Regarde les hommes tomber – Ascension

Le 19 avril 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


A.B. : basse R.R. : batterie A.M. : guitare J.J.S. : guitare T.C. : chant

Style:

Post Black Metal

Date de sortie:

28 Février 2020

Label:

Season of Mist

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

“Le propre des apothéoses est, hélas, de déboucher sur le déclin.” (Roger Martin)

Parmi les nombreux défauts qui me construisent, il y en a un particulièrement constant et qui parfois me pourrit un peu la vie : dès lors que l’on me conseille trop un groupe ou un livre, par exemple, je ne le découvre pas. Je n’ai jamais compris ce rebutement maladif pour tout ce que les autres idolâtrent. Cela me fait passer parfois pour un homme pédant ou tantôt pour un inculte notoire et têtu… Le jour où je comprendrais pourquoi je suis à ce point dans le rejet de ce que tout le monde aime et que tout le monde m’encense, je pense que les poules auront des dents et, même, des couronnes. C’est en ce sens que j’aime surtout faire des chroniques : au-delà de l’aspect « découverte » de petits groupes, il en est quelquefois qui sont de plus en plus connus et qui mériteraient aisément que je m’y intéresse. Non pas encore une fois par pédanterie mais parce que, derrière la casquette du chroniqueur, je suis d’abord et avant tout un auditeur lambda et que j’adore voir l’évolution de notre belle musique. C’est fort de ce constat que j’ai jeté mon dévolu sur l’un de ces groupes qui percent mais qui n’avait jusqu’à présent jamais brisé ma carapace d’ardéchois borné et patibulaire ; et ce groupe c’est Regarde Les hommes tomber.

Je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours cru que Regarde les hommes tomber était un groupe non francophone… Ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien, d’autant que le groupe a un nom bien français et fait penser à un film de Jacques Audiard (le premier du réalisateur).
Groupe en provenance de Nantes et qui a vu le jour en 2011, ce dernier en est à ce jour à trois albums, en comptant ce dernier, et un split. Ayant écumé déjà pas mal de salles de concert ou de spots comme le Hellfest en 2017 ou une tournée européenne avec le groupe allemand Der Weg einer Freiheit, il aurait été opportun pour moi, voire même logique au vu de mes goûts préférentiels, que j’écoutasse ce groupe depuis leurs débuts. Mais il n’en fut rien et j’espère être prêt à honorer ce retard avec l’album « Ascension » sorti en février 2020, chez Season of Mist, s’il-vous-plaît ! D’ailleurs, en vous présentant le groupe dans ce court paragraphe, j’ai l’impression d’être d’une inutilité totale. Mais bon… Je souffrirai tout le temps de la rédaction de cette chronique de ce complexe, alors autant ne pas l’évoquer davantage et concentrons-nous sur le groupe.

D’ordinaire, ce genre d’artwork mis en exergue sur le CD est celui qui me taperait à l’œil inconditionnellement. Avec ce décor assez spirituel, cette référence à une ascension de l’Homme au travers de cette immense flamme qui domine centralement une sorte de petit temple à ciel ouvert (genre kiosque) me fait penser à une véritable élévation spirituelle, mais sur un versant noir comme le montrent ces mains de démons qui sortent du ciel vers cette flamme. Ce temple domine d’ailleurs une anse avec d’un côté des roches toutes simples et, de l’autre, une cité qui semble s’effondrer, dominée par une tempête qui fait rage. On dirait un peu un décor de tour de Babel mais cette inspiration ne doit pas corroborer les éternelles références bibliques ou autres.
Outre la beauté du design proposé pour cet album, je suis surtout frappé par ce contraste saisissant entre la lumière et la nuit : celui-ci est très marqué, avec un côté lumineux et ces flammes, ces éclairs, ces étoiles et les sillons sur l’eau, et un côté sombre avec ce ciel chargé, cette eau, et ces décors urbains et naturels tous éclairés légèrement mais qui seraient certainement dominés par la pénombre. Je pense que tout est mis en œuvre pour nous montrer une voie différente, une parole « divine » autre. Je suis donc bien convaincu par cette pochette, même si je me dois d’admettre que ce n’est pas ma pochette préférée des trois albums, plutôt l’inverse d’ailleurs, les autres étant de bien plus belle allure.

Concernant la musique, partant dans la totale inconnue, je me suis amusé à savoir comment était classée celle de Regarde les hommes tomber. J’ai eu un peu de tout dans la veine black metal : du Black « normal », du Post-Black, du Sludge ou du Black atmosphérique. Je me suis dit assez rapidement que la musique de Regarde les hommes tomber devait être soit un concentré de tout ce barda, soit une musique à part et donc difficile à classer.
Quelle ne fut donc pas ma surprise quand j’entendis retentir les premières notes ! Une montée toute douce, très atmosphérique, pour déboucher sur un énorme son de Black Metal bien agressif et d’une incroyable noirceur. La première impression qui me vient, c’est qu’il y a un peu de ressemblance avec le son du groupe Uada, que j’adore, un son fait d’une violence profonde, bestiale, mais avec une dimension dramatico-mélodique qui laisse penser à cette fameuse ascension dont il est question. On entend des effets de voix qui ajoutent un peu de maléfisme à l’ensemble et vous avez ni plus ni moins que la musique de l’Enfer dans ce qu’il a de plus chaotique. Regarde les hommes tomber porte d’ailleurs indéniablement bien son nom : s’il y a bien un aspect de l’humanité qui transparaît dans la musique, c’est bien sa capacité innée à causer sa chute. Je pencherais donc, à titre personnel, pour un mélange entre un Black Metal dans son sens général, avec toutefois quelques nuances d’atmosphérique ou de mélodique, et quelques incorporations sludge au chant. Plus un mélange des différentes ramures du Black.

Mais la particularité première de nos Nantais, c’est d’être très peu linéaires dans leur musique. On retrouve en effet très peu de base répétitive style « couplet/refrain/couplet/refrain/pont, etc. » Il me sera en soi très compliqué de décrire avec précision et luxe de détails les morceaux tant ils sont richement élaborés. C’est un peu la lie du Black Metal, cet état pompeux de composition qui vise à faire du blast tout le long. Ici, point de linéarité, au contraire ! Si vous aimez les compositions qui durent huit minutes et qui carburent aux riffs changeants, un peu comme du Prog, vous allez être servis ! D’ailleurs, je crois que la plus grande force du groupe est cette fameuse richesse dans les morceaux : il a réussi à créer des compositions très variantes mais sans tomber dans le n’importe quoi ou l’inaudible. La musique ne laissera personne sur le carreau, en tout cas, tant elle est différente selon les morceaux. J’adore cette vision-là ! A noter la présence d’un morceau instrumental assez ambiant, qui amène un très court répit avant d’attaquer de nouveau dans la violence et la sombritude.

L’autre gros point fort de l’album et, je pense, du groupe en général, ce sont les chants. Alors là, on tombe carrément dans du très, très haut niveau ! Je parlais de l’aspect sludge de Regarde les hommes tomber, on le retrouve principalement dans le chant qui adopte ce type de voix criées, torturées au possible, venant du plus profond des entrailles meurtries. Ce genre de chant, que je trouve assez peu utilisé à tort, est, pour moi, le renouveau que j’attendais depuis très longtemps dans le Black Metal. Au diable le scream ; laissons plus de place à ce type de chant et je serai comblé. En tout cas, quel talent ! Le chant m’a littéralement mis sur le cul tout le long de l’écoute de l’album. Mais attention ! Il n’y a pas que du Sludge, il y a aussi du scream, évidemment, quelques courts passages de chant clair, des voix plus graves… Enfin, là, encore une véritable richesse de travail et de technique qui m’a allumé d’admiration. Je suis même prêt à mettre dans mon top 3 des meilleurs chanteurs de Metal extrême français le bien nommé T.C. Gros gros point fort de l’album !

Et, alors, je pensais avoir été comblé par les points énoncés précédemment. Mais ma curiosité légendairement maladive m’a poussé à lire les textes. La richesse est décidément LE maître mot de cet album car même ces derniers sont élaborés avec soin, au point d’en être poétiques, qu’ils soient en anglais ou en français pour le dernier. Il est évidemment beaucoup question de foi, spiritualité, d’une certaine appartenance à une communauté de pensée, presque paternelle, et la grande question qui peut paraître banale dans le milieu metal reste cette élévation vers quelque chose de plus détaché, plus individualiste, et surtout plus sombre. Et elle est écrite avec tellement de technique, la rythmique étant le point le plus important accordé aux textes, que je suis époustouflé. Mêmes les rimes sont utilisées à bon escient, sans tomber dans l’abus et la concupiscence. Je vais encore une fois me répéter mais cela est plus qu’un constat, c’est une vérité absolue : ce groupe est un génie du Black Metal. Simplement !

Je vais finir cette chronique en n’ayant accompli une mission qui m’apparaissait quasiment obligatoire au vu du talent incroyable de ce groupe : rattraper mon inculture avec ce dernier album de Regarde les hommes tomber. Album qui est innovant, richement construit, avec un univers fait de noirceur et de spiritualité sous-jacente qui me laisse pantois d’admiration. Je pense que le terme « se prendre une claque » sonne comme une évidence pour un groupe qui commence sa propre ascension vers les hauts cieux du Black Metal mondial. Rarement un groupe ne m’aura autant laissé sans mot. Enfin… Sans « autant de mots » que d’habitude. Il faut y voir le signe d’un avenir qui se veut ultra prometteur.
Grosse sortie en perspective donc et si vous êtes comme moi, que vous n’avez pas encore découvert Regarde les hommes tomber… Mais foncez-donc tout de suite, que diable !

Tracklist :

1. L’ascension (Instrumental) (1:48)
2. A New Order (8:04)
3. The Renegade Son (8:01)
4. The Crowning (9:25)
5. Stellar Cross (8:10)
6. La tentation (2:28)
7. Au bord du gouffre (8:52)

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