracklist :
1. Révolution (06:22)
2. Lys Noirs (03:46)
3. Deluge (03:41)
4. Herb Harp (05:43)
5. Abide! (05:32)
6. The Wake (06:45)
7. Chant De Fer (04:45)
8. Haut-Beffroi (02:05)
9. Inner Hero (03:11)
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