Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10

« Je viens des cavernes des morts et des portes de l’ombre où l’Hadès a mis sa demeure, loin du séjour des autres dieux. » Euripide

Dans les chapitres des pérégrinations inutiles de Quantum, je voudrais celui des groupes qui ne partagent pas les chroniques. On a eu un débat fort houleux récemment lorsque je parlais d’un groupe bien de chez nous qui, pour des raisons X ou Y, n’ont pas partagé ma chronique et ont fortement tardé à partager l’interview de notre cher ancien compère de Soil, Ascirias, et alors que d’ordinaire cette perspective me passe au-dessus, là j’ai eu envie de pousser un coup de gueule. Pourquoi? Parce que l’on parle d’une question de bienséance. Autant les groupes qui ne partagent pas les chroniques, honnêtement je m’en fiche un peu même si cela me fait toujours très plaisir d’avoir le peu de reconnaissance que nous avons le droit d’obtenir pour le bénévolat et la passion que nous mettons dans nos chroniques. Autant, les groupes qui ne partagent pas et qui ont la sincérité de dire pourquoi, voire même d’en parler après, j’apprécie. C’est un fait, quelques musiciens sont déjà venus m’en causer en message privé sur Facebook, je ne boude pas mon plaisir d’avoir le sens de la contradiction et de pouvoir trouver un apaisement. Car oui! On finit toujours par trouver un apaisement dès lors que l’on se recentre tous sur une même cause : notre culture. Et puis, il y a des groupes, fort heureusement une petite minorité, qui non seulement ne partage pas, mais en plus n’ont pas l’once d’un remerciement, le minimum syndical que l’on peut demander, pour ce que tu as fait. C’est arrivé récemment, sachez-le. Aussi, vous serez prévenus : à partir de ce soir, je veillerai un peu plus sur les groupes qui ont la décence de dire « merci », sans se sentir obligé (et c’est bien ainsi) de partager la chronique, et ceux qui s’en contrebalancent comme de leurs premiers préservatifs de pré pubères. Voilà, parenthèse refermée! Qu’on se le dire comme dirait la voix de Stentor Metalfreak! Passons dès à présent à la chronique du groupe Morticula Rex et de leur deuxième album nommé Autumnal Rites et qui, je vous rassure, n’a strictement rien à voir avec mon acharnement du jour.

Sous le nom plutôt rigolo de Morticula Rex se cache en vérité un duo de musiciens plein de promesse. Nous provenant tout droit d’Italie et de Sicile pour être plus précis encore, le groupe existe depuis 2018 et se présente avec déjà deux albums à son palmarès. Le premier s’appelle Grotesque Glory et était à l’époque autoproduit. J’avais entendu parler de ce premier album mais j’avais été totalement rebuté par la pochette avec de fausses références aux runes nordiques et le design que j’avais trouvé repoussant plus qu’autre chose. J’ai donc lamentablement passé mon chemin à l’époque. Je suis donc extatique de constater que le groupe a sauté de plusieurs niveaux la passade maladroite de Grotesque Glory pour d’une, signer chez un label (et un très bon) qui est Satanath Records, et de deux pour je l’espère montrer un vrai progrès dans tout. Me voilà donc prêt à déguster ce deuxième album qui se nomme Autumnal Rites. J’avais rigolé en disant qu’en ce moment, tous mes repas étaient constitués de Satanath Records, j’avais oublié de mentionner que l’addiction était passée à l’apéritif. Il ne manque plus que le café et on est complet!

Vous savez ce que c’est l’avantage d’être dans un label aussi bon que Satanath Records? Eh bien c’est que l’on vous propose tout le package! Aussi l’artwork a été fait par un des membres du staff, Alexander Prokofiev (aucun lien de parenté, « je suis fils unique »), et qui, autant des fois peut se lourder bien comme il faut (en témoigne la pochette de Graveyard of Souls), autant comme ici, il peut nous proposer une sorte de coup de maître. Parce qu’il en va sans dire que la pochette d’Autumnal Rites est splendide! Enfin, comparée à celle d’avant quoi. J’aime bien ces tonalités de feu sur un décor grisonnant. Le décor principal est constitué d’une ville fortifiée d’époque médiévale je dirais, avec donc de hautes flammes qui s’élèvent et qui contrastent bien avec les bâtiments encore debout, et quelques habitants qui font des processions macabres autour de foyers. J’ai vu aussi quelques âmes errantes à droite, et il me semble avoir discerné une sorte de visage dans les nuages en haut à droite. Cette scène figée me fait penser aux rituels de transformation par le feu que l’on fait à l’équinoxe automnale. En gros, il s’agit de purifier les âmes par le feu en brûlant les exactions passées, donc je verrais bien dans le cas de cet Autumnal Rites une référence païenne à cette purification symbolique, et transfigurée sur une scène de Chaos. En tout cas, j’ai été surpris de la référence! Je préfère mille fois celle-ci qu’à des éternelles tentatives d’hommage fallacieux au nordisme. Bon point pour vous, amis italiens, avec cette pochette attrayante et… Chaleureuse!

Mais loin de balancer dans le paganisme, Morticula Rex est plutôt du genre à faire dans l’épaisseur et un peu de fioriture pour une fois! L’appellation exacte selon moi, est death doom metal. D’habitude on est sur une forme inverse où le doom metal est ultra dominant notamment sur les tempos d’une lenteur subjuguante. Or, dans le cas de cet album, c’est plutôt un mélange bien ordonné des deux avec une très légère domination sur le death metal qui me fait du bien. En fait, ce qui change d’ordinaire, c’est que le tempo est relativement lent comparé au death metal ordinaire, mais pas assez pour que ce soit du doom. Du coup, cela donne un assortiment peu commun, une musique lourde mais suffisamment rapide pour ne pas nous endormir, et suffisamment lente pour laisser place à ce que j’aime le plus dans le genre doom metal « moderne » : l’altération! Morticula Rex ne tape pas dans le minimum syndical en termes riffiques, le metal est très complexe avec des jeux d’harmoniques à foison, des passages à la quinte qui sont très agréables, des parties mélodiques qui abondent et qui, changeant beaucoup, apportent chacune leurs lots de surprise. Donc on est loin de baigner sur les sentiers de l’old school, ou des musiques déjà entendues. Morticula Rex est un groupe qui innove beaucoup, expérimente bien et m’a offert ainsi une première écoute vraiment sympathique! J’ai été bien surpris par le niveau de ces derniers, j’y reviendrai plus bas.

J’ai juste été un peu circonspect quant à la production. On est très loin de faire dans le mal, je vous rassure! Mais je trouve le son un peu trop « blackisant », il manque d’épaisseur. J’attendais de la part de ces deux étiquettes un spectre sonore envahi par des épaisseurs dues aux retouches typiques des styles, mais j’ai plus eu un son assez sec, quoique bien loin de ce que j’ai pu entendre dans d’autres groupes estampillés à tort. Passé ce menu détail, on se laisse bien prendre au jeu et je me dis qu’il valait mieux un son un tantinet plus aigu pour caler tous ces arpèges et ces mélodies guitares envoutantes. L’autre grosse spécificité de cet album, à noter en gras presque : l’utilisation de la basse. Très présente et surtout très mélodique, elle sert vraiment de point d’ancrage à divers riffs des compositions, et ça moi j’adore par-dessus tout! Cette basse omniprésente et qui ne sert pas d’appui rythmique, je surkiffe! C’est l’un des énormes points forts de l’album mais aussi ce qui amène à mon avis cette carence sonore au niveau des gonflements des instruments. J’avais même cru pendant au moins la moitié de l’album qu’il n’y avait qu’une guitare… Mais bon. On va rester sur un constat positif et comme dit le proverbe : on ne peut pas tout avoir, le beurre, l’argent du beurre et la crémière. Même si on aimerait bien parfois… Donc on a une production qui est bien mais qui peut surprendre les oreilles les plus aguerries à l’exercice de la chronique ou de l’écoute intensive. Vous serez prévenus.

En fin de compte, c’est un constat que l’on fait tous quand l’évidence est flagrante : c’est vraiment un bon album. Bien composé, bien construit, avec une trame de boulot solide et répétitive, donc cohérente. J’aime surtout l’ensemble, c’est harmonieux et cela s’écoute facilement. J’aime bien l’interlude un peu détonante en termes d’accords, on est sur des tons presque un peu joyeux. Ce qui fonctionne superbement bien dans cet Autumnal Rites, c’est que Morticula Rex a bien préparé son coup. Les morceaux s’enchainent bien, ne sont ni trop longs ni pas assez, ce qui permet d’exprimer sans redondance aucune tout le potentiel de création des deux musiciens, et le mieux dans tout cela c’est que l’on pourrait se demander qu’est-ce qui démarque allègrement ce deuxième album puisque la musique a beau être mélodique et sophistiquée, elle n’est pas non plus hyper originale dans son rendu final. C’est ce qui m’impressionne toujours dans les groupes comme Morticula Rex qui parviennent à faire du neuf avec du banal en gros. Parce que j’adore l’album, vraiment. Mais au final on est face à un groupe de death metal qui, s’il n’avait pas d’apports mélodiques aussi marqués, aurait été un groupe lambda. Mais il y a ce petit truc en plus qui fait mouche. Et après plusieurs écoutes, j’adhère bien à la musique des italiens. Elle me parle. J’ai le sentiment de vivre des rituels violents avec ce death doom metal.

Pour les musiciens, j’expliquais plus haut qu’ils étaient redoutablement symbiotiques, presque des jumeaux, dans le sens où la composition est faite à quatre bras et deux têtes. Je m’explique : chaque musicien semble maitriser quelques instruments et s’amuse donc à tantôt jouer de l’un sur quelques pistes, d’un autre sur d’autres etc. Exemple : A. Wehrmacht s’amuse à jouer la basse sur les pistes 1, 2 et 6 tandis que Pavor Nocturnus en joue sur les trois autres qui ne sont pas instrumentales. C’est fou! Après chacun occupe un poste précis aux guitares, mais ils se renvoient la balle souvent au chant. Bon, seule ombre au tableau : Morticula Rex n’a pas de batterie, c’est une programmation rythmique, et c’est un peu dommage parce que les musiciens auraient pu s’entourer d’un batteur de session que cela n’aurait pas été de trop, croyez-moi. Même si les parties batterie sont plutôt bien construites pour des non-initiés, j’admets qu’un batteur aurait fait bien mieux. Mais bon! On ne peut pas avoir la perfection, bon gré mal gré les groupes qui nous le demandent intrinsèquement des fois… N’empêche qu’avec ces deux talentueux gaillards et leur travail, on a un résultat plus que probant et surtout très prometteur. Je regrette bien de ne pas avoir fait fi de la bienséance et de ne pas avoir écouté le premier album. Je vais m’y pencher dessus, juré!
NB : chose faite pendant la rédaction de la chronique, une belle pépite aussi avec quelques égarements sonores mais probablement dues à l’autoproduction. Mais globalement c’est le même rendu mélodique!

Le chant est plutôt bien également avec une réserve assez légère sur l’utilisation des différentes techniques. Car elles sont nombreuses mais pas toujours utiles. Je veux dire qu’il y a de très bien l’utilisation d’un growl medium, rarement en-dessous en termes de tessitures, et les narrations qui sont rares aussi mais vraiment chouettes. Cependant, les petites épandages de scream, ou high scream c’est selon, ne m’apparaissent pas du tout comme bonnes, voire franchement inutiles. Loin de rendre honneur à la musique, ce chant nasillard fait perdre toute saveur aux riffs bien lourds des morceaux. Heureusement, merci mes Dieux! Il est très rare. Sinon je pense que mon constat primaire n’aurait pas été aussi bon. Il faut bien maitriser ses choix de voix, puisque l’on est tenté de faire de la variation à l’extrême, sans se soucier du résultat final. Je le sais, je suis chanteur! Donc là, c’est exactement le piège où a failli tomber Morticula Rex. On est toutefois sur des techniques vocales bien travaillées, donc le chant en général, ils sont pluriels, est bien. Pas le point fort principal de l’album mais bien quand-même.

Pour conclure ce monologue soilien, Morticula Rex nous proposer un bon deuxième album avec une musique très attirante et bien ficelée. Un death doom metal assez rare dans cette configuration mais qui a le mérite d’être convaincant via la maitrise des parties mélodiques aux guitares, à cette basse incroyable et à cette production peu banale. Après, il y a de légers moments d’égarement, somme toute assez peu rédhibitoires mais qui peuvent surprendre. On n’est pas loin d’un très bon, il faudrait juste quelques retouches, mais l’essentiel est là concernant Autumnal Rites. Je suis resté un peu sur ma faim très honnêtement, je suis persuadé que le duo italien peut atteindre plus de sommets, mais loin de moi l’idée de dire qu’ils ne les ont pas déjà touché du doigt au moins une fois sur l’album. Quoiqu’il advienne, ce deuxième fait d’armes est digne d’intérêt, et mérite que l’on s’y attarde.

Tracklist :

1. Scars 06:18
2. The Great Devourer 04:13
3. Autumnal Rites 04:58
4. They Come Out at Dusk 01:09
5. The Silence Within 05:57
6. Days of Darkness 04:31
7. Sleeping Among the Dead 07:38

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