Sow Discord – Quiet Earth

Le 20 septembre 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


David Coen : tous les instruments, percussions, programmation

Style:

Musique Bruitiste (Noise) / Drone Metal

Date de sortie:

15 juillet 2021

Label:

Tartarus Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

“Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit.” Saint-François de Sales

Plus que la musique metal, j’ai eu une longue période de tout ce qui était de près ou de loin électro. J’ai eu une initiation inopinée avec la makina, qui reste à ce jour une de mes technos préférées, s’en seront suivies la hard tech, la transe, la dubstep, etc. J’ai surtout eu de bons souvenirs en rave party d’Ardèche, où j’aimais voir les gens se trémousser sur des rythmes bourrins et inaudibles, le cerveau imbibé d’on ne sait quelle substance illicite s’il n’y en avait qu’une. J’ai franchement de chouettes souvenirs dans les raves, je me suis autant éclaté qu’en concert de metal. C’est bien entendu une autre ambiance, quoique les turpitudes et dégueulasseries que l’on peut trouver dans les champs en proie à ces soirées sauvages n’ont rien à envier à ce que l’on trouve parfois autour des scènes de metal et des saloperies qui se produisent en fosse (suivez mon regard). Néanmoins, les années ont passé et je me suis quelque peu lassé de la techno. Seuls demeurent quelques relents de makina qui sont dans une compilation gravée que j’ai chez moi et que je ressors par moment. Mais sinon, nada ! Le metal a occupé ma vie entière. Mais voilà. Un beau jour de septembre, ou peut-être une nuit, près d’un bac (à glaçons) je m’étais endormi. Quand soudain, semblant crevé mon pc, et brillant de nulle part, surgit un album de technard ! Et l’occasion de me replonger dans la nostalgie l’espace d’une chronique m’a envahi. Le gagnant du soir s’appelle Sow Discord et propose un album nommé étrangement « Quiet Earth« .

Derrière le sobriquet de Sow Discord se cache un seul homme : David Coen. Musicien australien de son état, il est d’abord un pratiquant de doom metal chez le groupe Whitehorse qui officie à Melbourne et dont il occupe le poste de bruitiste. Nous en reparlerons plus tard. Outre le fait que notre acolyte arbore une magnifique barbe rousse qui compense une alopécie juvénile, il a d’innombrables projets en parallèle avec des statuts différents mais tout tourne autour de la programmation. De fait, Sow Discord est l’un d’entre eux mais aussi le plus connu et le plus fourni. Pour ce qui est de la date de création, elle est inconnue au bataillon mais la première sortie, en format K7, date de 2015. A ce jour, Sow Discord en est à sept sorties avec « Quiet Earth » qui n’est qu’en format vinyle. Un dernier détail mais qui n’en est pas un : tout est autoproduit. Pas de label en vue, une liberté composale totale et libératrice. Ce « Quiet Earth » qui n’a jamais aussi mal porté son nom pour un album de cette musique-ci, s’avère être plein de curiosité et sur le papier, je ne m’attends pas à quelque chose de précis, d’où ma propension à me jeter corps et âme dans la bataille de la découverte. Go !

Je dois admettre que la pochette est sincèrement sympa. C’est le mot qui me vient rapidement, je trouve le design du milieu bien foutu, macabre à souhait et les contours couleur crème donne un aspect vintage à cet album qui, je le répète, n’est sorti qu’en format vinyle. Bon en vérité j’ai dit une connerie, l’album était sorti chez le label Tartarus Records (je fais mes recherches en même temps que j’écris ce soir). Mais le format reste inchangé. Bref ! Donc, ce motif avec un visage qui semble entouré d’empreintes de mains qui déforment ses contours, je trouve que c’est du plus bel effet. Il est bien évident que Sow Discord ne fait pas dans l’enjaillement ni le festoiement, aussi cette pochette met-elle une ambiance particulière dirons-nous. Le gonze a un goût prononcé pour les déformations des visages d’ailleurs, sa première cassette était du même acabit. On trouve une certaine constance avec les débuts qui ne me déplaît guère. Voilà donc une belle mise en bouche avec cet artwork qui mélange vintage et macabre, sinon dérangement. J’aime beaucoup, je me serais bien vu tenir entre mes mains suaves le format CD qui hélas, n’existe pas.

J’avais hâte de vous parler de la musique pour les raisons évoquées en introduction et aussi pour le caractère rarissime de ce genre de chronique. Pour ne plus vous maintenir dans un suspense implacable, je vous révèle donc que Sow Discord produit de la musique bruitiste ! Si si ! L’antithèse parfaite de l’esthétique musicale, la musique bruitiste est un peu le « dadaïsme » en musique. A savoir un ensemble composé de bruits d’ordinaire fortement désagréables, mais qui une fois retouchés et collés les uns aux autres donnent non pas une musique magnifique, ce n’est clairement pas le but, mais des ambiances ultra malsaines. Et là où je me suis régalé, c’est que David Coen est un bruitiste électro, c’est à dire que la musique n’est qu’un mélange de samples et de sons analogiques émaillés de quelques percussions et de rares moments plus dark électro francs. Mais l’écrasante majorité de « Quiet Earth » est de la vraie bonne grosse musique bruitiste, très oppressante mais tellement dingue. Franchement, je me suis régalé du début jusqu’à la fin ! J’adore les trucs farfelus au possible et mes quelques reviviscences de jeunesse où je me frottais aux enceintes amplifiées dans un champ refont surface. Après, l’autre particularité de cet album est qu’on sent tout de même les influences doomesques mais surtout drone metal de David Coen, puisque son groupe Whitehorse est un mélange des deux cousins éloignés. Le drone metal, sinon drone ambient, se ressent dans quelques utilisations de distorsions de guitares, mais assez discrètes. Mais toute la musique, qu’elle soit bruitiste et électro, pue le drone machin à plein poumons ! C’est incontestablement ce qui me plaît dans cet album qui se révèlera être après une seule écoute une incroyable et admirable surprise ! Quelle monstruosité.

La production est d’ailleurs étonnante à tout point de vue. Normalement, le principe de la musique bruitiste est de proposer un enchevêtrement foireux de sons tous aussi désagréables les uns que les autres. Ce qui, vous l’aurez compris, devrait donner un résultat sonore relativement moche, sinon moyen. Or ici, le talent fou de David Coen l’a poussé à créer un album hyper propre ! Le boulot fait en MAO est incroyable, le son est nickel, digne des grands groupes électro, les basses fréquences sont prépondérantes mais pas envahissantes au point de faire grésiller l’ensemble, ce qui démontre une redoutable intelligence dans l’élaboration de « Quiet Earth« . Après, le choix des samples n’est pas dû au hasard, certains reviennent souvent et servent de base fondamentale, d’autres sont utilisés avec parcimonie et distillent des soupçons d’ambiances différentes et amènent surtout une petite richesse non négligeable. Du reste, j’ai été très étonné par les percussions et le peu de guitares qu’il y a, puisque loin d’être à part et d’être flagrant à l’oreille, ils se sont bien fondus dans le décor. Du coup on a le sentiment que ces derniers fonctionnent comme des samples ! Sncèrement j’ai été bluffé ! Tout est propre mais tout est dans un but patchwork. Un vrai son de malade !

Une autre et ultime écoute plus tard, je me suis mis à comprendre qu’en vérité, ce type de musique est dans une démarche comme je le stipulais plus haut de dadaïsme. Pour comprendre ce que je veux dire, Jamie va expliquer à Fred, ou plutôt Wikipédia va expliquer à vos cerveaux : « Le mouvement dada (aussi appelé dadaïsme) est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique du début du XXe siècle, qui se caractérise par une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, esthétiques et politiques. » En d’autres termes, il y a une forme de rejet des convenances qui s’appliquent aussi et surtout à l’Art, dont la poésie, la peinture et donc la musique. La musique bruitiste, ou « noise » si vous préférez, fait partie de cette recherche de contradiction. Je pense que Sow Discord s’inscrit directement ou non dans cette démarche de rébellion. Ce que l’on appelle aussi vulgairement le post-quelque chose et qui permet une autre utilisation des instruments, « Quiet Earth » s’y oppose dans le sens où les instruments sont utilisés comme il faut mais dans un but différent. Voilà pourquoi cette septième sortie de David Coen va en déranger plus d’un, mais il faut sincèrement essayer. Tentez l’expérience ! Au mieux, vous allez avoir une sorte de révélation, au pire vous allez passer votre route. Mais la musique bruitiste de ce « Quiet Earth » est vraiment intéressante.

Pour conclure, puisqu’il n’y a pas de chant, ce qui va m’épargner un paragraphe, Sow Discord a sorti l’un des albums les plus intrigants qu’il vous sera donner de découvrir cette année. La musique bruitiste ou noise est de base un genre difficile à assimiler, on n’est même plus du tout sur la digestion puisque dans le cas d’un album comme « Quiet Earth« , il faut réussir à franchir le cap de la paroi buccale. Mais en tout cas, je peux vous le dire puisque j’adore ce genre de musique, celle-ci vaut largement le détour. Doté d’un son très propre, d’un énorme boulot de sampling et d’incorporations de guitares et percussions, et parvenant à insuffler des ambiances follement malsaines dans un spectre sonore dédié uniquement à de l’électro un peu minimaliste et teinté d’influences drone metal et ambient, c’est plus qu’une curiosité ! Cet album relève pratiquement du génie artistique si l’on se fie à ce principe potentiellement dada et qui dérangerait les adeptes maladifs des conventions musicales. Du coup, même si j’ai adoré la musique et que je déplore qu’il n’y ait pas de sorties en format CD de prévues pour garnir mes étagères en manque de satiété, je ne peux que mettre en garde. Si vous êtes prêts à relever le défi alors je vous souhaite bien du courage. Moi, je l’ai fait et j’ai tout simplement adoré. L’expérience est belle.

Tracklist :

1. When It Has Finally Come To Pass 04:22
2. Ruler 05:29
3. Everything Has Been Exhausted 05:31
4. Watching From The Centre Feat. Many Blessings 05:18
5. Desalination 06:41
6. An Eroded Fortune Feat. The Body 05:01
7. Functionally Extinct 06:37
8. The World Looks On With Pity And Scorn 05:48

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