Maussade – Insiipiiide

Le 31 août 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Arnaud : guitare Mickaël : guitare Djé : chant Laurent : batterie Nicolas : basse

Style:

« Blackened » Hardcore

Date de sortie:

16 février 2020

Label:

Autoproduction

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 6.5/10

« Avec un peu plus de chaleur dans le nihilisme, il me serait possible – en niant tout – de secouer mes doutes et d’en triompher. Mais je n’ai que le goût de la négation, je n’en ai pas la grâce. » Emil Cioran

J’ai toujours aimé la dimension philosophique du nihilisme. D’abord parce que cela me rappelle mes cours de philosophie en terminale littéraire, et aussi parce que c’est probablement une des notions philosophiques les plus répandues dans le milieu metal. Et le plus étonnant est que beaucoup de groupes l’utilisent à leurs sauces et ne peuvent pas faire autrement puisqu’il n’existe pas de réelle définition du nihilisme. Celui que nous connaissons le mieux est celui de Nietzche et son fameux « Dieu est mort », selon laquelle le nihilisme serait une transition pessimiste pour construire une société meilleure. Ce n’est donc pas si étonnant de constater que le metal, qui est en quelque sorte une négation des valeurs sociétales les plus controversées, retrouve des atomes crochus avec le nihilisme puisque l’écrasante majorité des groupes, sans s’en rendre compte pour certains, font du nihilisme la recherche intrinsèque d’un idéal. Rares sont les groupes aujourd’hui qui ne sont pas dans le pessimisme pur, sans l’associer à une forme de nihilisme. Et je crois que, sans être certain à 100% de ma théorie, le groupe Maussade et son EP cinq titres Insiipiiide fait partie de ces perles rares et recherchées.

Selon Christophe Bouriau  » Par pessimisme radical, il faut entendre non pas une simple disposition à voir les choses en noir ou sous leur mauvais côté, mais une vision négative du monde ontologiquement fondée, interprétant le mal (la souffrance et l’injustice) comme la suite nécessaire de l’essence et de la racine du monde (le vouloir) ». Autant j’ai été emballé par cette perspective philosophique, autant j’ai un peu déchanté à la vue de la pochette. Mais d’abord, petite présentation du groupe. Maussade est un groupe formé en l’année Inconnue après JC et nous vient de la région Grand-Est. On n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent si ce n’est qu’Insiipiiide constitue leur premier EP. Pas grand chose en termes d’informations, et je me retrouve comme un couillon de la Lune avec ce CD en boitier carton et à ne pas savoir quoi en faire… C’est bête mais j’aurais vraiment aimé un papier A4 avec quelques informations dessus, ça ne mange pas de pain quoi… Cela peut être un oubli de la part du groupe et je peux comprendre. Mais si ce n’est pas le cas, je trouve l’idée d’envoyer un CD sans explication assez dérangeante. J’ai farfouillé un peu sur Internet et j’ai simplement vu que les musiciens avaient tous une expérience certaine de la musique avec plusieurs groupes à leurs compteurs (Six Grammes Eight, Deadman’s Shoes, Khasm, Lord of the Brett Stones), tous très éclectiques.

Surtout que la pochette de prime abord n’est pas très engageante. C’est quand-même à la limite de la déplaisance de proposer un design pareil. Je ne reproche rien aux clous et aux boulons qui jalonnent l’artwork, car en eux-mêmes ils sont plutôt bien dessinés et forment le M de Maussade (même si, lorsque vous allez sur le Facebook du graphiste qui a créé cet artwork, vous vous apercevez qu’il est capable de faire mille fois mieux, et j’exagère à peine!), et celui qui est au dos de la pochette l’est tout autant avec le nom des morceaux qui sont en fait les lettres de « INSIIPIIIDE » mais ne pas mettre le logo du groupe est selon moi une grossière erreur de communication. Vous êtes chez un disquaire, vous arpentez les rayons à la recherche d’un groupe à découvrir, quand vous tombez sur cette pochette, sans explication ni le nom du groupe devant, vous choisissez ce CD? Sincèrement? Moi, clairement, non. Car pour moi, c’est au meilleur des cas une erreur de communication et cela peut s’excuser facilement, au pire c’est une démarche artistique vide de sens et qui montre un manque de sérieux dans cette dernière. Une pochette à revoir pour moi, aucun intérêt d’autant que je ne comprends pas l’idée de mettre des clous et des boulons derrière le mot « insipide »… Et encore moins avec l’hypothèse d’une pensée pessimiste (qui reste une hypothèse), le clou voulant tout et rien dire, et peut autant satisfaire un anti-chrétien, un chrétien ou un simple amateur des rayons de Mr Bricolage ou Leroy Merlin un dimanche après-midi.
PS : sur Metal Archives, le logo du groupe apparait, allez comprendre pourquoi la version envoyée n’en a pas…

Je vais vous faire une confidence : cette chronique était très mal partie et je prédestinais une erreur de casting, donc j’espérais secrètement offrir le CD à quelqu’un d’autre. Puis, voyant que comme beaucoup de CDs physiques en stock, ils ne trouvaient pas preneur du fait d’un manque de chroniqueurs et un contexte de covid-19 dont il serait inutile d’en détailler l’aspect, j’ai fini par l’écouter une première fois. La première écoute a été un vrai désastre. Je n’ai pas du tout accroché à ce metalcore dont le son manquait cruellement d’épaisseur, avec un son incroyablement aigu au point de ne ressentir aucune basse fréquence y compris avec ces derniers à fond dans mon autoradio, et ce chant que je décrirai plus bas qui m’a fait grimacer d’effroi. Vraiment, mes premiers écrits s’annonçaient despotiques, péremptoires.
C’est fou ce qu’une chronique se joue parfois sur un détail : il m’aura suffi de découvrir que le groupe propose un « blackened » hardcore pour que tout s’éclaire et que je pénètre pleinement dans la musique. Voilà pourquoi il est important de fournir un semblant d’explication avec un CD messieurs…

Du coup, le son qui me faisait cruellement défaut et que je trouvais particulièrement horrible devient tout de suite un peu plus clair. Ce côté très black metal avec cette quasi absence de lourdeur et cette froideur sonore ne peut ainsi que me plaire, il y a de fait une grande part de psychologique, je le reconnais. Ce qui me laisse toujours un peu dubitatif reste que j’ai l’habitude d’un côté du black metal linéaire et de l’autre d’un hardcore/metalcore avec beaucoup de variations rythmiques, et d’entendre ce dernier avec un son aussi épuré me laisse moins en extase que les autres amateurs du genre. J’ai du mal à passer outre cette dissonance habituelle et il me faudra longtemps avant d’accepter la subtilité de Maussade. Elle est d’ailleurs tout à fait raccord avec sa volonté de pessimisme et de noirceur et, si elle est originale, elle n’en demeure pas moins intelligente! Du coup, ce son finira par bien me plaire et je trouverai par la suite le chaînon manquant entre le -core et le black, ce qui est amusant quand on sait qu’ils ont tous les deux la même racine avec le thrash metal. Deux entités différentes, cousines de surcroit et qui se retrouvent, cela fait une forme de consanguinité sonore! Mais une consanguinité qui passe bien si on fait fi des tabous musicaux.
A noter cependant quelques améliorations à apporter dans la batterie qui sonne un peu trop en retrait, ou il faudrait baisser les guitares qui sont trop hautes c’est selon les différents points de vue. N’oublions toutefois pas que nous sommes face à une autoproduction et que toute erreur peut s’expliquer par un manque de moyens financiers par exemple.

Par rapport à la musique, il y a en tout cinq morceaux et trois instrumentaux. Ces derniers sont les morceaux avec les « i », donc « I », « II » et « III », petite originalité. Ils sont d’ailleurs de très bonnes factures, j’aime tout particulièrement le premier qui se compose d’une simple guitare et de quelques effets qui donnent une dimension très noire, un peu comme l’introduction de l’album The Infection de Chimaira. Je trouve cependant les morceaux très estampillés hardcore, avec peu de place à de potentiels passages blastés comme dans le black metal ou sur les harmoniques. En fait, la subtilité du groupe et de son fameux « blackened hardcore » se situe essentiellement dans le son et le travail en studio, le reste est résolument très hardcore avec des breakdowns, des variations rythmiques et de tempo caractéristiques du genre. J’ai bien nuancé mes ressentis, suffisamment pour parvenir à entrer dans l’album et y trouver un intérêt objectif pour le public. Mais ayant du mal de base avec le hardcore et étant toujours un tout petit peu parasité par ce son, j’ai du mal à me projeter sur une éventuelle réécoute future et d’y donner une place de choix dans ma discothèque. En clair, je ne pense pas vraiment y revenir dessus, ou alors un peu de temps en temps, comme ça. J’apprécie toutefois beaucoup plus la noirceur générale de cet EP qui sonne purement le pessimisme comme je décrivais et qui parvient à sortir Maussade du lot et lui conférer un sentiment d’authenticité manifeste! C’est donc un constat à double tranchant dans lequel se situent d’un côté un sentiment d’amertume et de répulsion, et de l’autre une appréciation honnête pour tout le côté conceptuel de l’EP qui fait la part belle à un pessimisme caché certes, mais sincère.

Malheureusement, le chant ne réussira pas à me convaincre de pencher vers un positivisme à peine dosé. Je le trouve pauvre vocalement, sans réel volonté de se démarquer du reste, les variations étant trop peu nombreuses pour pleinement me satisfaire. J’aime déjà difficilement le chant hardcore, alors quand il ne varie pas d’un iota ou presque, j’ai tendance à ne pas vouloir continuer mes écoutes. J’aurais aimé qu’il rajoute ce soupçon trop vendu de black metal en étant, pourquoi pas, totalement en high scream, ou alors en trouvant un équilibre entre une technique -core et une autre high scream. Là, il est trop plat, trop linéaire pour lui offrir ne serait-ce qu’une petite puissance vocale. Il va falloir réfléchir à améliorer ce point précis, je pense.

C’est une chronique dans laquelle je serais incapable de savoir si je souffle le chaud et le froid de manière assez équitable sur l’EP de Maussade. C’est un peu la « phrase résumé parfaite » pour expliquer mon propos. Je souffle le chaud parce qu’il a réellement des points forts autour des morceaux en eux-mêmes, que le talent est là et est certain et que cet EP, premier en plus, n’est pas dénué d’intérêts pour les amateurs du genre! Mais je souffle également le froid parce que cette étiquette, osée on peut le dire, qui consiste à « blackiser » leur hardcore est encore à améliorer et souffre d’un peu de naïveté dans l’intention artistique, ou de facilité. Je pense qu’il ne suffit pas de donner un son ultra aigu pour construire une identité musicale originale comme cette prétention-ci. Il faut ouvrir son champ des possibilités à un concept plus large, dans l’artwork et la communication qui sont clairement à revoir en tout point, dans les compositions qui sont au final que de simples morceaux de hardcore un peu édulcorés, et dans le chant qui souffre d’un manque cruel de prépondérance. Un EP qui amène donc des bases, mais pas suffisamment solides pour en faire un bon CD sur lequel nous pourrions revenir souvent. J’attends la suite.

Tracklist :

1. I 02:01
2. N 04:39
3. S 05:02
4. II 01:55
5. P 05:01
6. III 01:04
7. D 05:06
8. E 06:19

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