Line-up sur cet Album
Milvus : batterie / Chris KKP : guitare, arrangements / Clem Helvete : guitare, chant
Style:
Doom / Sludge metalDate de sortie:
20 novembre 2020Label:
Transcending Obscurity RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
« Comment ai-je pu passer à côté ? » (Le chroniqueur plein de culpabilités quand il découvre sa liste béante de retards).
Franchement, cette question, au-delà de mon rôle de chroniqueur, je me la suis posé un nombre incalculable de fois… Vous savez certainement que la musique metal est tellement un phénomène planétaire que parvenir à distiller toutes les sorties sans en perdre une miette relève de l’impossible, même pour notre magnifique et vaporeuse Cassie di Carmilla qui inonde son mur Facebook de toutes les sorties possibles et imaginables en un temps record. Et puis, on ne peut pas tout suivre, c’est juste une incarnation calligraphique de l’incapacité humaine ! Ca-lli-gra-phique ! Il y a quelque chose de magnifique dans l’impossible d’ailleurs. Quoi ? Vous pensez quoi ? Que je me cherche des excuses pour justifier que je suis passé à côté d’un album ? Nooooooooooooon ! Pas du tout allons, ce n’est pas mon genre ! Comme le fait que je sois dans le déni que le dit album soit passé un nombre de fois suffisamment important sur les réseaux sociaux pour que je m’en rende compte au moins une fois ? Non plus, non plus… Et le pire dans l’histoire, et c’est là que j’amorce un virage dépressif notoire et grotesque, c’est que l’album dont je parle de manière sous-jacente, en sous-marin, est une sortie française. C’est déjà un motif très blasphématoire je l’admets, mais en plus, quand vous vous apercevez que la sortie officielle date de 2020 et que cela fait pas mal de mois que vous auriez dû faire cette chronique, là j’ai envie de dire que le purgatoire du Christ n’est rien en comparaison des lacérations que se fait mon esprit. Je suis donc sincèrement désolé, mais je vais essayer de réparer mon erreur dans cette chronique pour Subterraen et leur premier album appelé « Rotten Human Kingdom« .
Actif depuis seulement 2017, Subterraen est un groupe originaire de Nantes. Composé par un trio de musiciens, le groupe n’en est qu’à ses balbutiements et pourtant ce premier album sort déjà chez un label ! Et pas des moindres : Transcending Obscurity Records, pour lequel je commence à faire pas mal de chroniques d’ailleurs. Je suis épaté donc qu’un groupe français ait pu signer chez eux, ça c’est pour le côté chauvin. Mais je suis surtout très impatient d’écouter cet album trop longtemps rangé dans un dossier sur mon pc portable, qui mérite enfin d’émerger de l’ombre et qui surtout, me semble de loin très prometteur. Le style proposé ne me laisse pas ignorant et j’espère vraiment que la découverte sera à la hauteur de mon impatience. En tout cas, je suis étonné de voir les thèmes de prédilection de Subterraen, que me décrit Metal Archives en préambule : « Social issues, Environmentalism, Animal rights« . Très inhabituelle comme démarche artistique en tout cas, cela décuple ma curiosité.
La pochette est tout simplement magnifique, je crois que le terme est à peine assez fort pour décrire en une fois cette dernière tant le style et les couleurs sont adéquats. Il y a d’ailleurs une constante que je note chez le label, c’est de proposer toujours les mêmes hoodies mais calqués sur les artworks et les logos, et je trouve que pour celui-ci, c’est le plus beau modèle de fait avec Eremit pour lequel j’avais acheté un sweat à fermeture éclair. Ici, l’artwork est composé d’éléments très naturels, en lien direct avec les sujets de prédilection de Subterraen sur la place de la Nature par rapport à l’Homme. Voici donc un cerf avec une figure humaine beaucoup plus petite qui la tient, on sent déjà l’allégorie de la place de la Nature par rapport à la condition humaine. Ce cerf qui apparaît dans un ciel flamboyant mais nuageux me fait penser à la divinité Cernunnos. A moins que ces deux entités soient en fait postées sur l’arbre mort, comme une sorte de métaphore des erreurs du passé, je ne sais pas. En tout cas, j’adore l’artwork, le style « peinture » est superbe et les couleurs jonglent habilement entre le chaud destructeur et le froid temporel. En plus du logo jaune or, qui ressort bien, tout est beau ! Et je suis surtout très impressionné par la concordance des thèmes dominants dans la musique de Subterraen et cette pochette totalement tournée vers la Nature. Moi qui axe ma pensée sur la même longueur d’onde en pensant que l’Homme n’est absolument rien à côté du pouvoir immense de la Nature, et qu’elle représente à mes yeux la seule potentielle divinité existante, j’adore vraiment la perspective philosophique que représente le groupe. J’hésite sincèrement à m’acheter un nouveau sweat, tant le motif est magnifique. Mais attendons de voir la musique de nos amis nantais, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué, cela vexerait nos musiciens dans leur vision de la Nature. Je déconne !
Et au vu de la musique, il ne vaut mieux pas vexer nos frenchies ! Parce qu’on atteint un tel degré de noirceur que l’on se dit qu’il ne vaut mieux pas trop les chauffer, sinon on se retrouve propulsé dans les méandres de la condition humaine et de son aspect infernal. Subterraen propose un style assez habituel de doom sludge metal, mais avec quelques petits ajouts bien intéressants de samples un peu électro ambient, pour donner un côté très eschatologique, une dimension de noirceur en plus. C’est une bonne surprise puisque le son très épais du sludge metal, l’une de ses grandes caractéristiques, se fond très bien avec des samples électro ambient, j’avoue avoir été très bluffé par cela. Mais la musique de Subterraen, si l’on peut dire que l’étiquette est assez commune, ne s’arrête pas aux clichés. Il y a surtout énormément de violence, les parties doom sont autant présentes que des passages accélérés et l’on a surtout le sentiment que le groupe dégage un cynisme énorme dans sa musique. Je rappelais dans l’une de mes chroniques pour un groupe de sludge dont j’ai mangé le nom, que le style sludge était caractérisé aussi par son incroyable pessimisme et cynisme concernant l’Homme. Je pense que Subterraen a bien compris que sa musique devait se mettre au service de cette démarche philosophique et misanthrope et donc, la musique dérange. Beaucoup. J’ai d’ailleurs entendu ce genre de sonorités dans certains films catastrophes comme « La Guerre des Mondes ». En tout cas la première écoute m’a mis une belle claque dans la tronche ! Je faisais la confession à un ami que la scène française avait un potentiel inouï, et quand j’entends ce tout premier album de Subterraen, je me dis qu’elle a surtout de beaux jours devant elle. Un metal très malsain, violent et sombre, avec un interlude en troisième morceau incroyablement surprenant, presque mélancolique, qui se détache du reste et qui confère à ce « Rotten Human Kingdom » une richesse folle. Quelle monstruosité en première écoute.
La production de l’album est géniale et contribue énormément à cette ambiance apocalyptique très cauteleuse, du fait d’abord de ce son très spécial et que j’adore dans le sludge metal réussi, et dans l’alternance entre lourdeur et rapidité qui permet de vivre un ascenseur émotionnel. Je suis très impressionné par la capacité du groupe à occuper l’espace sonore qui est dédié sur cet album, puisqu’à part les moments de calme, un peu ambiant qui résonnent dans les morceaux ainsi que le fameux troisième titre, il y a zéro moment d’apaisement. L’occupation totale de l’espace rend la musique intense et envahissante et je me suis surpris parfois à chercher des moments de calme, des instants très courts mais qui me semblaient énormes de silence. Ce son très épais associés donc aux riffs alternatifs donnent une production colossale, un concentré de noirceur qui m’a laissé pantois. C’est probablement l’une des productions les plus propres et les plus efficaces que j’ai eu à découvrir dans le style sludge metal depuis que je fais des chroniques. L’équivalent récent mais avec un écart infime était le groupe Bleeding Eyes, mais avec la noirceur en moins. Du très gros boulot studio, pour un premier album c’est du très lourd !
En fin de compte, j’ai le sentiment que cet album, le premier je le rappelle, fonctionne comme une satire de la condition humaine avec un accent bien précis porté sur sa place dans l’échiquier universel. Typiquement ma façon de voir le monde, avec le cynisme exacerbé en moins vu que j’ai quelques éléments de vie qui parviennent à me garder dans l’optimisme. Mais la musique me donne le sentiment qu’elle raconte quelque chose, qu’elle veut nous enfoncer dans la turpitude la plus extrême concernant notre place de déchets universels. C’est sincèrement bluffant de voir qu’en quatre morceaux (seulement), longs de surcroit, Subterraen nous fout les pétoches et nous donne envie de tout arrêter. En tout état de cause, de croire en nous. Certains pourraient d’ailleurs trouver les pistes très longues, trop longues et trop lancinantes, mais je trouve au contraire que c’est un peu comme un meurtre par noyade : si l’on n’appuie pas assez fort, on n’obtient pas le résultat macabre. Donc il fallait que nos Français appuient hyper forts là où ça fait mal, et c’est pour cela que cette longueur est pesante mais audible. Quoiqu’il en soit, les compositions de l’album sont exceptionnelles, très intelligemment composées avec une justesse riffique parfaite. Un très bon doom sludge, qui oscille entre la violence et la lenteur, pour nous donner une horrible sensation de perdition. Bluffant, c’est le mot.
Ce qui est d’autant plus fou que le groupe fonctionne en trio. Deux guitares, une batterie, un chant et c’est tout. Pas de basse, ce qui est arrivé plusieurs fois quand j’ai découvert des groupes de ce style et qui m’a toujours épaté dans la production. Mais je loue sincèrement le talent des trois compères qui démontrent déjà une belle alliance. J’ai l’impression, mais je peux me tromper, que la composition n’est pas le fruit d’un seul, mais de tous. Comme si l’osmose était poussée dans ses retranchements, jusqu’à trouver la quintessence parfaite, et que le trio fonctionne ainsi à trois cerveaux et plusieurs doigts pour composer. C’est une impression fortuite, mais en tout cas au-delà de la justesse technique qu’il faut avoir pour jouer du doom, notamment dans les petites incorporations de batterie très légères, et les accords balancés en langueur, les musiciens sont alliés pour la meilleure musique et la pire misanthropie. Du beau boulot !
Et comme de bien entendu, je vais m’attarder quelques minutes sur le chant. Le style sludge impose un chant profond, tortueux et très difficile à réaliser techniquement, avec il est vrai quelques arrangements pour que ce dernier ne soit pas noyé dans la masse musicale autour. Mais je trouve que celui de Helvete est particulier, plus intense encore que ce qui se fait habituellement. Le fait que les phrases soient plus des déclamations lentes avec des jeux de sonorités sur les voyelles qui laissent une large place à la béance vocale, l’album se voit doté d’une intensité supplémentaire, une torture qui ne laisse là encore pas indifférent. Il va falloir qu’il me donne sa recette parce que c’est typiquement le genre de voix que j’aimerais atteindre un jour. Trêve de plaisanterie ! Le chant est excellent et mérite toute l’attention qui soit dans cette musique très misanthropique. Un humain qui fait une sorte de mea culpa, une transparence sur sa souffrance interne tellement folle que j’en ai des frissons. Quelle voix putain…
Je conclus cette chronique ici comme si l’évidence était à portée de mes oreilles. Subterraen mérite mes plus plates excuses, pour le retard et la non mise en avant que le groupe mérite tant ce premier album est éminent, ahurissant. Tout est idéal dans ce premier jet ce qui est une excellente surprise, et je dirais presque un cas d’école à montrer à tous ces groupes qui se plaignent de ne pas avoir les moyens de produire un premier album aussi dantesque. Ne pas avoir les moyens, c’est souvent ne pas vouloir se les donner, et nos Nantais montrent tout de suite qu’il faut toute sa grandeur d’âme et sa motivation pour renverser des montagnes et atterrir directement dans la cour des grands du genre sludge metal. Un renversement des genres cosmiques dans un album bourré de haine envers notre espèce et qui fait à travers sa colère les louanges d’une Nature omnisciente et destructrice, voilà comment nous pourrions résumer « Rotten Human Kingdom« .
L’une des plus grosses sorties du genre 2020 confondue, et l’un des groupes les plus prometteurs de l’Hexagone dans le genre doom sludge.
A suivre sans détour !
Tracklist :
1. Blood for the Blood Gods (13:28)
2. For a Fistful of Silver (14:30)
3. Oceans are Rising (2:33)
4. Wrath of a Downtrodden Planet (18:20)
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