Line-up sur cet Album
- Sean Breen : batterie, chant sur 2
- Con Doyle : guitare, chant
- Marc O'Grady : guitare
- Líam Hughes : chant
- Pavol Rosa : basse, chant sur 2
- Guests :
- Eugene S. Robinson : chant sur 3
- Paul Catten : chant sur 5
- Ralf W. Garcia : chant sur 5
- Dave Ingram : chant sur 6
Style:
Sludge Doom Metal AtmosphériqueDate de sortie:
09 avril 2021Label:
Transcending Obscurity RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
“Enfer chrétien, du feu. Enfer païen, du feu. Enfer mahométan, du feu. Enfer hindou, des flammes. A en croire les religions, Dieu est né rôtisseur.” Victor Hugo
C’est vrai que le feu a toujours fasciné l’Homme. Depuis la nuit des temps, l’on associe la rencontre fortuite du feu et de l’Homme avec une grande avancée de son autonomie et sa santé. Et comme l’on a mis un temps phénoménal à comprendre le mécanisme physique du feu, les mythologies ont toujours donné une place immense et, il faut bien le dire, apeurante pour le feu. Pour moi qui travaille en psychiatrie, cela ne m’étonne pas et a fortiori, qu’il y ait une fascination totale et inébranlable pour les flammes et leurs potentiels de destruction massive. C’est vrai que le feu efface énormément de choses, rase des maisons entières en quelques minutes, détruit via les hautes températures les organismes les plus petits. Le mythe de Prométhée chez les grecs est directement une association de fascination entre l’Homme et le feu, c’est aussi l’exemple le plus connu. Mais on retrouve la symbolique destructrice du feu chez les nordiques avec Surt, chez les égyptiens avec Sekhmet, Vulcain chez les romains, Agni chez les hindous, etc. Depuis donc la nuit des temps, le feu a été représenté, dépeint et décrit avec tous les termes possibles, des plus sympathiques au plus maléfiques, en passant par la peur et la pyromanie. Le feu fait partie intégrante de notre Histoire, de nos vies, et peut surtout à tout moment nous la reprendre en un claquement de doigt. Aussi, je vois le premier album du groupe Soothsayer comme une sorte de continuation, ou d’évidence. Il fallait que cet Echoes of the Earth parle de feu mais pas que!
Soothsayer est en tout cas un groupe qui nous vient de Cork en Irlande. Dans un pays où jouent majoritairement des groupes mélangeant le folk traditionnel avec toute sorte de musique, on trouve donc cette jeune formation qui sort son premier album appellé Echoes of the Earth chez Transcending Obscurity Records. Il faut savoir que le groupe aura bien pris son temps pour accoucher d’un premier album, puisque Soothsayer existe depuis 2013 et a donc mis huit années avant de sortir ce dernier. Entre temps, il y eut deux EPs, un single, un split avec Partholón, un autre groupe de Cork, et surtout un album live qui aura été enregistré… A Malte! Alors là, si l’on m’avait dit qu’il se produisait souvent des concerts metal à Malte, qui plus est dans le genre de metal que produit habilement Soothsayer, je ne l’aurais probablement pas cru si facilement. Enfin! Je suis plutôt impatient de découvrir ce premier album, je ne sais pas réellement pourquoi mais avant l’écoute, je sentais que quelque chose me plairait.
Et ce n’est pas l’artwork qui me fera dire l’inverse. Ma corrélation un peu maladroite avec le feu, au départ, intervient une fois la contemplation de la pochette effectuée. Les couleurs sont très vives et font penser à un feu gigantesque dans une cité en totale perdition. Le style de peinture pour faire cet artwork paraît tout de même un peu grossier, sans précision aucune et les traits de pinceau font un peu gros format un peu mal fait. Mais le jeu de couleurs saisissant entre ce ciel enflammé et ces bâtiments marron foncés m’hypnotisent. Sans compter ce curieux personnage encapuchonné qui semble sortir de la bâtisse abandonnée, comme une ombre en errance, sans but précis et qui arpente ce chaos avec une certaine désinvolture. En fait, je crois que ce qui me fascine le plus ici n’est pas forcément le feu en lui-même mais ce qu’il représente de plus cynique en lien avec le titre de l’album, Echoes of the Earth. Comme si les échos que l’on recevait de notre Terre n’étaient que le chaos, qu’un énorme brasier apocalyptique plein de vanités et de déchéance. Et que cet incendie monumental était là pour balayer en quelques minutes toutes les turpitudes du monde! Une symbolique forte comme un feu quoi. C’est pour cela que pour cette fois-ci, je fais fi des convenances et abstraction de la forme, parce que même si cette peinture est globalement assez grossière et vulgaire, il n’en demeure pas moins que le fond est plein de sens cachés ou visibles, et qu’il vaut le coup. En tout état de cause, il donne envie de se pencher dessus et c’est donc tout son but prémicial!
Soothsayer est bien un groupe qui concentre son énergie destructrice sur un versant incroyablement apocalyptique! Le quintet irlandais pousse sa musique sur un mélange terriblement subtil de sludge metal et de doom metal aux accentuations atmosphériques, et surtout SURTOUT, totalement prophétique. Je m’explique : outre la musique metal, il y a énormément d’incorporations religieuses, donnant une atmosphère (justement) d’une sombritude époustouflante. Le chant principal y joue pour beaucoup par son aspect hurlement d’agonie et de folie furieuse qui me glace l’échine même en écrivant ces lignes. On croirait un prophète possédé, animé par une peur monstrueuse de l’avenir proche comme Cassandre et le cheval de Troie. Moi, cela me fait penser à ce genre d’ambiance terriblement noire et malsaine. La musique n’est pas spécialement doom metal en fait, plus sur un sludge metal avec diverses incorporations différentes comme les samples dont je parlais plus haut, des guitares extrêmement agressives avec un son épais et boueux, une batterie incisive plus que lourde et ce chant très haut sur le volume, très varié, qui donne une dimension horriblement cynique. Plein de tortures, l’album a en plus la particularité d’être sans fin et donc de passer vite. Rares sont les pauses dans les six morceaux qui jalonnent ce premier album. Hormis de vrais moments ambiants au début du premier et à la fin du dernier, cet Echoes of the Earth est un concentré de noirceur et d’avilie sans expiation possible. Ma première écoute a été quelque peu chamboulée par un ou deux petits détails, mais dans une majorité écrasante, l’ensemble demeure très plaisant! Enfin, « plaisant » est un mot léger au vu de tout ce que renvoie de pessimiste cet album. Du sludge metal quoi!
Les petits détails évoqués plus haut concernent le son de l’album. Alors, je sais! Le sludge metal demande un son particulier, que l’on décrit un peu vite comme boueux, épais et sale, ce qui contraste bien évidemment avec le sale d’un black metal et l’épais d’un death metal. Donc, une production qui peut surprendre les moins connaisseurs, mais qui ne me surprend point en ce qui me concerne. Toutefois, il faut quand-même préciser qu’il y a une espèce de surabondance d’épaisseur qui fait saturer mon casque audio à plusieurs reprises et aussi mon autoradio. En soi, je n’ai pas des supports parfaits donc c’est à prendre avec des baguettes comme constat. Mais mes écouteurs ont pas mal souffert de l’expérience Soothsayer. Avec quelques grésillements, ce qui est à préciser quand-même. Je pense que le travail en studio aurait mérité un meilleur soin. Le souci est que cette abondance de chants différents et omniprésents, et surtout mis en avant de manière amplifiée, tend à être trop envahissant dans le spectre général du son et donc, de faire péter toute équalisation. C’est vraiment dommage parce que les riffs sont tellement bons qu’un son plus travaillé aurait donné un rendu époustouflant. Là, on reste sur un rendu plus dans le domaine du « moyen-bon » on va dire. J’aurais humblement baissé les chants, et mieux mixé les guitares, et j’imagine plus facilement une production réussie pour Echoes of the Earth. Mais je vous laisserai faire votre opinion les ami(e)s.
J’ai quelque peu dévoilé la suite du programme en disant que les riffs sont, je me cite, « tellement bons ». Et c’est vrai! La musique de Soothsayer se situe pile-poil entre le minimalisme d’un doom metal, et la sophistication d’un sludge metal qui fait avec les moyens du bord. Des pistes qui sont assez longues, mais en cela rien de surprenant et en plus comme je disais plus haut, cela ne s’entend absolument pas ce qui est excellent! Mais ce que j’apprécie le plus dans Echoes of the Earth, ce sont les mélodies guitares qui sont sublimes et qui oscillent subtilement entre le mélodique et l’atmosphérique. On se retrouve donc avec une jonglerie intéressante de riffs apportant des mélodies travaillées mais non envahissantes, bien en place pour planter ce fameux décor apocalyptique, et quelques passages atmosphériques, soit en clean, soit en saturé, mais toujours aériens et qui donne une dimension très grandiose à la musique. Cette alternance est extra, et permet à l’auditeur comme moi de se morfondre pleinement dans ces ambiances malsaines et suffocantes. Je trouve un peu dommage de ne pas entendre assez la basse, mais je devine qu’elle accompagne efficacement la batterie qui joue un vrai rôle de métronome et qui dicte le tempo avec intelligence. La batterie est une vraie pièce-maitresse ici puisqu’elle permet de situer la musique soit sur un versant aérien et donc avec des passages rythmés mais clairs, soit des moments de franche violence typiquement sludge, où l’on tremblerait presque de stupeur et d’effroi. Le tout en alternant nombreusement. J’aime aussi le côté un peu minimaliste où deux riffs en moyenne sont répétés en boucle par morceau avec de petits moments marquants. Typiquement doom metal quoi. Vous l’aurez donc surement compris, Soothsayer nous délivre un premier album redoutable et très bien composé. Pour un premier en tout cas, la barre est mise vraiment très haute.
Je suis d’ailleurs fortement perturbé par cet album puisque je devine que derrière le talent des musiciens, qui est plus que manifeste, il y a surtout un énorme cynisme. Et souvent j’ai remarqué que l’un ne va pas tout le temps sans l’autre. Le cynisme permet en effet une grande productivité, et un talent certain. Du coup, je trouve que clairement, les deux vont de pair sur Ecoes of the Earth et le nom de l’album prend tout son sens. Cela donne un grain à moudre aux musiciens qui composent Soothsayer qui est excellent et inspirateur. Du coup, on sent un immense potentiel chez eux et cet album est le reflet d’un grand talent. Les mélodies guitares sont bien exécutées et pleines de justesse technique, la batterie a une telle place que l’on ne peut que reconnaître que le maitre derrière les futs est pétri de talent aussi, avec une belle technique et une grande intelligence de placement rythmique. Bon, la basse est un peu trop en retrait et hormis un court passage au début du deuxième morceau, difficile de lui rendre honneur. En tout cas, cela va donc sans dire que le quintet s’est bien trouvé et donne pleinement la mesure de son talent et son immense potentiel.
Le chant est dingue. Mais dingue de chez dingue! En plus, je suis hyper réducteur puisqu’il faudrait dire « les chants ». C’est d’ailleurs assez compliqué de savoir lequel est le lead tant ils varient d’un morceau à l’autre. Principalement, je crois que le chant dominant est très estampillé sludge metal, mais sur un degré d’intensité que j’ai rarement entendu ailleurs. C’est une technique de chant que je connais moins, que je maitrise pour ainsi dire très peu mais qui me rend curieux. Je trouve que c’est un style de chant qui permet de retranscrire tout ce qu’il y a de plus souffreteux en nous. Soothsayer se dote donc d’un chant incroyablement intense, profond et surtout authentique. On croirait presque que la voix est celle d’un grand malade, un prophète fanatique ou complètement fou qui hurle ses diatribes mystiques à plein poumon pour se faire entendre de la populace! Mais on devine tout de suite que le discours n’est pas très joyeux… On croirait que le mec qui hurle se fait enfoncer des tisons enflammés partout dans le corps! Le chant principal est juste exceptionnellement fou, voilà. Et j’adore ça! Pour les autres, je vous laisse lire les invités, ils sont nombreux mais difficile de savoir lequel fait quoi. C’est un peu le bordel! Mais bizarrement cette abondance de lignes de chant ne me fait pas mal aux oreilles, même si je disais plus haut que les chants étaient trop forts sur le mastering. Mon seul petit regret est qu’il n’y a quasiment pas de passages sans chant, et du coup par moment, cela fait trop quand-même. Un peu moins de chant, des passages instrumentaux m’auraient fait du bien. Mais globalement, les lignes de chant, sous la houlette du lead, sont exceptionnelles.
Je mets le point final à cette dernière chronique d’un premier album très prometteur. Celui des irlandais de Soothsayer et d’Echoes of the Earth qui se révèle être un pamphlet total de notre existence et de tout le mal accompli en amont de notre ère. Ce premier album est en tout cas de fort belle facture, avec un mélange intelligent de sludge metal et d’un doom metal aux traits atmosphériques, plein d’apocalypse, de consumation et de cynisme. Le genre de CD qui donne envie d’avancer la queue entre les jambes en baissant les yeux de honte tant nos semblables sont bourrés d’avilissement. Outre quelques petites choses à corriger, il n’en demeure pas moins que Soothsayer soigne son entrée dans les affaires avec un premier album pamphlétique et sournois, qui ravira les plus pyromanes et les plus goguenards d’entre nous sur l’espèce humaine. Un concentré de noirceur et de folie, Echoes of the Past est en tout cas le genre de l’album qui ne faut pas ignorer, le genre que Transcending Obscurity Records met habilement en lumière, ce qui est un paradoxe extraordinaire. Très bon album!
Tracklist :
1. Fringe (05:57)
2. Outer Fringe (08:03)
3. War of the Doves (09:30)
4. Cities of Smoke (05:55)
5. Six of Nothing (10:09)
6. True North (12:09)
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