Note du SoilChroniqueur (Arno) : 8,5/10

Pour reprendre un poncif éculé pourtant empreint de cette saine et ancestrale sagesse populaire que l’on connaît : talent et ancienneté n’entretiennent absolument aucun lien de cause à effet. On aura beau me rebattre les oreilles avec des formations dix ou vingt ans d’âge, si je trouve ça tout pourri je me contenterai de m’étonner d’être le seul à faire preuve d’un peu de bon sens.
Les Français de Shaârghot débarquent donc aujourd’hui avec un éponyme cinglant après l’EP « Mad Party » sorti en 2013 et dont les quatre titres (« Azerty » ; « Uman Iz Jaws » ; Mad Party » ; « No Solution ») sont d’ailleurs repris ici. Avec leur esthétique Orange Mécanique post apocalyptique (voir le clip « Uman Iz Jaws » ci-dessous), une première partie de Rabia Sorda et Punish Yourself au Petit Bain (Paris, 23/10/2015), je ne m’attendais clairement pas à un truc édulcoré pour garçon coiffeur, plutôt à de la tourbe travaillée à la limaille de fer. Espoir que les douze titres ne déçoivent jamais.

Il va tout de même falloir planter un peu le décor car si toi, lecteur, tu t’arrêtes uniquement à l’étiquette Métal Industriel tu vas croire, si c’est le seul groupe du genre que tu connais, que Shaârghot joue dans la cour du symbolique Ministry alors qu’il n’en est définitivement rien, même si je reconnais que le riff de « Traders Must Die » n’est pas sans m’évoquer « N.W.O ». Ici, lorsqu’on parle d’Industriel, on ne fait pas référence à deux pauvres samples trouvés dans les poubelles d’une brocante de campagne ni à une boîte à rythme qui lobotomise l’auditeur à force de linéarité vaine. L’Indus, il faut aller le chercher du côté de la grosse Electro européenne ou encore chez un Hocico en grande forme car, entre les riffs bien couillus de la guitare, c’est bien de musique électronique qu’il s’agit à 80% : nappes de synthés claustrophobes, hystérie cybernétique, boursouflures dancefloor, ambiance de cave S.M., vocaux distordus, moi qui n’écoutais presque plus d’E.B.M je ressors mes vieux And One et Suicide Commando.

Ce qu’il y a de très agréable (si je puis dire) avec ce disque c’est que la formation ne se perd ni dans la tentation d’en rajouter des tonnes en interludes inutiles ou dans les gimmicks bizarres, ni dans la facilité de s’engouffrer dans les courants modernes en abusant du glitch, du vocoder ou, pire, en faisant de la Dubstep. Bien au contraire, on sent que les musiciens ont été nourris à l’Electro Industrieldes années 90, avec pour résultat des morceaux concis, efficaces, où l’utilité de chaque arrangement est pesée avec en plus des trouvailles assez géniales à l’image de « Clock’s Waltz » qui alterne des passages dignes de Sopor Aeturnus avec des explosions d’enfer métallique percées de rouille. Morceau atypique mais signe d’une inspiration bien plus étendue que la moyenne des groupes évoluant dans ce style où la surabondance de sons sert trop souvent à masquer une créativité réduite.

Je suis conscient que le public potentiel ne se trouve pas forcément dans la faune Métal. Pourtant, lorsque Shaârghot ne hurle pas, ses murmures me rappellent le Fetish 69 de l’album « Geek » et lorsque ça bastonne, cela ne fait pas semblant (« The Way ») : la douleur est alors cuisante, bien plus tenace que bon nombre de groupes jouant les durs avec leurs guitares sous accordées.
À titre personnel, j’adore : les mélodies sont excellentes, les beat puissants, entraînants, portant avec eux une ambiance dégueulasse de poisse absolue et de violence urbaine malsaine. Une putain de découverte.

Tracklist :
00 : Shaârghot
01 : Sandstorm Calling
02 : Azerty
03 : Uman Iz Jaws
04 : Traders Must Die
05 : Clock’s Waltz
06 : Mad Party
07 : The Way
08 : U.K.T.T.O.M.H
09 : No Solution
10 : We Are Alive
11 : B4-Birth

Uman Iz Jaws : https://www.youtube.com/results?client= … s=en&q=shaârghot%20facebook&oe=UTF-8&gfe_rd=cr&um=1&ie=UTF-8&gl=FR&sa=N&tab=w1

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