Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10

“Si j’ai décidé de me présenter à cette élection présidentielle, c’est que j’ai compris que je ne pourrai jamais être Bruce Springsteen ! ” Barack Obama

Lucifer for President n’est pas un parti politique, ni une version 2.0 de l’Inner Circle de Norvège, mais un groupe en provenance directe de Padoue, ville du Nord de l’Italie non loin de Venise. Il n’y a pas de date officielle de création rapportée à ce jour mais il semblerait que le groupe existe depuis 2018, les premières publications sur les réseaux sociaux datant de cette année.
Outre l’imagerie très travaillée avec beaucoup de photos du groupe pendant des concerts et des poses lascives, qui témoignent apparemment d’une tournée puisque la bande relate un truc du style « the 2019-2020-2021 Pandemic World Tour » sur Bandcamp, le groupe, à mon grand étonnement, a sorti son premier album l’année dernière ! Je pensais que le groupe avait déjà sorti d’autres méfaits, étant donné toute cette communication, mais en fait non. Asylum est bien leur premier album, et il est sorti chez My Kingdom Music, rien que cela ! Plutôt pas mal pour des débuts, et même si Lucifer for President laisse transparaître un style bien défini, il n’en est rien en vérité. Le nom m’a en tout cas laissé très curieux et très envieux de découvrir ce premier album.

La pochette également, pour faire dans le constat rapide. On ne peut pas dire, en tout cas, que cette dernière fait dans la métaphore de prime abord, même si en vérité c’est le cas ! Tout est raccord avec le nom du groupe et l’imagerie d’un asile, comme en témoigne le nom de l’album. Il y a derechef une figure très luciférienne au centre, avec un costume complet-cravate et des ailes noires, qui semble faire un discours devant une assemblée représentée par des mains levées, en guise de fanatisme, un peu comme lors d’un concert lorsque le musicien se rapproche du public. Mais pas que ! Puisque l’on s’aperçoit que des mains touchent les vitres en arrière-plan, d’un bâtiment effectivement très asilaire, en tout cas particulièrement sinistre et glauque, très ancien genre époque victorienne par exemple, qui reflète toute la sombritude de l’album Asylum qui n’est pas là pour verser dans le romantisme et la volupté. Je trouve qu’au-delà de l’aspect décalé de la pochette qui va sur un terrain un brin burlesque, c’est surtout toute la dimension politique qui transpire de cet artwork. Et cela ne m’étonne guère qu’il y ait ce paradigme présent dans la musique de Lucifer for President car, vous comprendrez plus bas, le style de musique va de pair avec tout ce qui est lutte et dénonciation sociale. Donc cela ne m’étonnerait guère que le groupe mette une vraie importance à la politique et à la lutte des classes même. Ce serait ainsi une vraie métaphore filée autour de l’aliénation de la politique sur les hommes. Et de fait, je trouve que cette pochette est très bien réussie formellement et dans ses fondements. Excellent boulot!

Pour ce qui est du style justement, je dois admettre que le groupe ne m’a pas aidé beaucoup avec ses élucubrations stylistiques. Je vous le cite: « Raw metal-horror punk, glam, pure rock and roll…with death rock influence… » En gros si vous écoutez Lucifer for President, il y a de tout dans la musique, du moins dans la sphère rock. En réalité, c’est un peu plus aisé que cela.
A l’oreille, outre les influences assumées des Sex Pistols, Death SS and Motörhead, ainsi que Celtic Frost et Misfits entre autres, on a surtout l’impression d’avoir un bon gros groupe de punk hardcore avec quelques inspirations doom metal. Ce qui selon moi faisait les ingrédients du sludge metal lors de ses balbutiements, avec toute la sphère pessimiste et sombre autour. Mais ce qui m’a frappé en premier c’est que le groupe jongle sur un rythme d’environ un morceau sur deux entre des compositions plus punchy, donc par définition très punk hardcore, et des pistes beaucoup plus lentes et c’est là que l’on tombe sur un versant plus cohérent selon moi, avec cette lenteur étouffante et un peu maléfique sur les bords, qui frôle un doom sludge metal angoissant. Et au vu du concept album tourné sur Lucifer et quelque chose de démoniaque, je trouve que c’est la meilleure option. Si l’on reste focalisé sur la dimension purement compossition, sans passer par la case conceptuelle, la musique de Lucifer for President est très bien ! J’aime vraiment bien cette émulsion entre des pistes punk hardcore ou plus doomesques, en fonction probablement des besoins, parce qu’il y a du liant entre, mais aussi parce que cette musique qui oscille entre des instants pêchus et des instants plus lancinants, ça passe bien! L’harmonie est là quand même, et ce malgré les différences. Après, sur la question de la cohérence, je pense qu’il gagnerait encore plus en qualité avec un album plus harmonieux, Asylum manque un peu de cohésion par moment. Mais cela reste un album qui s’écoute vraiment bien en première intention ! Un vrai petit plaisir.

Pour la production, Lucifer for President n’a effectivement pas tant menti que cela en parlant d’un truc raw, même si selon moi il y a bien plus raw encore dans ce bas-monde, sinon dans les tréfonds néfastes de l’underground. Si réellement les italiens considèrent que leur production est raw, je pense qu’il va falloir revoir quelques critères d’évaluation. Parce que même si on sent l’esprit punk bien insufflé, le côté un peu garage est bien là, il y a quand-même une qualité indéniable au son de Asylum. J’ai vraiment apprécié que le groupe ne tombe pas dans le piège prévisible du son très punk justement, puisque la musique demeure avec quelques relents de doom metal cela aurait été foncièrement gâché. C’était ma crainte, franchement. Force est de constater que cette dernière est infondée, tant la production est bonne. Les instruments sont bien placés, il y a cet esprit un peu incisif que l’on retrouve dans les prémices du punk hardcore, cette part nostalgique me fait plaisir car très appréciable à l’oreille, le tout étant bien construit autour des mélodies guitares et de la batterie qui joue bien son rôle. Il n’y a pas grand-chose à redire sur la production, c’est dans l’esprit punk sans tomber dans l’outrance, et le tout sonne énergique! Très bon!

A la lumière des deux autres écoutes, je suis persuadé que Lucifer for President a une dimension politique très cynique. Les groupes qui utilisent l’imagerie luciférienne à des fins incantatoires, sinon pour de la provocation scénique, ne sont pas forcément tous dans cette mouvance sarcastique. Asylum traite indubitablement de la société et de tous ces travers, selon moi. Cela rend les compositions très intéressantes dans la mesure où selon les besoins conceptuels, les pistes sont comme je disais aléatoirement balancées entre du bon punk hardcore à l’ancienne et un côté presque sludge metal, sinon doom, qui se caractérise par des atmosphères oppressantes et lancinantes. En gros, on remarque bien que Lucifer n’est ici qu’un miroir des turpitudes sociétales qui ont toujours été l’essence de la culture punk.
Maintenant toute la question demeure autour de ce premier album, Asylum, qui malgré le talent et tout le tralala qui en émanent, manque un peu de cohérence je trouve. J’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver l’esprit punk avec beaucoup de patates et de rengaines, mais j’ai eu un peu de difficulté à comprendre pourquoi Lucifer for President se dote de pistes plus lentes. Je n’ai pas totalement encore saisi le pourquoi du comment. Je suis toutefois convaincu qu’il faut garder plus le côté punk hardcore parce que vraiment, ce sont les meilleures compositions de l’album. Voilà donc un constat très positif mais avec une marge perfectible qui tend à dire que Lucifer for President peut largement faire plus coercitif.

Pour le chant, pareil, même constat. Dans un style très punk hardcore, sans que je puisse décemment décrire la technique vocale. Je ne suis pas certain qu’il y en ait une réelle d’ailleurs. En tout cas il est très bon ! Je l’aime beaucoup, il dégote pas mal d’énergie aussi, voilà pourquoi je trouve le contraste avec des passages doomesques trop saisissant pour être potable avec le reste. Mais je n’ai pas tant de choses à déblatérer sur le chant qui n’est pas ma technique principale. Simplement, retenons qu’il est très bon, et ce sera déjà bien.

Je termine ma chronique sur une note bien proprette, si j’ose dire. En tout cas, Lucifer for President se lance dans la cour des grands avec un premier album nommé Asylum qui sent bon non pas la lavande ou le romarin, mais le bon gros son ! Situé sur une mouvance musicale qui me semble être sur un truc très punk hardcore, principalement en tout cas, avec effectivement quelques apports doom metal voire sludge, il m’est aisé de dire que l’imagerie très luciférienne et un peu décalée sur les bords, ainsi que l’énergie qui se dégage de la musique m’ont bien plu. Satisfait par les différentes écoutes et par l’esprit punkisé que j’aime en secret depuis toujours, j’ai été échaudé par ce premier album qui se pare de belles promesses pour la suite. Il faut simplement selon moi régler la mire sur cette tendance malheureuse qui consiste à ne pas créer un album coercitif mais plus une émulsion qui a un goût amer sur certaines notes en bouche. Mais Asylum reste dans sa majorité un très bon album du genre!

Tracklist :

1. Satan Saves
2. Suicide
3. Sex Drugs And Rock ‚N Roll
4. I’ve Got Two Friends
5. My Psychic N. 10:04:14
6. Just Say No
7. Amandoti (Cccp Cover)
8. Exorcism
9. We Are 138 (Misfits Cover)
10. The Kiss Of The Witch / Planet Lucifer

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