Line-up sur cet Album
Robert Stokowy : Tous les instruments
Style:
Drone AmbientDate de sortie:
21 mai 2021Label:
American Decline RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 6/10
“Plus on a médité, plus on est en état d’affirmer qu’on ne sait rien. ” Voltaire
C’est un exercice auquel je me prête volontiers de temps en temps, pour faire le vide. De même qu’avant de dormir, je m’imagine une vie trépidante, loin des tumultes du quotidien. Effet garanti ! C’est assez classique mais je me rêve champion de football, moi qui n’aie jamais été très bon avec un ballon rond, Chris Metalfreak peut en témoigner. Hein mon ami ?
Quand on avait improvisé sur le parking d’une aire de repos une partie de football, on se faisait des passes. Enfin, toi tu y arrivais, moi pas vraiment (NdMetalfreak : « voituuuuuuuuure… Engagement ! »). C’est une forme de méditation, de se laisser envahir par son imagination avant de dormir. J’aime d’ailleurs beaucoup cette citation de Voltaire parce que, sortie de son contexte, elle explique bien qu’il y a des méandres labyrinthiques à explorer dans nos esprits. Se laisser aller à la méditation, c’est une sorte d’appel au paranormal, où tout est réalisable. Et il est vrai que par moment, la musique contribue largement à ce type de lâcher-prise. Vous mettez un bon skeud, vous fermez les yeux et le processus commence. Combien se sont endormis en écoutant de la musique ? Même la plus brutale ? Il y a à ce sujet un de nos confrères, et à titre personnel une personne que j’admire énormément car elle fait partie de la profession soignante, qui explique que « La musique est une addiction positive ». Il s’agit de Laurent Karila, psychiatre addictologue, que je salue ! En ce qui me concerne, j’aime surtout le drone metal et le drone ambient pour ce genre d’émotions qu’ils procurent. Voilà en partie pourquoi je m’évertue à écrire des chroniques sur les groupes de ce type-ci, et RES avec son album « Strife of Permanence » sera donc ma prochaine cible. Le tout sera de savoir si la cible sera pour du tir mortel ou pour des louanges oniriques. Affaire à suivre.
Derrière le nom de RES se cache en fait celui de Robert Stokowy, un artiste allemand qui vit à Chicago, aux Etats-Unis, et qui est originaire de Cologne. Concernant la création de son projet musical, c’est le flou artistique si l’on peut dire, je subodore qu’il a jeté ses premières bases en 2018 puisque sur son Bandcamp, le premier morceau date de cette année. Coutumier semble-t-il de sortir des singles, ou simplement un titre de temps en temps, RES paraît avoir enfin proposé un premier album qui plus est produit par un label. Mais comme c’est un peu le bazar sur le Bandcamp, je n’ai pas tout compris. Il y a aussi une sorte de collectif musical international appelé 스튜디오 허무것도 – STUDIO HEOMUGEOTO, dont semble faire partie Robert Stokowy. Enfin voilà, la seule chose que j’ai pu comprendre, c’est que « Strife of Permanence » est le premier album de RES. Avec des mots ampoulés, notre camarade allemand tente de nous expliquer tout ce qui a amené ce premier album et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce monsieur est un peu le Quantum de la musique. Sa description de son processus musical est semblable à la manière dont Zola décrivait durant vingt pages ses décors dans les romans ! Honnêtement je ne me suis pas risqué à tout lire. J’ai rien compris en plus. Ce genre d’explications très alambiquées, je trouve cela louche. Je me dis instantanément que la musique de RES doit être complexe et compliquée à aborder, sinon pourquoi Robert Stokowy se fatiguerait à nous en parler avec autant d’apitoiement ? Bon, n’extrapolons pas !
La pochette choisie en tout cas pour ce premier album est difficile à cerner. Je pensais que RES s’était inspiré justement, comme il l’explique si bien et qui est la seule chose assez claire que j’ai compris, de la gravure sur bois de l’artiste allemande Käthe Kollwitz et de son approche minimaliste, et qu’ainsi en faisant fonction d’hommage, la pochette serait une œuvre de Käthe Kollwitz. Mais en fait non, on dirait plus une vulgaire photographie de toiles d’araignées, un truc du genre. Si l’on essaye de faire dans la logique, une photographie serait bien une représentation de la permanence et de son conflit (traduction du nom de l’album) puisqu’une photographie fige le temps. Mais je ne sais pas si c’est vraiment le cas. RES n’a fourni absolument aucune description, aucun dossier presse, ou juste un bout de papier à la patte d’un pigeon voyageur, donc c’est difficile de comprendre l’univers musical. En tout cas, cette pochette n’est pas tout à fait ce que j’appelle un choix judicieux. On ne comprend pas ce dont il s’agit, il n’y a même pas le nom de l’album et de l’artiste dessus. Pour un format LP prévu, je trouve cela bien léger…
Sur le papier, il y a trois morceaux, qui portent sobrement leur place en chiffres romains en guise de nom. Je me doutais bien évidemment qu’étant face à un album présenté comme du drone ambient inspiré doom metal, les pistes seraient très longues. Et de fait, quarante-deux minutes, c’est long. Surtout quand on n’accroche pas… Car je me dois de le reconnaître, j’ai beau aimer la musique drone, j’ai beaucoup de mal à adhérer à ce « Strife of Permanence« . Pourtant, il me fait penser à certains morceaux de Sunn 0))) qui est un groupe que j’aime beaucoup. Mais contrairement au groupe précédemment nommé, RES semble vouloir faire dans l’innovation à l’extrême, dans l’expérimental, ce qui est totalement contraire à ses intentions de départ si l’on en croit son descriptif et son ode aux œuvres de Käthe Kollwitz. Mais là où le bât blesse cruellement, c’est que cette recherche d’expérimentation est une sorte de camouflet réel pour ne produire qu’une musique qui file aussi lentement qu’un doom metal ralenti cent fois. On ne sent pas les tentatives de changements ou d’incorporation que Stokowy nous vante sur Bandcamp : « Strife of Permanence » évoque une palette sonore saisissante : des hélices d’hélicoptère, un didgeridoo amplifié, des retours fantômes perçants, comme un exorcisme à travers un ampli. L’album évoque des tours à la fois grossièrement taillées et ornées. » Alors je vous rassure, il y a aussi au moins une guitare saturée dans le lot. Mais comme elle est un peu toute seule face à ces curieux instruments, je dirais que « Strife of Permanence » est un album de drone ambient, plus que drone metal. Mais un drone ambient trop peu envoutant, avec trois morceaux qui ne varient guère, qui tournent en rond, et qui ne parviennent pas à m’attirer. Cette première écoute sonne très nettement comme un premier échec. Cependant, je ne suis pas du genre à abdiquer, alors il y en aura d’autres.
Je ne sais pas si l’on peut parler de production au sens propre du terme. Franchement, c’est un peu une bouillie sonore mais c’est le but j’imagine parce qu’il y a sûrement une recherche d’intensité. Mais bon, il faut aimer. Personnellement j’aime bien ce genre de son mais quand il est ponctué d’un peu de moments calmes histoire de souffler sur le plan émotionnel. Là, je reproche à la production d’être envahissante, laissant peu d’instants de pause et oppressant progressivement l’auditeur. Il aurait fallu être plus aérien pour me plaire. RES cherche probablement à faire dans l’absence de vacuité que ce soit musicalement ou personnellement. En tout cas, j’aime bien quand on laisse un peu de vide, et je trouve ainsi cette production de « Strife of Permanence » maladroite et peu avenante.
J’ai fait ma b.a., j’ai réécouté plusieurs fois les trois morceaux. Mais malheureusement je n’ai toujours pas changé d’avis sur les trois longues pistes de ce premier album. L’innovation qui consiste à utiliser des pales d’hélicoptère, un didgeridoo saturé et d’autres curiosités de ce genre ne prend pas. En fin de compte je me suis demandé en quoi cette soi-disant innovation qui est surtout une manière de souffler sur les braises, s’entendait clairement. Si saturer sonoriquement un didgeridoo donne ce résultat, j’allais dire, autant utiliser des banques son classiques parce qu’on dirait surtout un logiciel de MAO. De même que les pales d’hélicoptère, en elles-mêmes, n’amènent rien de spécial. C’est tout le problème de ce « Strife of Permanence » : vendre du rêve pour se retrouver avec ce qui ressemble un peu de loin à une escroquerie musicale. J’exagère volontairement ! Mais en toute humilité, je ne perçois aucunement une forme d’innovation dans la musique drone ambient de RES. C’est surtout une manière ampoulée de vendre sa musique banale et importune. Typiquement en plus le style de musique qui est décrite comme attrayante, un peu comme un commercial vous vendrait une tablette de chocolat lambda en vous faisant croire qu’elle sort de chez Willy Wonka, mais qui ne plaira pas à grand monde… Je pense donc que « Strife of Permanence » est un premier album que Robert Stokowy a sorti plus pour lui-même que pour le public, enfin j’espère. Parce que dure sera la chute.
A ce stade, peut-on alors parler de talent concernant notre ami allemand ? La réponse est tout sauf précise. Je me prête à croire que oui, Robert Stokowy est un bon musicien même si je ne connais pas son pedigree. Pour moi, un bon musicien est un musicien qui cherche justement à innover les bases de la musique qu’il aime, en y mettant son empreinte et ses ressentis. Donc oui, d’une certaine manière il est très bon, surtout si l’on fait le ratio d’innovation que nous vend le Bandcamp de RES. De surcroit multi-instrumentaliste, avouons que l’idée peut séduire. Mais sincèrement, ce premier album ne lui rend pas honneur du tout dans le sens où il commet beaucoup trop de maladresses. J’aurais bien vu du chant par exemple, ou peut-être des parties en disto très fortes à la Sunn 0))). Mais bon, on ne va pas se répéter plus longtemps.
La morale de cette chronique est que l’on peut être multi-instrumentaliste de talent et commettre une première erreur de parcours. RES, projet solo de Robert Stokowy et son CV bien rempli (en témoigne son site officiel), sort un premier album appelé « Strife of Permanence » qui aurait pu se nommer « Strife of Performance » tant le résultat final est un vrai conflit intérieur. Un drone ambient qui, sur le papier, ne pouvait que me plaire, bien vendu dans une description dithyrambique qui donnait l’eau à la bouche avec une promesse d’innovation géniale et une vision artistique pleine de références alléchantes. Je notais une très belle intention musicale et une motivation qui semblait prometteuse. Mais hélas, ce premier album est surtout d’une banalité décontenante. Trois pistes qui sont plus ou moins en boucle, à peine quelques petites retouches discrètes qui plus nombreuses auraient ramené de l’intérêt. Une production plutôt classique. Bref ! Un album vendu à la limite de la publicité mensongère, qui se révèle être un concentré de maladresses et de non-prises de risques et qui frôlent un peu la correction. Ce qui sauve l’ensemble c’est que derrière, je sais qu’il y a de l’idée donc j’imagine sans peine que RES va rebondir sur de futures musiques. Mais en tout cas, « Strife of Permanence » n’est pas vraiment le genre d’albums de base que l’on recommande facilement, alors ici il sera plus une passade éphémère que même un souvenir enfoui. Dommage.
Tracklist :
1. I
2. II
3. III
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