Line-up sur cet Album
- Frédéric Simon : basse, chant
- Matthieu Burgaud : guitares
Style:
Doom Metal / Death MetalDate de sortie:
14 novembre 2024Label:
Meuse Music RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
“Mentir, c’est diviniser autrui.” Georges Perros
La scène française est d’une richesse incroyable. A l’aube d’une nouvelle année, si l’on fait un retour en arrière sur 2024, le nombre de sorties est totalement dingue. A tel point que l’on se demande quand est-ce que la France va dépasser les grands pays européens du metal comme la Finlande, l’Allemagne ou la Suède. Parce qu’à l’échelle géographique, on ne va pas se mentir : la France est un petit pays comparé aux autres. Toutefois, le nombre d’habitants et l’accroissement exponentiel de l’intérêt que le public a pour le metal fait que je suis intimement convaincu que, dans pas longtemps, la France va devenir un énorme pays pour le metal. Toute la délicate question revient à se demander comment on peut accorder une place suffisamment équilibrée à chaque formation pour qu’elles existent. Je n’ai même pas dit « pour qu’elles percent », mais bel et bien pour qu’elles existent. Parce que nous, chroniqueurs, avons également un devoir de mise en abyme des autres groupes européens voire même américains, canadiens, et j’en passe. On pourrait aisément ne faire que la scène française, mais le jeu du metal est de s’exporter partout. C’est un vrai casse-tête pour nous et je m’en rends de plus en plus compte quand je vois les rétrospectives de nos collègues, ou de mes contacts Facebook. Difficile en l’état de se parer d’une tenue très chauvine, ou d’une cape plus ouverte, quand on a ce rôle de mise en avant des projets. J’essaye pour ma part de ne pas me formaliser de cela. Nous avons, il est vrai, une liste mensuelle de propositions de chroniques à laquelle nous devons nous tenir mais, parfois, l’occasion inespérée de mettre en avant un groupe plus discret arrive. C’est pourquoi je m’autorise de temps en temps à faire une entorse à cette liste pour aller sur des groupes qui m’ont inspiré quelque chose de suffisamment concret pour rédiger une chronique. En tout cas, avec l’avènement grandissant de notre scène, il va falloir dans le futur se poser la question de savoir comment accorder de la place aux multiples projets français qui n’ont malheureusement pas joui de la reconnaissance nécessaire pour être perpétués. Loin de là l’idée de dire que ma chronique va changer quelque chose mais c’est pour vous illustrer la lourde tâche que nous avons et, me concernant, je serais bien en peine de faire un top 10 de 2024 car jusqu’au bout, je tombe sur des pépites endormies. Et Lying Figures ne risque pas de déroger à la règle. Avec son « Inheritance » qui m’est tombé dessus par le bouche à oreille, je ne pouvais pas passer à côté de l’envie d’en faire une chronique.
Lying Figures est un groupe qui ne m’est indirectement pas inconnu, puisque l’un de ses membres est un très bon ami de ma compagne. Cependant, comme à chaque fois que j’entame la chronique d’un projet dont je connais de près ou de loin un membre, il convient de préciser que j’aurai toute l’objectivité qu’il convient d’avoir, ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle. Lying Figures est donc un projet qui nous vient de Nancy et qui existe depuis, tout de même, l’année 2012. Cela commence à faire un petit peu d’années ! Il est important de préciser que le projet, qui est en fait un duo de musiciens fondé par Matthieu Burgaud, rejoint en 2014 par Frédéric Simon, a sorti son premier album en 2017. Soit cinq années après sa création. Pour moi, c’est un gage de qualité et de réflexion artistique qui me rassure d’emblée. Il y a eu deux EPs au préalable en 2013 et 2014, et donc ce deuxième album nommé « Inheritance » qui sort cette année. Sept années d’écart entre les deux albums, cela démontre selon moi un vrai soin de composition. Alors, allons-y !
Pour illustrer ce deuxième album, Lying Figures joue la carte du graphisme moderne et l’image m’a fait penser à l’affiche du film « Catacombes » qui reprend à peu de choses près les codes ici présents. Avec un artwork qui fait la part belle à l’alliance des couleurs rouge et noir, mélange repris dans de nombreuses sorties de metal extrême comme par exemple Deliverance, nous avons immédiatement ce décorum triste et macabre qui saute aux yeux, le rouge étant cette couleur punchy que l’on connait tous pour être tape-à-l’œil. Pour l’aspect en lui-même de cet artwork, on a un flou artistique – si j’ose dire. Il est difficile de savoir avec précision s’il s’agit de personnages ou d’une ville en arrière-plan avec de potentiels gratte-ciels que l’on retrouve en symétrie en haut et bas. Le nom du groupe et de l’album apparaissent en blanc au milieu. Pour les symboles plus représentatifs, on retrouve ce qui fait que cette pochette – et par extension, la musique – est triste avec les oiseaux au loin, quelques branches de buissons sur les angles, et ce contraste entre deux images floues, celles sur les côtés et celle au centre. Ce que m’évoque cet artwork est à vrai dire à l’image de son contenu : une sorte de flou artistique. J’avoue ne pas vraiment savoir ce que je ressens ni ne comprends de cette pochette qui reprend des codes primaires effectivement toujours efficaces, mais qui n’illustre pas grand-chose de concret, ou alors avec un sens bien trop dissimulé. A trop avoir voulu faire dans le mystère, on en revient au final à ne pas savoir ce que veut dire Lying Figures. J’aurais aimé que la notion d’héritage, qui est la traduction littérale du nom de l’album, soit mise plus en avant plutôt que de vouloir, à mon sens, faire dans un vrai travail de forme au détriment du fond. Je vais éviter d’être redondant mais pour finir ce premier paragraphe, je dirais que j’attends autre chose qu’un travail aussi moyennement inspiré, et donc inspirant, visuellement. Dommage.
En revanche, pour ce qui est de la musique en première intention, c’est tout autre chose. C’est même d’ailleurs l’inverse de mon constat sur le visuel. La formation nancéenne propose un doom death metal aux fortes accentuations modernes, mais la particularité de Lying Figures réside principalement dans cette habileté à perdre l’auditeur dans l’étiquetage de son genre de metal. L’équilibre entre les parties qui amènent plus de doom metal et celles qui vont plus en profondeur dans le death metal font que l’on ne sait pas exactement s’il s’agit de doom death metal ou de death doom metal. La nuance est importante parce que selon le style que l’on met en premier, il est censé être le fer de lance de la musique. Or, d’une manière extrêmement intelligente, le duo nous perd dans un mélange savant de doom metal et de death metal. Le doom metal existe par sa lenteur et sa lourdeur pathologique dans des accords lancinants et longs, qui oppressent et qui sédatent les esprits. Le death metal intervient pour accélérer un peu le marasme ambiant par des parties plus agressives et directes, tout en conservant des passages mélodiques intenses qui me font penser à des formations comme Ghostheart Nebula, Be’lakor ou Ixion. Le principal fait fédérateur de cet « Inheritance » est l’approche moderne de leur musique que, généralement, j’ai tendance à déplorer un peu. Je suis plutôt branché musique old school quand il s’agit de doom death metal. J’en recherche le côté poisseux qui va bien avec. Malgré tout, il m’est arrivé de m’extasier sur des productions plus modernes comme Ixion par exemple. Cela dépend donc de l’intention qui est mise derrière. Je suis convaincu que si Lying Figures me plait dans sa musique moderne, c’est qu’il fallait y venir ainsi (j’y reviendrai plus longuement plus bas). J’ai aussi été agréablement surpris par le côté mélodique de leur musique, avec de vrais passages qui donnent une place à la guitare lead et cela fonctionne bien. C’est réellement le très bon point à relever ici car cette dimension mélodique rajoute le truc en plus qui contre-balance cet équilibre judicieux entre death metal et doom metal, et amène l’auditeur vers des sentiments plus enfouis. On n’est pas sur une musique qui va réveiller les entrailles et nous faire bouger, elle va plutôt nous plonger en immersion dans les émotions que nos amis nancéens ont voulu nous transmettre. En première écoute, je suis plutôt satisfait de l’expérience, même si le procédé immersif n’a pas non plus été total. J’ai eu des moments où je suis bien entré dans l’écoute. Cette approche moderne me laisse toujours un peu de scepticisme quand je débute la première écoute, mais finalement, Lying Figures fait de ce modernisme quelque chose de fort, et c’est très bien ainsi. Un bon début !
A la production, j’ai nommé, une fois n’est pas coutume tant son mythe devient de plus en plus panhellénique dans la mythologie metal, le grand Déhà. Sauf méprise de ma part, c’est la première fois que je le vois à la baguette d’un projet estampillé (par mon seul avis) « moderne » derrière la console. Parmi les nombreux projets dont il est membre, des formations aux sonorités modernes il y en a, c’est une évidence. Mais sans que ce dernier en soit le compositeur ou un simple musicien, je crois que c’est la première fois. Une fois n’est pas coutume – je me répète – son travail est prépondérant et d’une grande qualité. Chaque instrument est à sa place, proprement parlant. La batterie, programmée ou pas, jouit d’un rôle qui lui est propre en marquant les rythmiques dans les parties doom metal et en gérant les accélérations avec brio sur les parties death metal. La basse est un peu noyée dans le mixage mais ce n’est finalement pas si grave quand on sait qu’elle sert principalement à englober ou à accompagner la batterie dans ce cas précis. Le chant fera l’objet d’un paragraphe supplémentaire donc je n’y reviendrai pas spécialement dessus pour le moment. En tout cas, s’agissant du boulot accompli objectivement par Déhà, je ne vois rien à redire. Comme toujours, c’est gage d’une qualité certaine. Lying Figures a plus que bien fait d’aller bosser chez lui mais, concernant mes goûts personnels, comme je ne suis pas un grand fanatique de cela, je ne crois pas que ce soit vraiment fait pour moi. Je préfère mille fois le doom death metal à l’ancienne, bien crasseux et caverneux.
En fait, je suis parti pour me répéter dans cette chronique sur la notion de « modernité » mais Lying Figures compose avec cette dimension, cela ne fait aucun doute. Sonoriquement parlant, le death metal ici présent n’a pas ce rôle old school de lourdeur extrême et de noirceur. Je comparerais ce dernier dans « Inheritance » avec ce qui se fait de nos jours, soit une sorte de death metal « propre » et incisif qui va explorer les sentiments, les états d’âme, comme le ferait le black metal aujourd’hui par exemple. Au détriment des sujets sales et « evil », ce death metal là est donc à prendre comme il est : c’est une volonté de renouveau et d’offrir une sorte de seconde vague à ce style de metal ancien. Voilà pourquoi je pense que cet album « Inheritance » ne conviendra pas aux nostalgiques du genre comme moi, mais plus à ceux qui aiment le défouloir total et le dérouillage de nuques. Pour ma part, sur un plan objectif, je ne vois pas pourquoi je dénigrerais Lying Figures pour avoir fait ce choix artistique puisque je recherche ces groupes qui font la part belle aux émotions. Et force m’est de constater que les deux musiciens nancéens le font très bien. Ils trouveront leur public à n’en pas douter. J’ai simplement j’ai du mal à entrer dans ces genres de metal trop alambiqués. J’ai d’autant plus de mal ici que le groupe explore des sujets qui sont très personnels, et à mon sens, un peu trop insondables dans un concept album qui mériterait d’être rendu un peu plus accessible. A titre personnel, j’adore creuser les conceptions des albums pour essayer de comprendre ce que les formations tentent d’exprimer. Or ici, on est sur des textes bien écrits mais finalement un peu « bateaux » qui n’amènent rien de très nouveau au paysage français. Il s’agit donc d’un album qui exprime des choses qui ne veulent pas fédérer mais plus servir d’exutoire à ses créateurs. C’est en cela que j’émets quelques réserves sur « Inheritance« , mais à voir sur de futures autres écoutes.
Le chant de Frédéric est en revanche totalement dans ce que j’aime et ce que je recherche dans le genre. Un chant saturé très caverneux, puissant et profond. Il apporte cette touche old school que j’adore et, qu’en tant que chanteur, j’espère explorer un jour. La technique vocale est époustouflante et j’apprécie que la variation des techniques ne soit pas légion pour ne pas dénaturer l’intérêt que j’ai éprouvé durant mes écoutes. On parlait des émotions : on sent que Frédéric en a énormément à exprimer derrière ce growl terrifiant et agressif, et que son mixage compense pleinement la musique. C’est le gros point fort de cet album selon moi et il était important de le mettre en avant, même brièvement !
Voici le temps de mettre le point final à cette chronique un peu « opportuniste ». Lying Figures a sorti en 2024 son deuxième album nommé « Inheritance« . Un nom qui en dit long sur le papier pour la formation de Nancy qui explore un mélange subtil et intelligent de doom metal et de death metal dans sa composition pour aller vers des émotions. La dimension moderne de cet album illustre parfaitement la qualité qui a été donnée à ce deuxième album, mais ne m’a pas amené pleinement à ce que je recherchais au départ et m’a laissé sur ma faim. Je pense qu’à trop vouloir s’offrir – et offrir – une production propre et très « au goût du jour », ils ont un peu dénaturé l’intention de départ dans ces deux styles de metal très ancrés dans leurs codes. Aller sur du modernisme à outrance peut parfois décevoir l’auditoire et je pense que, même si on en est loin, Lying Figures met un peu trop de côté la beauté old school des genres susnommés pour leur musique. Objectivement parlant, c’est donc un (très ?) bon album, à n’en pas douter, mais qui ne correspondra pas aux plus nostalgiques comme moi. Il me faudra plus d’écoutes pour l’aimer cet « Inheritance« . Pour sûr que j’y reviendrai dessus.
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