Line-up sur cet Album
- Byron Lemley – Guitare/Voix
- Brandon Lemley - Voix
- Roger LeBlanc – Guitare / Voix
- Alex Kot – Basse
- David Horrocks - Batterie
Style:
Post Black MetalDate de sortie:
12 Avril 2019Label:
Season of MistNote du chroniqueur (Gibet) : 9,5/10
« La vierge voilée de Strazza émerge du vide, teinte aux couleurs de la mélancolie et du rêve. Les yeux fermés, attendant Dieu, emprisonnée dans la douceur de son voile transparent, elle ne pense à rien. Tranquille, elle profite. Le silence… » semble nous dire cette (vraiment) magnifique pochette de Luca Pierro.
Après l’acclamé et très réussi Home, qui suivait une première démo toute aussi réussie, des tournées avec Deafheaven et Ghost Bath dans le monde entier, il fallait que ces nouvelles tête-de-proue du Post-Black moderne assurent, fassent l’unanimité et pondent quelque chose de grand. Et ils l’ont fait : Adore rejoint sans souci le panthéon des meilleures productions post-black. Quelque part entre les premiers Harakiri for the Sky et Deafheaven. Entre lumière douce et pénombre embrumée, Adore, au nom sans équivoque, propose une véritable élévation de son auditoire, de par où tout passe par le sensible, par l’essentiel, par le rêve.
En ouvrant l’album par « Nocebo », un morceau très aérien, rempli de réverbérations, les Canadiens vous décollent du monde terrestre. La voix se fait presque rituelle, très solennelle et de pleine gravité. C’est le début d’une extase onirique où la raison cède ses droits. Place à la sensation !
Oui ! L’objectivité quant à ce genre d’album s’arrête sûrement à « C’est du Post-Black moderne dans le sillage de Deafheaven typé New Bermuda, y a des réminiscences Lifelover par moments et un chant particulièrement screamo. Il est construit autour de six morceaux de post-black traditionnels, soutenus et orné de deux morceaux en voix claire proches de ce que peut faire Jaye Jayle, comparaison qui fait également sens à certains breaks de l’album et de deux instrumentales, « And Nothing was the Same » et « DDHS » ». Sauf qu’en vérité, l’album va bien au-delà de ça.
Comme tout album du genre réussi, les codes du Black Metal sont transcendés pour proposer une musique très intime, influencée par le screamo et le shoegaze.
Bon, une fois que l’on a dit ça, on se retrouve face au dilemme du chroniqueur : Comment faire comprendre à celui qui vous lit à quel point cet album là est meilleur que le reste ? Qu’il mérite, voire même nécessite une écoute ?
Et bien, écoutez, il n’y a rien de plus à faire. Saisissez chaque détail, les sensations d’ondulations et les soupirs comme fantomatiques de « Portrait of Piece », les percussions comme des coquillages sur « Stay ». La justesse du mix (le début de « Regret » et cette réverbération qui donne l’impression que le canteur est comme enfermé dans une pièce à laquelle on ne peut pas accéder), la précision et l’humanité de chaque mélodie, leur simplicité mémorable… Tout transpire le génie de composition et l’humanisme, la sensibilité à plein nez. Certains riffs black metal (le début d’« Horizon ») sont d’une intelligence et d’une intensité absolue. Les passages en voix claire (« Alone » ou « Stay »), l’intelligibilité des refrains, leurs chœurs, tout est fait pour maintenir cette tension triste qui vous éloigne chaque seconde un peu plus du réel. Il faut que vous vous distanciez d’éventuels codes rigoristes ; fermez les yeux et appréciez chaque émotion, celles qui jouent sur le silence comme celles qui vous occupent l’esprit.
« Please stay with me one more night ».
Soutenues par une prestation vocale relativement hors norme (le chant tantôt geignard DSBM, tantôt post-hardcore rempli de sensation), les paroles tournent autour de la perte ou de la peur qu’elle engendre et l’on rentre dans le fond du propos, à mon sens, de l’album.
Cet album a la sensibilité, la démesure et la richesse émotive d’un enfant et a été composé par d’excellents techniciens. Chaque morceau est une unité finie, ultime, un voyage en son for intérieur : on passe par toutes les émotions, y compris la joie, distillée par des riffs aux réminiscences punk rock ou le cauchemar (l’oppression à la fin de « Portrait of Pieces » est assez insoutenable). On palpe la sincérité brûlante de chaque chanson avec un sourire aux lèvres parce qu’on retrouve ces sensations d’enfance, la précipitation, la peur pour un rien ou la chaleur rassurante du sourire des parents. Le morceau « Adore », par exemple, me fait instantanément penser à une tempête sur le bord de la plage chez mes grands-parents avec toute la crique qui crie, les mouettes qui ont du mal à avancer, les vagues qui se libèrent puis la peur, la fuite face à ce qui nous dépasse, que ce soit la nature ou un grand horloger.
Tant pis pour la comparaison mais je retrouve mes sensations du collège quand j’écoutais The Amity Affliction et où la musique ne pouvait et ne devait pas être intellectualisée. Si peu me chaut maintenant ce groupe de Metalcore chouinant, il m’évoquait des images similaires et c’était vraiment, vraiment de bons moments.
Donc, si vous êtes touchés par la sensibilité d’Alcest, de Der Weg einer Freiheit ou plus récemment de Show me a Dinosaur, d’Unrequited, de Cairiss et autres Karg, jetez-vous sur cet Adore, peut-être la meilleure sortie du genre depuis New Bermuda à mon sens.
Alors, nourrissez-vous de ce spleen. Plongez dans ce bain de chloroforme. Allez-y ! Quand la musique est belle, elle se suffit à elle-même.
Tracklist :
1. Nocebo (2:31)
2. Portrait of Pieces (8:36)
3. Horizon (4:17)
4. And Nothing was the Same (instrumental) (1:28)
5. Regret (6:55)
6. Stay (2:21)
7. Coma (5:10)
8. Alone (2:00)
9. Adore (8:42)
10. Ddsh (instrumental) (1:23)
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