Line-up sur cet Album
Justine Galmiche : Chant Pierrick Valence : Chant, talharpa et nyckelharpa Christophe Voisin-Boisvinet : Composition et réalisation Xavier Bertrand : Chant additionnel
Style:
NéofolkDate de sortie:
9 octobre 2020Label:
Universal Music / Decca RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
« Longue est une nuit,
Longue une seconde nuit,
Comment languirai-je trois nuits ?
Souvent un mois
Me parut moins long
Que la moitié de la nuit
Qui précédera cette noce. » Snorri Sturluson
Il y a une expression que j’aime beaucoup pour son double sens : « reculer pour mieux sauter ». Le double sens est intéressant car il résume bien le concept d’une sortie très attendue, de la part d’un groupe qui perce ou qui s’est déjà fait un nom. Le fameux « ça passe ou ça casse », l’angoisse d’un groupe quand il sort un album prisé de ses fanatiques. Ce que j’aime dans le double sens c’est qu’indubitablement, un groupe recule pour mieux sauter dans le grand bain, c’est une évidence. Il prend du recul. Il analyse toutes les possibilités car il sait que le moindre faux pas, la moindre erreur d’analyse peut causer sa chute. Et il arrive parfois que des décisions soient prises pour mieux avancer, c’est ce qui fait que nous sommes, en deçà de notre condition de chroniqueurs, les amateurs de musique qui se respectent et qui sont dans l’attente de savoir si leur premier avis était le bon. Si le groupe allait continuer son ascension, sa progression, ou s’il commettra l’inverse. C’est dans cette logique que j’ai opté pour le futur nouvel opus de Skàld, intitulé sobrement Viking Memories.
J’avais eu le grand plaisir de poser mes propos sur leur premier album appelé Le Chant des Vikings, que j’avais crédité d’une bonne note avec de petites réserves, particulièrement sur le devenir du groupe et les limites que pouvait rencontrer leur concept. Le groupe, qui a été fondé en 2018 et qui demeure donc une formation jeune, propose en effet un univers musical néofolk autour de la culture nordique et de la mythologie du même acabit. En soi, c’est un concept que l’on retrouve pas mal en ce moment, qui est devenu très à la mode avec l’avènement de la série Vikings, ou de Marvel et son personnage Thor par exemple. Oui, on peut le dire : le viking est à la mode, et permet à Skàld de se faire un nom très solide dans le paysage musical français. Surfant sur les traces de groupes prestigieux comme Heilung, j’adorais le principe de chanter en vieux norrois, l’incorporation d’instruments traditionnels et anciens comme l’alharpa et la nyckelharpa, la lyre et la harpe aussi, l’accompagnement par des percussions et des chœurs, et surtout ces voix… Divines. Alors, depuis la sortie de ce premier album, le groupe a évolué : Matthieu Haussy a quitté le groupe, laissant Pierrick Valence et Justine Galmiche, membres fondateurs, seuls au commande de Skàld. La composition est toujours assurée par Christophe Voisin-Boisvinet, laissant Pierrick et Justine au rang d’interprète, ce qui avait été remporté haut la main sur le premier album, sans compter le concert fait au Hellfest qui m’avait laissé béat d’admiration. Bref, ce deuxième album s’annonce vraiment bien même si mes réticences de départ que constituait cette signature chez Universal Music et tout le côté commercial de la démarche ne peuvent s’estomper ainsi.
De fait, je trouve le nom de l’album un peu insipide, très passe-partout et sans réelle identité. Un titre très commercial quoi, comme pouvait présenter le premier album d’ailleurs. Et la pochette de l’album suit bien cette logique un peu publicitaire que réellement parlant sur un côté plus sensé. Loin de moi l’idée de dire que le duo de musicien, qui présente fort bien sur la photo au demeurant, tombe dans la facilité. Mais lorsque vous contemplez la pochette, vous réalisez que c’est le genre que vous croisez au rayon « variété française » à la Fnac. Certains vous diront que cela ne leur plait pas, ce genre de démarche que l’on qualifierait sans peine d’ultra commercial, et si l’on a un peu d’objectivité et d’empathie, on comprend aisément les réticences de ce public metalleux. Cependant, critiquer cet aspect revient à dire que l’auditeur n’a pas compris que Skàld devenait un groupe suffisamment connu pour être estampillé, sans honte, commercial. En ce qui me concerne, j’aime bien la pochette, je la trouve bien résumante sur le concept néofolk avec cette mise en avant du duo, au détriment de l’ancien trio et qui montre un nouveau départ pour Skàld. Le décorum avec un levée de soleil sur un horizon marin, typique aussi d’une représentation réutilisée beaucoup de fois mais toujours ayant son petit effet. C’est simple, basique, mais efficace! Efficace car accessible au grand public quoi.
Par contre, autant le constat de l’accès au grand public prévaut bien évidemment sur la musique, autant j’ai beau aimé les groupes plus intimistes, j’adore toujours autant leur musique et ce, même si elle se situe dans cette mouvance un peu « mercantile ». Rapidement mes doutes ont été balayés d’un grand coup de râteau, la musique n’a pas régressé du tout! On pourrait se demander quel apport avait Matthieu au final quand on entend le résultat que procure le duo Pierrick/Justine et qui est sublime. Je note une différence fondamentale avec le premier album : la mise en avant plus importante de Justine au chant, qui s’offre parfois des morceaux limite a cappella comme « Sólarljóð » et qui offre toute sa puissance, son charme et son étendue vocale. Il me semble que Pierrick se fait plus discret au chant, ne sert que dans des phrasés ou des voix gutturales dont il a le talent et le secret plus que de vrais lignes de chant comme sur Le Chant des Vikings. Les instrumentations sont quant à elles assez raccord avec le premier album, les instruments demeurent les mêmes (du moins il me semble) et le compositeur garde sa patte, comme on dit. En gros, si vous avez aimé le premier album, vous allez surement aimer le second parce que musicalement, il n’y a pas eu de grands chamboulements hormis, comme je disais, la présence accrue de Justine au chant et les voix masculines plus en retrait, et qui sont un excellent point!
L’album a été enregistré et mixé, si je ne m’abuse, en Bretagne. Alors, aucun rapport direct vous me direz! Mais moi, je pense que si. Le choix n’a pas été fait au hasard selon moi – d’ailleurs je n’y ai jamais cru. La Bretagne, qui a un lien étroit avec la culture viking par son invasion notamment en 913 par ces derniers, demeure surtout un lieu empli de mystères et de spiritualité. Et pour obtenir la quintessence d’un album comme celui de Skàld, il faut pour les musiciens un cadre idyllique, où ils peuvent à la fois reposer leurs corps et leurs âmes. Il faut presser jusqu’à la pulpe la plus belle des intentions que celles d’un musicien en studio, aussi fais je un parallèle peut-être scabreux avec le lieu d’enregistrement de l’album et je ressens tout le pouvoir d’un tel lieu dedans. Le son est vraiment impeccable, rien à redire dessus, tous les instruments sont à leur place respective (c’est à dire en accompagnement du duo de chant) et je persiste à dire que c’est normal, que l’on en attendait pas moins d’un groupe de l’envergure de Skàld.
Je vais faire fi du talent des musiciens comme j’ai pour habitude de faire, parce que ces derniers étant principalement des chanteurs, je vais faire d’une pierre deux coups. Nous avons deux chants diamétralement opposés, celui de Pierrick est très porté sur la technique guttural, avec aussi un chant diphonique très marqué, et celui de Justine qui est clair sans tomber dans le lyrisme outrancier et c’est très bien comme ça. La principale différence avec le premier album, j’en ai parlé, est la présence accrue de Justine et la stratégie de composition qui consiste à mettre en avant son chant plus que celui de Pierrick et des chœurs masculins est largement payante puisqu’il y a une identité plus importante. J’aimais beaucoup le mélange des chants sur le Chant des Vikings, je me rends compte aujourd’hui que c’était peut-être trop imposant, et qu’il fallait épurer l’ensemble. Le deuxième CD est clairement plus efficace, plus harmonieux sur le chant. Et alors, je vais faire une véritable déclaration d’amour, avec le genou à terre et une bague imaginaire : le chant de Justine est époustouflant. Déjà que la barre était mise très haut sur le premier album, alors ici… D’avoir beaucoup plus d’ampleur lui confère un chant encore plus beau. Les déclamations scaldiques sont moins présentes, on a plus de chant « normal » mais il est tellement beau, la voix est tellement belle dans son alternance de passages puissants « déclamés » et de passages plus doux que c’en est absolument magnifique. Justine, si tu me lis, permets moi de demander non pas ta main car ce serait pécher, mais ta voix s’il te plait.
Dommage que je n’ai pas eu les textes, j’adore lire le vieux norrois mais à n’en pas douter j’aurais bientôt accès aux textes.
Car, pour conclure, non seulement ce CD finira dans ma maison, à une place de choix, mais en plus je suis très heureux de l’avancée du groupe Skàld. J’avais trouvé le premier album plein de promesses mais aussi j’avais quelques réticences. Je sais que c’est totalement idiot, mais quand j’ai un groupe qui me plait et qui démarre sur les chapeaux de roue dans une sphère commerciale, je suis toujours très inquiet de la tournure des évènements. Les exemples fourmillent comme avec le groupe Of Monsters and Men dont je suis un immense fan mais dont le dernier album m’a déconcerté au plus haut point. C’est pour cela que je marchais sur des œufs lorsque j’ai démarré l’écoute de Viking Memories . Mes doutes ont été balayés comme dans un tsunami, Skàld s’impose comme une pointure du genre néofolk et demeure à ce jour le meilleur représentant du genre en France, n’en déplaise à ses détracteurs. Le fait de continuer leur route en duo impose une place plus importante pour les chants, en particulier celui de Justine qui fait mouche à chaque morceau. Un grand album pour un (futur) très grand groupe, et comme en plus de cela il est largement accessible à tous, pour tous les âges, pourquoi vous passeriez à côté?
Tracklist :
1. Fimbulvetr
2. Jörmungrund
3. Grótti
4. Norðrljós
5. Sækonungar
6. Þistill Mistill Kistill
7. Sólarljóð
8. Víðförla
9. Hafgerðingar
10. Í dansinum
11. Nýr
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