Line-up sur cet Album
Chris : guitare, chant Romuald Potel : guitare rythmique Paul Adamczuk-Allard : basse Guilhem Lesage : batterie Math : guitare
Style:
Blackened Death MetalDate de sortie:
19 octobre 2019Label:
MLtaf RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
« Certaines qualités vocales sont le propre des hommes, d’autres le propre des bêtes; et rien n’est plus terrifiant que d’entendre les unes jaillir de la gorge des autres. » Howard Phillips Lovecraft
Contrairement aux idées reçues, et surtout au vu de son influence grandissante dans le milieu de la musique metal, je ne connais presque pas l’œuvre immense de Lovecraft. Mes connaissances s’arrêtent en effet à Cthulhu, et encore. Etant branché mythologies diverses, j’ai été surpris de voir que l’œuvre de Lovecraft se situe au même niveau, en termes de créativité et développement, que Le Seigneur des Anneaux ou Harry Potter par exemple! C’est à dire de tout un univers quasiment inventé de toutes pièces, que ce soit dans un gros travail de philologie ou de cryptozoologie. Et comme je ne suis pas insensible à ce genre de démarches gigantesques (moi qui aie tendance à m’extasier d’admiration devant le talent qu’ont certains à pouvoir terminer un roman), je pense qu’au-delà des nombreuses découvertes musicales qui gravitent autour de Lovecraft, je vais rattraper mon ignorance et me taper les livres un jour ou l’autre. Source inépuisable d’inspirations pour des groupes donc, me voici à la prise avec le groupe Nyarlath et son entrée en matière avec cet EP qui se nomme Insane.
J’ai bien fait rire ma femme lorsque je lui ai dit que j’ai toujours cru que Nyarlathotep était un vrai dieu égyptien… Elle est aussi très branchée mythologies diverses et s’est bien foutu de ma trogne! C’est de bonne guerre. Bref! Nyarlath donc est un groupe angevin qui s’est donné voix au chapitre si l’on peut dire pour la première fois en 2017. Groupe relativement jeune, qui se présente aujourd’hui (enfin, depuis le 19 octobre 2019 officiellement, mais beaucoup plus récemment auprès de Soil Chronicles) avec ce premier EP qui s’appelle donc Insane. Qui dit « premier EP » dit forcément premier jet, avec ces qualités et ses défauts, et c’est en connaissance de cause qu’il me tarde d’écrire la chronique et de faire connaissance (redondance!) avec le groupe au travers de ce CD.
Donc, comme je pensais idiotement que Nyarlathotep était un dieu égyptien, je n’étais donc pas surpris de constater que l’artwork surfait sur une imagerie égyptienne. On a de fait une figure mélangée de divinité égyptienne et de sépulcral avec ce crâne assez flippant. Le tout se trouve devant un fond qui fait penser à un brouillard mêlé d’un feu éclatant et rougeâtre. Il va de soi que lorsque j’ai découvert la véritable identité de Nyarlathotep, j’ai vu une corrélation avec mon idée de départ puisque les traits dans l’œuvre de Lovecraft sont bien ceux d’un pharaon. Rien de bien changeant donc sur mon étude et ma description. En revanche, il m’a fallu faire des recherches pour comprendre que le quatrième de couverture du livret représentait probablement l’Enfant du Sphinx, l’intérieur du boitier cristal représente parmi des motifs que j’attribue au groupe une étoile mystérieuse à douze branches, a priori sans lien avec les livres, et un motif inconnu derrière le CD. En soi, je trouve l’artwork raccord avec le concept général bien entendu, et les motifs sont particulièrement bien dessinés, au point de donner toute la dimension de noirceur à l’œuvre. Mais le format physique reçu ne laisse pas de place à la netteté hélas, et les motifs me sont apparus beaucoup moins lisibles que l’image que je vous partage pour la chronique par exemple. Je pense que le groupe a imprimé l’ensemble du CD à ses frais et que le motif était tout bêtement trop petit pour rentrer nettement sur le format de la jaquette, d’où ce défaut de netteté assez remarquable pour être souligné. Bon ce n’est pas très grave, l’effort fait pour bien décrire par image leur univers – y compris si le mot Insane a plusieurs connotations qui rend le nom de l’EP trop vague- me suffit à pardonner le groupe et puis, c’est un premier CD après tout.
Ce que je trouve un peu plus difficile à objectiver réside dans la musique en elle-même. Dans sa globalité, le style n’est pas très compliqué à identifier puisque l’on a un black death metal bien typé comme tel, avec des influences qui me sautent aux oreilles (même si ce ne sont peut-être pas les leurs) comme Abysmal Dawn par exemple, proposant donc l’hypothèse d’un metal qui oscille entre des passages bien mélodiques, voir techniques parfois, ce qui me laisse une bonne impression générale sur la première écoute. Il y a aussi quelques accents légers d’oriental, ce qui apparait bien évidemment assez en adéquation avec le côté « égyptien ». C’est marrant mais le groupe me rappelle mes jeunes années de chanteur, quand j’officiais dans un groupe appelé Sakhmet et qui faisait du death oriental très influencé Nile, avec des instruments orientaux comme un violon, une flûte et du chant clair féminin. J’y retrouve quelques riffs de mes jeunes années, y compris quand j’avais dans ma chère Drôme/Ardèche un groupe qui s’appelait Papyrus et qui officiait à peu de détails près dans cette mouvance black death orientale. Une première écoute qui me procure pas mal de nostalgie et, ma foi, une assez bonne impression. « Assez bonne » est l’adjectif exact lorsque, finalement, je parviens à mettre de côté les sentiments personnels pour analyser cet EP, et que je trouve au moins un point bien corrigible, voir amendable.
Rassurez-vous! Le principal problème réside dans le son. J’ai spécialement un gros gros problème avec la batterie qui sonne très mal. Je n’aime pas du tout le son de la grosse caisse, beaucoup trop triggée et qui n’amène pas l’épaisseur supplémentaire qui sublimerait le son. Les cymbales sonnent sans retouche, la caisse claire est littéralement étouffée quand l’ensemble cymbales/grosse caisse résonne, ce qui est dommage car on n’a pas le tempo marqué qui sert de repère temporel et qui aide à l’imprégnation du rythme pour ambiancer l’auditeur. Et enfin, les tomes sont trop peu présents C’est d’autant plus dommage que sinon, la batterie est excellente dans le jeu! L’autre souci dans le son se situe dans la basse qui est inexistante. Concrètement, je pense qu’elle est juste noyée dans le son des guitares qui pour le coup, ont un effet bilame de bien marquer la présence mélodique mais aussi d’étouffer la base rythmique batterie/basse. En d’autres termes : les guitares sont beaucoup trop hautes. J’allais dire : heureusement que les guitares sont bien rythmiques quand il faut! Si l’on avait à faire avec un metal technique à outrance, cela aurait été inaudible… Quelques réajustements s’annoncent indispensables pour le prochain opus les amis, sinon cela va vite devenir rédhibitoire. Son à revoir partiellement mais en profondeur donc.
Décidément, cet EP est frustrant! Parce que le son est « moyen-bof », mais les compositions sont absolument géniales! Dans une veine très blackened death metal avec la lourdeur caractéristique des riffs, mais aussi un côté mélodique qui me ravit au plus haut point! Vous êtes lassés des éternels groupes old school ? Il faut foncer écouter Insane, c’est un vrai vent de noirceur sur le death. Je faisais la critique dans une chronique précédente d’un groupe de « Blackened Hardcore » qui collait son étiquette sur un simple travail sur le son. Ici, l’intelligence de Nyarlath est de proposer la noirceur aussi dans les riffs. De mélanger subtilement donc la lourdeur du Death Metal avec des riffs mélodiques qui amènent la froideur et l’apocalyptisme du Black Metal. Il y a donc, à n’en pas douter, un gros travail dans les compositions de l’EP qui augure de bonnes choses pour le futur. On ne peut même pas leur reprocher de faire dans le bis repetita dans les morceaux car les six qui composent l’EP sont bien variés tout en gardant la même ligne directive, ce qui étaye encore davantage le potentiel de nos amis angevins. Seul léger bémol : le début des titres qui commencent toujours avec un sample genre « vent dans le désert » que je trouve un peu redondant. Des variations d’ambiances mais dans le même thème auraient été bienvenues.
Potentiel qui se retrouve aussi dans le talent, on sent que ces derniers maitrisent. J’ai d’ailleurs été très agréablement émerveillé de voir que l’un des guitaristes (ou ancien guitariste) est un ancien de la maison Noctem, groupe espagnol de black metal que j’adore! J’ai aussi découvert que l’autre guitariste est un membre de ghUSa que j’aime beaucoup. Il y a donc des têtes connues de ma personne, et je suis bien conforté dans l’idée que les musiciens sont très bons! Cela, encore une fois, envisage du très bon pour la suite. Quant à la batterie, mal sonorisée certes, j’ai trouvé son maitre des futs très inspirés et doué d’une bonne technique générale, une belle rapidité à la double pédale qui m’a ravi au plus haut point.
Et puis, le clou du spectacle revient au chant. Le dénommé Chris (quel beau prénom n’est-ce-pas votre Royauté Céleste) a du coffre et envoie du bien huilé dans les sonos! Je suis impressionné par la technique vocale, du vrai dégueulis des ombres les plus noires. Et c’est un point fort que je voulais souligner particulièrement dans le cas de Nyarlath car, si je fais souvent la part belle (ou pas cela dépend) au chant, c’est bien sûr car j’y suis attaché mais aussi et surtout car souvent je tombe sur des pépites. Et là où je trouve le chant louable, c’est dans l’idée de privilégier le grunt grave au scream. J’ai constaté au hasard de mes écoutes et pérégrinations que l’écrasante majorité des groupes de blackened death metal privilégient plus le scream, voir le high scream. Les exemples les plus connus étant Belphegor, mais aussi Behemoth. Dans ce cas, c’est exactement l’inverse et c’est pour cela que je trouvais des similitudes avec Abysmal Dawn qui met en avant le grunt grave. J’adore ce petit détail qui polit encore davantage le blason du groupe, j’espère que ce chant dédié à la technique growl restera dans les prochains albums. Et puis, je me répète, mais chouette technique de chant! Un bon coffre et du saindoux mélangé à de la Goudale, et vous avez un chant extra!
Dommage néanmoins que je n’ai pas pu avoir les textes à lire, je me frottais les mains et les yeux à l’idée de pouvoir lire les références à Lovecraft, la musique m’ayant déjà bien donné envie de le lire alors je n’ose imaginer les textes. Tant pis!
En résumé et pour parachever cette nouvelle chronique, Nyarlath démarre sur les chapeaux de roue avec ce premier EP aux couleurs lovecraftiennes. Hormis un mastering notablement loupé et qui dénature pas mal l’ensemble, je trouve les morceaux et l’univers suffisamment solides pour constituer une première approche prometteuse. Nos français ont de l’envie, ils ont la niaque et veulent trifouiller dans les profondeurs extrêmes d’un blackened death metal qui commençait à mal vieillir, je trouve. C’est donc un EP qui souffle un fort regain de motivation, de noirceur et en même temps de renouveau que je vous recommande de découvrir. En espérant que le vrai Nyarlathotep ne viennent pas me hanter mes nuits comme Lovecraft en personne l’expliquait dans une lettre de 1921 adressée à Reinhardt Kleiner où il relie le rêve qu’il a fait — décrit comme « le plus réaliste et horrible (cauchemar) que j’ai fait depuis l’âge de dix ans » — à son poème en prose Nyarlathotep en 1920. 1920 – 2020, un centenaire bien préparé par Nyarlath en tout cas !
Tracklist :
1. Chaos 05:14
2. Insane 03:16
3. Call 05:43
4. Perfidious 04:59
5. Thing 08:57
6. Nyarlath 03:59
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