Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 6/10

« Les maisons de retraite, c’est comme les colonies de vacances sauf qu’il n’y aura pas de rentrée des classes. » Patrick Timsit

J’ai de fins espoirs des fois. Comme celui de gagner au Loto sans jouer, ou celui d’être à la retraite à 32 ans. J’aimerais aussi pique-niquer (oui oui, vous le prenez comme tel) avec Scarlett Johansson et Anne Hathaway en même temps. Mais je suis un doux rêveur, il n’y a que dans les livres de Grégoire Delacourt qu’un tel miracle est possible. En vérité, mon doux espoir depuis que je fais des chroniques est de ne jamais tomber sur un album de trop. Vous savez, ce risque qui pend au-dessus de toutes les têtes de gondole artistiques et qui peut se mouvoir en une véritable phobie pour certains. Mais plutôt que d’arrêter, comme un accidenté de la route devenu cul-de-jatte reprend le volant, ils continuent. S’évertuent à faire vivre un concentré de déception au détriment de la raison. J’admire vraiment ceux qui se retirent en pleine gloire, et je trouve la démarche très courageuse. Pourtant, ils sont rares ces bonhommes et bonnes femmes qui s’arrêtent à temps. Je suis sûr que vous partagez mon point de vue, on entend souvent les chanteurs et chanteuses de variété qui sont cités dans ce constat. Dans le metal, il faut admettre que l’on en a très peu, et les gros dinosaures comme Iron Maiden, Metallica et consorts, ils ne s’arrêtent pas encore et tant mieux quelque part, tant mieux pour leur public. Moi, je suis en tout cas face à un dilemme, j’ai été confronté à ma crainte avec Malevolence et la réédition de l’album « Antithetical« . Je ne m’attendais pas à cela…

Des Malevolence, il y en a un bon paquet ! Metal Archives m’a annoncé qu’il y avait en tout neuf groupes, et sept avec le dénominatif. Autant dire que quand on part à l’assaut de cette réédition, on ne sait pas vraiment lequel est-ce. J’ai donc fait mes recherches, en me basant sur le style que j’avais écouté au préalable une première fois, et après avoir tâtonné un petit peu j’ai fini par découvrir qu’il s’agissait du Malevolence portugais. Venant de la ville de Leiria, le groupe existe depuis 1994, tout de même ! On a effectivement pas mal de groupes anciens qui continuent ou sortent de nouveaux opus en réédition, c’est plutôt intéressant. En tout cas, le quatuor portugais n’est pas hyper prolifique. Il y a eu deux albums en 1996 et 1999, deux démos et un single, pour finir avec un album en 2013 qui s’avère d’ailleurs être l’objet de la réédition : « Antithetical« . Donc, si on résume le contexte, il y a quatorze années d’écart entre les deux derniers albums. On peut donc se demander s’il n’y a pas un souci dans la motivation du groupe. En tout cas, une réédition d’un album qui date d’il y a huit ans, pour un écart aussi long avec son prédécesseur, il y a de quoi se poser des questions. Mais qu’importe ! Il nous faut aller bille en tête à l’exercice de la chronique, et « Antithetical » mérite toute notre attention, c’est certain. Comme les autres en tout cas.

Déjà, premier changement notable par rapport à la version de 2013 : la pochette n’est pas du tout la même. On a un curieux personnage, à l’air patibulaire et aux biceps saillants qui nous regarde méchamment, comme si on avait dragué sa sœur. Je ne saurai pas identifier la posture étrange que fait notre ami chauve avec son bras, mais en tout cas si l’on devine qu’il n’est pas là pour enfiler des perles, on remarque assez facilement qu’il est couvert de boue, ou d’une peinture blanche épaisse et grémilleuse. Voilà. Pour les contours, on est sur un fond noir basique, une police de caractère un peu science-fiction du plus bel effet, et le logo du groupe qui est la seule chose fidèle aux précédents méfaits. Bon, quand on connaît le style du groupe, c’est un peu déroutant. La pochette fait plus typée metal industriel ou éventuellement hardcore machin, mais pas tout à fait dans le registre doom ou death metal. C’est surprenant. Je ne suis pas convaincu que si je croisais le regard de ce joyeux luron chez un disquaire, je me serais attardé sur le CD « Antithetical« . C’est un peu le genre de pochette qui me laisse insensible en fin de compte, je pense que pour une réédition, Malevolence avait largement de quoi faire mieux. Ou du moins plus intéressant. Mais quand on n’a pas les moyens évidemment… A revoir d’autant que l’artwork de l’édition 2013 était bien meilleur.

Bon, encore une fois il y a eu erreur sur la marchandise. Mais comme le groupe est vendu sur Metal Archives comme tantôt du death mélodique, tantôt du doom metal, tantôt du metal gothique, déjà, on part sur de mauvaises bases parce qu’un groupe qui se targue de plusieurs étiquettes avec peu d’albums, c’est louche. En tout cas, « Antithetical » est résolument un album de death metal mélodique. Il n’y a absolument aucune présence de doom metal ou de metal gothique. Je trouve même que par la complexité des riffs, les changements de rythmes et les mélodies de l’ensemble guitares / basse, on frôle le death metal technique. La frontière est mince dans le cas d' »Antithetical« . La musique m’a été quelque peu compliquée à assimiler, on n’est pas loin par moment de la bouillie sonore, mais le talent de Malevolence réside dans le point que l’on ne fait que frôler cette dite bouillie. Ce qui me plait bien, c’est cette capacité à allier les parties mélodiques entre elles, sans se marcher dessus. Il y a de bons riffs, l’album est pas mal du tout. Après, je vais être honnête, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre comme dit l’adage de Chirac. Je suis relativement imperméable à la musique de Malevolence, non pas qu’elle soit mauvaise car ce n’est pas le cas du tout ! C’est juste que j’ai le sentiment qu' »Antithetical » a mal vieilli. C’est ballot pour un album qui date de 2013 vous me direz… J’ai pas mal de constats faits par la suite, je vous laisse continuer.

La production a quelque chose de bizarre, comme si le death metal de Malevolence était un mauvais remake d’un album de black metal. De fait, il n’y a pas beaucoup de basses fréquences, les guitares qui sont je le rappelle mélodiques sont tout de même très aiguës, la basse est étrangement présente avec un mélange de mélodique et de rythmique qui n’est pas toujours franchement bien usité, la batterie n’est pas épaisse. Il y a tout à fait un truc qui m’échappe des mains comme quand on essaye d’attraper de la fumée pour qu’elle disparaisse. C’est très insondable, et mystérieux dans le sens effrayant. Je suis un peu décontenancé. On me vend du death metal mélodique, le minimum que j’attends c’est un album lourd, mais… Mélodique. Or, le premier n’est pas au rendez-vous, la production est loupée, ou si elle est volontaire, je ne l’ai pas comprise. Ce qui est très embêtant pour le plaisir de l’écoute, parce qu’une production qui interpelle ne donne pas envie de continuer. Mais bon, je suis beau joueur, donc j’ai persévéré.

Non, définitivement je n’ai pas accroché. J’en suis venu à me demander, au regard des nombreuses écoutes effectuées après la première, pourquoi Malevolence a eu le plaisir de se faire rééditer « Antithetical« . Déjà, l’album n’est pas spécialement bon, la production est mauvaise. Et surtout, huit ans après, on ne pourrait pas plutôt avoir un autre album ? Le groupe ne tient plus à grand-chose, clairement. Il ne compose presque plus, trois albums après on n’a qu’une réédition et le groupe s’évertue à jouer depuis 1994. Il serait peut-être le temps de passer la main, je crois que cette réédition d' »Antithetical » est celle de trop. Soit les Portugais osent sortir autre chose, quitte à faire une mise à plat salutaire qui aurait au moins le mérite de faire progresser le groupe et aurait fait oublier cet album qui m’ennuie. Soit Malevolence tire sa révérence. Mais je suis persuadé que cette réédition est inutile, malvenue et en plus ne sert pas la cause du groupe. Loin de le sortir de l’eau, c’est une noyade programmée. En tout cas, l’album n’est pas nul mais pas intéressant non plus, la sphère old school n’est pas forcément un choix respectable et je déplore qu’un groupe ait la prétention de faire un « bon » album avec un son aussi antithétique (justement). Les riffs sont bons mais rien ne permet de leur rendre l’hommage qu’ils méritent, encore que ces derniers soient communs et déjà entendus. Le seul avantage finalement se situe sur la durée des morceaux qui permet d’édulcorer la souffrance qui m’échoie. C’est ainsi une énième tentative de death mélodique mais dont le son n’est pas adéquat en prime. Et pour couronner le tout, les harmoniques, si chères pour la création d’un death mélodique digne de ce nom, ne sont guère plus maitrisées. Le prochain Be’lakor me fera mille fois plus plaisir en ce sens, assurément.

Le chant n’est pas le point qui va relever le tout, loin de là. Ce growl medium n’est pas spécialement non plus bien sonorisé, je le trouve un peu trop strident. Il aurait pu amener un semblant d’épaisseur dans le spectre, mais il n’en est rien. Je me demande vraiment si le groupe voulait produire du death mélodique… L’articulation est bonne, la technicité aussi, c’est juste un gros souci de mixage. Mais bon, cela ne vaut pas la peine que je creuse plus.

Pour conclure, « Antithetical » des Portugais de Malevolence est l’exemple typique de l’inutilité d’une réédition. Cette dernière cumule toutes les tares, à savoir la mise en lumière d’un album mal sonorisé et quelque peu ennuyeux, loin de servir les intérêts du groupe c’est plutôt l’inverse qui va se produire je pense. Ensuite, cette réédition est la confirmation selon moi du déclin d’un groupe qui a probablement eu ses moments glorieux, mais qui s’est trahi avec une discographie famélique et trop espacée pour confirmer des motivations qui ne sont que des fantômes du passé… Enfin, et ce constat est plus personnel, en death mélodique il y a bien plus intéressant de nos jours, avec une relève assurée et des gros groupes à en devenir comme Be’lakor ou les Français d’Aephanemer par exemple. Je pense que je serais le plus bienveillant du monde en disant à nos camarades portugais de prendre une retraite bien méritée, ou à défaut de faire splitter le groupe une bonne fois pour toutes. La seule petite étincelle d’espoir viendrait, pourquoi pas, d’un nouvel album, mais avec une refonte totale et un bon coup de pied au derche. Sinon, si c’est pour avoir un « Antithetical » épisode trois, ce n’est pas la peine, je passe mon chemin. Et je vous invite à faire de même.

Tracklist :

1. Slithering (02:55)
2. Cult of the Everlasting (06:18)
3. Devoured Unlimited (04:21)
4. Antithetical (08:12)
5. Equilibrium in Extremis (04:34)
6. Exocortex Momentum (09:27)
7. Mechanisms of Destructive Behaviour (07:19)

Facebook : https://www.facebook.com/malevolencept
Site officiel : http://malevolence.pt/
Site officiel 2 : https://web.archive.org/web/20131001000 … lence.com/
YouTube : https://www.youtube.com/MalevolenceWorldwide