Stromptha – Endura Pleniluniis

Le 12 mai 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


J. : tous les instruments, chants

Style:

Black Metal atmosphérique

Date de sortie:

24 mars 2020

Label:

Satanath Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

La lune est le soleil des statues.” Jean Cocteau

Quoi de plus normal qu’un groupe originaire du Groenland pour parler de la Lune ? C’est vrai que dans cette immense province danoise que tout le monde connait pour ses Inuits et pour le Pôle Nord qu’il représente dans les esprits écologiques, la particularité de ces endroits proches des hémisphères est de pouvoir connaître les longs mois sans jour, que l’on appelle communément les nuits polaires. Je ne sais pas si, culturellement parlant, la Lune intervient dans le folklore de ces pays froids mais je devine que si, au vu des journées sans soleil qui font partie du mode de vie de ces habitants. Je ne dis pas cela par complaisance ou figure de style, mais le Groenland est un pays (oui, pour moi c’est un pays) qui m’a toujours attiré. Si les billets d’avion pour aller à Nuuk ne coûtaient pas si chers, cela ferait un moment que j’y serais allé pour une semaine de vacances ! De connaître les nuits polaires, le crépuscule bleu caractéristique et comprendre comment les gens se repèrent dans leur horloge biologique pour ne pas péter un boulon. Concrètement, rien que pour cet éveil spirituel en moi, je suis content de faire la chronique du projet solo metal appelé Stromptha, et son cinquième album intitulé, en hommage à la Lune, « Endura Pleniluniis« .

Mais alors, il y a une originalité dans Stromptha : c’est que le maître d’œuvre derrière ce projet est donc originaire du Groenland, mais vit en France ! A Toulouse plus précisément, et à Serres-Sur-Arget encore plus précisément. Alors moi, la question que je me pose est : « mais que vient-il faire en France alors qu’il a un super pays ailleurs ? ». Bref, pour ce qui est du one-man band, il existe depuis 2009 et a été fondé à Qaanaaq (rien avoir avec la Nouvelle-Calédonie !). A son actif, on retrouve un EP, un split, un premier album en 2018 appelé « Odium Vult« , une démo et enfin le dit album qui est sorti en mars 2020. Quand on s’intéresse à des one-man band, on s’attend rapidement à une musique intimiste et donc difficilement classable. De fait, sur le Facebook du groupe, il est écrit « Atmospheric Black Metal with Dark Folk, Doom and Cold Wave elements ». Donc en soi, une musique qui pourrait être compliquée à appréhender. C’est ce qu’on va voir !

Mais avant tout aspect musical, si nous abordions une fois n’est pas coutume la pochette de l’album ? Pochette au demeurant énigmatique avec des motifs tous aussi variés qu’incongrus. D’abord j’adore le ton bleu gris et le style dessin « croquis », cela donne une idée de la créativité de J. (c’est son nom.) C’est un dessin en tout cas très stylisé, avec différentes références à la nuit (polaire probablement) avec les étoiles et le bleu, une pleine Lune qui semble agressive sur ce croquis, les arbres morts, les chauves-souris, un cerf blafard que l’on distingue à peine et cette espèce de personnage fantastique avec un œil et des cornes, que je n’arrive pas à identifier. Peut-être une sorte d’elfe de la nuit… En tout cas, si l’on met de côté l’aspect un peu « croquis » qui n’est d’ailleurs même pas un terme péjoratif, l’artwork est très attrape-l’œil et conforte le nom de l’album sur un univers nocturne et polaire, qui me donne vraiment envie de me plonger dans la musique. Cela peut paraître rudimentaire mais je préfère mille fois un artwork fait à la main et bourré de sens, que les groupes qui se servent d’œuvres déjà existantes, certes très belles, mais qui ne traduisent pas proprement la composition d’un album. Là, c’est beau et net, et l’on a une vague idée, mais idée quand-même, de vers quelle musique l’on va tendre. Très bon artwork !

Le mot « vague idée » est le terme idoine pour parler de la musique de Stromptha. Parce que, grosso merdo, il y a de tout ! Une base structurelle faite de black metal est assez perceptible, et colle bien avec l’idée que je me faisais de l’univers musical de notre français d’adoption mais groenlandais de cœur. Mais comme stipulé sur son Facebook on retrouve des éléments folkloriques, de l’atmosphérique, du doom un peu moins ou alors de manière très isolée, cold wave étant un terme assez vaste, là encore difficile de ne pas le ramener à l’utilisation des claviers mais qui ne correspond pas forcément à une vraie incorporation cold wave. On retrouve un ensemble instrumental classique dans le metal avec les claviers en plus qui sont là donc pour l’aspect atmosphérique et folklorique car je ne suis pas certain que de vrais instruments soient utilisés. Mais alors, l’ensemble est très riche de composition et les morceaux, globalement longs avec une moyenne vers neuf minutes, sont extrêmement accrocheurs et ont le mérite de varier considérablement les atmosphères avec des riffs pas toujours sombres. Parfois l’on retrouve des riffs aux accents plus atmosphériques justement, donc plus « planants ». Le black metal en lui-même n’est pas forcément agressif d’ailleurs, plus au service d’un son et des innovations diverses qui sont amenées.

Ce qui donne donc un album extrêmement varié, des morceaux dont la longueur ne gomme pas le moment d’émotion qu’ils nous font passer car l’on vit plus ou moins intensément ce que vit intérieurement l’artiste et qui semble tout à fait authentique. Un album très plaisant d’une certaine manière, qui donne toute satisfaction quand on cherche à le décortiquer tant les possibilités sont distinctes. L’introduction du premier morceau et la fin du deuxième sont autant de beautés acoustiques, autant que le début du troisième par exemple. Le chant diphonique que l’on entend par-ci par-là ne peut que me transporter tant je l’adore. Mais ceux-ci sont des exemples égayants mes propos, les possibilités d’en citer d’autres sont trop nombreuses pour pouvoir le faire. Très bonne surprise !

Mon petit, mais alors tout petit bémol intervient sur le son. Je pensais à tort que l’album était auto produit, mais en fait non. Et c’est en cela que je suis un peu gêné car il faudrait améliorer, pas drastiquement mais disons « modérément », le mixage de l’album. Le son manque un peu de profondeur et les samples sont parfois un peu trop aigus, un peu trop incisifs. De nos jours, on fait des merveilles en termes de sons avec le black metal et il serait dommageable de s’en priver. Je pense donc que la prochaine fois, revoir un peu le mastering serait bienvenu. Je ne reproche en soi pas grand-chose, juste un manque flagrant d’épaisseur du son, des samples, ainsi que les instruments folkloriques et les notes aiguës des guitares qui sont trop incisifs. Autrement, les riffs sont quand-même bien audibles et parviennent à vraiment nous prendre aux tripes ! Il y a une dimension mystico-dramatique, limite un peu ensorceleuse, dans la musique de Stromptha, qui nous laisse imaginer que nous sommes soumis par la pleine Lune, comme le morceau « Mother North » de Satyricon m’a toujours fait penser à cette emprise lunaire.

Le chant est vraiment bon, si l’on exclut quelques petits couacs dans la justesse technique mais qui sont assez peu audibles de prime écoute. La diversification de ce dernier, alternant les screams très tranchants comme des lames de rasoirs ou le blizzard polaire, et le chant diphonique de temps en temps ainsi que de la narration donne une âme supplémentaire à cet album. J’adore au même titre que je trouve risqué d’alterner de trop les chants, par crainte de voir le plus important être dénaturé ou détrôné par les expérimentations qui sont faites ailleurs. Ici, il y a en plus d’une justesse technique manifeste, une volonté de laisser une place intelligente à chaque variation phonique, donc c’est un excellent point que je souhaitais souligner. A noter que la voix claire, qui intervient aussi de temps à autre, est très grave, limite niveau baryton et j’adore ça. Je suis fasciné depuis toujours par les voix très graves, je serais obligé de citer des chanteurs qui n’ont rien à voir pour étayer mes propos donc je parlerai uniquement Brad Roberts, le chanteur de Crash Test Dummies comme l’une de mes références en voix graves. Ici, pareil constat, la voix est excellente, envoûtante et en même temps qui prend son sens de « grave » par la gravité de ce qu’elle annonce. Magnifique.

Mais le danger principal du scream est de rendre totalement inaudible ce qu’on chante, et pour avoir lu les textes, j’aimerais vraiment dire à J. que je suis très déçu qu’il n’ait pas fait un peu plus d’efforts d’articulation pour que l’on comprenne ce qu’il chante ! Parce que les textes sont très beaux. Tantôt prosaïques, tantôt poétiques selon les souhaits de l’auteur, plein de métaphores et de références mythologiques, j’adore la richesse d’écriture ! Vraiment, j’insiste : avec de tels textes voués à la mélancolie nocturne et lunaire, il faut absolument faire un travail d’articulation pour qu’on les comprenne ! Sinon à quoi bon écrire des textes aussi beaux ? En plus, excusez du peu, mais écrire dans un français aussi parfait quand on ne vient même pas de France, c’est tout de même un bel exploit à souligner en méga gras !

C’est ainsi que je mettrai un point final à ma chronique en déclarant que ce deuxième album est une très belle découverte pour moi ! Découverte qui prend son sens par l’aspect « voyage » que veut nous faire vivre le seul membre de Stromptha, et qui avec « Endura Pleniluniis » réussira à convaincre les plus sceptiques du pouvoir de la nuit et de la pleine Lune sur les sentiments humains. Un peu comme dans le film « Insomnia » où c’est le jour perpétuel qui dérange le policier, Stromptha a voulu nous plonger dans les nuits polaires où se mêlent les errances psychologiques et la dépression. Par la musique d’une grande richesse et par les textes en français plein de poésie, je dis bravo ! Et je vous prie d’agréer, en plus de mon coup de foudre musical, de bien vouloir croire que je ne vous conseillerai pas de vider sciemment et gratuitement votre compte en banque, en vous conseillant tout simplement d’aller acheter cet album vite vite vite !

Tracklist :

1. De sang et de brouillard (9:33)
2. Au bout du tunnel: La nuit et la neige (9:19)
3. Que les corbeaux forgent la tempête (9:53)
4. Le passage aux fleurs (8:36)
5. Brûle, prairie de roses (9:15)
6. Quand le cornu moissonnera (9:45)

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