Line-up sur cet Album
Nagaarum : tous les instruments, paroles
Style:
Drone ambiant / Doom metalDate de sortie:
15 mai 2020Label:
NGC ProdNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
« Il est vrai que le confinement n’est pas le même pour tout le monde. Même en cas de crise sanitaire, la lutte des classes a de beaux restes. Certes, à la morgue, tout le monde se ressemble, et ce virus semble apprécier particulièrement ces classes supérieures mondialisées qui partagent leurs postillons dans les aéroports. Léger sentiment de revanche chez tous les autres, en attendant d’être contaminés à leur tour. Mais à présent que chacun se retrouve face à lui-même, et face à son intérieur, il faut avouer que la sélection sociale reprend ses droits. » Natacha Polony
Vous n’êtes sûrement pas sans savoir, vu que l’on est inondé partout d’informations toutes aussi contradictoires, que nous sommes dans une période de crise sanitaire marquée. Par un méchant, très méchant coronavirus, qui décime une partie de l’humanité depuis presque un an maintenant. Loin de moi l’idée de vous proposer un cours sur cette saloperie de virus, ni de paraître condescendant en vous disant quoi faire et quoi pas faire, ça… Je le suis déjà assez, surtout aux yeux de certaines personnes qui ne comprennent pas que mon rôle au quotidien est aussi de faire de la santé publique. Et je ne vise personne de Soil Chronicles, attention ! (NdMetalfreak : pour le coup, là, je ne me sens pas concerné ! « rires ») ) Simplement, cette introduction a pour but de mettre en lumière un phénomène consécutif à tout cela, et que je dois reconnaître, je redoutais un peu : l’inspiration artistique que cette crise engendre. Je ne sais pas si vous êtes adeptes des réseaux sociaux, mais j’ai pu voir, moi qui ne regarde que de loin mon mur Facebook, qu’il y a eu un avènement inquiétant de pseudo-artistes qui s’imaginent suffisamment talentueux pour laisser libre cours à leur imagination et « profiter » de cette période difficile pour mettre en musique le coronavirus (NdMetalfreak : sans parler de ces pseudo « justiciers des ‘rézososios' » qui n’en ont dans le froc que lorsqu’ils sont derrière leur clavier… ils en sont d’ailleurs mes private joke régulières dans mes écrits). Bon… En soi, je n’ai rien contre la liberté d’expression de chacun, mais j’ai tellement eu les oreilles qui saignaient que non seulement j’ai dû prendre du recul sur mon Facebook pour ne pas avoir une supernova dans ma boîte crânienne, mais en plus je me suis juré de ne pas chroniquer d’albums qui traiteraient de cette covid-19 de mes deux! Raté! Lamentablement raté puisque, dans mon souci obsessionnel de découvrir des groupes au petit bonheur la chance, je suis tombé sur le dernier CD de Nagaarum intitulé… Covid Diaries. Bordel de pompe à merde comme dit ma femme, me voilà bien obligé désormais.
Nagaarum est un extraterrestre pour moi. Parce que, oui! Monsieur Nagaarum est tout seul derrière son projet et le porte depuis 2011. « Seulement » serait-on tenté de dire, puisque ce charmant artiste hongrois, de Veszprém pour être exact, a sorti, tenez-vous bien : dix-sept albums depuis 2011! Cela donne une moyenne d’environ deux albums par an. Des musiciens qui sortent des albums en pagaille, j’ai eu mieux, souvenez-vous : Vetus Supulcrum et ces vingt-cinq groupes actifs par exemple. Mais celui-ci a une saveur particulière, d’abord parce qu’il s’agit du leader du groupe hongrois GuilThee que j’apprécie bien, et surtout parce qu’il y a une sorte de continuité logique dans ses sorties qui me laissent à penser que ce type est un boulimique de composition. Le voilà donc prêt à dégainer un énième album, et directement inspiré de la situation actuelle. J’imagine qu’il compose en fonction du contexte actuel et ainsi l’on pourrait s’intéresser de près à toutes ces œuvres, mais comme les trois-quarts sont en hongrois, je ne vais pas avoir le temps de tout traduire pour vérifier cette supposition. Je suis surtout étonné de voir qu’il y un label qui soit d’accord pour produire autant de CDs en si peu de temps, je m’attendais plus à un projet autoproduit et indépendant, mais bon. Comme quoi tout est possible. Ou peut-être que c’est son label… Je ne sais pas!
Sans surprise, qui dit covid dit covid sur la pochette. Ce n’est toutefois pas le signe le plus flagrant sur l’avant de la pochette, mais le dessus du CD est plus équivoque. J’aime beaucoup le jeu des couleurs qu’il y a, fluorescent, et qui donne un côté brillant au CD très agréable à contempler. Maintenant, je suis un peu surpris parce que la qualité du support envoyé est moyennement bien travaillée. L’image est vraiment floue, je ne sais pas si c’est consécutif au format d’envoi de l’image ou s’il s’agit de l’image originale, mais c’est quand-même vraiment flou. C’est un peu dommage parce que je suis certain qu’avec une bien meilleure qualité, l’artwork serait sublime. En plus, cela dénote un peu de ce que l’on a d’habitude en termes de musique macabre, toujours avec des pochettes en deux chromaticités différents, voir noir et blanc tout bête. Là, les couleurs sont limite éclatantes, cela change en bien. Alors pourquoi proposer une image aussi peu nette?… Je pense que c’est une erreur de parcours idiote, puisque les précédents artworks étaient tous réussis et bien nets. Un peu décevant tout ça.
NB : l’explication a été trouvée. Le format envoyée en dossier presse comportait le nom Nagaarum et de l’album, éléments qui n’apparaissent pas sur Metal Archives. Donc je pense que la modification a dû être faite après la sortie digitale de l’album. D’où la qualité d’image moisie.
Heureusement, la musique rattrape tout le problème. En même temps, ce n’était pas tellement difficile, cette erreur d’artwork étant plus anecdotique qu’autre chose au vu de ce qui nous intéresse : le contenu. Six morceaux décrits comme « expérimentaux », résolument c’est le cas! L’univers musical est varié, allant de passages dark ambient vers du drone metal bien lancinant, en passant par quelques incorporations doom, un peu stoner par moment, et une narration toute aussi variée allant du scream black metal vers une voix posée mais sombre. Définir la musique de Nagaarum sur cet album serait une grossière démarche, car manifestement la richesse musicale abonde. C’est l’avantage d’opérer en solo, l’univers musical est varié mais unilatéral dans le sens où tout passe par la même personne et l’avis, le recul et l’expérience sont issus de la même pensée créative. J’adore ces musiciens qui sont capables de pondre un CD rapidement, sans passer par mille étapes de production qui dénaturent trop l’intention et qui parviennent à proposer un tel concentré de richesse dans un seul CD, avec en prime dans le cas de Covid Diaries, très peu de morceaux qui sont en plus d’une longueur raisonnable. Même les atmosphères sont changeantes, allant d’un pessimisme à crever dans les tréfonds des abysses, à une sorte d’optimisme limite ecclésiastique. Je devine, après cette première écoute, que le message qui doit être interprété dans ce CD est totalement ironique, misanthrope et cynique. Un CD qui pue l’admonestation envers l’espèce humaine, je le renifle jusqu’à l’ivresse mentale et je le mets sur l’autel de la bien-pensance! Une tuerie cette première écoute.
Je trouve la production vraiment très bonne, laissant peu de place aux doutes. Le rôle difficile de la dark ambient est de reproduire non pas la perfection des sons que l’on peut entendre habituellement, mais de retranscrire les sons qui nous font du mal. Et ici, le gros travail qui est fait en sample reproduit bien ces sons que l’on n’aime pas entendre, qui suscite un malaise. Et sans que je comprenne pourquoi, ce type de sons me fait du bien. Donc vous pourrez en déduire que ce Covid Diaries me fait du bien! J’aime beaucoup les différentes étapes qui jonchent les morceaux et cette capacité à proposer des sons épars dans une même composition. Tout n’est pas parfait dans ce type de musique, j’en ai bien conscience. Aussi, fais-je abstraction assez facilement des erreurs de production comme le chant un peu trop en avant, les parties guitares qui sonnent un peu trop aigues pour mes oreilles, mais l’ensemble est globalement cohérent et flippant. J’adore l’utilisation des parties voix enregistrés sur des sources d’informations, ou des cris de protestation. En fait, la magie de cette production, c’est de véritablement nous entrainer dans la connerie humaine et dans la misanthropie totale. Autant mon aversion pour l’espèce humaine avait une saveur édulcorée par des éléments positifs de ma propre vie, autant après l’écoute de cet album, j’en viens à sérieusement me poser des questions sur l’avenir de notre humanité… Bon boulot donc de Nagaarum! Et la chanson publiée plus bas vous montrera le certain cynisme de Nagaarum.
Mais la très grande force de cet album, outre de nous embarquer dans des cogitations extrêmement pessimistes, réside dans la créativité des pistes. C’est d’une richesse incroyable. Je me souviens de nombreuses fois où je disais que j’adorais (et adore toujours) le groupe Aborym pour sa capacité à varier totalement leurs morceaux sans que l’album n’en soit éparpillé et illogique. Ici, non seulement chaque piste a son univers précis, mais en plus il parvient quand-même à nous entrainer vers des étapes de plus en plus macabres. Cet album Covid Diaries (quel nom ironique) fonctionne comme un compte à rebours et c’est grisant. Rapidement, vous vous apercevrez que l’écoute de ce disque est une ode à la fin de l’Homme. On a pour habitude de personnifier le déclin de notre civilisation avec des musiques rassembleuses, qui doit toucher le plus de monde possible. Covid Diaries est plus intimiste mais invite autrement l’auditeur à adhérer au discours musical de Nagaarum : il l’invite non pas à la suivre, mais à le comprendre. Et c’est une notion différente de ce que l’on entend plus communément. Les morceaux sont donc variés, riches en expérimentation, probablement un peu trop pêchu pour certains d’entre vous, mais il faut une bonne dose de recul, de base, pour accepter le cynisme, le pessimisme et la misanthropie artistique (et personnelle?). Alors, ne soyez pas surpris! Pour ma part, cet album est définitivement un excellent album. Et comme l’artiste est seul à mener sa barque et que les compositions sont excellentes, vous en conclurez aussi qu’il est un excellent musicien! Pas besoin donc de faire un paragraphe ou deux supplémentaires pour argumenter et défendre cet album.
Car, pour conclure, il s’agit bien de le défendre ce petit bijou. Sortir un dix-septième album en pleine période de crise sanitaire sur le sujet de la dite crise, c’est une énorme provocation. Un gros coup de poing en plein visage de l’humanité, et cet album est en lui-même une énorme prise de risque. Mais je pense qu’il fait partie des rares productions artistiques qui se servent de la covid-19 à des fins douteux, qui valent le coup d’être découvert et accepté. Au diable les pseudos artistes qui se servent d’une crise pour vendre leur musique! Au diable aussi les personnes qui se découvrent une soudaine âme d’artiste pour se montrer et espérer juste une pauvre visibilité dans leurs vies misérables! Voici venu un véritable album qui parle de misanthropie avec une telle richesse de composition, un tel talent et un tel cynisme que manifestement, vous n’en sortiriez pas indemne. Ce Covid Diaries de Nagaarum est une excellente pioche dans le genre, un très très bon album qui transpire la vision de l’Homme comme nous tous la voyons, nous qui prenons du recul un maximum pour se protéger de cette crise mondiale. Vous voyez? Je suis devenu profondément misanthrope l’espace d’une chronique, grâce à ce très bon Covid Diaries.
Tracklist :
1. Prelude for 2020 (05:48)
2. The First Ingredient (06:07)
3. Superstitious Remedy (04:45)
4. Competitors (03:14)
5. I Am Special (07:16)
6. Liquid Tomorrow (14:47
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