Splendidula – Somnus

Le 29 janvier 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


David Vandegoor : guitare Kristien Cools : chant Joachim Taminau : batterie Pieter Houben : guitare, chant Peter Chromiak : basse

Style:

Doom Stoner / Sludge Metal

Date de sortie:

29 janvier 2021

Label:

Argonauta Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

Les rêves sont la littérature du sommeil.” Jean Cocteau

D’ordinaire, le mélange de plusieurs genres de metal me hérisse les poils, y compris les plus profonds et le plus impénétrables. Je ne dis pas que c’est tout le temps injustifié, mais j’ai souvent remarqué que c’est une sorte de moyen marketing pour se vendre. Il faut vraiment que cela change, parce qu’il existe des groupes qui font de réelles expérimentations et qui donnent envie, mais la majorité me vend cette pluralité d’étiquette comme un ventilateur vendrait du courant d’air. Ce n’est pas parce que l’on incorpore de temps en temps dans un album un riff plus rock, ou des envolées plus drone, que l’on a le droit de dire que l’on fait un subtil mélange de metal avec du rock et du drone. De même que j’ai beaucoup de mal avec le principe qui consiste à faire croire que, parce que l’on parle de pirate, on fait du pirate metal. Ne parlons même pas du viking metal parce que, là… Je pense que je serais au bord de la syncope. Si vous voulez, la classification musicale du metal est déjà un énorme bordel, alors si en plus chaque groupe rajoute un bourgeon trop vert à chaque album sorti, comme dit ma fille de quatre ans, « eh ben mes cadets, eh ben mes p’tits frères, on n’est pas sorti de l’auberge ». On peut me traiter de puriste, je sais que c’est totalement faux car cela sous-entendrait un rejet du progressisme dans la musique, ce qui n’est absolument pas mon cas! Simplement, j’essaye de faire la part des choses entre les groupes qui vendent du vent, et ceux qui proposent vraiment un album digne d’être étiqueté de plusieurs termes. Il n’y en a pas beaucoup, remarquez, des groupes qui sont dignes… Et je crois que sur ce coup-ci, j’en ai rencontré un non seulement digne de cela, mais en plus qui crève incroyablement l’écran par rapport à cela! Il s’appelle Splendidula. Et je suis très heureux de vous en parler ce soir.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser – et ce fut mon erreur -, Splendidula est un groupe qui n’est pas italien ou espagnol, ou un autre du genre. C’est un groupe qui nous provient de Belgique, de Genk plus exactement et de la province de Limburg. Pour la signification de Splendidula, j’ai trouvé un truc étrange qui me semble totalement hors sujet, et une plus sensée mais qui ne me semble pas exacte. La première est qu’il s’agirait de Tupaia Splendidula qui est un mammifère de la famille des Tupaiidae qui est endémique d’Indonésie. Voilà, je n’y crois pas trop… Sinon, il y a un rapprochement faisable avec le mot en latin splendidus qui signifie « brillant, éclatant, resplendissant, radieux, étincelant ». Vous vous ferez votre propre opinion mais entre un mammifère d’Indonésie et la brillance, le choix est vite pris selon moi. La lumière vient d’ailleurs des trois albums qui constituent leur discographie. Et cela semble assez mince quand on sait que le groupe existe depuis 2008. Mais je pense qu’il y a une explication plausible à cette disette de cinq ans avant un premier album en 2013 : l’arrivée de la chanteuse Kristien Cools en 2012. Je pense que cela a été le déclic que tout le monde attendait! Vous allez comprendre pourquoi avec le dernier album à paraître qui se nomme Somnus et qui sort chez le label Argonauta Records.

La pochette est assez étrange dans le motif principal. Ce côté noir et blanc me fait penser à des pochettes comme l’intérieur de l’album Die Welt der Dunklen Gärten du groupe Hekate, qui me sied bien. Après j’aurais aimé savoir de quoi s’agit-il de manière plus précise concernant le personnage qu’il y a. On dirait une sorte de personnage un peu indien, post-mortem avec son allure de cadavre, et les ailes derrière me font plus penser à un aigle qu’un corbeau avec la couleur noire. Si je m’amuse à traduire Somnus, le nom de l’album, je trouve qu’en latin cela peut signifier plusieurs choses : sommeil, mais aussi torpeur, songe et repos. Il en va donc comme idée directive qu’il s’agit d’un concept album sur le rêve ou une métaphore de la mort comme repos éternel, torpeur et sommeil infini. En soi, c’est très intéressant mais c’est probablement la seule corrélation précise que je peux faire avec l’artwork parce que, comme j’ai du mal à identifier ce dont il s’agit, hormis cet aspect cadavérique qui me fait penser bien évidemment à la mort et que je peux rattacher directement avec ma théorie précédente, je n’ai pas vraiment de logique entre l’artwork et le titre de l’album. Par contre, il n’en demeure pas moins que ce style noir et blanc, ces traits grossiers et ce côté « tatouage » me va bien. Il y aurait moyen de faire largement mieux, mais au vu du style proposé, c’est plutôt corrélatif alors, cela me va bien. Simple mais efficace quoi! Et en plus, j’adore le logo du groupe.

La première écoute étant toujours la plus déterminante, j’attire votre attention sur un point capital, directement en lien avec mon introduction : la pluralité du groupe dans son style de musique. Et sans rire, je tiens l’un des groupes les plus talentueux en termes de mélange des genres que j’ai eu à chroniquer ou découvrir tout simplement, depuis le début de mon expérience dans le metal! J’avais déjà abordé ce mélange des trois genres doom metalstoner et sludge metal, dans des chroniques antérieures, mais JAMAIS, au grand JAMAIS, je n’avais touché du doigt un tel miracle de la musique. L’alliance de ces trois genres d’une intensité rare donne une musique incroyablement prenante, émouvante même. On retrouve donc, pour détailler un peu la musique, le côté doom metal dans la rythmique bien entendu, lente et importune comme des pas de géants sur la Terre ; le stoner se situe dans les riffs bien rock mais avec une dimension nouvelle plus solennelle, plus grave sans être atrocement triste ; et le sludge metal se trouve dans la production, le son des instruments oscillant entre la lourdeur et les effets à outrance, et le chant secondaire surtout. Franchement, rien que pour ce Somnus et pour rendre hommage au talent incommensurable des belges de Splendidula, je vais revoir ma copie et les affubler d’un sobriquet aussi long que « doom stoner sludge metal », mais pour une fois, au vu de l’effet qu’à eu la musique sur moi durant cette première écoute, c’est mérité. La musique est tout simplement spectaculaire! Une vraie bouffée de résilience qui fait remonter toutes les émotions d’un coup, m’a fait pleurer (si si! Je vous jure!) et m’a fait croire, l’espace d’un instant où j’étais en train de rentrer chez moi en tramway et à pied, que j’étais dans une sorte de méga-puissance humaine et musicale! Quelle musique putain, quelle musique!

Et tout cela grâce en partie à la production. J’expliquais que cette dernière était franchement estampillée sludge metal avec donc ce son caractéristique, bourré d’effets sur les guitares et la basse, une batterie beaucoup plus commune en revanche. Typique du sludge, ces effets qui amènent une saturation homogène, sans être ni trop lourde ni trop nasillarde en quelque sorte m’ont toujours fait un effet fou sur ma personne. Je pense qu’il s’agit d’une forme d’équilibre sonore certain, permettant aux guitares et à la basse d’occuper une large partie du spectre sonore, englobant le tout. Ajoutez à cela le principe d’un doom metal lent et lourd, et vous avez surtout le sentiment de passer votre cerveau dans une centrifugeuse et d’être écrasé par le poids de cette musique. J’adore le sludge pour ces productions! En tout cas, même si ce n’est pas LE point fort de l’album, cela reste un argument largement valable pour valider le choix de Somnus. L’ajout de quelques samples reste aussi un aspect intéressant, une expérimentation sans tomber dans l’outrage ni l’impétuosité, et j’aime bien aussi la manière dont ils ont été inséré. Bref, bon boulot!

Non, la vérité c’est que l’énorme argument pour vendre ce Somnus, ce sont les compositions. « La vérité réside au fond du verre » dit un proverbe russe, et je pense que l’essence même de Splendidula réside dans la fond mais aussi dans la forme. Assurément qu’il y a eu un gros travail de fait par les musiciens pour arriver comme je disais plus haut, à mélanger ces trois genres sans que ce soit mal équilibré. Mais il faut aussi structurer le tout! Difficile donc, en temps normal, de trouver qu’un album qui expérimente autant puisse passer à travers des erreurs quelque part, j’avais fait l’amère expérience avec les français d’One Life All-in. Mais ici, je crois que la composition relève de la féérie tellement elle est parfaite. Les morceaux sont d’une longueur typique du genre doom metal, c’est à dire assez longs. Mais en aucun moment, on n’a le sentiment de se fatiguer durant les écoutes, et cela, c’est déjà un énorme point positif. Après, il faut contextualiser : n’écoutez pas cet album en espérant vous défouler, je crois qu’il est préférable de l’écouter chez soi ou en voiture, dans un moment plus tranquille. Le mieux étant de le faire dans un moment de solitude, pour se sentir pousser des ailes. En fait, la musique de Splendidula nous fait décoller par sa puissance et son onirisme. C’est même incroyable d’arriver à nous captiver en faisant tourner un riff principal, voire deux grand maximum, sans nous lasser. Et c’est là que je vante les mérites d’une composition aussi mature : juste rajouter de temps en temps des éléments soit aux guitares, soit aux samples, qui fonctionnent comme de petits rajouts, mais qui subliment encore plus la musique! Comme des retouches en or par exemple. En tout cas, la composition est énorme, juste énorme!

Il va donc de soi que les musiciens sont très bons! Non seulement ils réussissent à nous entraîner vers des états d’âme qui oscillent entre lumière et ombre (la pochette!), mais en plus ils le font avec brio! Et je dois dire que tout le talent des musiciens s’en ressent sur mon morceau préféré de l’album, c’est à dire « Incubus ». C’est typiquement tout ce que j’aime entendre chez les musiciens : une introduction calme mais teinté d’ambiances un peu rock, puis cette arrivée du riff principal qui va tourner en boucle sur les trois-quarts du morceau, avec au milieu un interlude « samplé » extrêmement beau et calme. Et je dois dire que cette piste, la troisième donc, m’a littéralement fait pleurer. Mais pas des pleurs de tristesse! Plutôt des pleurs de joie, comme une énorme bouffée d’oxygène! Comme si tout remontait d’un coup, et ce morceau qui est d’une immense grandiloquence, d’une puissance innée, vaut toutes les thérapies du monde! Là où les musiciens ont énormément de talent s’en ressent dans les émotions que l’on ressent nous-mêmes à l’écoute. Et particulièrement ce morceau-là m’a bouleversé comme rarement je me suis senti comme tel. Franchement, j’ai depuis un immense respect pour David, Joachim, Pieter et Peter. Bravo les mecs, vraiment bravo! Vous êtes juste des tueurs.

Le chant de Pieter, qui oscille pour le coup plus vers du sludge metal, est excellent. Il a cette froideur qui dénoterait en temps normal avec les riffs stoner, mais qui se complète très bien avec mon grand étonnement. Il est fort peu présent, ce qui reste une de mes toutes petites déceptions tant je le trouve prépondérant quand il est là. Peut-être est-ce dû à son côté chœur, plus que chant principal, et donc plus dans un but de scander les mots ou phrases importantes, le mettant de fait plus en avant. Mais en tout cas, il est excellent, je l’adore.

Et Kristiens? Pourquoi je ne la cite pas d’après vous? Bien ou pas bien? Eh bien, je vous invite à écouter. Et à vous prendre une claque tellement puissante que même se prendre un 3.5 tonnes sur l’autoroute ne ferait pas autant de dégâts! J’ai tout simplement été subjugué par son chant. Et moi qui d’ordinaire émets des réserves stupides sur le chant féminin dans le metal… Ah ben là, j’ai cassé toutes mes habitudes de pépère avant l’heure! Non sans déconner, le chant est encore plus énorme que le reste. Sincèrement. Il fallait oser mettre du chant clair, qui plus est féminin, et avec une telle puissance, sur des riffs stoner et un mix très sludge! Le pari était risqué, tellement risqué que la victoire qui en découle n’en est que plus époustouflante! La voix de Kristiens est un mélange de lyrique et de rock, avec surtout ces décibels qui n’en finissent pas, et cette tessiture vocale qui va de très bas à très haut pour une femme. Un talent rare, un diamant brut qui convient d’utiliser intelligemment. Ce que fait avec mille réussites Splendidula! Le chant porte quasiment tout, derrière cette musique minimaliste il fallait un maillon suffisamment épais et robuste pour sublimer ce bijou d’album déjà bien poli! Et le chant a non seulement rempli sa mission, mais il a littéralement fait voler en éclats mes préjugés idiots! Je pense, sans rire, que c’est à ce jour le MEILLEUR CHANT FEMININ que j’ai entendu dans le metal. Vous avez bien lu! Le meilleur chant féminin! Certes, il n’est pas lyrique et je ne m’amuserai pas à comparer les éternelles chanteuses de metal symphonique parce qu’il n’a rien à voir du tout. Il est encore meilleur! Il est envoûtant, émouvant, puissant. Il est phénoménal! Je me répète : c’est tout simplement la voix féminine la plus extraordinaire que j’ai entendue dans le metal. Ni plus, ni moins!

Les ami(e)s, avec cette chronique de Splendidula, je tiens mon premier top de l’année 2021. Ce troisième album Somnus est un très très grand album de sludge metal, de stoner et aussi de doom metal. Représenter trois styles dans un seul album n’était pas chose aisée, et l’on pourrait même y trouver quelques relents de metal atmosphérique, de drone et d’industriel. Mais l’on va rester sur les trois styles principaux qui sont sublimés, à un niveau fou, par les belges de Splendidula qui nous sortent, à ce jour, l’un des meilleurs albums produits par Argonauta Records (avec Conviction). Une énorme bonne pioche pour le label italien! La raison vient notamment du talent monstrueux des musiciens, des compositions d’une symbiose rarement égalée, et d’une chanteuse dont la voix m’a bouleversé les tripes et l’âme avec une telle intensité que j’en suis encore à l’heure où je vous écris, tout chamboulé. Cet album est d’ores et déjà dans mon top 3 de l’année 2021, un album tout simplement féérique qui transporte, annihile les réticences et décuple les émotions par sa puissance et sa solennité. Un chef d’œuvre total de lumière et d’ombre!

Tracklist :

1 Somnia (08:41)
2 Void (05:19)
3 Incubus (08:22)
4 Oculus (04:23)
5 Drocht (06:44)
6 When God Comes Down (09:26)

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