Line-up sur cet Album
Solomon Arye Rosenschein - Tous les instruments, chant
Style:
Cold Wave / Synth PopDate de sortie:
03 février 2023Label:
EigenverlagNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10
“La vanité met le mérite à notre merci.” Jean Rostand
Je me souviens que lors de la précédente chronique du même groupe, j’étais parti dans les limbes de la nostalgie. En allant sur l’idée que quand on regarde en arrière, on se rend compte des progrès qu’on fait et que la vie de musiciens, c’est aussi et surtout du chemin de fait, avec ou sans musicien en plus. Parfois tout seul. Les deux derniers concerts que j’ai fait, au-delà du kiff absolu que j’ai ressenti, c’était surtout une sorte de grande fierté. Alors, ne vous méprenez pas! On n’a ni fait le Hellfest, ni fait le Wacken, ni ouvert pour Gojira! On a juste fait salles combles dans deux villes stratégiques de notre région d’origine, et on a eu deux publics formidables pour nous épauler dans notre musique. La communion fut tellement totale que pour la première fois de ma vie, j’ai eu un peu de difficulté à redescendre de mon piedestal. Parce que, aussi loin que remonte ma mémoire, jamais nous n’avions eu un orgasme aussi total lors d’un concert. C’est là qu’il est important parfois d’avoir le courage de se retourner, de regarder en arrière et se dire « putain, j’en ai fait du chemin quand-même depuis la fête de la musique à Saint-Marcel-lès-Sauzet ». Je pense que c’est ce qu’on ressent de plus fort quand on fait de la musique. Je parlais d’investissement total, que ce soit matériel, psychique, physique, et relationnel. Mais je crois que quand on fait de la musique, on essaye quelque part d’atteindre une forme de sérénité avec soi-même. La musique est un bel exutoire, qui ne suffit certes pas toujours, les différents artistes s’étant suicidés en témoignent tristement, mais un bel exutoire quand-même. Et quand on partage cet exutoire avec des auditeurs ou du public, on ressent une sorte d’aboutissement personnel qui conduit à se surpasser davantage encore. Je pourrais dire la même chose de l’exercice de la chronique qui m’aide, en quelque sorte aussi, à sortir quelques émotions dans mes analyses et ressentis. En fait, c’est simple : toute forme artistique de communication permet de se libérer, de sortir des choses enfouies, même si cela reste platonique comme quand on fait de l’analyse! En tout cas, je suis reparti dans les labyrinthes opaques de la nostalgie ce soir parce que quand j’ai opté pour la chronique du groupe STAHV, je ne me suis pas rendu compte que j’avais fait le précédent méfait! Comme quoi, malgré ma (bonne?) volonté de ne pas refaire deux fois le même artiste, des fois c’est sans faire exprès que je choisis le même! La preuve! Donc, STAHV sera ma nouvelle chronique ce soir, avec pour étendard un album nommé Simple Mercies.
Voilà ce que j’écrivais à propos de STAHV : « Je disais en préambule que je ne connaissais pas l’artiste derrière ce nom de Stahv, puisqu’il s’agit d’un seul homme qui officie derrière ce projet. Un musicien américain, de la ville de Seattle, qui s’appelle Solomon Arye Rosenschein et qui mène sa barque seul et avec force depuis 2017, seulement, je m’attendais étonnamment à un groupe plus ancien que cela étant donné l’apparente maturité d’âge du mec, mais je me suis trompé. Bon! Neuf réalisations plus tard avec cet album nommé Electric Youth, il est bon de savoir que ce dernier n’est pas du tout un album de composition. Il s’agit en fait (j’ai découvert cela tardivement sur Bandcamp) d’une reprise intégrale de l’album Eletric du groupe bien connu The Cult qui est sorti en 1987. J’avoue que la démarche artistique en elle-même m’étonne beaucoup, je crois qu’il s’agit pour moi d’une grande première et je ne sais pas du tout à quoi m’attendre puisque l’album de The Cult, je ne l’ai jamais écouté avant. C’est donc un travail un peu ardu qui m’assaille puisqu’il me faudra écouter et l’album de Stahv, et celui de The Cult. Cela m’apprendra à ne pas avoir établi ma culture sur les groupes du passé… Vous me direz, je ne suis pas obligé de me l’imposer! Mais pour comprendre le contexte de cet Electric Youth, j’ai besoin de savoir ce que cela donnait avant. Vous voyez? » C’est un peu le même procédé que je m’apprête donc à faire avec Simple Mercies qui signifie « grâces simples » ou « pitiés simples ». Drôle de nom! Voyons ce que cela donne surtout que cette fois-ci, l’album est un « vrai » album de composition.
C’est peut-être un détail insignifiant, mais un groupe qui met en pochette une photographie de mûres sauvages, moi, cela me conquiert tout de suite! Parce que quand j’étais petit, et même encore de nos jours, j’aimais aller cueillir les mûres sauvages avec mes potes ou mes parents, pour les manger après chez moi ! Donc, c’est vrai que si l’on cherchait une définition allégorique parfaite de la nostalgie chez moi, pour sûr que des mûres sauvages seraient un bel exemple! Cette pochette a d’ailleurs un côté très enfantin, voire presque un peu féminin ou romantique avec ce rose fuchsia qui sort des pétales des fleurs en arrière-plan. J’y vois plein de choses, dans cette photographie, qui est superbe, à commencer par une sorte d’imperfection latente qui fait penser à la vie. Avec ces fruits qui sont murs à des stades différents, et les fleurs qui sont tantôt fanées, tantôt en bonne forme, font penser finalement que l’imperfection peut avoir de la beauté et représenter la vie dans sa forme la plus authentique. Je pense aussi que l’auteur a voulu laisser transparaître une forme d’émotion dans cette image puisqu’on aime tous voir de belles mûres bien noires, bien fraîches, alors qu’ici on a quand-même l’impression que le buisson a vécu. Et je sais que même si l’on apprécie que la Nature soit faite comme un recommencement éternel, on aime aussi ce côté parfait qui fait du bien, qui réconforte et qui, dans le cas des fruits, réveille les papilles et la satiété. En tout cas, cette pochette qui fait au passage très old school, reste dans la même veine que l’album de reprise précédent. A savoir qu’il s’agissait là encore d’une photographie ancienne, et que l’on reste ainsi sur une forme de continuité. Et que cette continuité dans le cas de STAHV, elle fait bougrement du bien! La pochette est superbe.
Alors, il semblerait de prime abord que notre camarade Solomon Arye Rosenschein aime explorer des sentiers différents quand il fait un album! Le précédent surfait sur une vague de Shoegaze et de Rock Psychédélique, je dirais qu’ici on se situerait plus sur une sorte de Cold Wave ou de Synth Pop, avec des éléments Rock plus marqués, moins psychédéliques ce qui n’enlève en rien les quelques effets sympathiques sur les guitares, et le côté planant. Mais je trouve que STAHV se situe plus sur une musique Cold Wave avec les éléments aux claviers, et le chant qui fait très clairement penser au chant du même acabit que certains groupes de Cold Wave. Après, certains diraient qu’on est parfois sur un truc plus Darkwave, mais la vérité est que la musique reste quand-même globalement plus optimiste que ne le voudrait le genre Darkwave, mais surtout les riffs dégagent une énergie communicative incroyable, bluffante même! Ce qui me laisse donc à penser, peut-être à tort, que Simple Mercies est un album de Cold Wave, voire à la rigueur de Synth Pop. Particulièrement bien exécuté au demeurant, avec une aisance dans la composition et dans le processus de jeu qui me laisse franchement impressionné, pour ne pas dire sur le carreau. Je rappelle que le sieur est tout seul, strictement tout seul sur cet album, et il assure plus que le minimum que l’on attend d’un one-man band! A savoir de l’idée dans la composition histoire de ne pas s’endormir béatement sur les lauriers de l’old school, proposant donc une esthétique sonore plutôt ancienne, mais avec une touche de modernité qui est amenée, selon moi, par la légère touche Rock Psychédélique avec des arrangements plus propres, comme le ferait par exemple le groupe Tarot que j’adore! En fait, je pense que c’est tout le génie de cet album, proposant donc une musique qui fleure bon les évanescences old school, mais avec des sonorités et une approche modernes qui ne me laissent pas du tout indifférents. L’artiste est clairement polymorphe dans son approche globale, mais ne se fait pas prier pour heurter les sentiers battus du Rock dans sa forme la plus brute. Du coup, la première écoute de Simple Mercies se fait avec fluidité, sans accroc, et je dirais que la touche personnelle est tellement ouverte à l’auditeur que l’on se laisse porter, comme dans un bain moussant, dans le confort et la chaleur de cet album. Après, ce n’est pas un éloge à quoique ce soit! Certains riffs sont clairement pessimistes et on ressent que la mise à nu n’exclut pas du tout les phases sombres de la personnalité ou de l’histoire de l’artiste. Il pourrait en effet se contenter de ne mettre en exergue que ce qui pourrait intéresser l’auditeur lambda qui n’aime pas quand on explore trop les méandres de l’esprit. Mais non! La musique est de fait très variée, il y a un peu de tout, un peu comme l’avaient fait Crooked Mouth and the Headstone Brigade quand ils ont fait leur album en commun que j’avais fait en chronique. Donc, un album qui est d’une sincérité désarmante et d’une profondeur musicale exceptionnelle. En tout cas, que ce soit dans l’expérimentation ou dans l’éclectisme, je suis sincèrement bluffé en première écoute par la qualité de cet album, qui je le rappelle une énième fois, a été façonné tout seul, d’une main de maître, par son créateur. Une vraie bouffée d’air!
La production est de fait un point proéminent de cet album. Parce qu’il faut trouver la bonne recette pour obtenir cette atmosphère « wave » qui a besoin de nourrir et se nourrir d’énergie et de puissance tout en gardant une certaine distanciation intimiste. Et le son de Simple Mercies est de fait très bien réussi, très justement équilibré entre ces phases de puissance et d’énergie qui font la beauté de la Cold Wave et du Rock Psychédélique, et les parties plus atténuantes qui font légèrement évoquer la Dark Wave ou peut-être la Synth Pop. J’aime vraiment bien cette balance musicale et composale. Le son est de fait d’une justesse remarquable, chaque instrument étant à sa place adéquate et offrant tout un panel de riffs aussi riches les uns que les autres. Et le plus fou est, que malgré les quelques variations sonores inhérentes au fait de faire une expérimentation manifeste, que STAHV parvient à obtenir une forme monstrueuse d’harmonie dans son album! J’entends par-là que malgré le côté non-linéaire de la production qui varie au besoin selon les pistes ou les atmosphères, l’album en lui-même s’écoute avec une aisance coupable! Nul besoin de faire de pauses ou de prendre le recul nécessaire pour comprendre et assimiler comment fonctionne Simple Mercies, tout roule magnifiquement bien. Franchement, je n’ai rien à rajouter de plus, on frôle selon moi la perfection pour le genre! Et, putain! Je vais encore me répéter, mais on s’en fiche, en vérité : l’album est un pur produit solo!
Maintenant, je pense que la subtilité de cette musique, présente notamment sur STAHV, est qu’elle prête à aller se noyer dans la nostalgie la plus commune à tous. Celle de notre enfance, tout simplement. D’où cette approche infantile et un peu archaïque sur la pochette, que l’on ne ressent pas spécialement dans la musique qui se veut naturellement plus aboutie et mature, ce qui n’aurait pas été possible dans la période de l’enfance. Bref! La musique de Simple Mercies est très clairement comme le précédent album, soit une forme d’expression personnelle intense et magnifique. Le musicien derrière STAHV est très talentueux, et on ressent absolument tout ce que ce dernier ressent dans sa transe de composition. Après, difficile d’aller directement vers ce qu’il pense ou laisse transparaitre, mais c’est le propre des CDs comme celui-ci, où l’intimité reste en partie préservée sciemment ou non, et il y a chez STAHV une part d’insondabilité qui l’honore et rend le disque encore plus intéressant. Voilà! Difficile d’en dire plus, tant l’album ne peut que se déguster et se vivre intensément comme moi je l’ai fait. Je n’avais pas encore envisagé d’acheter les CDs de STAHV, je pense que cette fois-ci, je vais me lancer! Album incroyable à tout point de vue.
Et je ne pouvais pas clôturer ma chronique sans parler de ce chant assez prenant là encore. Une voix baryton avec quelques retouches, bourrées d’effets qui donnent là aussi comme je disais en amont cette sensation d’avoir un CD de Cold Wave ou de Synth Pop voire selon les tonalités employées, de Dark Wave. Et ainsi, un chant clair mystérieux, parfois un brin flippant qui m’évoque sans trop que je comprenne pourquoi le chant de Rob Zombie. Le groupe partage la même folie que cet artiste et le même côté bizarre, mais franchement j’adore! Il n’y a pas tellement là aussi de linéarités rythmiques, le chant allant selon les besoins des riffs qui sont très variés, il n’y a, par exemple, pas de refrain ce qu’en tant que parolier, j’aime énormément! En tout cas, le chant fait passer des émotions qui sont changeantes, rappelant donc que le principal intérêt de la composition est d’aller sur l’expression des dits sentiments, et STAHV a encore décidément tout juste dans sa manière singulière d’emprunter des lignes de chant comme ici. Absolument bluffant!
Pour terminer, je dirais que STAHV n’a décidément pas fini de me plaire et de me surprendre! Fort de cet album qui est en fin de compte la dixième sortie officielle du one-man band américain géré par Solomon Arye Rosenschein, la musique a pris soudainement une tournure à laquelle je ne m’attendais pas. D’abord parce que d’ordinaire même si j’aime ce style, la Cold Wave ou sa forme plus Synth Pop n’ont jamais été tellement mes styles préférentiels et que j’allais me refrotter sans le savoir à un groupe qui faisait au précédent CD une musique plus Rock Psychédélique qui m’allait superbement bien. Mais à ma grande surprise, je me suis retrouvé pleinement aspiré et marqué au fer rouge par cet album encore une fois, comme avant, qui fait le palais d’argent de la nostalgie, de l’intime et ainsi d’une mise à nu quasiment totale de son auteur pour ne récolter si j’ose dire que les mûres sauvages de sa vie, à la fois délicieuses et rebelles. J’aime énormément STAHV, c’est résolument un de mes nouveaux projets favoris et je crois que Simple Mercies pourrait être à ce jour et jusqu’à changement potentiel, mon coup de cœur dans le registre Cold Wave! Un bijou absolu!
Tracklist :
1. Cold Case (03:29)
2. P vs. P (02:57)
3. Love 4 Nothing (03:15)
4. Snake Key (03:23)
5. My Riddle Finger (02:47)
6. Too Far To See (03:06)
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