Line-up sur cet Album
Sami Kotila : basse Aki Pusa : batterie, percussions Atte Jääskelä : guitare Tapio Anttiroiko : guitare Hannu Karppinen : chant
Style:
Gothic metalDate de sortie:
27 Mars 2020Label:
Inverse RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10
“L’inertie seule est menaçante. Poète est celui-là qui rompt pour nous l’accoutumance.” (Saint-John Perse)
C’est lorsque l’on essaye d’apprendre à connaître le mouvement gothique que l’on se rend compte à quel point c’est un mouvement complexe, qui a surtout pris un essor tel qu’on le retrouve à peu près partout (dans le cinéma, dans l’esthétisme, dans la peinture, et bien entendu dans la musique). Mais alors, quand il s’agit de mélanger deux mouvements musicaux totalement différents comme le Metal et la musique gothique, autant vous dire que ne pas tomber dans les amalgames n’est pas chose aisée. Plusieurs fois, j’ai entendu des inepties du genre « voix féminine = metal gothique » ou, dès que l’on parle de certains sujets comme de la romance ou de certains personnages de légendes inspirés par de l’esthétisme gothique (Dracula ou Dorian Gray par exemple), l’on a du « Metal gothique ».
En fait, la question qui consiste à définir quelle place peut avoir la dénomination de Metal gothique est depuis longtemps sans réponse tant les avis divergent [et « divergent, c’est énorme » (Hans Aplastz, qui remercie Pierre Desproges pour son œuvre, bien sûr)]. Ceci n’empêche pas l’existence de groupes de Metal reconnus comme des pionniers du genre, comme Paradise Lost, Anathema, ou plus récemment Moonspell que j’ai vu au Hellfest et qui avait effectivement une imagerie sur scène assez gothique mais dont la musique metal ne me semblait pas pour autant si démarquée que cela d’autres genres. En ce qui me concerne, j’ai tendance à penser que la seule vraie chose qui relie les deux styles antithétiques, ce sont surtout les costumes et effets de scène mais, comme je suis assez néophyte en la matière, je peux me tromper. Et c’est dans cette démarche plus ou moins de conformation que j’ai décidé de me lancer dans une chronique d’un groupe qui se revendique du genre et, ce groupe, c’est Nicumo.
Alors, Nicumo est un groupe qui nous vient de Finlande, d’Ylivieska, petite ville dans le centre-ouest du pays. Le groupe a commencé son parcours musical en 2007 et a, depuis, sorti trois albums et, surtout, un nombre important de singles : huit au total, soit un album de plus en fait. Deux EPs entre 2010 et 2011 et quelques dates essentiellement en Finlande, avec de temps à autre des dates dans les pays Baltes, Norvège, Suède, Hongrie et surtout deux dates au Japon en mai 2019… Mais sinon, très peu d’exportation réelle depuis donc treize ans : c’est un groupe qui n’aura que très peu franchi les frontières autres que les pays voisins. Étonnant. Donc, on ne sait pas grand-chose sur ce quintette et l’album que je m’apprête à vous présenter s’appelle sobrement Inertia et je ne sais pas grand-chose non plus concernant ce dernier… C’est un peu l’inconnu quoi.
Comme il est de coutume désormais, je m’attaque à l’artwork et je suis bien au regret de dire que je ne ressens pas grand-chose. Graphiquement parlant, il est très bien élaboré : le style est très moderne et il y a beaucoup de soin amené pour le rendre « séduisant ». Je souligne d’ailleurs que j’aime beaucoup le logo du groupe, qui est assez tape-à-l’œil avec ce côté néon blanc flashy. Et le nom de l’album l’est tout autant.
Seulement, on tombe encore, comme souvent même, dans des clichés graphiques avec cette main agonisante qui monte vers le ciel en guise d’appel au secours, qui semble sortir des eaux comme la main d’un noyé, les eaux baignant dans une brume dont s’échappe un faible soleil en arrière-plan. Je ne vois pas tellement le rapport avec une inertie quelconque… Peut-être l’idée d’une « photographie » et donc d’un arrêt sur image comme une inertie. Mais, en elle-même, cette pochette sent le réchauffé, le manque total d’inspiration, voire même une espèce de plagiat intellectuel parce que, des mains comme celle-ci, on en bouffe à toutes les sauces et partout : dans les films, dans les photos, dans les pochettes… partout ! Pardonnez-moi l’expression mais ce genre de pochette devient pénible à la longue… mais vraiment dans le sens de la Pénibilité. Donc, si je devais résumer en deux mots : cette pochette me blase totalement, je n’y vois aucune recherche artistique subjective et donc strictement aucun intérêt du tout. Typiquement le genre de pochette qui me fait passer mon chemin chez les disquaires.
Par contre, en ce qui concerne la musique, c’est déjà un aspect différent. D’abord parce que j’ai eu le parti pris de faire comme s’il n’y avait pas d’élément gothique dans la musique, style Électro, Darkwave ou ces sortes de musiques. Peut-être y verrais-je ainsi des touches particulières dans le Metal qui est proposé par Nicumo et qui m’éclairerait sur « comment incorporer des pièces gothiques dans le Metal ? ». Ensuite parce que la pochette ne m’a pas du tout éclairé en ce sens, puisque je l’ai trouvée, au-delà de l’aspect déjà-vu, bien moderne et totalement en marge des imageries gothiques que l’on connait.
Voilà comment j’ai décidé de procéder pour mon analyse et je n’ai pas été déçu. Parce que finalement, la sphère gothique n’est pas si envahissante que cela dans la musique de Nicumo. Proposant un Metal qui penche clairement sur du mélodique, avec une orientation plus tourné vers une forme de Heavy Prog « à l’américaine » en quelque sorte, avec de petites incorporations légères de chant death mais qui demeure majoritairement clair. Mais ce qui est assez surprenant, c’est que la musique est parfois limite un peu pop-rock, avec une saturation moins agressive aux guitares et plus « passe-partout ». On devine que chacun a des influences différentes et, ce que j’apprécie, c’est qu’ils ont réussi à mettre toutes ces influences ensemble pour accoucher sur cet album et la musique est vraiment intéressante à l’écoute.
Quelques petites touches en plus amènent une dimension plurielle au CD, je veux pour exemple le saxophone au début du troisième morceau « Same Blood » ou un piano sur « Tree of Life » ou même des chœurs au début du morceau « Mother and the Snake ».
Mettant toujours de côté l’argument de vente du CD qui est le mot « gothique », je m’aperçois surtout que c’est un album extrêmement plaisant à l’écoute, qui change des groupes qui cherchent à tout prix à exagérer l’aspect romantique ou fantastique, voire paranormal, de leur univers. Ici, Nicumo est un groupe qui se veut moderne, avec des questions existentielles somme toute assez classiques, sans réelle personnalité derrière, mais qui, au moins, le font d’une part sans tomber dans le piège du commercial (et donc du « fade » sans vouloir généraliser) et, d’autre, dans le piège de l’extrême à tout prix (et donc de la démarcation ou du « scandale »). Une musique qui réussit à se situer sur un juste milieu artistique, c’est quand-même assez rare pour être souligné. Et qui dit « rareté » dit « du bien au moral du chroniqueur qui bouffe souvent des deux extrémités au petit-déjeuner et qui apprécie d’avoir un peu de justesse à midi ». J’en veux d’ailleurs pour preuve supplémentaire la longueur raisonnable des morceaux, dépassant rarement quatre minutes, ce qui est très appréciable !
Je vais passer directement au chant, qui est dans l’écrasante majorité clair mais qui peut se montrer de temps en temps en growl ou en plus agressif. Au plus j’avance dans l’écoute du CD, au plus je pense à un groupe qui ressemble beaucoup à Nicumo (attention ! « Beaucoup » ne veut pas dire « intégralement ») : Five Finger Death Punch. Et le chant m’a tout de suite conforté dans mon choix d’étiquetage artistique : je parlais de sensation que j’avais d’avoir en face de mes oreilles un Metal heavy prog « à l’américaine », je pensais sans l’avouer directement à Five Finger Death Punch, de peur de faire un amalgame foireux. Mais quand on entend le chant, c’est frappant de vérité ! La référence est à peine avouée d’ailleurs sur les supports Internet du groupe mais, en tout cas, de ma bouche, c’est un compliment parce que j’aime bien les Américains. Le chant est donc, à mon sens, l’identité qui se rapproche le plus des références du groupe : le Metal me mettant un peu en confusion, le chant m’a en effet fait tilt tout de suite!
Le son général est impeccable, rien à reprocher au mastering pour moi : du très bon boulot rendant l’écoute extrêmement agréable et mettant en avant le potentiel de ce groupe qui mériterait clairement de quitter ses frontières scandinaves plus souvent. Indubitablement !
Les paroles sont proposées sur le site officiel du groupe, ce qui est un excellent point, qui montre en tout cas l’importance de ces premières. Beaucoup de groupes ne le font pas donc je marque d’une pierre blanche celui-ci exprès.
Les paroles sont très bien écrites, le mariage entre le chant clair et ces dernières est une parfaite osmose, que ce soit au niveau de la rythmique, au niveau des chants employés et au niveau de la phonétique. En plus de cela, les sujets sont très allégoriques et la part belle est faite aux comparaisons et métaphores diverses. Je parlais, cependant, de sujets existentiels assez peu personnels dans le sens où ce sont des sujets que l’on retrouve énormément, comme la notion de rédemption dans « Mother and the Snake », la notion de trouver sa place dans le monde dans « Who you are », une face obscure dans chacun dans « Black Wolf », etc. Lorsque l’on aborde ce genre de thématiques communes, il est bon de le faire avec une technique de chant et mélodie aux petits oignons pour noyer la sphère de banalité dans quelque chose de beau ; c’est amplement réussi chez Nicumo et je ne peux que les en féliciter ! Contrat rempli même si, intérieurement, j’espère que le prochain CD sera plus travaillé là-dessus ; au vu de la qualité indéniable d’écriture des textes, il y aurait tellement de possibilités pour faire mieux que je refuse de croire que l’on restera sur du banal la prochaine fois.
Vous l’aurez compris si vous avez tout lu : avoir mis de côté cette étiquette obscurantiste de « Metal gothique » m’a permis d’aborder ce CD pour une chronique, avec suffisamment de recul pour conclure ici que c’est un excellent album ! Si l’on met de côté cette pochette insipide au possible cependant, il est excellent par la qualité, bien sûr, mais aussi par le travail de composition intelligent, sans accroc ni exagération, une musique qui ne tombe pour une fois pas dans le piège de l’hyperbole. Cela nous amène donc vers un CD qui s’écoute très facilement, réservé (je pense) à un public plus habitué à un Metal calme, posé, plus qu’un Metal très agressif. Limite, les amateurs de pop-rock pourraient s’y retrouver sans difficulté tant cet album de Nicumo est accessible à tous. Un excellent ouvrage qui en promet d’autres!
PS : Mais alors, je n’ai toujours pas répondu à ma question : où est la dimension gothique ? Si vous avez la réponse, faites le savoir en commentaire… Ou peut-être est-elle tout simplement au début de la discographie, et plus maintenant… ? Je ne sais pas du tout.
Tracklist :
1. Three Pyres
2. Dark Rivers
3. Same Blood
4. Witch Hunt
5. Tree of Life
6. Mother and the Snake
7. Who you are
8. Time won’t heal
9. Black Wolf
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