Note du SoilChroniqueur (Mitch) : 7/10

Un « split EP ». Collaboration de deux groupes, qui mutualisent les frais d’édition du disque et visent une optimisation des chances de faire découvrir leur musique au public de l’autre combo. Ou qui ont tout simplement envie de partage et de mélange d’inspirations mutuelles.
Le concept n’est plus très courant en 2022, mais il a ici du sens, tant les deux intervenants partagent un univers musical commun, sans pour autant être des clones. D’autant que des membres des deux groupes se côtoient dans d’autres formations.
24 minutes 36 de musique, un titre instrumental de 9 minutes pour SaaR, un de 15 pour Maudits, et nous voici avec une galette post-metal instrumental vectrice d’émotions et d’ambiances sombres et éthérées.

Sur la forme, les deux formations ont fait les choses en grand. Une très jolie pochette, façon gravure, avec des éléments commandés par chacun des groupes : trèfle perdant sa quatrième feuille, présence féminine, crâne en mode vanité… Une production soignée, avec, pour SaaR, un enregistrement réalisé par Francis Caste, au studio Sainte Marthe à Paris (Hangman’s Chair, Regarde Les Hommes Tomber). Et pour Maudits, Frédéric Gervais à la production (Misanthrope, Pensées Nocturnes), et l’intervention du violoncelliste Raphaël Verguin (Hypno3e, Psygnosis…).
Le tout publié sur le label Source Atone Records (Demande à la Poussière, Néfastes avec les membres historiques de Benighted), dont le poulain de plus en vogue, Nature Morte, vient tout juste d’être annoncé au Hellfest 2023.
Tous ces messieurs « savent donc y faire » dans les musiques sombres et nous délivrent ainsi une galette de fort bonne tenue.

Sur le fonds, j’avoue rester un peu sur ma faim, tant mes attentes étaient grandes, surtout pour Maudits, dont le premier effort « Maudits » en 2020 m’avait scotché pendant des mois, par son inventivité, ses contrastes et son intensité. Il est vrai que son deuxième album « Angle Mort » (2021) était déjà plus « diffus » et plus avare en accroches. Car ici, le titre « Breken » respecte le cahier des charges habituel de Maudits, avec ses arpèges lumineux, ses riffs lents et sombres, ses arrangements de cordes élégants ; mais il ne décolle jamais réellement, ne surprend pas l’auditeur comme il pouvait le faire en 2020 avec une vraie inventivité. On reste en terrain connu, la musique est belle mais glisse un peu trop discrètement dans nos oreilles avides.

Quant à « Loved », le morceau de SaaR, il se compose d’une première partie de 4 bonnes minutes, avec un duo riffs sous-accordés / batterie volubile et plombée très efficace, mais sur lequel une seconde guitare s’égosille un peu trop longuement dans des délires aigus ; d’un interlude typiquement post-rock, avec ses arpèges vaporeux ; et enfin d’une conclusion enlevée, comme une réinterprétation des thèmes du début, avec un équilibre guitaristique cette fois plus flatteur. Cette écriture et ces ambiances ne sont pas sans me rappeler le groupe instrumental post-metal nantais Dragunov, à la différence près que ces derniers superposent des couches de guitares enregistrées au fur et à mesure avec une pédale « loop » (boucle), duo batterie – guitare oblige !

Espérons des dates communes entre ces deux formations (évoquées en interview !), pour savourer en live ces deux titres destinés à être interprétés et à ne pas rester un projet discographique ponctuel. A titre personnel, c’est en concert que j’ai découvert tous les styles post-quelque-chose et qu’ils me font le plus vibrer, s’immerger et se laisser partir dans ces montées instrumentales qui vous emplissent tout entier, ont toujours dépassé pour moi le plaisir pris à écouter leur pendant studio, d’où probablement une sévérité que je regrette déjà, envers deux groupes dont je loue évidemment la démarche artistique à 100% !

Tracklist :

1. SaaR – Loved (08:30)
2. Maudits – Breken Pt. 1, 2, 3 (15:38)

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