Noctu – Norma Evangelium Tenebris

Le 30 octobre 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Noctu : tous les instruments, chant

Style:

Blackened Funeral Doom Metal

Date de sortie:

02 septembre 2022

Label:

Dusktone

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 6.5/10

Des démons surviennent et repartent à tout moment, sans que les choses soient nécessairement perturbées par leur présence.Paulo Coelho

On dit souvent que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Je crois que c’est peu de le dire, on peut effectivement apprécier sa vie dans une banale normalité en se mettant quelques œillères, mais on ne peut pas dire que la vie soit protective avec ses ouailles. Quand vous vous rendez compte que les personnes dépressives ne parviennent tout simplement pas à accepter que la vie puisse être une succession forcée de mauvais moments, c’est qu’il y a un sacré paquet d’emmerdes.

Alors, je ne suis pas en train de faire un péplum sur ma vie actuellement, elle va bien même plutôt très bien! Mais je me fais mes réflexions quand j’écoute des albums, et celui de ce soir sent toutes les exhalaisons possibles, sauf celles de la joie. Me plongeant alors dans un état de malaise, je me suis mis à raisonner comme un idiot sur les malheurs de la vie. Je suis en effet très perméable sur ce qu’il se passe autour de moi. Pas forcément de l’actualité, plutôt de ce qui se déroule directement autour de moi. Et en ce moment, émotionnellement parlant, je morfle. Alors ce soir, je déblatère dessus.

La vie est une connasse des fois, une connasse qu’on subit. Alors je me dis dans ces moments précis qu’une bonne chronique revigorante, un truc qui donne la pêche va me faire le plus grand bien! Je me vois déjà en train de danser dans mon salon, à en déboiter le casque de mon pc et à faire flipper mes chats qui me regardent totalement statufiés. C’est du vécu, vous avez le droit de ne pas me croire mais je fais peur à mes chats quand je fais une chronique, ce qui revient à leur causer une trouille bleue tous les soirs ou presque. Bref! C’est donc dans des moments où on relâche les barrières que l’on a besoin de réconfort. Généralement, tel un Sylvain Tesson racontant ses voyages, j’expose sur papiers mes ressentis, et cela passe souvent par l’exercice de la chronique. Mais ce soir, alors que j’espérais du réconfort, je me suis encore plus enfoncé dans les abysses. Mais en même temps, je devais m’y attendre! J’ai été très bête en choisissant Noctu et son album nommé Norma Evangelium Tenebris. Vous voyez le topo?

Noctu est l’oeuvre d’un seul homme, répondant au même nom. Directement en provenance d’Italie, de la commune de Crémone, notre ami mène son bateau tout seul depuis l’an de grâce 2015. Sur ce projet éponyme, on peut dire qu’il n’a pas chômé, avec trois albums en comptant ce dernier, deux EPs, une compilation et un single, Noctu a déjà bien cheminé dans le milieu underground. C’est en fin de compte à peu près tout ce que j’ai à vous vendre en présentation, puisque le gonze joue la carte du mystère.

Maintenant, deux choses m’ont interpellé. La première est que notre camarade italien officie également dans Ghostlord que j’ai fait en chronique et que j’avais franchement bien aimé même si j’avais fustigé l’idée de se coller une étiquette sans la respecter pleinement. Du Quantum tout craché… Et la seconde est que les visuels de promotion sont très mystérieux et mystiques à la fois. Noctu cultive en effet une imagerie entre ce qui se fait dans le black metal avec des canons de bras à piques, et porte une sorte de plastron rouge sur un costume qui recouvre tout son corps, tête comprise, de noir avec un masque blanc. Les mains en position de prière mais plus sur quelque chose qui me rappelle l’orthodoxie. C’est… Etrange, ce melting pot de références. En même temps, on sent qu’on n’a pas affaire avec une personne ordinaire. Moi, je crois que Noctu s’engage comme un des projets les plus dérangeants que je connaisse. Et Norma Evangelium Tenebris ne va pas me faire mentir, loin de là.

La pochette en tout cas n’est pas tellement révélatrice selon moi du travail véritable en musique de Noctu. Pour vous la faire courte, elle n’est pas représentative. Visuellement parlant, je n’ai pas grand-chose à redire hormis que le groupe surfe sur ce qui se fait souvent. Un artwork macabre, qui multiplie les symboles mais laisse une place intéressante au vide sidéral bien noir derrière. Pour les apports, on n’a deux représentations démoniaques, sans tête, qui entourent avec leurs griffes une sorte de calisse entourée de serpents et dont émane un crâne et des os. Le contour ressemble à un corridor, avec les colonnes et le sol abimé. Le tout étant surplombé d’une Lune et de toiles d’araignée. Les couleurs sont inexistantes ou presque, le visuel étant en noir et blanc avec juste le logo de Noctu en… Violet, au-dessus des créatures encapuchonnées en prosternation. C’est donc réellement un artwork déjà vu, sans aucune originalité particulière. Noctu jouant probablement la carte de la sécurité, ce qui m’étonne un peu de la part d’un musicien qui tend à se démarquer avec ses photos. Mais ce n’est pas le principal problème.

Pour moi, cet artwork ne représente pas du tout la musique proposée. On est sur une musique extrêmement « garage », avec peu de places à la sophistication. Or, je note que cette pochette est sur un graphisme classique mais surtout « propre », moderne. Il y a donc quelque chose qui ne colle pas. Et même, je trouve que mettre une pochette en avant et très travaillée, alors que la musique surfe sur l’idée contraire d’underground et de fait-maison n’est pas une démarche artistique très logique. Voire pas du tout logique. Alors pour moi, ce design a beau être beau (à défaut d’être original), il n’a rien à faire ici. Hors sujet.

Vous allez comprendre pourquoi, enfin j’espère, je trouve la pochette en décalage. Il suffit d’entendre les premières notes de Metal extrême, une fois l’introduction passée. J’ai d’ailleurs eu un peu de mal à me faire à l’idée que notre camarade Noctu fait du funeral doom metal.

Pour moi, la musique se rapproche plus d’une sorte de blackened funeral doom metal, ou peut-être d’un drone metal presque dissimulé tant la lenteur des distortions des guitares est exceptionnellement allongée. Du reste, la présence de nappes de claviers, de samples ambients conjugués à une utilisation des guitares quasiment linéaires, dans un strict balancement d’accords, me feraient penser à du drone ambient. Mais l’intention du groupe étant d’assumer une étiquette de blackened funeral doom metal, alors on va rester sur cette idée.

La musique se veut très minimaliste dans le registre Metal, avec une répétition des mêmes accords de guitares sur l’ensemble majoritaire de l’album. Je pense d’ailleurs que Noctu, sur Norma Evangelium Tenebris, veut plus faire dans une musique d’ambiance que sur du vrai metal extrême, mais seul lui confirmera.

En tout cas, la musique de notre ami ne souffre d’aucune contestation dans sa construction : elle est vouée à nous plonger dans une noirceur absolument exceptionnelle. Les ambiances sont résolument sombres et apeurantes, tout porte à amener l’auditeur vers un profond marasme. Je reproche un peu à cet album le côté trop lent justement, ce qui est un paradoxe venant de moi. Par lenteur, j’entends surtout la présence trop importante de vide, puisque Noctu joue habilement tout du long sur les ambiances mais a parfois tendance à laisser trop de vide, trop de simplicité dans les samples où ne se dégagent finalement qu’une ligne ou deux de banques sons.

Mais globalement, je trouve les compositions très fonctionnelles, les ambiances m’ont assailli et m’ont flanqué les pétoches comme rarement, la dernière en date étant avec PeurBleue justement. Il y a aussi, et les photos en témoignent, une grande part de spiritualité dans cette musique. Une spiritualité certainement tournée vers la noirceur et les turpitudes, sans jamais être flagrante. Le chant ne nous apportera pas grand-chose de plus, alors que ce dernier aurait pu tout aussi bien nous éclairer. Mais en tout cas, d’une première écoute, j’en suis sorti très satisfait. Je n’ai pas poussé l’extase à son paroxysme puisqu’un point m’a particulièrement dérangé, nous y reviendrons plus bas. Mais globalement, ce Norma Evangelium Tenebris est vraiment bon! Très intéressant dans le registre que je ne connais pas beaucoup de « blackened funeral doom metal« .

Là où le bat blesse véritablement sur cet album, et cela vous aura sûrement sauté aux oreilles si vous avez écouté les liens partagés, c’est le son. Alors, je veux bien admettre que Noctu puisse jouer la carte de l’underground poussif, avec l’idée de faire dans le « garage » et d’avoir un son aussi dégueulasse que dérangeant. Pourquoi pas! Il y a d’ailleurs de très bons groupes qui officient ainsi. Mais je trouve que dans le cas d’un potentiel « blackened funeral doom metal« , il y a tout de même des manquements assez sérieux… D’abord, l’association de black metal et de funeral doom implique selon moi de faire du funeral doom metal avec un son blackened, soit un son nasillard, tranchant et froid, au détriment d’un funeral doom qui par essence doit être épais et très lent.

Ici, on a la lenteur mais on n’a ni l’épaisseur, ni l’incisif. On a simplement un son enregistré comme cela, avec les moyens du bord – qui ne devait au passage pas être brillants de mille flammes – et on se perd un peu dans ces sonorités raw. Je n’ai pas réellement pu identifier si le son était représentatif du genre proposé ou non, et même l’idée que cela puisse constituer un drone metal ne m’a pas effleuré l’esprit.

Alors on pourrait crier au génie et se dire que Norma Evangelium Tenebris n’est pas d’un style proprement identifiable. Mais que nenni. En fait, il s’agit ni plus ni moins qu’un son totalement bâclé, sinon raté. Rappelez-vous mon adage sempiternel et ronflant : ne jamais produire un album que l’on a composé et enregistré seul. Toujours se faire un peu coacher par une tierce personne expérimentée et extérieure! Sinon voilà les dégâts. On n’entend pas assez les guitares, la basse est inexistante, la batterie est trop en retrait et le chant est presque inaudible. La faute au fait que les samples et les claviers noient tout sur leurs passages! Ce n’est franchement pas une bonne production donc.

Même si l’on pourrait se dire que la démarche est raw, il y a des limites à la bienséance quand-même, et Noctu ne les respecte pas. Comme le disait une connaissance musicienne, il y a raw et ceux qui produisent une musique dégueulasse en croyant que cela la rendra authentique et donc meilleure que les autres. Grossière erreur. Le son est mauvais, point…

Alors, que pourrions-nous retenir de cet album? A vrai dire, mes limites personnelles m’ont poussé à ne pas renouveler l’expérience sonore. Aussi vais-je passer au chant qui ne sauvera pas tellement les apparences. Techniquement parlant, on n’est pas spécialement sur quelque chose de bon. Je me souviens que sur Ghostlord, j’avais trouvé le chant qui ressemble à celui présent ici (normal, il chante également dans Ghostlord) n’était pas approprié. Je suis un peu plus nuancé concernant le projet éponyme de Noctu, qui permet d’avoir une assise plus confortable pour le chant qui est sur une sorte de cri, sans être high scream, et avec quelques petites touches de chant clair, et de narrations. Au moins il se lâche un peu plus que le laisserait croire la musique minimaliste en avant-plan. Car là encore l’addition fait mal. On n’entend pas assez le chant. Il est là aussi noyé dans l’ensemble samplée… Alors on pourrait là aussi trouver du très bon à ce chant, mais je crois que définitivement l’erreur de production sera quasiment fatale.

Voilà donc où nous en sommes pour conclure cette chronique. Noctu se présente à nous dans une sorte de prostration catatonique nommée éponymement Noctu, et un album, troisième de son état, Norma Evangelium Tenebris[/b].

Alors, en soi, la musique se prévaut sans difficulté ou presque après quelques errances, d’être du [b]blackened funeral doom metal. Une musique d’une lenteur abyssale et se parant de quelques ambiances non pas feutrées, mais franchement flippantes. On peut d’ailleurs affirmer que les accords aux guitares sont essentiellement là pour accompagner les samples et les claviers, questionnant ainsi sur une démarche plus ambient que réellement Metal extrême.

Du reste, la musique demeure très minimaliste donc il convient de prévenir les curieux que la musique ne jouant pas la carte de la sophistication, ils ne vont pas se sentir emballés. Maintenant, Norma Evangelium Tenebris souffre quand-même d’un syndrome commun aux one-man band un peu orgueilleux sur les bords : l’absence de recul. Et ce dernier cause un mal profond et irréparable en l’état sur cet album et plus spécifiquement sur sa production. Un son qu’il faudra songer à revoir car même dans une hypothétique démarche raw, cela ne colle pas. Trop brouillon pour être intéressant, cet album ne manque pas d’atouts pour la prochaine fois.

Tracklist :

1. Il Supplizio E L’Estasi 00:55
2. Anime Torturate 12:17
3. Midian 09:49
4. Libri Di Sangue 11:28
5. Schiavi Dell’Inferno 11:12
6. Infernalia (Sudario Maledetto) 01:30

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