Note du SoilChroniqueur (Seblack) : 9/10

Van De Mare Bereen est le premier album du one man band belge Nachtmaer. Pour autant on n’a pas ici à faire avec un oiseau fraîchement tombé du nid, son géniteur, Snoodaert, ayant sévi depuis de nombreuses années dans diverses formations en tant que guitariste de Kludde ou Welcome to Holyland, groupes évoluant dans un registre davantage Sludge que Black.

Avec Nachtmaer, Snoodaert entend affirmer une identité Black très influencée par la seconde génération des années 90. Et autant le dire tout de suite, il s’en acquitte avec un brio certain, les quatre compositions proposées ici étant de fort bonne facture.
On est effectivement face à Black Metal classique dans ce que cet adjectif a de plus laudatif. Le son n’est ni trop crade, ni trop propret, il y a des ambiances sombres, des mélodies lancinantes, et des variations de rythmes efficaces. Dans cette nuée de groupes se revendiquant des années 90, il y a ceux qui pataugent dans des imitations parfois tièdes et sans relief et il y a ceux qui se réapproprient totalement ces influences pour redonner naissance à cette musique. Nachtmaer fait incontestablement partie de la seconde catégorie.
Plus encore, Snoodaert parvient à donner un certain cachet à son univers musical. Si l’influence du Sludge n’est pas patente sur cet opus, elle n’est pas totalement absente. On le sent notamment au travers du premier morceau “ Marevlechten” et sa longue introduction menaçante. Toutefois sur cette piste comme sur le reste de l’album la dominante reste très nettement Black. Un Black tantôt nerveux ou parfois plus rampant voire atmosphérique avec quelques pointes de clavier.

Autre singularité de ce premier album, les paroles et le chant des quatre morceaux ont été confiés à quatre artistes différents. Quatre chanteurs, donc, et Snoodaert qui vont composer autour d’une thématique commune : celle du Mære ou Mare selon la langue employée. Qu’est-ce donc que cela? Et bien l’artwork devrait vous donner un indice. Dans la mythologie germanique, ce terme désigne une créature prenant la forme d’une jument qui vient chevaucher et tourmenter les hommes (ou les animaux) durant leur sommeil par des cauchemars ou en leur emmêlant les cheveux ou la crinière . Une créature mythique que l’on retrouve sous différentes déclinaisons sur le continent européen. Plus généralement, le terme “mare” semble désigner en vieux néerlandais un rêve. C’est d’ailleurs en partie de ce terme que vient le mot français cauchemar…et cauchemar en flamand ça se dit?… Nachtmaer ! (Merci Google Trad).

Cette figure du Mare est aussi assez représentée dans la peinture ou la gravure pré romantique ou romantique, pensons notamment au tableau “Le cauchemar” du peintre suisse Henry Füssli.
Alors, sans m’étendre outre mesure sur ce sujet, soulignons tout de même que Nachtmaer prend le soin d’approfondir sa musique avec une thématique à la fois personnelle, pertinente et intéressante, ce qui est toujours à mes yeux une plus value par rapport à un album lambda. C’est d’autant plus vrai que Snoodaert prend également le soin de détailler ses idées sur le livret de l’album afin que l’auditeur puisse avoir ces quelques clefs d’interprétations.

Une des craintes que l’on pourrait nourrir sur le choix du recours à quatre chanteurs différents serait d’aboutir à un manque d’unité de l’album. Ce n’est pas du tout le cas ici, d’une part parce que la musique composée par Snoodaert fait figure de liant et d’autre part parce que le musicien semble suffisamment connaître les artistes invités pour les faire correspondre à l’ambiance de tel ou tel morceau.

Pour le premier titre, déjà évoqué plus haut, c’est Cerulean, membre de Kludde qui s’y colle avec une texture de voix qui renforce le côté sombre de cette piste. Cerulean nous conte ici l’histoire d’une jument tourmentée par un Mare et que son fermier retrouve un matin, la crinière et la queue emmêlées et désormais incapable de travailler.
Pour le très mélodique “Mijn Vlucht Door de Nacht” le micro est donné à Acharantis (chanteur de Soul Dissolution et L’hiver en Deuil) qui apporte des textures de voix plus atmosphériques. Ici il nous raconte comment une personne se voit transformée en cheval et emmenée par la sombre créature chaque nuit.
La chanson “I am the Nightmare” est ensuite interprétée par Ronarc, connu jusque là pour ses méfaits au sein de Anrzaat et Ars Veneficium, un choix logique tant ce titre est agressif et venimeux à souhait. Ici le chanteur aborde le cauchemar tant du point de vue du monstre que de sa victime.
Pour terminer Ugluk du groupe Dissolve Patterns (et ancien chanteur de Kludde) raconte dans “De Drievoudschart” une expérience personnelle de paramnésie et de cauchemars.

Avec ce premier album, Nachtmaer parvient donc à proposer un album tout à fait remarquable par ses différentes dimensions et sa profondeur. Sa musique parlera à ceux qui apprécient le Black Metal incisif et mélodique. Son concept ravira plus encore ceux qui apprécient les œuvres approfondies et abouties. Une des premières belles découvertes de cette année 2023.

Tracklist :

1. Marevlechten (10:38)
2. Mijn Vlucht Door de Nacht (07:35)
3. I am the Nightmare (07:03)
4. De Drievoudschart (13:27)

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