Line-up sur cet Album
- Cédric : basse, chœurs
- Joël : batterie
- Ilann : guitare, chœurs
- Maël : claviers
- Pierric : chant, guitare
Style:
Black Metal FolkloriqueDate de sortie:
18 juin 2021Label:
Inner Wound RecordingsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10
“La plus haute tâche de la tradition est de rendre au progrès la politesse qu’elle lui doit et de permettre au progrès de surgir de la tradition comme la tradition a surgi du progrès.” Jean d’Ormesson
Il fut un temps où la Suisse m’avait offert un petit paradis de metal, dans le genre assez fermé de black metal folklorique. Il y avait à un moment un formidable vivier de « petits groupes » qui ne demandaient qu’à percer et qui avaient selon moi largement l’étoffe pour y arriver. Si la vie n’offrait pas parfois des instants d’instabilités et de remous, la Suisse aurait eu vraiment de très bons groupes dans le style. J’ai eu, en tant que musicien, l’occasion de disputer le bout de gras scénique avec trois d’entre eux : Kaatarakt, Hypocras et Trollort. J’ai sincèrement mes meilleurs souvenirs de concerts avec mes camarades qui ont délaissé aujourd’hui les champs de bataille pour se consacrer à d’autres joyeusetés et autres grivoiseries. Mais, décidément, la Suisse a d’autres groupes dans sa besace, et je pressens qu’il va y avoir une belle relève, si elle perdure plus longtemps en tout cas. Vous avez en effet Norvhar, Calarook et Battle Tales qui pointent fièrement le bout du naseau, et qui se défendent superbement bien pour les avoir vus en concert au moins une fois. Souvenir mémorable d’une date à Dijon où nous avions fêté sous les airs de Mexico la fin de soirée… Chouette souvenir n’est-ce-pas Cassie di Carmilla ? En tout cas, c’est définitif, j’adore la Suisse d’abord comme pays, ensuite pour sa propension naturelle à faire éclore des petits génies du black metal folklorique ! Au diable Eluveitie ! Depuis qu’il n’y a plus Anna Murphy, mon amoureuse secrète, mon succube dissimulé, je les aime encore moins. Mais en tout cas, il y en a un autre de groupe que je suivais jusqu’à présent dans l’ombre, et que je suis tout heureux de faire en chronique ce soir ! Ce groupe, je l’ai réservé pour la fin, c’est Morgarten. Et son deuxième album « Cry of the Lost » s’annonce sous de bons augures. Voyons voir !
J’ai beau suivre le groupe et m’en vanter, il n’en demeure pas moins que je ne savais pas grand-chose de sa biographie. J’ai ainsi découvert avec stupeur (et tremblements, par manque de caféine) que Morgarten existe depuis 2005 ! Je parle de « stupeur » puisque le premier album du groupe appelé « Risen to Fight » est sorti en 2015. Dix longues années auront été nécessaires pour que le groupe originaire de Neuchâtel puisse accoucher de sa première légende guerrière. Surprenant constat ! Je ne vais pas le cacher plus longtemps : j’avais beaucoup aimé « Risen to Fight« . Et puis… Plus rien. Du moins en format studio puisque le quintet a continué à se produire en concert, et heureusement ! Mais après avoir sorti un petit bijou, le groupe a préféré mettre probablement toutes les chances de son côté pour que ce deuxième album soit signé chez un label. C’est chose faite ! Après donc six années supplémentaires, Morgarten a rechaussé ses armures et ses épées pour venir guerroyer avec nous sur « Cry of the Lost« . Autant vous dire que Simon Jérémy a déjà vomi ses gencives de porc tellement il est content ! Alors ? Qu’est-ce-que ça donne ce deuxième fait d’armes ? « Je crois que la question, elle est vite répondue. »
En tout cas, la pochette de ce deuxième album est vraiment cool ! La première aussi m’avait plu, mais j’ai le sentiment qu’un cap a été franchi avec l’élaboration de ce présent artwork. La qualité du graphisme en témoigne et il y a un luxe de détails qu’il n’y avait pas auparavant. Solide travail fait avec la représentation de ce que pourrait être « le cri des perdus », avec ce guerrier épuisé qui semble mettre un genou à terre, coincé dans un blizzard glacial et un paysage plein de pièges, montagneux et enneigé. On devine bien à la mimique terrible du gars qu’il passe un sale quart d’heure ! L’étendard noir et en lambeaux avec le logo Morgarten dessus rajoute un côté funèbre à l’image, un peu comme le voile noir qui ramène Thésée à Athènes et qui précipite la mort de son père. En tout cas, même si l’on pourrait penser que nos amis suisses tombent quelque peu dans le cliché de ce qui se fait de mieux en ce moment en musique, soit les vikings (ce n’est pas moi qui vais dire le contraire), j’aime beaucoup cet artwork. Il est d’une belle qualité avec cet aspect peinture dont on devine surtout le travail fait par ordinateur mais l’imitation n’est pas loin d’être authentique. Un beau travail donc, convaincant pour les vaincus !
Morgarten joue donc, sans suspense, la carte bien suisse de ces années 2000 / 2010 avec l’avènement d’un black metal aux forts accents folkloriques. Le premier album m’avait déjà mis dans l’ambiance, il en est de même avec « Cry of the Lost« . C’est marrant comme on pourrait croire que les musiciens de chaque groupe cités en introduction semblent s’influencer mutuellement ! Il y a des ingrédients en commun, notamment l’utilisation massive des claviers avec de temps en temps quelques touches d’instruments traditionnels. Morgarten joue en tout cas non pas la carte de l’épique, quoique de temps à autre sur des pistes si, mais plus d’un black metal froid et pessimiste avec toutefois cet apport non négligeable d’aventures, de guerres sans merci et de légendes qui font la touche folklorico-épique chère à ce beau pays frontalier. En tout cas, l’album est vraiment plaisant, j’apprécie tout particulièrement ses claviers omnipotents et la rapidité en mid tempo, donnant un côté sombre et profond à la musique. Je suis en tout cas bien content de voir un groupe qui ne surfe pas sur ce qui se fait de plus parlant, et qui offre une autre vision de la culture viking avec ces mélodies plus pessimistes que réellement hymniques que l’on entend fréquemment. C’est donc sur un constat plein de surprises que je découvre l’univers de ce deuxième album, qui me rappelle évidemment le premier dans son approche musicale globale, mais qui offre de très bons moments folkloriques ! Chouette boulot !
Pour la production, énorme surprise aussi : le nom de Jens Bogren au mixage ! Alors celle-ci, je ne l’avais pas vu venir ! Je suis resté coi. D’abord parce que je suis plus habitué au death suédois qu’a façonné avec brio Jens Bogren, et ensuite parce que je n’avais pas reconnu sa patte maitresse sur « Cry of the Lost« . En même temps, le mastering a été assuré par quelqu’un d’autre, en l’occurrence Tony Lindgren qui n’est pas un nom inconnu non plus d’ailleurs. Voilà donc du très très lourd ! Le résultat est un son irréprochable, avec une certaine mise en avant des guitares qui propulsent les mélodies au premier plan, et le plus étonnant réside dans les moments de blast, où si l’on peut qualifier le black metal de moderne, il n’en demeure pas moins que les riffs sont aiguisés au possible. J’aime bien cette modernité qui sonne bien dans le black metal, sans tomber dans l’outrecuidante exagération dans les tempos. C’est une belle manière de distribuer des riffs épiques ou froids, selon les convenances, que de mettre en valeur les guitares. Seule question : la batterie. Je la trouve pour le coup un peu trop en retrait et sonnant de manière étrange, comme si certains fûts n’existaient peu ou pas. Mais bon, je me dis que c’est probablement mes enceintes ou ma voiture, à voir… En tout cas, très beau son, Morgarten s’est largement donné les moyens de mettre deux sommités dans l’ingénierie du son, et le résultat est qu’excellent !
C’est marrant parce qu’après avoir écouté Morgarten, j’ai eu envie de me replonger dans divers CDs que j’ai chez moi, des groupes de black metal à la vinaigrette paganique, comme Pagan Reign ou les premiers Ensiferum. Comme si « Cry of the Lost » avait réveillé la nostalgie d’une belle époque, musicale et mentale. Les compositions sont en tout cas parfaitement menées, on ne tourne pas en rond hormis quelques petites répétitions dans certaines pistes mais qui sont inhérentes au style. De fait, Morgarten ne révolutionne pas le genre black folk, mais il essaye de faire sa route tranquillement et je pense qu’il faut prendre ce deuxième album comme tel. De la prétention, certes, mais à dose normale. En tout cas, j’y vois aussi une forme d’hommage à une époque révolue, une époque que l’on a trop souvent glorifiée et alambiquée pour n’en tirer que de l’hyperbole. Il y avait aussi des faiblesses notoires dans ce peuple fier, en témoigne cet album qui parle à plus grande échelle des déboires et des moments d’égarement de ces héros de jadis. J’aime bien cet album parce qu’il me rappelle ce que j’essaye de faire dans mon groupe : désacraliser le mythe du guerrier pour le rendre plus humain et a fortiori, plus proche de nous. Voilà ce que je retiens des nombreuses écoutes que j’ai pu faire, j’en tire une belle conclusion pour un bel album. Qui, je le répète, ne va rien changer de particulier dans le genre musical, mais va sûrement s’y inscrire, et durablement on l’espère.
Un mot comme souvent pour le chant, qui s’avère être une belle pièce maitresse. Une technique bien huilée avec quelques arrangements studio opportuns non pas pour masquer les quelques incongruités mais pour donner une certaine importance, cela donne donc une voix bien portée, saturée évidemment en high scream et qui est bien à l’aise avec la musique. Une logique imparable de high scream pour le black, une recette qui fonctionne depuis la nuit des temps. Tout est à sa place, c’est impeccable. Les chœurs aussi sont d’une grande importance dans la musique, et je les trouve vraiment bien ficelés. Autant certains groupes tombent dans une démesure en utilisant des chœurs, autant chez les Suisses de Morgarten, on en a fait une pièce rare et donc encore plus valable, donnant un aspect très rassembleur à une musique peut-être un peu trop clivante par définition. C’est une belle prouesse en tout cas, j’adore !
Point final de cette nouvelle chronique. Morgarten était au départ un groupe que je suivais comme cela, sans réellement approfondir le sujet, avec toutefois le premier album chez moi en format physique, que je m’écoute parfois. Mais « Cry of the Lost » sonne d’un point de vue objectif comme une sorte de confirmation. Le quintet suisse est un groupe bien talentueux, passionné et qui conte les pérégrinations mouvementées d’une condition guerrière autrefois authentique, aujourd’hui alambiquée. Ce deuxième album a été fait avec des moyens importants, le résultat se situe dans une belle initiative en black metal folklorique, et une belle découverte ! Franche belle découverte. Je vois bien mes (futurs) camarades (de concert ?) belliqueux écumer quelques contrées verdoyantes pour n’y laisser, après une setlist bien fournie, que la désolation. Morgarten est en tout cas un groupe prometteur, qui mérite que l’on s’y intéresse ne serait-ce que pour cette désacralisation du guerrier trop « marvelisé » et trop divinisé. Un guerrier humain, un album très humain ! Belle recette !
Tracklist :
1. Frères d’Armes 01:12
2. To Victory 04:36
3. Tales of My Lands 06:28
4. First Blood 04:38
5. Sons of Darkness 05:40
6. Oath of Allegiance 05:33
7. Peaceful Soul of the Dying 05:37
8. Die or Fight 04:19
9. Backed to a Flayed Tree 04:33
10. Dawning of the Reborn 05:40
11. The Last Breath 06:19
12. Meeting the Almighty 07:39
Facebook : https://www.facebook.com/pages/Morgarte … 99?fref=ts
Deezer : https://www.deezer.com/us/artist/785041 … ferredFl=1
Bandcamp : https://morgarten.bandcamp.com/
Instagram : https://instagram.com/morgarten_band?ig … atyssq5nh6
Myspace : https://myspace.com/morgartenband
Site officiel : http://www.morgarten.net/
Spotify : https://open.spotify.com/artist/4xKJfYRasExH6cgMmWlBpd
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