Ştiu Nu Ştiu – New Sun

Le 23 octobre 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Jessica Mengarelli - Chant
  • Martin Sandström - Guitare
  • Nicklas Bargell - Guitare
  • Kalle Mattsson - Basse
  • Christian Augustin - Batterie

Style:

Shoegaze / Doom Metal

Date de sortie:

01 juillet 2022

Label:

Heavy Psych Sounds

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Je sais que je ne sais rien » Socrate

Je baigne actuellement en plein dans les pays de l’Est, et ce n’est pas du tout pour me déplaire. Je m’aperçois que les mentalités ne sont pas du tout les mêmes. Nous avons une perception du conflit qui occupe actuellement l’est de l’Europe qui est aux antipodes de ce que les gens me décrivent. On a en effet un versant que les médias nous envoient et la réalité du terrain. Et ce que l’on croyait déjà chaotique s’avère être encore plus violent, encore plus angoissant que l’on ne pouvait l’imaginer. Et je salue le courage incroyable de ces peuples qui se sentent opprimés par une guerre qui ne devrait même pas les toucher, mais dont le patriotisme est tellement puissant qu’ils ne peuvent pas s’en empêcher, de se soutenir. Moi, je pense que tant qu’on ne vit pas ce genre de drames directement, on est loin de s’imaginer ce que la vie réserve d’aussi terrible. Sordide même. En tout cas, je suis actuellement sur une mode qui consiste à écouter beaucoup de musiques d’Europe de l’est, des pays comme la Roumanie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, etc. Je me rends compte de ce patriotisme historique qui transpire dans les musiques traditionnelles, qu’on n’a pas forcément en France. J’irai même plus loin en réfutant l’idée d’avoir une réelle identité française dans la musique. J’ai beau réfléchir, j’ai du mal à trouver une ou plusieurs musiques qui peuvent se targuer d’avoir une réelle identité reconnaissable. La chanson française? Le folklore? Mais il y en a tellement… Vous allez en Bretagne ou dans les Landes, vous n’aurez pas du tout la même identité. Ce qui m’a toujours poussé à me demander : quelle est l’identité musicale française typique? Bon, autant vous le dire tout de go, ce n’est pas ce soir que je vais y répondre. D’ailleurs, je suis allé loin dans mon introduction puisque le groupe chroniqué ce soir n’a rien à voir avec un quelconque folklore. C’était pour déblatérer un peu avant de passer au vif du sujet : la chronique du groupe Ştiu Nu Ştiu et de leur album New Sun. Le rapport avec mon introduction? Qu’ils viennent en partie d’Europe de l’est. Voilà.

J’ai bien dit « en partie » parce que dans les faits, Ştiu Nu Ştiu est un groupe plutôt européen au sens large. Composé de musiciens roumains, suédois et hollandais, le groupe est toutefois basé en Suède. Le groupe existe depuis 2012, a connu divers changements de line up avant de se situer sur ce côté européen. Au niveau des sorties, Ştiu Nu Ştiu qui signifie ma citation d’en haut en roumain, a sorti quatre albums avec ce dernier nommé New Sun et deux singles. Après, difficile d’en dire plus puisque le groupe ou le label ne nous ont rien apporté de plus. Cultivant donc une forme de mystère, le groupe basé en Suède n’est donc pas le groupe le plus accessible qui soit. Il va de soi que le style abordé ici mérite de garder un côté opaque. Alors, au moins allons nous tous ensemble découvrir cette formation bizarre par l’analyse pour moi et la lecture pour vous. Go!

Et pour ce quatrième album, la formation a mis les petits couverts dans les grands! C’est probablement la première fois que je découvre une pochette qui met en avant à ce point les pistes sur un avant-pochette. Chaque piste se pare ainsi d’une illustration différente, censées représenter les dites pistes par leurs noms. Je ne vais pas m’amuser à en faire un descriptif complet puisque vous avez la pochette en cliquant sur l’image, mais on s’aperçoit quand-même que le groupe tient à créer une sorte de « nouveau soleil » comme le démontre le nom de ce dernier New Sun. En utilisant tout un tas de symboliques comme le « Styx », « Nyx » qui est la Nuit dans la mythologie grecque, « Dragons Lair » qui veut dire l’antre du dragon, « Zero Trust » qui parle bien d’un défaut de confiance. Outre en plus de cela la colorimétrie noir et blanc de la pochette, on voit bien que cette dernière plante un décor pessimiste, très noir et probablement aussi un peu cynique sur les bords. En ce qui me concerne, mon instinct me dit que Ştiu Nu Ştiu baigne dans une musique qui pourrait se montrer acerbe sur différents aspects de la société. Après, encore une fois, je n’ai pas de grands éléments pour affirmer quoique ce soit, mais c’est ainsi que je vis et ressens la pochette de l’album New Sun. Du reste, sur le style, je l’aime bien. Je trouve qu’il y a un côté un peu bande-dessinée qui va bien, qui donne de l’émotion et de la solidité à l’album. Et je le redis encore une fois : j’aime l’idée de mettre en avant les pistes de l’album en format image sur la pochette. C’est une première! Et je dois dire que quand on manque d’inspiration, plutôt que de pondre un truc immonde, on devrait aller vers ce style de mise en image. En tout cas, sur la pochette, je la trouve prometteuse pour la suite. J’aime bien le style!

Bien entendu, quand on n’a pas d’informations fiables de la part du groupe – et c’est le cas de Ştiu Nu Ştiu – on cherche un peu. Et je n’aurais jamais dû parce que le groupe est classé selon différents critères. J’ai donc décidé de me faire ma propre idée, et de ne pas me laisser influencer. Bien m’en a pris! Puisqu’en effet, le groupe Ştiu Nu Ştiu est difficile à classer. Vraiment difficile. Pour la rythmique lente et lancinante, et il s’agit selon moi de la classification la plus simple de l’album New Sun, on sent des similitudes nettes avec le doom metal, d’ailleurs j’oserais dire que n’importe qui connaissant le doom metal aurait tiqué comme moi devant la lenteur extrême des pistes de l’album. Mais cela reste selon moi un grain de sable dans le désert. Après moultes réflexions et quelques pelotes de cheveux arrachés, je pencherais pour du shoegaze. Mais cela ne tient pas à grand-chose parce que je me suis basé sur le son de l’album et quelques instincts bien enfouis. Pour moi, la frontière était mince entre du sludge metal et le shoegaze notamment parce qu’on sent qu’il y a énormément d’effets guitares qui prennent la place sur tout le reste, et que ces dernières forment un duo exclusif ou presque avec le chant qui est quand même une des caractéristiques majeures du shoegaze. Sinon, ce qui m’a orienté sur cette analyse est toujours situé sur le son. Quand on écoute attentivement, on s’aperçoit très vite que Ştiu Nu Ştiu joue la carte de sonorités qui font clairement penser à ce qui se faisait dans les années 80. Quand j’écoute New Sun, j’entends clairement Slowdive par exemple. En fait, c’est terrible parce que je sens que je vais passer ma chronique à me convaincre que j’ai du shoegaze dans les oreilles! C’est flippant. En tout cas, sur le style, si on part du principe que le groupe européen produit du doom shoegaze, je trouve l’album franchement bien foutu! Les compositions sont équilibrées entre une longueur suffisamment importante pour nous égarer dans un marasme émotionnel mais pas assez pour nous achever, et une structure finalement assez banale de couplets et refrains qui fonctionnent toutefois très bien. C’est en fin de compte le constat qui s’impose, que cet album emploie clairement un fonctionnement à l’ancienne et reprend les codes déjà existants depuis les années 80 et c’est en cela que la composition demeure simple. L’ensemble sent bon le shoegaze de la première vague ce qui me fait penser que ce type d’albums s’adresse en priorité aux fanatiques de la première heure, mais comme je trouve que Ştiu Nu Ştiu joue une carte moderne en prenant des arrangements un peu plus actuels notamment sur le chant, je pense que tous les amateurs devraient jeter une oreille attentive. Pour ma part, c’est une première étape validée haut la main!

Bon, j’ai déjà largement révélé quelques atouts de l’album à commencer par la production. Je vais donc faire un peu de redondance pour évoquer ce son si particulier. Il faut se remémorer l’époque des années 80 où le son des guitares commençaient à se parer de nombreux effets. L’avènement des pédales et autres samples permettaient donc d’offrir une coloration différente selon que vous faisiez dans le pychédélique ou le shoegaze qui n’emploient pas du tout les mêmes effets. Le but du shoegaze étant de planter un décor sombre, vous aviez donc un jeu de guitares particulièrement épais et lancinant. Ici, on retrouve tout à fait ce pourquoi le style dûment nommé avait ses adeptes. Ce qui peut déstabiliser est que l’on n’entend finalement pas aussi bien que cela la batterie et la basse. Même si ce procédé est inhérent au genre, j’aime quand même avoir un poil plus de batterie. Le côté ambiant demeure prépondérant mais même dans les lignes de guitares les plus épurées, il faut un marquage rythmique. Autrement, pour tout ce qui est sonore, cet album est vraiment bien construit. Plus je l’écoute, plus je me rends compte que l’étiquetage doom shoegaze est loin d’être idiot. D’ailleurs, ce son si enrobé fonctionne bien avec la lenteur plus inhabituellement accouplée au shoegaze et qui, ici même, rend bien. Voilà! Rien à redire donc hormis un léger manque de batterie, ce qui reste un avis objectif mais un brin personnel aussi.

Le souci étant que je me suis pas mal « auto-parasité » en essayant d’analyser l’album New Sun, et donc que j’ai un peu eu du mal à comprendre l’intérêt de cet album. Disons le : je n’ai pas vraiment pu entrer dedans. Du coup il m’aura fallu plusieurs écoutes différentes, dans des lieux différents pour saisir ce qui me semble être la subtilité première de cet album. Ştiu Nu Ştiu me semble en effet un brin cynique sur des sujets précis, et connaissant un peu la mouvance shoegaze, on pourrait penser que le groupe propose une vision du monde particulièrement pessimiste. Avec probablement une teinture moins sociétale que le ferait le sludge metal par exemple. Ici, on sent que le groupe se situe plus sur un versant éthéré ou philosophique. On parle beaucoup d’esprit, de torture mentale, de souffrance psychique dans New Sun et le fait de le mentionner comme un nouveau soleil me semble être une vision fortement pessimiste de la vie, propre au style tout simplement. De fait, cela reste du classique encore une fois, j’y vois même un clin d’œil sincère de la part de Ştiu Nu Ştiu qui se lance dans la course à l’old school. Alors que dire de plus? Si ce n’est que le groupe se situe dans la continuité des meilleurs du genre et des plus anciens au passage. Si vous êtes à la recherche d’un vent de fraicheur, vous allez plutôt vous prendre une rafale d’ancienneté. Pour ma part, l’album a rempli ce que j’attendais de sa part dans un registre de mission musicale. Le doom shoegaze proposé est plus qu’intéressant, ravive des souvenirs du temps où je me délectais de Slowdive ou Pale Saints alors forcément… Quand on touche à mes sentiments et ma nostalgie, le contrat est rempli. Bon groupe, belle découverte!

Pour le chant, il est féminin et je dois reconnaitre que j’en suis quelque peu tombé amoureux. Loin de rester monotone, ce dernier s’offre le luxe de quelques envolées rock bien puissantes, avec une énergie communicative et qui montre surtout un fort charisme sous-jacent, le tout ponctué par une diction sur les syllabes qui sont très accrocheuses. Et par moment, le chant devient plus calme, sur des tonalités bluffantes pour une femme. Je vous expliquais en amont que le point fort du genre shoegaze est le mariage entre les guitares et le chant qui sont les instruments maîtres de la composition. L’osmose doit être impeccable et c’est exactement le cas chez Ştiu Nu Ştiu. La voix et les guitares ne font qu’un et l’ensemble marche à la quasi perfection. J’aime vraiment le chant, pourtant les Dieux savent que le chant féminin n’est pas ma tasse de thé. Mais sur ce principe, New Sun a la chance d’avoir une chanteuse qui déborde de talent et d’énergie, et cela c’est bien! Même très bien.

Il est temps de conclure! Sur le papier, le curieux groupe européen Ştiu Nu Ştiu vient à notre rencontre avec un New Sun sorti cette année. Album évoluant dans un shoegaze fleurant bon la nostalgie des années 80, ponctué par des relents doomesques dans la lenteur générale des tempos, la musique se veut poignante et puissante en même temps. Le sujet étant ce qui s’apparente à une forme de pessimisme émotionnel et universel, on ne peut pas dire que le groupe surfe sur une modernité dissonante au genre, mais plutôt sur ce versant souffreteux de la nostalgie pour rester fidèle à un shoegaze old school et un peu mis de côté avant les années récentes. Moi qui fuyais un peu ce genre quand je voyais l’avènement d’Alcest (que je n’aime pas), j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai pris ce risque de me frotter à un genre qui me rebutait. Au final, Ştiu Nu Ştiu m’a mis d’accord sur le fait que j’avais tort. L’album est superbe, plein d’émotions et de spleen. Avis aux amateurs, vous ne le regretterez pas!

Tracklist :

01. Styx
02. Siren
03. Transcend
04. New Sun
05. Nyx
06. Zero Trust
07. Visa
08. Dragon’s Lair

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