Pando – Rites

Le 14 avril 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Adam R. Bryant Matthew Gagne

Style:

Ambient / Drone / Black Metal

Date de sortie:

26 mars 2021

Label:

Aesthetic Death

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.75/10

Baptême. Rite sacré d’une telle efficacité que celui qui trouve le chemin du ciel sans l’avoir reçu sera plongé dans les affres de la détresse pour l’éternité.” (Ambrose Bierce)

J’avais une discussion Facebook il y a peu – oui oui ! Les deux sont compatibles – où l’on me questionnait sur pourquoi j’aimais à ce point les styles de musique bizarres. « Bizarres » sous-entend les genres musicaux que beaucoup n’aiment pas, ou n’osent pas aimer car très tordus. Il est vrai que quelques styles sont particulièrement difficiles à ingérer sans risquer la gastro ou une agueusie mais certains m’attirent vraiment sans que je puisse trouver une once d’explication rationnelle. Peut-être que notre Grandiloquent et Protozoairien Seigneur des Virus Lunaires Chris Metalfreak m’a contaminé de sa passion, lui qui pourtant n’aime que le thrash metal ! (NdMetalfreak : voilà qui est réducteur, je vais sévir !). Peut-être que son Modeste mais Truculent Bras Droit de Popeye Antirouille m’a également fait un joli… Vous savez, truc de pénétration dans un orifice que l’on trouve dans une chambre d’hôtes dans le département du Cher (seul Antirouille sache). Non mais on pourrait trouver diverses réponses à cette question de mon goût prononcé pour les genres inhabituels ou inaudibles, c’est selon. Toujours est-il que me voilà parti pour faire un nouvel article sur un hybride musical de ce qui se fait de plus dingue, de plus farfelu et probablement pour vos oreilles de jeunes éphèbes sensibles, de plus indigestes. Il faut dire que je m’étais farci quelques précédents OVNI comme Neptunian Maximalism (dont la bis repetita s’annonce pour avril 2021 mais chut), EsoctrilihumMahasona, etc. Vous voyez de quel style je veux causer ? Non? Eh bien soit, allons donc faire la chronique de l’album sobrement nommé « Rites« , du groupe non moins sobrement appelé Pando. Vous comprendrez de suite de quoi je cause.

Pour ce qui est de la présentation, on ne sait pas grand-chose. Du moins, le groupe ne cultive pas réellement la présence on va dire. Pando nous vient de Massachussetts, un Etat américain dont la capitale bien connue est Boston. Un groupe qui est en fait un duo de musiciens qui ont sorti via Pando pas moins de huit réalisations en comptant « Rites« . J’ai compté avec un risque d’erreur quatre EPs, un single et trois albums. La première particularité quand on découvre pour la première fois Pando se situe dans les pochettes. Elles sont totalement insondables, varient entre un graphisme photo magnifique et une photo un peu dégueulasse faite avec un Wikko, où l’on a soit une sorte de macro photo d’une goutte d’eau qui tombe sur un végétal aux couleurs superbes, soit une banane géante marquée au couteau du nom de l’album, trop mure et écrasée par un marteau ! Un duo de musiciens qui a son univers, très original pour ne pas dire entièrement singulier… Ou farfelu. « Rites » est donc le troisième album de Pando, sorti chez un label dont j’ignorais l’existence et qui se nomme Aesthetic Death. Vous voyez tout de suite une bribe toute mince de la bizarrerie dont je parlais en haut, et qui m’attire toujours autant. Rien que le contexte de Pando est intrigant.

La pochette l’est tout autant. J’allais dire : dans la lignée qui paraît être la conduite principale du groupe. C’est-à-dire insondable et intrigante, avec même ce qui s’apparente de loin à une paréidolie. Ce qui signifie que la pochette n’a pas de sens précis mais vous rappelle vaguement des choses, un peu comme le test de Rorschach. Donc, ce que m’évoque cette dernière, c’est un personnage qui se tient la tête et à la place il y a un trou duquel sort une lumière vive. Tout ce qui est autour est trop vague, je dirais comme des pierres ou des végétaux. Le côté « rituel » intervient dans le sens où on dirait que ce personnage central est happé par une force supérieure, un concentré de plein de choses qui tourbillonnent autour de lui et l’entrainent dans une souffrance indicible. Je suis bien en peine de vous dire précisément ce que c’est mais j’imagine que Pando a voulu semer le trouble et faire en sorte que votre inconscient vous joue des tours. Moi, je ne suis pas exalté par cette pochette, je trouve que notre duo américain a fait bien mieux par le passé, que ce soit dans l’esthétisme ou le burlesque. Là, on est sur quelque chose d’un peu trop insondable et en même temps commun. Je crois sincèrement que ce n’est pas le meilleur artwork de Pando, et de loin. Il est à peine bien, sans plus forcer quoi.

En revanche, pour ce qui est de la musique, c’est encore plus fou que je ne l’imaginais. A une nuance près : ce n’est pas l’album le plus fou que j’ai écouté quand-même. Maaaaaaaaaaaais il n’est pas loin de la première marche ! Parce que réduire la musique à la simple étiquette du drone metal relèverait du sacrilège. Pando, c’est surtout un tas de mélange, un album hyper expérimental qui concentre pêle-mêle du drone metal, du drone ambient, de la dark ambient, du black metal et du doom metal. C’est une sorte de mosaïque géante mais violente, puisque la musique reste exclusivement malsaine, sombre et tortueuse. La première écoute n’a donc pas été de tout repos pour moi, je me suis laissé aller à quelques sourires de plaisir sur quelques morceaux, il y a eu aussi des moments moins amusants où j’ai été surtout désemparé plus qu’autre chose. En fait, comme tout album qui peut se targuer de faire dans l’expérimental vrai, il y a des moments où on ne sait plus à quel saint se vouer. Il y a toujours des choses plus ou moins importantes qui pèchent, ici c’est plus l’enchainement des morceaux et les transitions qui sont foireuses. Ce qui m’a déstabilisé c’est que même si je me doutais que la musique serait irrémédiablement barrée, je m’attendais à quelques instants de pause, quelques transitions idéales pour rendre le tout fluide. Les morceaux, dans ce cas présent, fonctionnent comme des entités diamétralement opposées et l’enchainement de l’album entier n’est pas aisé. Mais si l’on prend une par une chaque chanson, le résultat est là ! Surtout les parties ambiantes qui sont très bien faites, très efficaces, les passages drone metal également, les moments black metal sont un peu moins convaincants mais je reconnais l’inspiration de l’un de mes groupes « expérimentaux » préférés : L’Acéphale. Donc en eux-mêmes, je les aime assez bien. J’ai juste un peu plus de mal à trouver de la cohérence profonde avec les parties doom metal, surtout que le son général ne s’y prête guère, mais bon. En résumé, la première écoute a été hachée mais convaincante. L’album « Rites » est déjà une belle réussite avec, il convient de le dire et répéter, quelques réserves car ce n’est pas tout à fait le genre de CD qui s’enfile comme une batte de base-ball à la Fistinière.

La production est d’ailleurs un peu un sujet délicat. Parce qu’il n’y en a pas une qui sert de fil conducteur, il y a plusieurs productions différentes selon les morceaux. Autant les plus drone ambient me font penser à ce qui se fait de mieux en termes de dark ambient MAO, autant les parties plus metal, genre black ou doom, sont un peu moins évidentes à appréhender. Je suis assez mitigé sur le fait que les parties metal aient été à ce point moyennement produites, d’autant que c’est kif-kif bourricot concernant les riffs metal et les passages ambiants. Si encore, l’album tranchait sur une prédominance quelconque, je comprendrais un peu plus ce son raw qui passe un peu moins bien que d’ordinaire. J’avais justement une discussion avec un ami qui me disait que « raw » ne signifiait pas toujours « son dégoûtant », on pouvait avoir un son plus net comme chez Alkerdeel par exemple. Là, on a un énorme clivage entre les parties drone metal et drone ambient, et les moments plus agressifs. Je suis donc assez dubitatif, d’autant que les instruments n’ont pas de place précise et identique selon les pistes. Bref – pour copier Metalfreak (NdMetalfreak : Mais ça, je veux pas en parler !) et BloodyBarbie -, c’est le bordel ! Et cela ne va pas forcément faire les belles affaires de Pando tout cela. Mais entre nous, ne s’en-foutent-ils pas un peu ?

Un bordel oui, mais joyeux non ! On est bien d’accord pour dire que l’on parle intrinsèquement de rites dans cet album, donc on est sur une recherche très claire de sensation, de transe. Ecouter « Rites » est une expérience sonore dérangeante où l’on tombe presque en méditation ou en autohypnose et pour les habitués à l’hyper contrôle, c’est une expérience éprouvante. Je sais que plusieurs écoutes m’auront quelque peu achevé, liquéfié. Je ne sais pas si c’est bon signe, mais je crois que Pando s’amuse à déjouer nos sens dans cet album étrange. Déjà, vous conviendrez qu’écouter du drone ambient, cela ne laisse pas indifférent, j’ai d’ailleurs énormément de mal à justifier cet attrait musical autour de moi. Mais comme j’expliquais plus haut, cet album est clivant et je me suis retrouvé dans un ascenseur émotionnel entre un étage de bonheur et un étage de désenchantement. Le plus dur étant de vouloir mettre du sens dans tout ce fourbi, et de ne pas y arriver. Le fameux « contrôle » induit par cette recherche de sens, que ce soit le sensoriel ou la signification. Le concept album est d’ailleurs on ne peut plus flou, mais comme il y a une référence au mouvement dadaïste, je ne chercherai même pas à creuser plus loin tant ce mot me rappelle des heures d’incompréhensions totales. Je dirais donc que cet album est une expérience très… expérimentale, et qu’il faut s’accrocher pour parvenir à l’écouter d’une traite sans se demander quel jour et quelle heure on est. En ce qui me concerne, ce fut une belle expérience, j’ai vraiment aimé les écoutes mais j’ai clairement choisi mes morceaux préférés et certains seront tout simplement mis aux oubliettes. Ce qui penche plutôt pour un constat semi-fini, au stade de cette chronique, bon mais avec des réserves.

Alors, autant j’ai mes morceaux préférentiels, autant je reconnais une chose : le duo fonctionne et fait des merveilles ! Je trouve les deux musiciens, dont les rôles sont totalement obscurs, très bons. J’ai surtout le sentiment qu’après huit CDs, si ce constat semble évident en tout point, le duo se trouve les yeux fermés et produit une musique bien en osmose. Ce qui pousse à me dire que le côté raw de la musique metal est presque fait exprès. Mais bon, on ne sait pas… Les chants sont eux aussi très bons et je me réjouis de leur voir déléguée leur place attitrée. Très variées, les parties chantées rajoutent cette touche encore plus obscurantiste que la musique laissait transparaître. J’adore !

Pour finir, cette chronique sera donc celle de la bizarrerie. Pando, groupe que je ne connaissais pas et dont la découverte en elle-même d’un point de vue biographique ne m’avait déjà pas laissé indifférent, présente un troisième album de belle envergure mais bourré d’expérimentations toutes aussi folles les unes que les autres. « Rites« , c’est son nom, fonctionne comme une sorte d’œuvre surréaliste et donc, à ce titre, d’une création automatique où deux inconscients se sont rassemblés pour donner une explosion de fantasmes et de folie dans un seul album. Pando signe ici l’un des albums les plus dérangeants et les plus déroutants qu’il m’ait été donné de chroniquer et, venant de moi, c’est un bien beau compliment. « Rites » jouit de ses égarements et de sa fantasmagorie pour offrir une expérience qui ne laissera personne sur le carreau sans émettre un gémissement de quelque sentiment que ce soit. Belle découverte !

Tracklist :

01. Agapē
02. Dadaism
03. In God We Trust With Our Cold Dead Hand
04. Total Station Theodolite
05. The Molds Of Men
06. I Want To Believe
07. Excarnation
08. The Octagon Room
09. On The Shores Of Hell

 

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