Mòr – Hear the Hour Nearing !

Le 17 avril 2024 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • B.R. : guitare
  • B.S. : guitare
  • D.H. : basse, chant
  • N.F. : batterie

Style:

Raw Black Metal Atmosphérique

Date de sortie:

16 avril 2024

Label:

Les Acteurs de l'Ombre Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10

Il suffit d’envisager un seul instant la possibilité de sa disparition pour retrouver immédiatement le sens de la dignité humaine.” Yvon Boucher

Ce n’est pas toujours simple d’être signé chez un label. C’est le rêve de beaucoup de groupes, et moi aussi qui suis musicien, je me dis qu’être signé chez un label serait plutôt cool ! Mais en vérité, il y a des facteurs qui font que ce n’est pas toujours simple d’être sur le roster d’un label, qui plus est sur celui d’un qui a pignon sur rue. Parce que selon quand vous êtes placés dans le cadre de la sortie de votre album, si vous passez après un chef d’oeuvre ou un album immensémment attendu, c’est très difficile de vous faire une place dans le coeur des auditeurs. D’ailleurs, la logique s’applique aussi quand vous êtes indépendant. Il suffit que votre album sorte en même temps ou peu de temps après une grosse sortie, et c’est cuit ! Adieu la communication et la publicité ! Et votre album s’en voit escamoté. Il n’y a de toute manière pas de recette miracle, quand on est musicien de metal extrême, qui plus est de nos jours avec une perte exponentiellement décroissante de curiosité de la part du grand public. Alors, on survit. Et on a la chance quelques fois d’attirer l’attention des gens, des webzines et des organisateurs. Pour le reste, c’est de la débrouille. Bon, je voulais faire ce laïus parce que je suis précisément confronté ce jour à ce phénomène que je décrivais plus haut, qui consiste à voir son album proposé après des sorties tout simplement monstrueuses, hors catégorie même. Et les Dieux savent que ce n’est pas facile, alors il me faudra prendre un maximum de recul pour aborder ce nouvel album, pour ne pas tomber dans le piège moi-même de la comparaison. On y est tous tenté et c’est une grossière erreur. Mais s’agissant du premier album du groupe Mòr nommé Hear the Hour Nearing!, ma tâche s’annonce ardue.

Là où j’ai fait une monumentale erreur d’appréciation est quand j’ai commencé à me renseigner sur le groupe. Je pensais naïvement que parce que je n’avais jamais entendu parler du groupe Mòr, il était tout beau tout neuf. Or, première surprise à cette étape : Mòr existe depuis 2014 ! Et même si jusqu’à présent, les éléments discographiques n’auront pas permis au projet en provenance de Rouen en Normandie de réellement percer au grand jour, avec une première démo en 2015 et sept années écoulées pour sortir un album live (drôle de démarche par ailleurs de sortir un album live avant un premier album), il n’en demeure pas moins que ce premier album sorti chez les Acteurs de l’Ombre Productions était tellement vendu comme il est, à savoir une première signature chez ce label, que je pensais bêtement que c’était un tout nouveau projet. Comme le label est coutumier des nouvelles découvertes, cela m’a induit en erreur et a bien influencé mon écoute. Qu’importe ! Le duo français nous amène son premier album nommé Hear the Hour Nearing!, et qu’il mérite toute l’attention que nous pouvons offrir.

Et première surprise également, et non des moindres : la qualité bluffante de la pochette. Alors, le nom ne m’est pas inconnu puisqu’il s’agit de Sözo Tozö qui a crée un nombre de plus en plus croissant de pochettes que j’étudie depuis des années. Et je crois que, de mémoire, c’est un quasi sans faute pour ce graphiste. Hear the Hour Nearing! ne déroge pas à la règle avec ce paysage chaotique au possible, comme une mer déchainée par la tempête mais avec un curieux décor de montagne, comme si l’auditeur volait au-dessus et se retrouvait pris dans une tourmente météorologique terrible. Il va de soi que pour accentuer le côté enférique de la pochette, le créateur a grossi les traits avec de multiples orages au loin, un ciel sombre au possible, et surtout cet étrange et gigantesque demi-sphère, qui semble se remplir d’eau avec la pluie et qui commence à faire couler une grande quantité d’eau sur les dites montagnes. Je vous passe la présence des comètes ou boules de feu qui tombent aussi en même temps que la pluie. Au début, je vous avoue qu’outre la beauté incontestable de la pochette, je me suis interrogé sur le sens profond de cette dernière. En quelle mesure cet artwork illustre potentiellement un « entends l’heure approcher » qui traduit donc une fin des temps, ou de quelque chose d’existentiel ? Et puis, je me disais que finalement, cette pochette avait un caractère cynique bien prononcé, avec ce qui me paraît être un monde déjà extrêmement chaotique, et qui voit sa fin arriver imminemment et matérialisée par cette coulée d’eau qui va noyer ce monde horrible, pour qui sait ! Le régénérer de meilleure manière. Le fait d’avoir trouvé un sens potentiel me permet en tout cas de valider totalement cette pochette qui non seulement est superbement bien peinte, mais en plus apporte une signification originale à la musique et à l’univers assez familiers tous les deux, du black metal. Bien joué !

Mòr, sans suspense quand on connait le label, officie dans un registre résolument black metal. Mais ! La petite nouveauté, que je n’avais pas entendue depuis un moment sur le roster du label, est que le black metal a ici une consonance particulière, qui est loin de me déplaire ! J’ai été frappé par la production de l’album qui dénote pas mal avec comme je disais, les sorties récentes. On se situe selon moi plus sur une résonance qui mélange subtilement atmosphérique et raw, et cela, c’est franchement surprenant. Le problème est qu’à mon avis, cette démarche ne fonctionne pas dans tous les morceaux, et à échelle réduite, sur certains riffs. J’aime beaucoup le raw quand il met en valeur des parties lead très mélodiques, que Mòr amène de manière intéressante. Mais certaines parties plus rythmiques, censées amener une lourdeur ou une certaine noirceur, voire un aspect aérien surtout quand on parle de black metal atmosphérique, je les trouve étouffées ou mal rabotées en mixage. Du coup, cela donne une sorte de marasme sonore plus moche que réellement disonnant, et je trouve cela dommage. En fait, selon moi, Mòr souffre de sa démarche artistique. Encore une fois, j’adore le raw black metal, mon partenariat avec le label Black Shadow Legions en témoigne beaucoup je pense, mais je trouve simplement que cet espèce d’entre-deux sonore, qui permet de mettre en avant une dimension atmosphérique de la musique, mais qui la dénature par moment, je pense que c’est un point à retravailler. Mais je m’égare, la production sera abordée plus tard. Musicalement, cela reste un album de black metal qui fonctionne bien, avec des morceaux qui démarrent par instant de manière brutale, chose que j’affectionne, mais qui se laisse aller à quelques belles mélodies guitares. Ce que j’apprécie chez Mòr, c’est cet aspect incisif et direct qui ne souffre d’aucune fioriture particulière hormis effectivement quelques parties lead. Il y a bien une forme de froideur qui transpire de la musique sur Hear the Hour Nearing!, et toute la violence qui en découle ne laisse aucun doute sur les intentions du duo de musiciens. C’est un constat à double tranchant en première écoute parce que d’un côté je me réjouis de voir une forme de changement dans les sorties 2024 du label avec un album estampillé plus raw, et d’un autre côté je fais un constat un peu moins extatique avec cette impression que la musique fonctionne bien mais souffre de l’intention artistique du groupe de faire dans le raw justement, alors que sur certains passages cela ne colle pas. Mais ce paragraphe n’est que celui de la première écoute, d’autres suivront. Et le constat évoluera certainement. Mais en tout cas, il y a un peu scepticisme à ce stade de ma part.

J’ai déjà fait un bout de laïus sur la production, indirectement à ce stade mais parce que dès le départ, Mòr assume une direction musicale très audacieuse, et donc risquée. J’entends par ici cet aspect raw black metal qui n’est finalement pas si évident que cela, comparé à ce qui se fait de plus sale sur la scène underground. On est finalement sur une sorte d’entre-deux sonore qui me surprend un peu, sans que je sois en capacité de savoir s’il s’agit d’une volonté assumée ou d’une légère maladresse dans la production. Je pencherais personnellement pour la première, non pas par complaisance mais parce que malgré ce qui ressemble à une errance dans le son, il y a quand-même une ambiance particulièrement malsaine qui se dégage. Preuve selon moi que Hear the Hour Nearing! est sur un fil conducteur sonore précis. Après, selon moi, cette volonté de mélanger le black metal atmosphérique et le raw black metal, si elle est effectivement très audacieuse et donc à souligner, il n’en demeure pas moins que cela ne fonctionne pas partout sur l’album. Il y a des moments avec les parties lead mélodiques qui sont géniaux, mais les riffs plus rythmiques ne sont pas bien audibles et cet espèce d’occupation abusive du spectre sonore que l’on retrouve au meilleur des cas dans les styles plus lourds comme le sludge metal ou le death metal, et au pire des cas dans le raw bien bien raw, fait que l’on grimace un peu. Ce n’est bien évidemment que mon humble avis, et ce que je dis est à prendre certes avec une objectivité que vous ne pouvez pas m’enlever, mais cela vient également des émotions. Et quand j’écoute Hear the Hour Nearing!, je suis convaincu, au regard de la qualité des compositions en termes de riffs, que Mòr peut faire largement mieux. A voir donc la prochaine fois !

Si l’on s’arrête toutefois sur l’aspect conceptuel de l’album, étant donné que le groupe n’apporte pas plus de précision, je pense qu’il ne s’agit pas réellement d’un concept-album mais d’un recueil de morceaux tout simple, mais efficace puisque l’on note une forme de déroulé logique dans le processus d’écoute. En fait, c’est un album qui s’écoute sans se creuser la cervelle, et cela permet à l’auditeur de subir. Subir une violence toute black metal, faisant l’éloge de la fin des temps, du chaos et de la noirceur, recette finalement très classique, qui fonctionne toujours autant et se veut définitivement intemporelle, avec cette légère nuance que nous avons développée longuement plus haut. Partant de ce principe, il n’y a pas plus à dérouler. Hear the Hour Nearing! est un premier album prometteur, qui souffre de quelques améliorations mais je ne suis pas du tout inquiet quant à la suite, vraiment.

Passons désormais au chant, paragraphe qui me tient toujours autant à coeur. Là encore, on reste sur du classique, avec une technique en high scream assez commune mais quand elle est exécutée avec justesse, comme c’est le cas ici, apporte une touche finale de noirceur qui n’est jamais en trop. On ne parle jamais de l’importance du chant dans la musique, parfois le seul apport de lignes mélodiques quand il s’agit du chant clair. Dans le cas du metal extrême, on est plus sur une forme de rythmique, mais avec les envolées qui caractérisent le chant saturé, et la tessiture qui occupe là aussi un espace important dans le mixage, on a un chant comme le fait Mòr, soit redoutable et tortureux. Encore une belle preuve que pour un premier album, quelques bases sont déjà bien posées, et le chant me semble être celle qui rythmiquement et vocalement, a déjà bien ancré ses racines. Joli boulot !

Pour conclure cette nouvelle chronique, j’ai eu l’honneur de faire le premier album de Mòr appelé Hear the Hour Nearing! Un nom qui sonne comme un apocalypse musical certain, et l’on est sur quelque chose de bien connu avec un black metal qui se teinte de quelques nuances atmosphériques qui fonctionnent bien souvent de manière efficace, et petite particularité propre au quatuor rouennais : une dimension bien raw qui tranche avec les sorties précédentes de son label. C’est de cela où je voulais en venir en introduction, vous l’aurez compris. Je pense que ce que j’ai pris pour des errances sonores du point de vue de la production n’est finalement pas un gros défaut rédhibitoire, puisque les compositions marchent bien, voire très bien dans l’ensemble. Cependant, le timing n’était peut-être pas le meilleur pour sortir un album comme celui-ci, plus « garage ». Il n’est pas simple de prendre la continuité de sorties aussi glorieuses comme Griffon, Pénitence Onirique et A/Oratos par exemple, qui font du black metal plus moderne, plus conceptuel, donc plus « dans l’air du temps. » Mòr tranche bien entendu avec ses sorties par son aspect plus raw, mais il faut tout de même lui accorder de l’audience car au-delà de la production à améliorer, l’album, qui est le premier, est très prometteur pour la suite. A suivre de près !

Tracklist :

1.     The Vanishing of Matter     05:13
2.     Eden     04:29
3.     Third Path     05:31
4.     The Apprentice     03:24
5.     Cave of Shadows     03:05
6.     The Letter of Loss     08:09
7.     Sulfur     04:37
8.     Sutcivni Los     03:29
9.     Smaragdina     05:51

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