Line-up sur cet Album
- Cem Barut : guitare rythmique
- Durmuş Kalın : guitare lead, claviers, programmation batterie
- Harun Altun : chant
Style:
Doom Death MetalDate de sortie:
10 février 2023Label:
BITUMENote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“Contrairement à ce qui est dit dans le sermon sur la Montagne, si tu as soif de justice, tu auras toujours soif.” Jules Renard
Décidément, la Turquie m’apporte son lot de découvertes improbables encore il y a quelques semaines. D’abord grâce à une série sur Netflix que je recommande chaudement et qui m’a été recommandée par une très bonne amie, qui s’appelle The Gift et qui, sans vous parler de l’intrigue, a le mérite de montrer des paysages absolument fabuleux. J’étais loin de me douter que la Turquie pouvait à ce point présenter des étendues aussi belles, aussi majestueuses et aussi sauvages. Loin du cliché du pays chaud, il y a aussi et surtout de vraies périodes de froid intense dont j’étais à des années-lumières de me douter. Aussi, je ne vous raconte pas ma surprise quand j’ai vu qu’il s’agissait aussi d’un pays froid en hiver. C’est con, je sais… Ensuite parce que l’actualité nous a ramené à la dure réalité de la vie, et surtout de la puissance insoupçonnée de la Nature, avec les tremblements de terre récents qui ont causé un nombre abominable de décès… On a tous en tête, même les gens comme moi qui n’ont pas la télévision, de ce bébé décédé sorti des décombres par son père. Affreux. J’aurais aimé vous citer une référence moins macabre pour vous évoquer ce rapprochement soudain pour ce pays. Mais il y a aussi et surtout la musique. Loin de déprécier cette dernière, ce fut toujours la musique qui me rapprochait même subrepticement de la Turquie. Alors, je m’étais dit qu’il y avait longtemps que je n’avais pas découvert une nouveauté metal qui émanait de ce pays, puisque mes références en musique turque abondent plus qu’en musique extrême. Mais au moins, ai-je un soubresaut de connaissance… Merci la communauté turque de ma ville actuelle! En tout cas, loin de tomber sur les clichés autour de la nourriture (si vous voyez ce que je veux dire), je suis toujours curieux de connaître de nouveaux horizons qui vont de ce beau pays qui, décidément, me fascine de plus en plus! Peut-être l’idée d’un voyage viendra un jour de mes profondeurs limbique. Mais en attendant, parce que monsieur porte-monnaie et madame travail refuse de m’offrir cette opportunité, je me contenterai de la chronique en release du jour pour Sermon et l’album « Till Birth Do Us Part« .
Sermon fait partie de cette catégorie de groupes qui ont connu deux vagues. La formation a connu une première existence entre 1997 et 2004, après une séparation dont subsiste un seul membre fondateur qui est Cem Barut, et qui a embauché d’autres musiciens pour refonder son groupe en 2021. La première vague semblait sonner, et le label le confirme à demi-mot, comme une époque de tâtonnement et d’errances dans une recherche de style préférentiel. Trois démos pour accompagner cette première époque et donc, ce grand vide de dix-sept années pour finalement accoucher d’un single en 2022 et donc ce premier album (enfin!) nommé « Till Birth Do Us Part« . En plus et non des moindres, ce premier méfait sort chez un label! Mea culpa, je ne connaissais pas ce label qui s’appelle BITUME, et qui en plus est français. La honte… Bon! Au moins, avec cette chronique, qui plus est en release du jour, j’ai quelque peu rattrapé ma méconnaissance criante du terrain. Enfin j’espère. Encore faut-il que l’album me plaise! On y va!
Et les Dieux savent que cette pochette, pour un premier album, démontre un gros gros travail de réflexion et de choix qui me plait! L’image est superbe, vraiment. La traduction du nom de l’album étant « jusqu’à ce que la naissance nous sépare », on est très raccord avec le détournement de la séparation par la Mort. Avec cette statue qui montre un corps féminin qui porte un bébé endormi contre la poitrine et qui voit sa figure se séparer en deux, avec d’un côté une partie « normale » d’un visage de femme, et une autre partie qui montre un crâne, on est sincèrement raccord avec le nom de l’album. J’adore tellement les contours de cette statue avec un œil enflammé derrière la tête, qui forme une sorte d’auréole, mais avec surtout les couleurs. Les couleurs autour sont magnifiques. Il y a un jeu de contraste et de mélange de couleurs qui sont absolument magnifiques. J’adore les tonalités violettes en bas et le dessus plus couleur feu, et cette sensation de ciel nocturne ou d’obscurité souterraine qui remplit le haut de l’artwork. En fait, c’est surtout la capacité d’utiliser des couleurs normalement plus « flashy » sur un registre plus froid, plus distancieux que j’aime. Et franchement, l’ensemble de l’artwork est d’une très belle harmonie. Bon, le nom du groupe en jaune pétant me sied un peu moins, faisant un peu trop cartoon à mon gout. Mais l’image toute seule… Non, véritablement, c’est de l’excellent boulot! L’artiste qui a pondu cette pochette est pétri de talent, on va donc le nommer : Marcus Ganahl! Félicitations, et bravo au groupe Sermon d’avoir choisi en première sortie officielle une pochette dont on sent dans un premier temps qu’il y a des moyens qui ont été versés, et ensuite qu’il y a eu un vrai gros travail de réflexion autour pour faire le nec plus ultra en matière d’artwork de ce début d’année 2023. Bien joué!
Je dois admettre que durant le retentissement des toutes premières notes, j’ai eu une belle grimace. Parce que clairement, la basse était beaucoup trop forte! Mais à un degré tel que j’ai dû baisser considérablement le son dans mon casque pour atténuer le tout. Puis l’ensemble s’est doucement harmonisé pour laisser place à une musique très doom death metal. Entendons par-là une musique à la fois très lourde et très lente dans son ensemble instrumental principal. D’où mon effet de mauvaise surprise en entendant cette basse beaucoup trop forte. Après, sans que je ne puisse l’expliquer rationnellement, du moins sans me creuser la cervelle de trop, le son est devenu plus appréciable quand le chant est arrivé et que les lignes de guitares se sont faites légèrement plus mélodiques. Car la grande force de Sermon n’est pas de se cantonner justement à un doom death metal bête et discipliné, propre et net. La musique est surtout très mélodique et explore des expérimentations rythmiques qui frôlent par moment selon moi le metal progressif. Dans l’exercice, l’agressivité en moins, le projet m’évoque le groupe dissous Knowledge Through Suffering qui officiait dans le même registre de doom death metal avec de multiples changements riffiques et des variations à la fois de tempo et de rythmiques, ce qui prodiguait une sensation d’éveil qui me faisait énormément de bien. Je retrouve donc cette belle initiative de composition chez les turcs de Sermon, et « Till Birth Do Us Part » sonne comme un album plein de richesses! J’en veux pour preuves supplémentaires l’ajout de passages aux violons par exemple, ou l’apparition de parties claviers de temps en temps pour appuyer tantôt la lourdeur, tantôt les mélodies des guitares. Le chant varie également beaucoup, ne restant pas sur une technique de chant classique du genre, mais expérimentant les parties plus claires par exemple ou du chant en montant dans la tessiture. Bref! En première écoute, les sensations sont garanties, et la musique mélange habilement la lourdeur extrême avec des mélodies et de multiples changements dans les riffs qui offrent un panel de riffs différents et tous aussi bien construits les uns que les autres. Pour une fois que le doom death metal se voit doté d’une telle recherche et d’un tel soin, c’est fort appréciable! Même si j’aime ce style dans sa part old school, découvrir des groupes comme Sermon, cela me procure un bien fou! Tout plaide pour faire de ce premier album un CD prometteur et séducteur pour les amateurs du genre! En tout cas, en première écoute sans réelle analyse, c’est du tout vu! Fantastique découverte!
Alors, comme vous pourriez le pressentir, la production est probablement le seul point faible notable de ce « Till Birth Do Us Part« . Non pas que le son soit irrémédiablement indigeste, loin s’en faut. Mais comme je disais, la basse a tendance à se montrer de manière sporadique mais quand-même, un poil trop forte, étouffant au passage quelques lignes de guitares ou le chant, et ce choix de mettre en exergue la basse, si ce dit choix est tout à fait louable dans les faits stricts, il n’en demeure pas moins qu’il faut être très prudent. Surtout dans un registre doom death metal qui demande déjà de manière gourmande une lourdeur excessive par rapport aux autres genres, exagérer les traits naturellement épais de la basse comme l’a fait ici Sermon ne mérite pas que l’on saute de joie. Après, je ne sais pas par quel miracle, l’ensemble s’équilibre très bien, mais cela reste finalement une conception sonore plutôt fragile. Après, d’où l’importance de contextualiser l’anamnèse d’un groupe comme je fais, quand on se souvient que le groupe a connu une première vague plaçant l’expérimentation et l’hésitation à leurs paroxysmes respectifs, on comprend bien pourquoi en ayant laissé en plan le groupe en 2004, le groupe a repris ses mêmes errances de manière certes édulcorée, mais quand-même suffisamment pour que sur un premier album, on le ressente encore. Bon, comme je disais, il n’y a absolument rien de rédhibitoire, et comme l’on a tendance à multiplier les supports d’écoute de nos jours, je me contenterai de vous dire d’éviter de l’écouter avec un casque comme moi, bas de gamme. Du reste, les autres instruments sont idoinement placés, donc il n’y a finalement que cette basse qui fait défaut. Rien de fou!
Après quelques écoutes, je n’ai finalement qu’un seul petit regret, qui relève d’ailleurs plus de la frustration que du regret : de ne pas avoir pu comprendre en profondeur le concept autour de l’album « Till Birth Do Us Part« . J’avais été totalement piqué de curiosité par le détournement de la phrase avec la Mort qui sert de titre, en me demandant comment le groupe allait approcher ce changement. Quelle métaphore pourrait illustrer cela? L’image aussi m’avait donné envie. Et puis, non seulement le label n’a rien fourni pour expliquer le concept autour, se contentant de vanter la musique. Mais en plus, le groupe non plus n’apporte finalement pas grand-chose. C’est dommage parce que je suis convaincu que l’album reflète un trésor de concept. Mais bon… En tout cas, musicalement parlant, j’ai été époustouflé par ce mélange de doom death metal et de quelques variations dont le nom importe peu en termes stylistiques, mais qui offre une richesse musicale comme j’en ai rarement vue dans ce registre. Là où la lourdeur et la lenteur sont les commandants, les incorporations diverses de ce « Till Birth Do Us Part » sont les généraux, et je suis réellement très agréablement surpris par tout ce décorum de riffs mélodiques, atmosphériques et même les soli qui incombent. Vraiment, j’ai adoré!
Et le chant ne me fera pas mentir non plus! Comme je l’expliquais de prime abord, ce dernier ne se contente pas d’une technique en grunt grave, il explore également différentes perspectives. Allant du chant clair grave au growl medium en passant par de la narration ou des superpositions de plusieurs tessitures vocales, le chanteur, qui est le dernier arrivé dans la formation, apporte un incroyable bonus à la musique par sa présence, les nombreuses techniques qu’il maitrise et l’intelligence de ses placements vocaux, que ce soit rythmiquement ou dans le choix des tessitures. Honnêtement, quand c’est trop, je ne suis pas friand habituellement. Mais dans le cas de Sermon, j’ai été bluffé. Parce que l’exercice qui consiste à mettre du chant varié dans un doom death metal déjà très varié n’était guère facile. Et ici, le challenge est relevé haut la main! Le chant est probablement l’un des gros points forts de cet album qui décidément, n’en manque pas.
Pour conclure cette nouvelle chronique, j’ai l’immense plaisir de vous présenter le premier album du groupe turc Sermon, nommé pour l’occasion « Till Birth Do Us Part« . Un doom death metal loin de tomber dans le piège old school dans la linéarité, la lenteur et la lourdeur toutes les deux trop extrêmes et le simple balancement d’accords. La musique est d’une richesse composale incroyable et bluffante, oscillant avec des mélodies guitares qui prennent des tournures différentes selon les besoins de la musique, et des variations de rythme qui n’étouffent en rien l’auditeur. Rarement un album de doom death metal ne m’aura autant donné l’impression de se recréer à chaque minute dans un luxe de résilience aussi fou que ne l’est l’esprit qui compose et élabore cet album qui, je le rappelle, est une entrée en matière. Après avoir ainsi erré durant trois démos, avoir fait une pause qui semblait partie pour durer ad vita eternam, le groupe Sermon a repris son envol en 2021 pour finalement sortir ce qu’il aurait été dommage de laisser aux oubliettes. Soit un superbe et bluffant premier album! A découvrir sans plus tarder les ami(e)s!
Tracklist :
1. Posthumous
2. Sliver/Splinter
3. Flawless Entropy
4. Requitement
5. Cerulean
6. Destined To Decline
7. Gnostic Dissensus
8. The Jupiterian Effect
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