Obszön Geschöpf – Master of Giallo
Line-up sur cet Album
- Remzi Kelleci : Tout
Guests : tout plein (46)
Style:
Industrial Thrash MetalDate de sortie:
16 Novembre 2018Label:
Dark Star RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10
Lorsque je débute l’écriture de cette nouvelle chronique, je dois reconnaitre que je suis un peu embêté. Parce qu’en prenant en main le dernier album de l’one-man band Obszön Geschöpf, Master of Giallo, j’ai eu l’impression de passer dans un véritable ascenseur émotionnel ! Vous avez dû remarquer, si vous me lisez régulièrement, que j’ai plusieurs étapes dans l’élaboration de mes chroniques : il y a le visuel que je décortique, la musique que j’écoute minimum trois ou quatre fois avec plusieurs supports sonores différents (voiture, chaine hi-fi, au casque neutre puis en amplification de basse), pour enfin lire les paroles quand les groupes les fournissent. Au préalable, j’aime connaitre le pedigree et l’histoire du groupe en question, et c’est là que l’on tombe sur beaucoup de surprises, à défaut d’explications sur la musique.
Quand on tombe sur ni plus ni moins qu’un OVNI sur la galaxie metal, difficile de rester stoïque et sérieux ! Or, je crois que dans mes quinze années de pratique dans la musique metal, je ne suis jamais tombé sur un truc aussi loufoque que le projet solo de Remzi Kelleci ! Loufoque dans le sens où l’on a le sentiment qu’il ne se met strictement aucune limite.
En effet, en faisant mes recherches, je me suis aperçu que Kelleci avait sorti déjà sept albums en ne comptant pas le dernier, une sorte de best of pour fêter ses quinze années d’activité, et une démo, le tout entre 2000 et maintenant. Cela représente un rythme de composition assez classique donc de ce point de vue-là, il n’y a rien à rajouter.
Le groupe a fait des concerts, pas tant que ça non plus pour toutes ces années d’existence, mais tout de même. Donc, on ne peut pas dire que Obszön Geschöpf soit particulièrement reconnu dans le milieu, mais il a fait son petit bonhomme de chemin tranquillement. Mais alors, pourquoi j’ai ce sentiment d’avoir affaire à quelque chose de farfelu ???
D’abord par l’artwork de l’album Master of Giallo. On se rend compte très vite la corrélation entre le titre de l’album et le visuel qui rappelle des graphismes de certains films d’épouvante. D’ailleurs, mes recherches m’ont conduit vers ce qu’est un « giallo » : il s’agit d’un style de film d’horreur d’origine italienne, qui date des années 60 à 80. En lisant un peu ce dont il s’agit, on peut apprendre que le style « giallo » utilise des musiques singulières dans la réalisation des films, du genre Ennio Morricone par exemple.
On voit les prémices d’un meurtre sanglant où un mystérieux individu (habillé dans le style de Rorschach dans Watchmen) s’apprête à pourfendre une charmante femme habillée de manière suggestive à coup de ciseaux. La reproduction d’une scène d’horreur avec un soupçon d’érotisme, propre au style giallo. J’aime bien le graphisme, il est bien fait, même si je ne lui trouve pas d’originalité réelle…
Cela colle au style de musique, mais j’aurais vu autre chose pour ma part. Le logo du groupe est lui-même très old school, ainsi nous pouvons nous attendre à quelque chose de très classique musicalement.
Il n’en est rien !
Je connaissais de réputation le gout très prononcé de Kelleci pour la musique industrielle et les vieux claviers d’antan, je me rends compte très vite que cet album ne ressemble en rien à cette dite réputation !
Je me dois de préciser qu’en amont de l’écoute de Master of Giallo, j’avais prêté une oreille attentive à l’album Symphony of Decay et je n’avais pas du tout aimé cet album.
Bâclé, avec une attache à l’old school que je trouvais plus freinante qu’innovante, un chant mal enregistré ; moi qui adore les claviers avec un son très ancien, je n’avais même pas accroché, etc.
Bref, j’avais eu une impression du genre « tout cet engouement sur les réseaux sociaux pour ça ??? »
Et puis, est survenu son dernier album et là… La claque !
Une introduction qui fait presque country lance ensuite un morceau lourd et très thrash metal (« The New York Ripper ») qui a le mérite de me faire bouger tout de suite ! Réussir à me faire bouger dès la première impression est de très très bon augure pour la suite. De fait, si la musique n’a rien de révolutionnaire et plonge toujours dans les fondations déjà ancrées du Thrash old school, force m’est de constater qu’elle est très bien composée. C’est à cela que l’on reconnait le génie : réussir à faire croire qu’un style old school « ressuscite » pour mieux grandir ! J’en veux pour preuve le morceau « Body Pieces » dont les riffs vont sans doute déjà vous rappeler un morceau ou deux de Thrash Metal mais dont l’efficacité n’est pas à démontrer.
Tout le génie de Kelleci repose dans son individualité : la composition est son fruit, il ne le partage avec personne, et ça s’en ressent. En fait, il n’y a pas que du Thrash Metal : on retrouve quelques références à White Zombie et quelques parties à la Marilyn Manson dans leur style très « horror movie ».
Comment ne pas retrouver de liens entre ce génie qu’est Rob Zombie dans les bandes sons de ces films et l’œuvre d’Obszön Geschöpf ?
Je peux donc affirmer que la perfection est frôlée à la première moitié de l’album, c’est à dire jusqu’au morceau « The Moon watches me when I kill ». Après… C’est une autre paire de manches.
Du sixième au dernier morceau, si l’on retrouve la même base metal, les claviers refont leur apparition. Et ça me dérange pour deux raisons : la première est la perte de puissance que causent les claviers dans leurs conceptions, et de deux dans leur utilisation.
On trouve tantôt des passages « techno » (le début de « The black Gloves of Terror ») et des passages plus dans la thématique percussion style xylophone ou cristal. Quand je disais que Kelleci ne se mettait aucune limite, cette démarche, si elle a son utilité dans la composition artistique, montre aussi son aspect négatif : trop de loufoquerie, c’est trop ! On passe d’un stade de lourdeur à des ambiances plus malsaines qui, certes, sont cohérentes avec le concept de l’album mais trop différentes l’une de l’autre. On passe du génie à une sorte de naïveté…
C’est dommage parce que les parties de claviers, dans leur majorité, je les aime bien en plus. Mais elles ne vont clairement pas ensemble.
Sur le mastering de l’album, je n’ai rien de plus à dire que tout est bon ! La batterie est énergique, bien frappée pour donner le pep nécessaire aux différents morceaux, les guitares font home studio mais j’apprécie le son qu’elles renvoient car elles sont parfaitement synchronisées. La basse est discrète mais bien présente. Le chant, en revanche, me laisse dubitatif… Je ne sais pas si j’ai raison mais la maitrise du chant clair n’a pas l’air d’être le point fort du compositeur. Cependant, les quelques growls que j’entends sont propres donc je pars du principe que derrière l’innovation voulue sur l’album, le chant clair est apparu comme indispensable mais pas totalement maitrisé pour être bon. Ou alors, Kelleci a voulu trop « copier-coller » le chant de Rob Zombie et dans ce cas-là, l’imitation est quelque peu loupée puisqu’il manque la puissance vocale… Je ne sais pas, je m’interroge. En tout cas, dans l’ensemble, le CD est très bien mixé.
N’ayant pas eu accès aux paroles, je ne peux développer cet aspect. Je suis un peu frustré car j’aurais aimé connaitre ce qui danse dans la tête du compositeur pour coucher sur papier son concept.
Je voulais, juste avant de conclure, m’attarder sur un point : le nombre d’invités sur l’album. Alors, sur le principe, je n’ai rien contre, d’ailleurs qui suis-je pour dire quoi faire ? Chacun est libre de proposer à n’importe qui, pourvu qu’il soit talentueux, de participer à l’album. Mais là… Il y en a quarante-six, quoi. Quarante-six invités sur un album de dix morceaux d’environ quatre minutes en moyenne chacun ! Franchement… Quelle est l’utilité propre de faire cela ? Se faire plaisir, soit ! Donner un coup de pouce publicitaire en citant des noms connus (Franky Constanza, Fabien Desgardins, Max Otero, etc.) peut-être aussi…
Mais quand on propose à ces personnes de faire un solo par-ci, une ligne de basse par-là, un couplet de dix secondes, ça fait un peu « fête d’anniversaire » où chacun amène une bouteille de soda. Honnêtement, si certains vont trouver cela super et va donner une dimension plus grande encore à l’album, en ce qui me concerne c’est tout l’inverse. Je trouve que cela le dénature beaucoup… En fait, ce n’est pas si con au final, c’est comme toutes les publicités que l’on voit à la télé : les gros titres pour appâter le consommateur, et la petite notice en bas où il faut des jumelles pour lire et qui reflète la réalité.
Sur ces (bonnes) paroles (ou pas), je termine mon propos en ayant une fatigue intense car j’ai sans arrêt pataugé dans l’indécision la plus totale.
Si cet album ne manque pas d’intérêt du tout, notamment dans sa composition et dans son univers, il n’en demeure pas moins que la tentative de changement abordée par l’auteur sonne comme un gros besoin d’amélioration.
Je ne suis pas en mesure de dire si ce changement de composition, passant d’un Metal industriel à quelque chose de plus thrash voire rock n’ roll, sera durable et donc payant mais une chose m’apparait comme certaine : soit l’effet sera immédiat comme il a été pour moi dans la première moitié de l’album, soit l’investissement fourni sur le plan financier et personnel verra sa chute aussi violente que la déconvenue que l’album Master of Giallo risque de produire.
J’ai de fait un avis circonspect sur le dernier bébé de Remzi Kelleci qui propose un bon album mais qui doit encore beaucoup se perfectionner.
Tracklist :
1. The New York Ripper
2. April Fool’s Massacre
3. Body Pieces
4. Murderock
5. The Moon watches me when I kill
6. The black Gloves Of Terror
7. My Scalpel dances at midnight
8. The Death Kiss
9. Shadow of the Hat Killer’s Knife
10. Giallo forever
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