Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

“Le vrai patriote s’inquiète, non du poste qu’il doit occuper dans la patrie, mais du rang que la patrie doit atteindre parmi les nations.” Jules-Paul Tardivel

S’agissant de la question du patriotisme, je suis bien en peine de donner un avis personnel et factuel. Je suis allé en vacances dans les pays baltes durant l’été 2023, avec un véritable pèlerinage païen à la base, et je suis tombé sur des peuples qui partagent, certes beaucoup de points communs, mais surtout un authentique patriotisme. Et j’ai découvert surtout que les gens dans ces pays précisément, était tout à fait ouvert à l’extérieur et compatibles avec d’autres cultures. Alors, je me suis beaucoup interrogé s’il existait une différence réelle entre patriotisme qui me paraît être un terme moins mal noté, et nationalisme qui me semble plus proche d’un gros mot que d’un concept respectable. Et je me suis rendu compte en parcourant Internet que le sujet était un vrai débat philosophique. Certains considèrent en effet que les deux sont indissociables, d’autres prétendent le contraire. Loin de moi l’idée de vous faire une copie généralisée de citations pompeuses sur les sujets, mais j’ai retenu au moins un principe de mon voyage : du nationalisme russe a découlé le patriotisme balte. J’entends par là que dans cet exemple précis, les états baltes se sont détachés du principe d’État-nation russe en revendiquant leurs propres cultures, traditions et histoires. Est-ce que pour autant cela amène un nouveau nationalisme ? Je ne pense pas. Je pense qu’on peut être patriote sans être entièrement nationaliste. On peut effectivement aimer son pays, s’investir dans ses traditions et cultures tout en acceptant les autres cultures, y compris quand elle arrive sur notre territoire. Je ne rentrerai pas dans un débat idiot sur l’immigration parce que là n’est pas le sujet et chez Soil Chronicles nous sommes apolitiques. Simplement, dans le metal, il arrive quelquefois que nous tombions sur des groupes qui revendiquent une appartenance patriote, peu importe le pays. En France, nous ne dérogeons pas à cette règle, mais bien des formations sont mal vues du fait des amalgames avec le nazisme et une branche ultra-droite identitaire, ou je ne sais quelle autre orientation politique obscure. Ces dernières ne sont et ne seront jamais les miennes, même si j’aime profondément certaines traditions de la France. Mais mes croyances païennes m’obligent juste à rappeler un point important que je ne supporte pas d’entendre : la France n’est pas un pays de tradition judéo-chrétienne ! Alors, qu’on arrête de me bassiner avec cela. La France a des traditions historiquement païennes qui ont été détournées, point. Voilà ! En fait, je voulais faire une parenthèse philosophique parce que je me suis toujours intéressée à la question de la vitrine accordée aux groupes estampillés patriotes. Et Noire Plume et son premier EP appelé « France Déchue » a posé des bases solides de réflexion en ce sens.

De Noire Plume, peu d’informations ont filtré. Le groupe constitue en fin de compte un projet solo, d’un certain Freux Français, propose à ce jour un premier EP, première pierre de l’édifice, qui s’appelle « France Déchue ». Je me suis toujours demandé le lien entre le mot « freux » et la plupart des groupes français d’un genre que l’on détaillera plus bas. Il s’agit d’une espèce de corbeau (Noire Plume ?) que l’on trouve essentiellement en Europe et qui est considéré comme l’un des plus gros nuisibles pour les cultures, en particulier viticoles, en France. Finalement, on note une sorte de symboles de destruction, de nuisance et donc de persécution et j’ai toujours trouvé l’idée d’utiliser le mot « freux » comme pseudonyme très évocateur d’une mentalité toujours présente dans le style proposé par Noire Plume. Ce premier EP sort, enfin, sur deux labels : Black Shadow Legions qui continue à m’offrir sa confiance et que je remercie, et Drakkar Productions qu’on ne présente plus, qui est un label qui a énormément compté en France et qui continue son ouvrage pour perpétuer une tradition musicale nostalgique et rapprochée d’un véritable mode de vie, mode de pensée. Allons donc à la découverte de ce « France Déchue » !

Reprenant des codes bien établis, Noire Plume propose une pochette en noir et blanc avec un logo rouge sang. Sur le devant se tient droit et fier le fameux Freux Français qui pose dans une tenue originale, avec un pantalon noir et des rangers, une chemise blanche et une sorte de gilet sans manche en cuir dont j’ai lamentablement mangé le nom, le tout auréolé de canons de bras sombres. La pose de notre ami musicien se fait solennellement en-dessous d’une grande croix en pierre dans un vestige d’arbres morts, l’arrière-plan étant fait de vignes et probablement d’un domaine viticole dans un sens plus large. L’intérieur de la pochette fait la part belle aux fleurs de lys et Freux Français pose avec cette fois une chemise noire auréolée d’un blason avec une fleur de lys aussi, avec un pantalon noir, une ceinture en balle d’armes à feu, une dague ou une épée, difficile à savoir précisément, etc. En fait, pour vous la faire courte, il y a de la fleur de lys partout ! Maintenant, il s’agit de savoir quelle est la symbolique précise qui est revendiquée ici par Noire Plume. Étant donné la présence également d’au moins deux drapeaux bourguignons à l’intérieur du digipack, je suppose qu’il y a surtout une vraie revendication patriote puisque non seulement la fleur de lys est le symbole principal de la royauté en France (associée particulièrement à la couleur azur) et que ces drapeaux bourguignons dénotent aussi une vraie appartenance identitaire régionale, probablement plus même qu’une identité nationale. Mais cela reste à confirmer, ce n’est qu’une hypothèse. D’ailleurs l’intitulé de l’EP « France Déchue » ne montre pas de signes bourguignons réels. Je pense qu’au moins, en faisant une pochette aussi bien illustrée et stylisée comme antan, Noire Plume peut tout à fait assumer ses opinions, appartenances et revendications. La pochette est totalement raccord avec la musique et le concept autour, et rien que pour cela, j’encense le boulot de réflexion mené derrière tout cela. Après, sur la pochette et la quantité de symboles marquants, je n’ai rien à redire de plus qu’elle est très belle, personnelle et attirante ! Simplement, et c’est encore une fois mon avis, j’ai un peu de mal avec cette considération pour les symboles chrétiens. Je trouve cela incohérent de revendiquer une forme de régionalisme, nationalisme ou patriotisme en oubliant les fondements même de la France à l’époque des gaulois par exemple. Mettre en avant le soi-disant judéo-christianisme de la France pour parler de nostalgie, cela me gêne un peu. Mais bon ! En tout cas, pour la pochette, c’est du bon boulot, j’aime vraiment bien l’ensemble !

Pour ce qui est de la musique, si vous suivez un peu (on y croit) ce que je fais en chronique, vous connaissez désormais l’attrait que le label Black Shadow Legions a pour le black metal, en particulier bien old school. Parfois dans une forme bien raw black metal, parfois simplement dans des sonorités plus anciennes sans tomber dans la simplicité. J’étais habitué à des « standards » si j’ose dire, mais dans le cas de Noire Plume j’ai eu une très belle surprise ! J’ai trouvé le black metal plus mélodique, les parties lead de guitare sonnant un peu comme le feraient des hymnes. On sent clairement que le black metal proposé sur l’EP « France Déchue » se met totalement à disposition de l’expression d’un certain fanatisme pour le pays. Il y a quelque chose de profond, de solennel dans la musique qui fait que l’on adhère tout de suite. Alors, après, la production n’a pas non plus de quoi être portée aux nues, mais dans ce style de démarche artistique, il n’y a pas nécessité de faire un truc aux petits oignons. Un seul musicien peut tout à fait avec les moyens à sa disposition pondre un album correct, voire qualitativement très bon, comme le fait ici Noire Plume. Je trouve donc l’EP en parfaite adéquation avec le côté nostalgique, un brin revendicateur, et avec un côté martial qui ne laisse aucunement indifférent. Les compositions sont bien faites, d’une longueur raisonnable et le tout est dans une belle harmonie entre instruments. On sent néanmoins qu’un batteur de session n’aurait pas été de trop. Je trouve les lignes de batterie un peu trop répétitives, mais ça, c’est mon côté amateur de variations rythmiques. On mésestime l’apport d’un batteur même dans un black metal bien old school. En plus, le côté ultra mélodique mériterait vraiment un englobement rythmique plus travaillé selon moi. Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé ces cinq premiers morceaux très prometteurs, et j’apprécie énormément cette sincérité qui transparait dans la musique. En bref, on a un premier EP qui, en première écoute, se déguste bien, avec beaucoup de points d’accroche sur les pistes qui se veulent variées et mélodieuses, élogieuses d’un temps révolu mais qui fait encore battre les cœurs de certains comme Freux Français. En clair, c’est un très bon premier EP !

Comme je le mentionnais brièvement plus haut, il convient de préciser que si vous êtes amateurs de productions propres et clinquantes, il ne faut pas prendre « France Déchue » comme tel. La démarche artistique, si tant est que je l’ai déjà comprise un tout petit peu, ne me semble pas inscrite dans cette volonté de toute manière. Quand on parle de nostalgie, on a tendance à avoir en tête des albums avec des productions alambiquées, or j’ai toujours été convaincu qu’une production authentique, sincère et sans trop de fioriture a toujours ce petit truc en plus. Cette étincelle d’âme qui transparait les yeux fermés. Et manifestement, de l’âme, Noire Plume n’en manque pas. Le son est quand-même bien travaillé, il y a un effort de fait pour que les mélodies guitares soient retransmissibles et je salue bien fort cette initiative. Et surtout, ce talent d’être parvenu à trouver un formidable juste milieu entre authenticité et un brin de propreté sonore, je le trouve primordial pour la réussite d’un plein-album futur, et dans l’instant présent pour ce premier EP. Bon, le son de la batterie je ne reviendrai pas davantage dessus, j’ai suffisamment expliqué pourquoi il faut un batteur même dans un projet solo pour accompagner la base rythmique et pour le bon choix des tomes. Je trouve quand-même fort louable la place qui est accordée pour la basse dans « France Déchue », instrument que je trouve tristement mis en retrait dans la majorité des projets black metal. Au moins ici, Freux Français l’utilise un poil plus qu’un simple instrument de basse fréquence. Et le chant est tout à fait bien placé dans le mixage, lui donnant une place qui lui revient pour retranscrire cette énergie et des émotions qui font du bien à cette musique incisive, froide et presque grandiose. Pour finir le couplet, une production que j’adore, intelligente, quasiment parfaitement équilibrée dans la sincérité et la propreté si j’ose dire, et qui permet de vivre pleinement la musique. Chapeau !

Cette chronique fait écho à un évènement que j’ai enfin concrétisé : regarder le documentaire « Bleu Blanc Satan » qui traite de la vague black metal française des années 90 / 2000. Une vague que je n’ai pas vécu, mais que je ne peux qu’adorer et qui me rend nostalgique sans même l’avoir connue. Et de voir finalement que des EPs comme « France Déchue » tentent encore de perpétuer cette belle époque, cela me fait forcément plaisir. C’est pour cela que, indépendamment de la sphère patriote, il faut mettre en lumière ces projets et ces labels qui survivent comme cela, comme ils peuvent, dans la lignée vertueuse du black metal français d’avant. De toute façon, ce dernier était indiscutablement lié soit à Satan, soit à ce patriotisme parfois qui dérivait un peu, mais au moins ce genre d’approche musicale permet de faire vivre des émotions à l’auditeur, peu importe que l’on partage les opinions et nostalgie de son auteur. Pour ma part, j’ai pleinement vécu cet EP avec toute sa puissance, son dévouement et sa pudeur. On sent que « France Déchue » a été composé avec les tripes, avec cette volonté de transmettre une partie crue de la musique et qui se mêle bien au black metal. Je pense avoir suffisamment détaillé le concept autour de l’EP de Noire Plume, il suffit dès à présent de se pencher dessus, surtout si comme moi vous aimez une certaine période musicale. C’est franchement très prometteur et bourré d’émotions !

Pour le chant, je dirais qu’il m’aura fallu entrer davantage dedans comparé à la musique. Non pas que le chant en français soit un problème, loin de là ! J’adore le chant saturé en français. Simplement, on sent que l’effort d’articulation des textes qui est fait ne donne pas toujours une belle tessiture au chant. Résultat, on se retrouve pour approximativement la moitié des passages avec un chant en scream très fort en émotion et très vivant, à un chant plus concentré sur l’articulation qui se veut moins prenant. Je pense qu’il y a probablement une belle marge de progression sur le chant, car articulation et émotions ne sont pas incompatibles du tout. Par contre, encore une fois, on sent que quand-même, Freux Français vit littéralement ce qu’il chante. La France et sa gloire sont mentionnées partout, et il est évident que notre pays est ue véritable source à la fois d’inspiration pour la musique, mais aussi et surtout pour sa vie. On devine un vrai élan patriote, une vraie envie de faire vivre nos traditions les plus ancestrales et j’ai beaucoup apprécié de ressentir toute cette émotion qui le prend aux entrailles. Je n’adhère clairement pas à certains passages textuels que j’ai compris, mais au moins j’ai réussi finalement à entrer pleinement dans le chant. A améliorer mais de pas grand-chose !

Pour conclure cette chronique du jour, voici que les deux labels Black Shadow Legions et Drakkar Productions s’associent pour une sortie intéressante. « France Déchue », premier EP du projet solo Noire Plume, projet bourguignon, se présente à nous sous de premiers bons auspices. Un EP qui laisse aller la musique sur les sentiers de l’émotion et d’une expression marquée pour un patriotisme français inébranlable. Un black metal qui sent bon l’époque ancienne, avec des riffs assassins mais très portés sur la mélodie, ce côté nasillard et froid qui est bien paré par un son entre le raw et l’actuel, pour donner un mélange très intelligent et surtout, surtout ! Une musique qui vit son concept à fond. Un black metal qui permet ainsi, et ici, de reprendre un peu de nostalgie du passé pour aller sur un EP finalement actuel et pudique, pour illustrer un instant présent à la gloire de la France. Un EP patriote en somme. Et évidemment, à découvrir très vite pour les amateurs du genre !

Tracklist :

1.     Intro
2.     Nostre Dame
3.     Deus Vult
4.     Consécration
5.     Freux Français

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