Stahv – Electric Youth

Le 11 mars 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Solomon Arye Rosenschein : tous les instruments, chant

Style:

Shoegaze / Doom Metal / Rock Psychédélique

Date de sortie:

11 mars 2022

Label:

Autoproduction

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« La musique c’est le complément de la parole, du bruit et du silence qui relie, notre corps et notre esprit conscient et inconscient, à tous les univers sensibles et insensibles, perceptibles et imperceptibles, finis et infinis. » Jean Toba

Je sais qu’en tant que musicien amateur, j’aime par moment regarder en arrière les progrès accomplis, et mine de rien j’ai beau rester encore jeune (les dix cheveux blancs en témoignent, et mes collègues savent que sur ma tignasse blonde ce n’est pas énorme), je me dis que du chemin, il y en a pas mal quand-même. Je n’ai rien sorti de mirobolant ni fait des festivals hors normes, mais mon bilan, si honorable et humble soit-il, me fait souvent penser que j’ai grandi, progressé. Et ce que les gens ont tendance à oublier, c’est que la musique, peu importe le genre, est une passion couteuse. Aussi bien pécuniairement parlant que sentimentalement, psychiquement et physiquement. C’est vraiment une passion qui prend aux tripes, qui donne envie à chaque pose de notes de se surpasser, de se transcender en une entité surhumaine, géniale et laborieuse aussi. Je ne compte plus le nombre de répétitions où au fond d’un garage ou d’un cellier, on se surpassait en tout pour essayer d’accoucher ensemble d’un truc musical tangible, les désillusions aussi parce qu’il y en a parfois, les déconfitures où on jette tout à la poubelle, où on se sépare, on se rabiboche, bref! La musique, c’est un pan de notre vie qu’on ne peut pas renier, chacun a un attrait pour la musique et certains comme moi et d’autres ont une passion tellement forte qu’on se saigne aux quatre veines pour ne récolter au final que quatre mentions « j’aime » sur Facebook. Mais ces mentions microscopiques, on les prend, parce que nous sommes des Gargantua insatiables de reconnaissance et de dévergondage, d’exposition de notre intimité dans des recoins inavoués. C’est pour cela que cette chronique me tient spécialement à cœur, non pas parce que j’aime l’artiste (je ne le connaissais pas avant), mais j’ai découvert un truc qui résume selon moi ce qu’est le pouvoir du passé sur la musique d’aujourd’hui. Voici donc venu le temps de lever le rideau sur l’album Electric Youth de Stahv.

Je disais en préambule que je ne connaissais pas l’artiste derrière ce nom de Stahv, puisqu’il s’agit d’un seul homme qui officie derrière ce projet. Un musicien américain, de la ville de Seattle, qui s’appelle Solomon Arye Rosenschein et qui mène sa barque seul et avec force depuis 2017 seulement, je m’attendais étonnamment à un groupe plus ancien que cela étant donné l’apparente maturité d’âge du mec, mais je me suis trompé. Bon! Neuf réalisations plus tard avec cet album nommé Electric Youth, il est bon de savoir que ce dernier n’est pas du tout un album de composition. Il s’agit en fait (j’ai découvert cela tardivement sur Bandcamp) d’une reprise intégrale de l’album Eletric du groupe bien connu The Cult qui est sorti en 1987. J’avoue que la démarche artistique en elle-même m’étonne beaucoup, je crois qu’il s’agit pour moi d’une grande première et je ne sais pas du tout à quoi m’attendre puisque l’album de The Cult, je ne l’ai jamais écouté avant. C’est donc un travail un peu ardu qui m’assaille puisqu’il me faudra écouter et l’album de Stahv, et celui de The Cult. Cela m’apprendra à ne pas avoir établi ma culture sur les groupes du passé… Vous me direz, je ne suis pas obligé de me l’imposer! Mais pour comprendre le contexte de cet Electric Youth, j’ai besoin de savoir ce que cela donnait avant. Vous voyez?

Avec une pochette toute neuve pour illustrer cette reprise intégrale, Stahv montre surtout ce que j’expliquais en introduction. Cette photographie du sieur Solomon Arye Rosenschein quand il était jeune et avait probablement sa première guitare électrique, ou une bien customisée en tout cas, cela paraît simpliste comme démarche! Mais en fait selon moi, c’est surtout une manière simple et concrète (surtout) de montrer le chemin parcouru dans sa vie en général, et sa vie chaotique de musicien. Stahv n’est pas un musicien très connu hein! Mais on n’est pas obligé d’être connu pour avoir une histoire à conter. Et déjà, je trouve que la pochette montre tout cela, cette dimension hédonique et personnelle d’un musicien. Il est encore un jeune homme qui en est à ses balbutiements en solfège, on a tous ce gamin qui demeure en nous qui pavoise. En tout cas, la pochette est pleine de sens et abonde dans ce que je disais. Ne vous arrêtez pas à cet aspect random, parce qu’elle vaut toutes les pochettes bien « polissées » des artistes pop qui ne sont qu’insipidité. Stahv balance le décor en un clin d’œil sur sa jeunesse, et la musique prend ici tout son sens. Superbe.

Pour ce qui est du style musical, Stahv a annoncé un truc assez complexe sur le papier. Un mélange de shoegaze, de doom metal et de rock psychédélique très années 70 / 80. Si on reste sur l’idée qu’Electric Youth est un album à part entière, avec de réelles compositions, c’est un très bon album, vraiment. J’ai été frappé par ce mélange appelé de manière présomptueuse « doomgaze » qui sonne bien, avec des apports bien construits et bien reconnaissables, je trouve que les genres cités plus haut sont facilement dissociables mais se marient bien ensemble, et le résultat est bluffant! Pour un gars qui joue seul, je suis réellement épaté. Le shoegaze étant un mélange dissonant de parties guitares atmosphériques mais surtout sur des harmoniques qui se mélangent parfois étrangement, des guitares bourrées d’effets quoi, je trouve que l’ensemble est impressionnant. Moi qui ne suis pas très fanatique de shoegaze, j’en ai eu pour ma fierté, franchement. Il y a de la variété dans les morceaux, certains sont même très intimistes, j’aime beaucoup le chant en tessiture grave qui se marie bien avec le reste. Après, on ne va pas se mentir, il faut aimer les musiques avec énormément d’effets, cela dénature pas mal le côté organique de certains instruments! Stahv ne fait pas dans la dentelle avec Electric Youth et cela démontre non seulement une réflexion abondante sur les effets et ainsi le son qui va avec, mais aussi et surtout la richesse instrumentale qui oscille entre un rock psychédélique complexe et planant, et un hybride shoegaze et doom metal qui apporte son lot de richesse dans la construction « riffique ». La batterie ne me semble en revanche pas enregistrée, mais programmée, ce que je trouve un peu pénalisant sur les bords. La basse est également mélodique ce qui fait l’inverse de la batterie sur moi. Bref! Electric Youth pourrait être objectivement un très bon album, j’ai décidé de prendre la première écoute comme tel, et je ne regrette pas tant ce fut une franche belle découverte. Tout est réuni en tout cas pour plaire et je suis vraiment étonné de l’abattage de boulot qui est fait de la part de Stahv pour allier complexité, atmosphérique et énergie. Bluffant à tous points de vue, cet Electric Youth!

La production laisse toujours perplexe, je sais que dans un genre shoegaze notamment où l’attention des musiciens en concert s’évertue à se centraliser sur les effets guitares entre autres, on a du mal à s’y retrouver entre les différents riffs et mélodies qui se chevauchent. Cela oblige à avoir un son aux petits oignons, permettant de discerner clairement les deux guitares, voire également la basse qui tire son épingle du jeu dans le cas de Stahv. Il faut donc une production au poil, et c’est exactement de quoi se pare l’album de reprise Electric Youth. Je trouve que l’enjeu étant de taille, il fallait réussir à reconnaître l’hommage à The Cult, sans pour autant tomber dans le plagiat. Et force est de constater que la production est impeccablement bien ficelée, avec une reprise de chaque piste dans une sauce sonore très avec deux lignes de guitares qui se chevauchent habilement, une lenteur bien caractéristique du doom metal sans tomber pour autant dans une lourdeur extrême et quelques relents peut-être non faits exprès de rock psychédélique old school qui m’a plu, beaucoup notamment dans les moments plus apaisants! Le tout confère donc un regard très intime de ce que pourrait être Electric de The Cult dans un remaniement que l’on pourrait assimiler à ce fameux « doomgaze »! Vraiment bon boulot camarade.

Maintenant, nous allons passer sur une comparaison succincte je pense, de ce qu’était l’album quasi éponyme de The Cult et celui de Stahv. Bien entendu, vous prenez le premier qui fait dans le rock bien pêchu, au tout début probablement du hard rock au passage, et le second qui fait dans le bon shoegaze ultra mélodique, vous sentez largement la différence! Mais là où je trouve qu’Electric Youth est une formidable retranscription. Je vous l’ai dit, si je n’avais pas fait le rapprochement avec The Cult, j’aurais très sincèrement adoré l’album et j’aurais foncé dessus comme un faucon sur le campagnol! A présent que j’ai fait le lien, je me rends compte que les deux se valent bien, sont différents mais on reconnaît bien l’identité de l’album premièrement nommé. La différence n’est pas si flagrante pour résumer. On pourrait s’interroger sur l’utilité d’un tel album de reprise, mais je suis convaincu qu’en fin de compte, ce n’est qu’un hommage à un groupe qui a dû marquer le protagoniste de Stahv, tout en évitant de le fourvoyer. Il convient ainsi de prendre Electric Youth sur ce modèle-ci, sans aucune autre prétention que de revisiter un album. Moi, je m’arrête ici pour la suite, le chant ne souffre également d’aucune contestation possible hormis cet apport en voix grave et claire qui est du plus bel effet.

Pour conclure ici, Stahv a eu la démarche artistique fort surprenante de reprendre l’album Electric de The Cult dans un format musical surprenant! Notre ami américain opère généralement dans un registre shoegaze, avec pour pousser le bouchon de la transformation plus loin quelques alliages en doom metal forgé et un soupçon de rock psychédélique en feuilleté. En fin de compte, cet album ne sera pas la sortie de l’année, on ne va pas se mentir, dans la mesure où reprendre un album culte n’a jamais été gage de célébrité et la démarche artistique reste bancale au possible. Mais moi, ce que j’ai vraiment aimé dans Eletric Youth, c’est que la seule et unique démarche émanera de toute la nostalgie, toute la jeunesse insouciante et innocente de sieur Solomon Arye Rosenschei qui, en mettant sa propre photo de lui étant jeune, nous explique en un claquement de doigt que la musique est d’abord et avant tout une affaire de souvenirs. Voilà pourquoi cet album aura une saveur spéciale ce soir, et j’ai adoré.
Simplement adoré.

Tracklist :

1. Wild Flower
2. Peace Dog
3. Lil’ Devil
4. Aphrodisiac Jacket
5. Electric Ocean
6. Bad Fun
7. King Contrary Man
8. Love Removal Machine
9. Born To Be Wild
10. Outlaw
11. Memphis Hip Shake

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