Mustasuo – Katharsis

Le 12 août 2020 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


  • Christopher Livingstone : Basse, Chant
  • Tomi Luimula : Batterie
  • Antti Saarilampi : Guitare, Chant

Style:

Crust Punk

Date de sortie:

5 juin 2020

Label:

Off Records Finland

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

« Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. » William Arthur Ward

Ce jour, je m’attelle à un genre musical que je n’ai encore jamais écouté, tout du moins à ma connaissance parce qu’au vu de ce qui s’annonce, il est fort probable que si : le crust punk. Alors, comme tout nouveau genre que j’aborde, j’ai fait mes petites recherches mais pas trop ! Parce que sinon, grande serait la tentation d’influencer mes ressentis sur la musique, alors je me suis contenté d’une vulgaire page Wikipedia qui explique, deux points ouvrez les guillemets : « Le crust punk est une forme musicale dérivée du punk hardcore et de l’anarcho-punk, mélangée à des riffs de metal. Le tempo est souvent rapide, mais plus raccourci que le thrashcore ou le grindcore. Le son musical en lui-même est décrit comme minimaliste. Les morceaux de batterie sont habituellement rapides, et font souvent usage du d-beat. »

En soi, cela ne veut que tout ou rien dire puisque globalement ces caractéristiques musicales se retrouvent dans des genres dérivés du punk, assez lambda. Alors j’ai cherché un peu plus et je suis tombé sur les caractéristiques plus conceptuelles. Alliant des thématiques assez punk avec un pessimisme qui frôle le maladif ou la mélancolie, je ne pouvais que titiller mon subconscient avec cette idée. C’est ainsi que mon premier groupe de crust punk à chroniquer (et espérons-le, pas le dernier) sera Mustasuo et son dernier album appelé « Katharsis« .

Alors, je vous laisse deviner de quel pays provient le groupe… Je vous laisse réfléchir : cinq, quatre, trois, deux un… VOUS AVEZ TOUS PENSE AU JAPON ! Comme moi ! Eh… Ben non. Mustasuo nous vient tout droit de Finlande, et de la bourgade paisible et verdoyante d’Oulu dans le Pohjois-Pohjanmaa c’est-à-dire le centre du pays. Evidemment, vous vous demandez ce que signifie Mustasuo, et j’ai la réponse : « marée noire ». Le groupe a balancé son fiel musical dans l’année 2015 et a depuis sorti un premier album autoproduit nommé sobrement « 7« , et un split avec le groupe du même pays et même de la même ville, Napalm Ted, qui fait du grindcore et du death.

Et nous voici donc avec le dernier nouveau-né du groupe qui s’appelle « Katharsis » et qui est le premier CD du groupe à être signé, chez Off Records Finland. Nous avons de fait une formation composée de trois musiciens, relativement jeune mais qui se lance en quelque sorte dans la cour des moyens-grands avec cet album sorti chez un label. Groupe prometteur ? C’est ce que nous allons découvrir.

Comme je ne connais pas du tout le genre musical de prime écoute, j’aborde la question de l’artwork avec un peu plus de trac que d’habitude. Car j’ai franchement peur de ne pas comprendre le concept général et de me tromper dans mon analyse et ressenti. Aussi vais-je d’abord voir un artwork qui me plait beaucoup et qui me surprend par sa qualité esthétique. S’agissant d’un sous-genre direct du punk je m’attendais à un genre d’artwork très « garage », ou en tout cas sans réel soin. Quelle ne fut donc pas ma surprise de voir ce tableau dont je n’ai pas pu lire le nom de l’auteur mais qui semble être daté des années fin 1800 (!) et qui reprend le côté effrayant des hiboux qui tournent la tête avec leurs grands yeux exorbités, comme dans un film d’horreur. Mais ici, c’est l’étonnement des hiboux qui prime, en regardant ce tableau (mise en abyme) d’où émanent des fumées blanchâtres du sol et deux hommes qui courent vers ces fumées dans une forme d’hystérie, de folie. Comme s’ils courraient à leur perte dirait Raymond Devos. Difficile de savoir exactement quel sens de la catharsis est repris ici avec cette mise en abyme. Je dirais l’interprétation qu’en a fait Freud en parlant de « sublimation des pulsions », qui permet à l’individu de les faire vivre dans le réel et d’y trouver du plaisir, comme un spectateur verrait une pièce de théâtre ou un spectacle et tirerait du plaisir de la mise en scène des pulsions et représentations intérieures. Ce qui expliquerait la contemplation des hiboux et l’émotion de vide ou de stupeur qui émane de leurs têtes.

En lui-même, l’artwork me sidère par sa beauté, sa potentialité d’analyse et sa recherche. Même si je n’aime pas les groupes qui s’approprient le travail d’un autre pour illustrer leurs propres œuvres, voyant que la signature de l’artiste est présente, je n’en tiendrai pas rigueur à Mustasuo et j’en tirerai même des conclusions plus que positives. Je suis totalement impressionné et j’ai vraiment hâte de me frotter à la musique. Tout amateur de frotteurisme que je suis, mais chut… (Je blague.)

Je m’étais pris une claque derrière la tête avec l’artwork, je me suis pris une pluie de coups en écoutant la musique. C’est simple, j’ai été subjugué. L’album est composé de dix morceaux mais j’ai fini ma première écoute comme s’il était passé trop vite, un peu comme dans un manège à sensations où vous avez à la fois cette impression de rapidité qui vous déconcerte quand l’attraction est terminée, et cette impression de lenteur quand vous êtes dedans qui vous tord les tripes d’angoisse et d’adrénaline. C’est exactement ce que j’ai ressenti : l’envie d’arrêter l’écoute et de reprendre mon souffle tant les émotions ont été… sublimées justement, et d’y retourner immédiatement le CD fini. La musique crust punk est donc cette entre-deux entre une musique punk agressive et « politique », et le sludge totalement malsain et lancinant. Enfin, je pense ! Moi qui aime le premier, et adore le second, il était donc écrit d’avance que j’adorerais le genre, et particulièrement donc l’album de Mustasuo.

Avant de développer la musique en elle-même, j’aimerais m’arrêter un instant sur le son de l’album qui déconcertera beaucoup d’entre vous car j’ai le sentiment que le principe du punk se retrouve beaucoup plus dans le son que dans le reste. Un son très minimaliste, avec très peu de retouches studio, qui laisse place aux instruments écrus, à la limite du supportable si j’ose dire quand on est habitué aux travaux en studio pointilleux. Personnellement, j’aime bien ce son, il fait du bien, il épure les oreilles et renouvelle un peu le cheptel musical. C’est encore une fois un paradoxe que je découvre souvent en faisant des chroniques : le fameux retour aux sources qui redonne du peps ! En tout cas, le groupe est composé d’une seule guitare et cela s’en ressent dans le son final mais de toute manière une ligne de guitare suffit largement pour un genre comme celui-ci où le polissage est rigoureusement déconseillé. Le son est donc comme je l’aime parfois quand j’ai besoin de me laver les tympans avec du brut de décoffrage, pour sûr que définitivement j’aime ce genre de musique.

Mais là où l’album fait très fort, c’est dans la musique bien entendu ! On est donc sur un entre-deux cinglant avec d’un côté le punk et de l’autre le sludge. Ce qui m’a frappé c’est cette alternance de passages lents et « lourds » (mais sans lourdeur sonore), et ces moments très agressifs où l’on reconnaîtrait presque des parties metal, avec une batterie qui explose littéralement de vitesse à la double pédale et à la caisse claire (un bon blast bien black metal presque !), une guitare qui oscille entre des cordes extrêmement distendues qui procurent un son doomy très agréable, et une basse qui, ma foi, ne s’entend pas trop, mais plus que la batterie pour une fois, et qui, je pense, accompagne la guitare pour lui éviter d’être trop toute seule. Et le résultat est que les morceaux sont tous, sans exception, très accrocheurs et donnent envie tantôt de se désarticuler lentement comme un mec sous LSD dans une rave-party, tantôt de tout massacrer autour de soi dans un élan de révolte profonde. C’est fou ! On ressent énormément d’ailleurs ce pessimisme qui est central et qui donne cette saveur limite dépressive à la musique. Clairement, on ne peut pas rigoler en écoutant du crust punk, ou alors vous êtes schizophrène et vous avez une énorme dissociation entre la réalité et les sentiments que vous avez. Mais comme je suis en vacances, vous vous démerdez avec votre psychiatre !

Bon Dieu, c’est ça le crust punk ? Mais bordel de merde c’est génial !

A noter que sur les dix morceaux, vous avez une longueur très raisonnable qui favorise l’écoute avec des titres qui durent un peu plus de trois minutes mais jamais plus, et d’autres carrément qu’une minute et quelques, voire moins ! Seul le dernier morceau est long et apporte un point final extrêmement torturé de sept minutes. De quoi vous achever le moral pour de bon, vous donner le coup de grâce ou faire tomber la guillotine sur vous.

Et surtout, le chant est absolument incroyable. Je me suis moi-même surpris parce que le chant me fait penser au groupe Kickback, que je déteste pourtant. Je pense que les amateurs du groupe parisien ne me diront pas le contraire, et c’est là que j’ai compris un élément essentiel : j’ai nommé le sludge et le punk en références, vous pouvez rajouter avec moi le hardcore. Et curieusement j’ai adoré ! Le hardcore n’est absolument pas dans mes habitudes d’écoute, mais dans le genre pas du tout, et je suis doublement surpris que le chant, ici, est comme les instruments : grège, abrupt, fruste. En lui-même, je le trouverais redondant au possible s’il n’y avait pas un tantinet de retouche. Mais là, j’adore parce qu’il amène cette touche de pessimisme et de marasme qui amplifie encore plus l’ensemble. C’est d’une dinguerie que j’aime ce type de chant, moi-même je n’en reviens pas. Mais je suis convaincu que si je l’aime, c’est en partie dû au fait que tout se complète idéalement dans cet album et que, dans un registre plus tortueux, moins bestial, je n’aurais pas aimé. Excellente surprise donc !

J’ai donc poussé le vice jusqu’à faire traduire les textes, qui sont écrits en finnois, pour comprendre et atteindre une forme d’état de grâce d’une certaine manière. Les titres sont assez simples en eux-mêmes, mais les textes, toute proportion gardée avec la qualité de traduction bien sûr, sont à l’image de ce pessimisme ambiant et ne vont pas par quatre chemins. Des phrases courtes, qui sonnent quelque fois comme des couperets et qui ne laissent aucune place à la joie. J’ai bien aimé aussi, même si mon côté littéraire aurait aimé des textes plus travaillés, plus engagés peut-être. Mais je me dis qu’au final, cela aurait dénaturé totalement la musique, donc je reste sur un constat positif. En tout cas, sans développer métaphoriquement les textes, on devine tout de suite les intentions malsaines du groupe et c’est finalement très appréciable.

Pour finir ma chronique, je dirais que cette expérience de découverte est plus que fructueuse. J’ai découvert un genre musical qui me plait beaucoup, qui me parle inconsciemment et qui m’a procuré un état de sublimation qui me laisse pantois sur mon canapé. Et le groupe Mustasuo m’a offert avec brio un exemple idéal pour commencer mon initiation. Ce deuxième album sonne déjà comme une vraie preuve de maturité musicale, même si le pessimisme n’est selon moi pas vraiment une forme de maturité. Mais musicalement parlant, le CD est une valeur sûre et amène l’Homme vers sa perte, assurément. Je vous recommande donc cet album, mais à ne pas écouter dans un état de dépression, sinon nous vous retrouverons dans les rubriques nécrologiques.

Tracklist :

1. Kärpäset 03:02
2. Katharsis 00:41
3. Kun illuusio särkyy 03:06
4. Tuomitulle 04:05
5. Tapahtumahorisontti 01:56
6. Houreuni 01:50
7. Tuhoaja 03:07
8. Turhuuksia 01:17
9. Kuilu 03:29
10. Noitaympyrä 07:12

Facebook : https://www.facebook.com/mustasuo
Bandcamp : https://mustasuo.bandcamp.com/
Spotify : https://open.spotify.com/artist/2TGIdLpzn4nNTk0M2IeG7p
YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCpYdCR … 06XmtZAEbg

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