Smoke – The Mighty Delta of Time

Le 11 septembre 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Kaj Arne Philipse : guitare, choeurs
  • Roan de Neve : batterie, chant
  • Martin Raanhuis : basse

Style:

Stoner / Rock / Blues

Date de sortie:

27 mai 2022

Label:

Argonauta Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

« Les arbres ont une luxuriance tropicale, des lianes s’y enchevêtrent et les branches sont voilées de mousses espagnoles; dans leur ombre paressent ces lentes rivières aux eaux molles, qu’on appelle ici des bayous. » Simone de Beauvoir

Voilà en tout cas une chronique qui ne va pas partir en fumée (NdMetalfreak : de qui smoke t-on ?) ! Puisque l’on va parler du groupe Smoke, qui vient non pas comme son orientation musicale et son nom l’indiqueraient des États-Unis, mais d’un pays qui m’a déjà fourni un bon plaisir à découvrir un groupe de ce genre : la Hollande. Et plus précisément de Deltawerken dans le Zélande. C’est le nom que porte un ouvrage édifiant pour calmer la montée des eaux dans ce pays réputé pour sa platitude extrême. Bref, parenthèse refermée d’autant que je vais aussi me faire virer des Chiffres et des Lettres si cela continue. Pour l’autre anecdote, on dénombre au moins une bonne quinzaine de groupes se nommant Smoke. Alors pourquoi s’intéresser ce jour à ce groupe qui sort ce premier album « The Mighty Delta of Time » comme un magicien sortirait un lapin de son chapeau? Tout simplement parce qu’il sort chez un label que j’aime beaucoup, Argonauta Records, probablement une référence européenne en la matière. Ensuite parce que c’était l’occasion de piquer ma curiosité d’abord sur ce nom simple mais intrigant, et celui de cet album qui, vous allez le voir, sent bon le conceptuel. Et enfin… Parce que je l’ai choisi, tout simplement. Incroyable non? Nous voilà donc aux prises avec « The Mighty Delta of Time« , premier album d’un trio de musiciens hollandais qui ne va pas sans rappeler tout un certain folklore, sur un autre continent.

Je disais que l’album sentait bon le concept, le groupe s’épanche dessus largement dans le dossier presse. Néanmoins, on ne peut pas dire que la pochette soit l’évidence même de ce fameux concept que je vous détaillerais plus bas. Enfin, un peu ici mais plus en longueur en bas. Sur cet artwork étrange, nous avons un fond noir assez classique, marqué par quelques (fausses?) usures qui donnent un côté vintage à l’ensemble. Je croyais au départ que ce premier album était édité uniquement en format LP, je ne sais pas pourquoi. Du coup je trouvais cet aspect poncé bien à propos, avant de me rendre compte qu’il existe un format CD. Je suis un peu moins convaincu de l’utilité de mettre une telle usure dessus. Mais passons. C’est le symbole en blanc qui m’intéresse. On y voit un gros delta en symbole surplombé par un arbre qui suit la pointe du delta vers le haut, étant entouré de trois grosses branches, ces dernières portant elles-mêmes ce que je croyais être de loin des nuages avec de la pluie, mais qui ressemblent finalement à une espèce d’arbre que l’on retrouve uniquement dans le bayou, et qui est un de ses emblèmes : le tupelo. Vous savez! Cet arbre qui pousse dans l’eau et qui se retrouve souvent drapé avec de la vase séchée sur la cime. Eh bien, vous l’avez. C’est un tupelo! En tout cas, je trouve que Smoke joue habilement sur les deux sens possibles du delta. Vous avez le signe delta, qui s’apparente selon les croyances à la mort et à la fin du voyage spirituelle, qui était également la représentation sémantique des quatre éléments chez les grecs, et qui peut également entourer un œil comme chez les Illuminati ou le fameux Œil qui voit tout. Pratique d’avoir une femme qui trempe dans l’ésotérisme. Et vous avez surtout le delta du Mississipi, qui est la base conceptuelle de ce premier album. J’en ai déjà trop dit! Mais je n’avais pas le choix. Voilà pourquoi, même si cet artwork brille par sa simplicité, je suis en capacité d’y trouver deux sens possibles, tous aussi métaphoriques les uns que les autres et rien que pour cet élément clé, je le trouve chouette! Simple, mais beau et pointu à la fois. Tout ce qu’il faut, superbe boulot.

En évoquant le delta du Mississipi, on a déjà tout dit. Quand on fait référence à l’Amérique, on s’imagine parfois un peu trop vite, il faut le dire, qu’un groupe comme Smoke baigne dans les étuves du stoner. En vérité, c’est un peu plus complexe que cela. L’album démarre avec une ambiance extrêmement américaine si j’ose dire, avec le décor sonore d’un bayou, ces marécages légendaires que l’on a tous connus dans Bernard et Bianca par exemple, et le tout est sublimé par des percussions et des chœurs qui font un peu rituels sur les bords. Je me suis amusé à découvrir un peu toutes les influences assumées par le trio hollandais puisque mes réflexes de Pavlov me forçaient à aller sur un potentiel stoner tout bébête, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles sont aussi variées en termes de styles qu’elles ne se rapprochent. Cela donne une musique extrêmement marquée dans son identité, avec des riffs très sudistes dans l’ensemble, un côté groovy et bien rock voire carrément blues par moment qui fait tellement du bien. Mais souvent, le groupe va directement sur une musique stoner extrêmement puissante, virile comme j’aime dire et qui va sur une énergie indéboulonnable! Le stoner simple a parfois tendance à glisser trop vite sur un ensemble instrumental trop agressif, Smoke a la particularité magnifique d’apporter une musique estampillé rock avec beaucoup de riffs qui ont la patate, et qui sont sur des sonorités typiquement américaines. Je n’ai pas d’autres mots pour le dire mais quand vous écouterez l’album « The Mighty Delta of Time« , vous saurez tout de suite de quoi je veux parler. Le groupe alterne ainsi des morceaux entiers mélodiques et plus calmes, flirtant avec des riffs très desert rock, avec des pistes plus énergiques, agressives n’étant pas du tout le mot approprié, qui vont sur un stoner rock plus rythmiques que le reste. Le tout avec trois musiciens, un ensemble instrumental basique, et même, comble de l’admiration pour moi : un batteur-chanteur! En fait, la musique de Smoke et de son premier album « The Mighty Delta of Time » ne s’explique pas vraiment en des termes techniques, puisqu’on tomberait dans le pompeux. Mais elle se vit. Pleinement et avec panache. Toutes ces mélodies, ce groove et ce feeling m’ont littéralement aspiré comme un tas de poils de chat est aspiré par l’aspirateur. Je crois sans vergogne que j’ai adoré la musique tout de suite. Résultat : je me suis passé en boucle l’album. Je crois que j’ai tout simplement adoré la première écoute, le reste n’a été que du petit lait tant la musique est impressionnante d’efficacité, d’énergie encore une fois et quelque part, je dirais de nostalgie. Quel meilleur hommage que la nostalgie peut apporter que de faire ce qui fait la beauté de tout un pan des États-Unis?

Pour la production, c’est du très lourd dans le sens où le groupe a tout de suite mis les moyens de ses ambitions. Outre toute la promotion qui a été impeccable avec clip et tutti quanti, Smoke a surtout choisi une production quasiment parfaite. Imaginez un ensemble instrumental aussi petit, avec une basse, une guitare et une batterie. Le truc tellement basique qu’il déclencherait l’ire et les moqueries des autres musiciens qui sont là, à farfouiller pendant des mois comment pondre un album aussi propre avec tout leur barda. Là, en à peine trois instruments et quelques captations sonores extérieures toutes aussi basiques les unes que les autres (une simple ambiance nocturne dans de la verdure ou un marécage), vous avez une ambiance sonore extraordinaire. Le son est typique du genre stoner, mais le groupe lui-même a évoqué un côté sludge. Je crois savoir que les deux genres se ressemblent pas mal sonoriquement parlant, avec ce même côté boueux que l’on retrouve dans la guitare et surtout, la basse omniprésente et spécialement mise en avant. Cette dernière est d’ailleurs étonnement plus rythmique que réellement mélodique, pas forcément partout ceci dit, mais j’ai remarqué que la ligne de basse pouvait être tantôt toute rythmique avec juste une ligne directive pour accompagner la batterie, ce qui est une belle prise de risque, et revient tantôt sur ses fondamentaux plus enjoués. Je trouve que non seulement Smoke prend un risque d’épuiser son auditoire en ayant une basse très mise en avant et qui se contente par moment de faire dans la rythmique simple, mais en plus cela fonctionne follement! J’ai été époustouflé par le talent, l’intelligence de composition de « The Mighty Delta of Time » qui donne une part surprenant à chaque instrument. La guitare est résolument mélodique aussi avec parfois des soli, mais surtout beaucoup de riffs typiques du rock et du blues qui font un bien fou. Enfin, la batterie qui est sonorisée d’une manière qui me paraissait plus inédite, avec un son plus bas sur les tomes, permettant donc d’enrober le son plus que de le casser comme le ferait une batterie incisive. Voilà donc un stoner extrêmement bien sonorisé, un modèle du genre pour moi. Avec cette petite touche moderne qui fait du bien! Vraiment, excellent travail à vous.

C’est peut-être un peu futile comme argument, mais je crois que ce qui fait que sincèrement, j’adore cet album, c’est pour son côté déjà-entendu qui se mélange avec un vent de fraicheur. Je m’explique : c’est paradoxal, mais je trouve que Smoke est parvenu à apporter quelque chose de nouveau, de frais et de valorisant au stoner et ce quelque chose mystérieux subsiste selon moi dans la démarche de mettre des riffs rock déjà connus dans un sens. En fait, le stoner demeurait un genre musical assez codifié, historique même, avec une propension réelle à la brutalité et à la virilité qui faisait qu’on aimait profondément ce style, qu’on identifiait sans peine à ce qui fait grincer des dents à Sandrine Rousseau aujourd’hui : la bamboche, la bière et les mecs torse nu en gros. Je caricature volontairement mais en gros, ce que je veux dire, c’est que le stoner avait son style reconnaissable entre mille, et on pourrait par moment s’en lasser. Et là, vous avez « The Mighty Delta of Time« , un premier album solide dans son élaboration, qui vous apporte une telle énergie positive, au travers de ces riffs rock et bluesy, de cette alternance de pistes plus tranquilles avec un brin de mysticisme et de légendes, et de pistes plus pêchues qui reprennent quelques éléments factuels du stoner sans pour autant perdre le côté mélodique sous-jacent. Nous avons ainsi un album original, parfaitement coordonné et avec un concept tellement précis autour du Mississipi que la musique se fond littéralement dans le décor. Les pistes, au nombre de sept dont les deux dernières sont plus longues que les autres, sont d’une fluidité déconcertante et impressionnante. Vous l’aurez aisément compris, j’adore! « The Mighty Delta of Time » est l’album stoner qui emprunte différentes influences, mais dont on retrouve finalement un terreau commun autour du rock et du blues pour nous faire vibrer du plus enfoui de nous-mêmes. C’est incontestablement mon album de l’année dans le genre, et probablement celui que j’attendais depuis très longtemps pour avoir des prémices de renouvellement du stoner vers une musique plus fraiche et plus énergique qu’inutilement bourrine. Sacrée découverte que voilà!

Et que dire du chant qui amène un point final à mes suspicions d’apport rock sur la musique générale de « The Mighty Delta of Time« . Ce dernier est d’une pêche incroyable et je suis énormément admiratif de voir que le chanteur est également le batteur. Cela, j’ai toujours aimé, peu importe le style. Il faut de base avoir une belle synchronisation pour la batterie, alors quand vous rajoutez du chant, vous devez avoir un cerveau décuplé! Et la technique est impeccable, une voix claire légèrement rocailleuse, ce qu’il faut en tout cas, avec beaucoup d’apports encore une fois mélodique ne se contentant pas de la facilité. J’adore! Je ne saurais en dire plus tant ce dernier m’a totalement conquis.

Pour terminer cette nouvelle chronique, au demeurant assez dithyrambique ce qui ne m’était pas arrivé depuis un moment, Smoke fait une entrée fracassante dans la cour des grands avec ce premier album nommé « The Mighty Delta of Time« , et signé chez Argonauta Records. Un album qui déjà, permettra de nous mettre tous d’accord sur un point : la musique est exceptionnelle. Dotée au départ d’un stoner classieux, on tombe finalement sur un mélange incroyablement intelligent de stoner rock et de blues, le tout sur un fond légendaire de bayou et autres mythes autour du Mississipi. Ils ont beau venir de Hollande, la musique apparait tellement authentique et réussie qu’on croirait qu’ils viennent tout droit du bateau à roue bien connu! Apportant enfin un peu de fraicheur à un genre parfois trop réchauffé, Smoke signe selon moi un potentiel chainon manquant entre le rock et le stoner, et l’hommage américanisant de leur musique laisse entrevoir que le blues est toujours aussi magnifique. C’est en ces termes élogieux que « The Mighty Delta of Time » est selon moi l’album de l’année dans le style stoner. Sans hésitation possible, l’un de mes futurs albums de références. Exceptionnel et précieux.

Tracklist :

01. Ride
02. Lineage
03. Bereft
04. Riverbed
05. Motion
06. Time
07. Umoya

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