Line-up sur cet Album
- Nemri : chant, batterie
- Nehluj : chant, guitare
- Ian : basse
Style:
Black MetalDate de sortie:
25 octobre 2024Label:
Les Acteurs de l'Ombre ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.75/10
“Le bonheur effectif paraît toujours assez sordide en comparaison des larges compensations qu’on trouve à la misère.” Aldous Huxley
« Le Meilleur des Mondes »… Probablement un des livres les plus dérangeants et pourtant, qui l’aurait cru ! Un des plus actuels. L’humanité est clairement à un tournant de son existence. Je me souviens cette autre citation de Daniel Mermet qui est reprise dans une chanson des Ogres de Barback que j’adore, qui est édifiante de vérité aussi. « Dans un millénaire, on parlera encore de ce millénaire. On ne sait jamais ce que le passé nous réserve, mais l’avenir ne reviendra pas. Et dans ce millénaire, c’est ce siècle qui fera date, et qui fera tache. Un siècle de turpitudes. Nous en sortons exténués, inhibés, esquintés. La queue entre les jambes de l’humanité. Nuit et goulag. Charnier et brouillard. Dans la nuit, les feux d’artifice projettent les ombres de la Kolyma, d’Hiroshima, et des trains pour Auschwitz, plutôt que le premier pas d’un homme sur la lune. Einstein tirant la langue ; ou la beauté d’Ava Gardner. Mais l’une des ruses de l’histoire veut que les siècles commencent et finissent là où ils veulent. Ainsi de Sarajevo à Sarajevo, notre siècle a pris fin dans les débris de la chute du mur de Berlin. Fini le siècle des grandes impuissances, voici venu le siècle de l’évidence. Fin de l’histoire, pensée unique, nouvel ordre mondial. Plus rien à voir, circulez. Nous avons obtempéré. Nous circulons, sans rien voir… » Daniel Mermet est d’ailleurs un journaliste et auteur que je conseille vivement pour sa plume ! Parenthèse refermée. Ce que je veux dire c’est que j’ai l’impression que nous n’avons jamais été aussi proches d’une révolution idéologique. Peu importe laquelle car, à mon avis, personne n’est capable d’en prédire l’orientation. Il y a une telle bataille des idéaux qu’à ce jour, je défie quiconque de me dire avec certitude laquelle vaincra. Mais je crois qu’on le voit même dans notre musique metal. Il y a une résurgence de contestations sur certains groupes, qui afficheraient leurs orientations même les plus enfouies, et je le redis ! Peu importe le bord politique ou les utopies. La vérité est que même la culture est devenue un nid propice à la révolution. On ne peut plus regarder une création artistique sans chercher, non pas un sens philosophique ou simplement artistique, mais une idée politique. Alors, cela relance le débat autour de la place que l’on accorde aux idées politiques dans notre perception et notre acceptation de la musique. Parce que, plus que jamais, la question va se poser, croyez-moi. En tout cas, je continue à faire mes chroniques avec plaisir et un profond détachement pour les idées des uns et des autres ! Sans tomber dans une très grande forme d’extrémisme, je tolère un certain nombre d’opinions, si ces derniers ne m’offensent pas personnellement. Pourquoi je vous ai fait un laïus ? Parce que je m’apprête à vous parler du groupe Sordide et de l’album nommé « Ainsi Finit le Jour« , groupe qui a manifestement revendiqué des idées politiques dans sa musique. Nous verrons si c’est toujours d’actualité !
J’ai oublié de mentionner que cette chronique est en partenariat avec Les Acteurs de l’Ombre Productions ET avec Solstice Promotion qui m’envoie les CDs en avant-première, fait qui devient rare de nos jours et dont je me sens très honoré ! J’espère continuer longtemps ce partenariat. Bref ! Sordide, que j’aborde aujourd’hui pour la première fois, est un groupe français qui nous vient tout droit de Rouen, en Normandie ! Prenant ses fondations en l’année 2013, ce qui nous fait tout de même un peu plus de dix années d’existence, le groupe cumule à ce jour pas moins de cinq albums en comptant ce dernier « Ainsi Finit le Jour« , un single et un split avec le groupe Satan qui est de… Grenoble ! Coucou les amis ! Mais surtout, Sordide fait partie d’un collectif de musique rouennais nommé La Harelle (en hommage probablement à la révolte de la Harelle survenue à Rouen au 14ème siècle contre la fiscalité dantesque de l’époque) et que je connais un peu puisque je me suis occupé de la chronique du groupe Mòr qui en fait partie, comme Iffernet que je connais. Voilà ! Donc un groupe bien ancré dans ses racines normandes (pour lequel on sait qu’on ne proposera jamais de crêpes) et surtout, comme je le mentionnais plus haut, dans des idées politiques assumées plutôt à gauche si j’ose dire. On y va pour cet « Ainsi Finit le Jour » !
Premier élément, et non des moindres car c’est généralement la première chose que l’on découvre quand on achète un CD, la pochette. De prime abord, et c’est un réflexe idiot j’en conviens, j’ai vu du rouge et du noir et je me suis dit non pas le refrain de Jeanne Mas, mais plutôt que cela était raccord avec les idées. Et puis en fait, je suis allé au-delà de ce préjugé débile puisque les pochettes précédentes n’étaient pas du tout de cet acabit. Je croyais connaitre la patte d’une personne bien connue dans le milieu des pochettes, mais le nom de Tryfar ne me disait rien, jusqu’à ce que je me rende compte qu’il (ou elle) a accompli la pochette de Mòr, dont je ne me souviens pas si je l’avais trouvé bonne ou non. En tout cas, dans le style, on est sur un procédé qui rappelle la peinture, et l’élaboration bi-chromatique en rouge et noir donne le ton, clairement. La musique n’est pas là pour enfiler des perles ! Cette nuance que l’on connait bien, on sait qu’elle va nous emmener vers une musique bestiale, sans faux col. Dans le cas de Sordide c’est plus poussé que cela, mais déjà, cette entrée en matière donne un ton quand-même. Le design proposé ici reste très flou. J’allais dire, on dirait quand on met un coup de pinceau plein de colle pour coller les affiches de propagande, parce que sincèrement, la qualité du digipack ne donne pas une image très claire, et ce n’est pas la première fois que cela arrive. C’est dommage parce que les images sont plus belles au format JPEG sur Metal Archives que sur le digipack… Du coup, on dirait soit ce que je disais, ce qui est tiré par les cheveux, ou tout simplement – et ce serait en accord avec pas mal des paroles de l’album – une immense flamme dans le noir. Voilà. Une pochette qui va droit au but, qui ne cherche pas spécialement à aller plus loin que d’amener le message qu’il faut tout bruler, le fameux « burn them all ». Simple mais efficace !
Pour la musique, je ferais à peu près le même constat : simple mais efficace ! En témoigne ce black metal totalement hors de contrôle, qui fonctionne comme une énorme déflagration, qui arrive sans aucune fioriture possible, comme si vous allumiez votre amplificateur et que vous commenciez à jouer ! Alors, vers quoi nous embarque le trio rouennais de Sordide ? Vers une musique violente, révoltée, fonctionnant comme si vous jetiez un cocktail Molotov : peu importe le temps de préparation qu’il y a derrière, le résultat est un immense incendie après l’explosion. La musique d' »Ainsi Finit le Jour » est efficace comme la coulée d’essence sur le mur attendant de lentement mais surement se transformer en langue de feu qui annihile toute forme de vie ou d’immobilisme. De fait, le black metal ici est très « punkisé » sur les riffs, avec cette batterie en mid tempo évidemment mais qui arrive parfois à calmer la cadence pour nous emmener sur une sorte d’effondrement musical, pour nous entrainer un peu plus vers un endoctrinement spirituel. Tantôt fonctionnant comme une énorme claque, tantôt comme si vous étiez happé par un discours, Sordide va clairement sur une musique qui veut faire passer des messages et qui navigue comme tel, comme un immense cortège de contestation. La grande force de ce groupe est de faire tout cela avec une musique finalement sans aucune particularité autre que d’aller à l’essentiel ! Un black metal dans son essence la plus pure, avec cette violence inouïe, ces accélérations monstrueuses, à la limite de la cacophonie avec (rendez-vous compte !) une seule guitare et une basse en ligne rythmique continue, et un son qui ne souffre lui aussi d’aucune retouche pompeuse. En fait, Sordide va sur un black metal pas totalement old school mais notablement primaire. Bestial, contestataire et qui va droit au but, tels sont les maitres mots pour parler de cet « Ainsi Finit le Jour » ! Et en première écoute, forcément, cela ne laisse pas indifférent. Et de voir que quelques groupes en France perpétue cette tradition d’un black metal « punkisé », noir et violent, un peu comme le ferait sur le même roster Miasmes et Mòr, cela me conforte dans l’idée que même si l’on traverse une époque plus centrée sur le black metal atmosphérique limite post-metal bien popularisé par Les Acteurs de l’Ombre Productions par ailleurs, ce qui fait la force intrinsèque du black metal survit encore, et survivra. Allez ! Sans parler du message derrière, en une seule écoute, il faut avouer que devant tant de violence stricto facto musicalement parlant, on ne peut pas rester sur le carreau. Quand on aime comme moi le black metal dans sa forme la plus primaire, un groupe comme Sordide qui ne propose rien de plus qu’un black metal pur souche, on en a pour son contentement. Très bonne première écoute !
Il convient d’être un peu prudent pour aborder l’écoute de cet « Ainsi Finit le Jour » car on est loin des standards actuels qui se font dans le registre black metal en France. Loin des productions alambiquées et fourrées à la sauce moderno-atmosphérique, Sordide arpente les sentiers plus reculés pour nous pondre un album rempli de nostalgie de l’époque où le black metal était, comme je le dis avec peut-être un peu de maladresse, « punkisé ». Soit, outre les riffs ravageurs, un son un peu garage qui ne me laisse pas du tout indifférent. Il faut se rappeler qu’ils ne sont « que » trois à officier désormais dans Sordide avec une base instrumentale… Des plus basiques : une guitare, une batterie, deux chants et une basse. Autant vous dire qu’en termes d’englobement sonore notamment des parties guitares, on est sur le strict minimum. Ce qui me laisse dire que la basse joue un rôle qui dépasse de loin son rôle primitivement rythmique pour aller sur des lignes mélodiques et dissonantes avec cette guitare agressive et piquante, très incisive dans son cheminement et ne se privant pas d’aller sur des passages qui rappellent les soli les plus endiablés. La batteuse, quant à elle, joue son rôle avec brio, offrant des moments calmes et des instants mid tempo particulièrement rapides. Petite parenthèse : depuis 2023, Ian Debeerst officie à la basse et, outre le fait que j’adore le projet qu’il a monté avec son frère Simon et qui se nomme Vain Valkyries, je peux d’ores et déjà dire, au vu de son talent, que Sordide se dote d’un très bon musicien ! Si vous en doutiez encore, en tout cas, « Ainsi Finit le Jour » ne s’offre pas à nous pour faire dans la délicatesse et la production le démontre aisément. Pour mon plus grand bonheur !
Après plusieurs écoutes, un constat s’impose de lui-même. Les paroles le démontrent également, Sordide fait de la musique pour véhiculer ses idées politiques et faire l’état des lieux catastrophique de la France, sur un versant clairement à gauche. On pourrait entrer dans la sempiternelle question de la place que devrait occuper ou non la politique dans l’œuvre artistique, et plus précisément dans le metal actuel. Moi, j’ai envie de vous dire que l’on peut totalement passer outre ces fameuses idées, dès lors que la musique nous parle. Cependant, il y a certains artistes ou groupes que l’on ne peut pas dissocier parce que ce ne sont pas les idées qui se construisent autour de la musique, dans le cas présent d' »Ainsi Finit le Jour » c’est l’inverse selon moi. La musique met en lumière les revendications et la violence de ces dernières et selon moi, elle ne fonctionnerait pas comme cela, sans ces dernières citées. Après tout, qui parviendrait à dissocier complètement la musique de Bérurier Noir et ses idées ? Je pense qu’on ne peut pas tout le temps dissocier les choses dans la vie, et la musique n’échappe pas à la règle. Alors, concrètement, vous avez vos idées et je les respecte, mais si vous ne partagez pas l’orientation politique de Sordide, je ne pense pas que vous allez aimer. Qui sait, probablement que le groupe vous remerciera par ailleurs… En tout état de cause, et cela vous révèlera mes propres idéations, j’ai pleinement adhéré à la musique de ce nouvel album. Musicalement parlant, ce n’est pas forcément l’album de l’année non plus, c’est un très bon album qui plaira, toute dimension politique gardée, aux amoureux du black metal agressif et irréversible pour la psyché, qui ne prend pas mille virages pour aller droit au but et nous donner quelques bonnes patates en pleine figure et nous secouer les bretelles. Pas le temps de niaiser comme disent les québécois !
Petite aparté comme d’habitude sur le chant qui m’a mis une claque aussi inattendue que redoutable ! Parce que, vous le savez si vous me lisez, je suis très sensible au chant sludgien que l’on trouve de plus en plus dans le black metal actuel, et en particulier sur le roster des Acteurs de l’Ombre Productions. Beaucoup de groupes ont propulsé davantage cette technique de chant hurlé sur une musique incisivement agressive, et Sordide ne déroge pas à la règle en allant sur un chant majoritairement sludgien, avec quelques petites touches en high scream de circonstance, mais je préfère mille fois quand le chanteur va sur une technique qui s’apparente plus à des hurlements terrifiants. En même temps, on y revient mais quand on a un message à faire passer, on ne le fait pas en étant en retrait dans sa maison. On le hurle ! Eh bien force est de constater que sur « Ainsi Finit le Jour« , les revendications sont portées avec brio par un chant efficace et en plus, bien placé sur le plan rythmique. Voilà, excellent boulot !
Pour en finir avec cette chronique du jour, Sordide propose en avant-première un cinquième album (déjà !) nommé « Ainsi Finit le Jour« . Un nom d’album qui sonne comme le glas de notre société, et quoi de mieux que d’aller sur un genre black metal très souvent nihiliste et misanthrope ? C’était évident que la mayonnaise allait avoir ce gout rance qui rappelle les turpitudes de l’Homme et les nombreux autres ouvrages artistiques dystopiques qui montrent ce qui nous guette. Notre société va mal, et Sordide ne pouvait que le hurler, c’est peu de le dire ! Quoiqu’il advienne, dimension politique à part, la musique est redoutablement efficace et ne laissera pas indifférent les nostalgiques du genre black metal old school, mais avec cette pointe de violence qui manque parfois à la froideur usuelle. Pour moi, c’est un oui ! Pas l’album de l’année non plus, mais un CD qui se défend bec et ongles et qui plaire au plus grand nombre d’entre nous, j’en suis convaincu.
Tracklist:
- Des feux plus forts 03:44
- Nos cendres et nos râles 08:42
- Le cambouis et le carmin 06:13
- Sous vivre 06:57
- Banlieues rouges 03:36
- La poésie du caniveau 04:56
- Ainsi finit le jour 04:40
- La beauté du désastre 08:09
- Tout est à la mort 06:40
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