Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

“Quand tu épouses de l’argent, le diable pond un œuf dans ton garde-manger.” Proverbe scandinave

Peut-être l’une des citations les plus saugrenues que je connaisse. Mais cela n’enlève rien à la chronique que je m’apprête à faire et qui est pour moi un vrai plaisir. Je pars sur un terrain connu, puisqu’il s’agit de ma troisième salve pour le groupe dûment évoqué. Il me fallait une citation de circonstance, et comme j’étais sur un mood plus détendu… Bref ! Chez Soil Chronicles, nous mettons toujours un point d’honneur à maintenir une réputation grandissante ou déjà établie, surtout il faut bien l’avouer quand le groupe est français. Je pense que chaque webzine se donne intrinsèquement cette mission en fonction de la scène de son pays, c’est ce qu’on appelle communément un secret de Polichinelle. Aussi, nous sommes parfois un peu étonnés des réactions concernant notre prétendu chauvinisme. Si nous avons un devoir d’impartialité inhérent à l’analyse qui nous incombe, il n’en demeure pas moins que nous avons aussi une mission de mise en exergue de notre belle scène. En ce qui me concerne, je n’ai aucun scrupule à avoir ce rôle qui nécessite effectivement un soupçon de chauvinisme, entendez par là une forme de fierté concernant notre scène qui est en plus très riche (l(une des plus riches d’Europe en tout cas), mais aussi et c’est très important une forme d’objectivité. Alors, ne soyez pas surpris si je fais une entorse à ce que je me suis toujours un peu imposé, à savoir deux points essentiels : ne faire les singles qu’en cas de sûreté, et ne pas continuer à suivre un même groupe en chronique. Dans le cas de Skàld, j’ai déjà largement frôlé la luxation puisque c’est ma troisième chronique. Alors, permettez que je fasse cet EP au point où j’en suis.

J’ai légèrement copié ma dernière présentation puisque les choses n’ont guère évolué depuis. J’avais eu le grand plaisir de poser mes propos sur leur premier album appelé « Le Chant des Vikings« , que j’avais crédité d’une bonne note avec de petites réserves, particulièrement sur le devenir du groupe et les limites que pouvait rencontrer leur concept. Le groupe, qui a été fondé en 2018 et qui demeure donc une formation jeune, propose en effet un univers musical néofolk autour de la culture nordique et de la mythologie du même acabit. En soi, c’est un concept que l’on retrouve pas mal en ce moment, qui est devenu très à la mode avec l’avènement de la série Vikings, ou de Marvel et son personnage Thor par exemple. Oui, on peut le dire : le viking est à la mode, et permet à Skàld de se faire un nom très solide dans le paysage musical français. Surfant sur les traces de groupes prestigieux comme Heilung, j’adorais le principe de chanter en vieux norrois, l’incorporation d’instruments traditionnels et anciens comme l’alharpa et la nyckelharpa, la lyre et la harpe aussi, l’accompagnement par des percussions et des chœurs, et surtout ces voix… Divines. Alors, depuis la sortie de ce premier album, le groupe a évolué : Matthieu Haussy a quitté le groupe, puis Pierrick Valence par la suite, Justine Galmiche se retrouvant seule avec des musiciens additionnels et membre fondatrice, seule aux commandes de Skàld. La composition est toujours assurée par Christophe Voisin-Boisvinet, laissant Justine au rang d’interprète, ce qui avait été remporté haut la main sur le premier album, sans compter le concert fait au Hellfest qui m’avait laissé béat d’admiration. Après un deuxième album appelé « Viking Memories« , nos amis français reviennent avant les fêtes avec un single nommé sobrement là encore « Winter Songs« . Un joli cadeau pour Yule, que je suis heureux de faire en chronique ce jour.

Pour la pochette je ne vais pas épiloguer, puisque la simplicité et l’efficacité sont de rigueur. On a des chansons d’hiver, on a donc un décor hivernal avec des conifères enneigés, un ciel blanc immaculé bien lumineux et le logo de Skàld bien en avant. En soi, rien d’extraordinaire me direz-vous, mais comme il s’agit d’un single ou d’un EP, je ne suis pas certain que la priorité soit de mise sur l’artwork, puisqu’il n’y a aucun concept particulier, en dehors de celui bien connu et assumé des mythes nordiques, à présenter. Après, concernant la qualité et le côté attirant, il n’y a rien à redire, le boulot est fait. C’est tout ce qui compte au final.

Il est tentant de faire la chronique comme si vous connaissiez Skàld aussi bien que moi, cela la rendrait beaucoup plus courte. Mais en vérité, les compositions proposées dans ce « Winter Songs » sont légèrement différentes. On est toujours sur du néofolk, cela ne fait évidemment aucune contestation possible. Il est bon de préciser au passage que cet EP est construit sur trois morceaux inédits et deux reprises de compositions, « Rún » du premier album et « Grótti » du dernier, sur un mode plus « intimiste ». Il y a donc peu d’instrumentations sur les reprises, difficile de les décrire précisément mais on découvre la voix enchanteresse et charmante de Justine accompagnée avec bien moins d’instruments et sans chant diphonique masculin. En elles-mêmes, les reprises proposent une vision effectivement plus tranquille, moins belliqueuse et moins légendaire, un peu comme si l’on se trouvait autour d’un feu de camp en train de faire de la musique en toute amitié. Adorant les albums de Skàld, je ne suis pas celui qui appréciera le plus les compositions, d’autant que de mémoire ces deux dernières se voyaient dotées d’un clip ou d’un vidéo lyric. Donc bien répandues sur la toile ! Par contre, les trois compositions sont toutes aussi étonnantes les unes que les autres. Les deux premières sont du Skàld pur jus, avec des instrumentations diverses et faisant la part belle et exclusive au néofolk dans des traditions nordiques, avec un son reconnaissable entre deux et le chant en vieux norrois typique. Je trouve de différent dans les deux premières notamment, un aspect plus poétique encore, plus aérien. Quand on ferme les yeux, on se retrouve à déambuler dans des décors neigeux et bucoliques, comme si l’on se trouvait en symbiose avec la Nature. J’ai toujours été convaincu que la grande force de Skàld, peu importe son évolution, a toujours été de faire voyager son auditeur. La dernière composition est selon moi un tout petit peu moins intéressante d’un point de vue de la forme, puisqu’il ne s’agit que d’un assemblage des différents chants de Justine dans des chromatiques vocales différentes. Un morceau a cappella qui en lui-même est certes très beau, mais se distingue un peu trop du reste pour moi. Mais je suis persuadé que ce dernier annonce des changements pour le prochain album, je ne sais pas pourquoi… Quoiqu’il en soit, la première écoute est validée, largement et haut la main, rien à redire ! C’est du Skàld comme j’aime quoi !

Sur la production, on ne peut qu’être extatique puisque le son est à la hauteur de la réputation grandissante des Français, avec une vraie osmose sonore qui permet comme je disais en amont, de proposer un véritable voyage à chaque écoute. J’irai jusqu’à dire que ce genre de compositions reviendrait merveilleusement bien dans une série à thématique nordique, et pas qu’une petite production. On attend donc de voir si tout ce boulot phénoménal et tous les moyens mis dans la musique de Skàld paieront un jour en ce sens. Quoiqu’il en soit, la production est superbe, comme chaque fois. Pas besoin non plus d’épiloguer quand l’évidence crève les écouteurs comme cela. Du grand art.

Le débat fera peut-être rage sur l’intérêt sincère de ce « Winter Songs« , hormis le fait de le mettre sous le sapin pour les grands fanatiques. Et Skàld a déjà ses détracteurs depuis une certaine exposition médiatique, et fort heureusement, pour mon amusement le plus profond, ils s’en foutent. Et c’est tant mieux. Mais je me pose une sérieuse question : où est Pierrick sur cet EP ? Aux instrumentations, probablement. Mais d’habitude Skàld m’est vendu comme un duo de musiciens, or sur la photo de promotion ne figure que Justine. Est-ce la fin du chant pour Pierrick ? Je me dis que cet EP a cet objectif principal de nous préparer à quelques changements. Je sais, pour en avoir discuté avec elle, que Skàld pourrait opérer un changement oui. Mais je n’en dirai pas plus. Quoiqu’il en soit, « Winter Songs » s’écoute avec beaucoup d’accessibilité, ce qui n’enlève en rien le gros travail de composition fait, et ce malgré la durée significativement courte des pistes. Je passe volontiers sur les reprises, comme je disais, que je connais très bien et dont je ne vois pas un grand intérêt, mais pour les initiés il y aura celui d’écouter les albums ! Non, franchement cet EP est très bien fait ! J’adore toujours autant la musique néofolk de Skàld, d’ordinaire je n’achète pas les EPs mais je risque de faire une exception, car ma petite adore le groupe et comme c’est l’un des rares groupes qui s’apparentent à la culture rock et metal que je peux actuellement lui faire écouter, je ne vais pas m’en priver.
NB : après renseignement, il s’avère que [b]Pierrick Valence a quitté Skàld. Donc, où-est Pierrick sur l’EP ? Nulle part. Désolé pour la coquille.[/b]

Le chant ! Car cette fois-ci, il n’y en a qu’un, celui de Justine qui officie en chant clair. Dans un registre probablement un peu moins scaldique, mais sur une base technique plus conventionnelle, il n’en reste pas moins toujours aussi magnifique. Une vraie beauté dans la voix qui se traduit par ce mélange de gravité et de légèreté qui se trouve dans les vocalises, apportant tout autant son lot de voyages. Le chant de Justine est un véritable instrument à part entière, sûrement celui qui est le plus mis en avant, comme si la musique s’adaptait à son chant seul ce que je doute fort dans les faits, mais on pourrait aisément le croire. C’est là tout le talent du compositeur Christophe Voisin-Boisvinet qui, en plus d’être un musicien de talent, parvient à induire en erreur l’auditeur que je suis, de ne pas distinguer clairement qui s’adapte à qui. En tout cas, les compositions au chant sont magnifiques, je trouve la prononciation moins aisée que sur les morceaux précédents du fait d’une présence moins scaldique, qui faisait place à des jeux de sons sur les mots en vieux norrois, alors qu’ici les paroles sonnent plus distinctement en tant que telles. Cela change un peu, mais l’intention est toujours là. Bref, vous l’aurez deviné, à défaut de pouvoir saisir son cœur, j’ai saisi la voix de Justine et cette dernière m’a emprisonné le cœur et l’âme. L’une des plus belles en France à n’en pas douter.

Pour conclure, la sortie de cet EP de Skàld qu’on ne présentera désormais plus, appelé « Winter Songs« , est un bel ouvrage, à l’image de toute la poésie musicale qui se dégage de cette musique voyageuse. Un accompagnement à la fois ésotérique et enchanteur, une ode aux temps anciens et ses paysages. Les mauvaises langues diront que cet EP est un coup marketing, une sortie sèche pour les fêtes et la voie de la facilité en reprenant sur un cheptel de cinq morceaux, deux compositions ultérieures. Moi, je martèle qu’il faut voir plus loin, beaucoup plus loin ! « Winter Songs » jette des bases futures, annonce du renouveau. Et quand la magie opère avec autant d’évidence, pourquoi l’on se priverait de ce plaisir ? Il y aura toujours des mauvaises langues de toute manière, et moi je fais partie de ceux qui le délient pour les jeter aux oubliettes. Skàld est un grand groupe, « Winter Songs » un EP formidable, à écouter sans modération. Les autres, du balai ! Et joyeux Yule en avance Justine.

Tracklist :

1. Jólanótt
2. Villeman Og Magnhild
3. Rún – Intimate Version
4. Grótti – Intimate Version
5. Þat Mælti Mín Móðir

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