Line-up sur cet Album


  • Burak Özgüney : basse
  • Emre Şahin : batterie
  • L. F. Ersoy : guitares
  • Erdem Çapar : chant
  • Guests: Harun Can - chant additionnel / Yana Chekina - violoncelle

Style:

Sludge Metal

Date de sortie:

22 juillet 2022

Label:

Autoproduction

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.25/10

« Là où le nudge supprime les frictions, les efforts cognitifs inutiles et facilite la prise de décision en mettant en avant les options que le plus grand nombre de personnes choisiraient après mûre réflexion, le sludge fait l’inverse : il impose des coûts supplémentaires à prendre la bonne décision ou à accomplir une action bénéfique pour la personne. » Coralie Chevallier et Mathieu Perona

Putain! Vous le saviez que le sludge avait un équivalent en psychologie et sociologie et surtout un extrême inverse qui est le nudge? Alors là, quand j’ai lu ce bouquin « Homo sapiens dans la cité : Comment adapter l’action publique à la psychologie humaine » des deux auteur(e)s cité(e)s en haut, je suis tombé de ma chaise. D’abord parce que ce livre est relativement récent, janvier de cette année et qu’il m’avait été conseillé par une interne avec qui je bosse actuellement dans une de mes missions intérimaires. Qu’ensuite, on parlait avec Chris Metalfreak du sludge metal et de ces différents composants, sur une bribe toute petite de conversation sur Facebook, et qu’un jour ou deux plus tard je tombe sur cet extrait improbable! Et qu’enfin, que j’ai ENFIN une explication plausible de l’origine du mot « sludge » dans le vocabulaire courant! Et cela, pour un pauvre HPI comme moi, c’est tellement énorme. Un peu comme quand on lit de l’Amélie Nothomb et qu’on tombe sur un mot qu’on ne connait pas toutes les dix pages. C’est l’extase! Du coup, comme je ne m’en remettais pas de cette grande nouvelle, de cette illumination aussi inutile que nécessaire, je me suis dit que j’allais exorciser le sort en faisant la chronique d’un groupe de sludge metal « pur ». Ce qui n’est pas gagné tant ce style de musique a tendance au fil des années à s’accoupler allègrement avec d’autres. Vous avez l’avènement du black sludge metal avec Regarde les Hommes Tomber ou Céleste, vous avez le bon gros doom sludge metal et il y a du méga lourd avec The Subterraen ou Bleeding Eyes, voire une sorte de pléonasme avec le stoner sludge metal que l’on retrouve par exemple avec Splendidula. Rarement tout seul, puisqu’imprégné d’un courant sociétal sur la révolte et le chaos, un peu l’inverse du courant punk même si cette affirmation est généralisée et un peu grossière. Et dans ma liste, il y avait ce groupe un peu sorti de nulle part. D’ailleurs, je ne le connaissais pas, et c’était l’occasion pour moi de sortir la taupe de son trou. J’ai donc choisi pour faire ma libation le groupe Sülfür Ensemble et son EP nommé III (Three Songs About Banging Heads, Fallen Heroes and Our Artillery), que l’on appellera III je vous rassure tout de suite.

Sülfür Ensemble, contrairement à ce que le nom pourrait laisser croire, n’est pas francophone. Enfin, pas à ma connaissance. De ce que j’ai trouvé, c’est que le groupe vient de Turquie et de sa plus grande ville Istanbul. C’est étonnant puisqu’il s’agit du deuxième groupe turc que je fais en peu temps, le dernier étant Eradicate de la même ville. Je pensais que les musiciens se partageraient la couche, mais en fait non. Il n’y a aucun lien connu entre les deux. Bref! Le groupe existe en tout cas depuis 2015, ce qui commence à faire un peu, et n’a sorti que des EPs depuis et un album live. Trois EPs avec ce dernier ce que vous deviez déjà savoir du fait du nom III. Mais le plus étonnant, c’est qu’à ce stade, le groupe Sülfür Ensemble n’a sorti que des formats autoproduits. Pas de label à l’horizon, ce qui pourrait avoir un lien avec le fait que le groupe n’est pas encore sorti d’album. On pourrait subodorer qu’il s’agit d’un souci pécunier et que le groupe attend qu’un label les remarque pour sortir enfin un premier album. Sept années sans attirer un label, même si cela peut arriver, cela reste un peu surprenant. C’est probablement aussi la volonté du groupe, on ne sait pas. Quoiqu’il en soit, avec déjà trois EPs, le groupe a sûrement emmagasiné pas mal d’expérience et je ne pars pas avec de ressentiment spécial. On verra comme dirait l’autre!

Finalement, l’artwork ne va pas nous offrir le truc le plus emballant de l’EP. Je note tout de même une constante chez Sülfür Ensemble qui consiste à reprendre à peu de choses près la même iconographie pour toutes ses sorties. A savoir un Baphomet, et la croix du Leviathan, le tout sur des couleurs différentes. Voilà. Donc on devine que le groupe nous propose la même chose depuis trois sorties officielles. On pourrait s’imaginer que le groupe turc s’essaye à l’exercice de la trilogie, et peut-être que chaque EP correspond à une étape supplémentaire vers un cheminement logique autour du satanisme. Mais je pense qu’au regard des photos du groupe, des noms complets des EPs qui semblent détailler le contenu des pistes, et de la typographie de son logo, on est plus sur une sorte de provocation ou un truc basique qu’autre chose. De toute manière, qu’y-a-t-il d’original de nos jours quand on voit un Baphomet une croix de Leviathan dans le metal extrême?… Rien d’extraordinaire donc pour le visuel. J’allais dire que je suis déçu, mais en fait je suis surtout indifférent. D’abord parce que Sülfür Ensemble peut largement faire plus original, et enfin parce que je ne crois pas qu’ils aient envie de. Mais on ne sait jamais, sur un malentendu… Et pour couronner le tout, le format de sortie n’est que du digital, donc on peut s’imaginer que le groupe n’a pas voulu travailler son artwork, et c’est presque entendable. Mais cela ne m’empêche pas de rester sur ma faim.

Si on causait musique? Pour ce programme, Sülfür Ensemble nous sert donc un sludge metal dans ce qu’il y a de plus classique. Je voulais du bon, du vrai, de l’authentique? Autant vous dire que je suis servi. Avec toutefois une pointe subtile et microscopique de doom metal, mais c’est histoire de nuancer la potentielle violence du sludge metal. Autrement, tout y est! Le son bien boueux, les riffs incisifs et très -core sur les bords, les atmosphères sombres et oppressants, le tout accompagné par une instrumentation se situant au minimum syndical soit un ensemble guitare au singulier, basse, batterie. Du reste, la basse, contrairement au stoner, joue un rôle rythmique et d’épaississement sonore bien opportun. Pour la guitare, c’est tout bêtement l’instrument mélodique par excellence avec essentiellement des riffs rythmiques mais sur une tonalité aigue qui donne ce côté tranchant, incisif, emprunté un peu au black metal mais qui sert surtout pour les relents post-hardcore. En tout cas, les trois pistes sont dans la même veine, avec quelques petits soubresauts d’originalité sur notamment des samples narrés, ce violoncelle fort bien intégré et qui donne un aspect mélodramatique à la musique assez inespéré, ou ce cri dantesque et monstrueux à la fin du premier morceau qui fout les pétoches! Trois morceaux, même quand on aime le sludge metal, c’est court. D’autant que les pistes ne sont pas excessivement longues, loin de là, ce qui contribue à me laisser sur un sentiment de non-satiété un peu frustrante. Au vu de la première écoute, je me suis instantanément posé une question qui va me parasiter tout le long de la rédaction de cette chronique : à quand ce premier album? Parce que même si la musique est profondément old school, qu’elle n’a rien de bien originale tout en étant de facto redoutable et très bien composée, qu’elle perpétue surtout cette tradition sludge metal qui consiste à faire dans le pessimisme et le marasme ambiant, je me suis dit qu’il fallait franchir un cap. Que ce n’était pas possible de proposer un énième EP, aussi bon soit-il. Pour le contenu, j’aime beaucoup ce côté Acid Bath plus moderne, et cette musique qui a un tempo légèrement plus lent que la moyenne, mais qui offre trois pistes qui s’enchainent sans pause, ou presque, avec la même fureur et la même noirceur. Je me suis donc dit, en première intention, que cet EP ferait mon grand bonheur au format album, car je suis plutôt sorti satisfait de cette première étape. Maintenant, la suite!

La production manque encore un tout petit peu de bon, pas grand-chose mais on sent quelques errances dans le son, encore qu’il s’agit probablement d’une démarche volontaire de Sülfür Ensemble. Mais je lui trouve un côté perfectible tout à fait normal dans le sens où le groupe n’a pas voulu encore franchir le premier pas de l’album, il apparait donc tangible que la production de ce troisième EP soit encore à améliorer. Je dirais que le principal souci vient du côté du son trop incisif justement. Le sludge metal doit selon moi obtenir un peu de lourdeur, surtout dans le spectre sonore qui doit en toute logique être occupé convenablement, sans tomber dans l’emphase du death metal par exemple. Quand en plus on a une seule guitare et une basse, le son joue un rôle primordial dans le gonflement de ces dernières permettant ainsi de mettre en exergue les effets. Mais dans le cas de III, il manque clairement un truc. Je pense que le son devrait être davantage encore enflé, histoire de faire moins black metal justement. Et comme les riffs se prêtent bien au jeu, et que la basse joue un rôle rythmique en premier plan, tout doit correspondre. Cela n’enlève en rien que la production est pas mal du tout, mais mérite comme je disais d’être plus gonflée quoi.

Après, je me suis un peu plus attardé sur le fond de cet EP qui m’a échappé au début. Le nom de l’EP signifie « des têtes qui se cognent, des héros tombés et notre artillerie ». Première chose. Le premier morceau veut dire en turc, si j’en crois mon traducteur, « Sang Sueur Cou Douleur ». Et le texte en turc, que j’attendais avec impatience, ne veut pas dire grand-chose si ce n’est du basique, des mots courts hurlés et des phrases random. En fait, c’est cela mon petit souci avec Sülfür Ensemble, c’est que l’EP ne nous apprend rien d’original. Mais bon, il faut savoir ce que je veux quelque part! Je râle pour des textes lambda, alors que je m’éclate sur la musique sludge metal old school au possible et sans prétention aucune que de faire « comme les grands ». Mais je cherchais simplement en quoi le groupe cherchait à se démarquer vu que visuellement et musicalement cela reste du classique, voire du déjà-vu pour l’artwork. Ce qui revient à me faire dire que III doit être pris comme il est. Il ne faut pas chercher de fioriture, ni de ligne de démarcation particulière. Le groupe Sülfür Ensemble mérite actuellement la place qui est la sienne et qui se trouve dans les bas-fonds de l’underground et même si mon moi intérieur réclame un album, je me réjouis bien de cette sortie qui reprend des codes et qui joue une musique entrainante, très rythmée, un peu lourde et par-dessus le marché qui sent bon les références anciennes! Je n’ai donc pour ainsi dire rien de bien croustillant à vous dire, mais cet EP conviendra aux personnes comme moi, qui aiment l’old school et le bon sludge metal à l’ancienne! C’est déjà suffisant n’est-ce-pas?

En revanche, s’il y a bien UN truc où Sülfür Ensemble crève le casque, c’est bien au chant! Purée! Quelle claque! D’une technique imparable, située sur un chant hurlé encore une fois typique du style sludge metal, j’adore son omniprésence dans l’EP. Le chant occupe un large spectre de composition, et ne laisse que peu de moments instrumentaux. Et je trouve qu’avec cette technique, le chant apporte un réel bonus aux compositions de III. C’est également la première fois que j’entends un chant en turc autre que le groupe qui a participé une année à l’Eurovision (maNga), et dans le genre extrême c’est intéressant. On sent que c’est une langue « sonore », qui va bien avec ce côté hurlé, qui demande un élargissement de la bouche. Mais alors, ce cri énorme à la fin du premier morceau… Je ne sais pas si vous allez l’entendre, je vais tenter de mettre le lien dans la chronique, mais il m’a flanqué une de ces trouilles papa! Un cri dantesque, soutenu et énormissime! Le chant est juste incroyable… Quelle baffe de forain!

Terminons ici cette nouvelle chronique, pour un groupe qui mériterait sincèrement de passer un nouveau cap! Parce que depuis 2015, le groupe de Turquie Sülfür Ensemble n’a produit « que » trois EPs et un album live. Celui qui nous intéresse ce soir, c’est donc le dernier EP nommé III (Three Songs About Banging Heads, Fallen Heroes and Our Artillery). Sur le principe de faire du sludge metal comme le fait Sülfür Ensemble, soit sur un versant purement old school, avec trois pistes bien composées et gardant les codes précis de ce genre musical que j’adore, je n’ai rien à redire tant la musique est intéressante et démontre une forme de maturité et de talent que presque personne ne pourrait contester. Elle demeure simple mais efficace! Et ce n’est pas ce petit défaut de production qui va me faire changer d’avis. Le chant est d’ailleurs l’un des gros potentiels du groupe. Donc tout concorde pour dire que cet EP est une belle voire très belle sortie. Maintenant, ma grande interrogation, et qui prévaut un peu sur le constat final sur III : à quand un album? Parce que franchement, il y en a marre des EPs! Avec une musique aussi aboutie et aussi mature, il faut passer un cap les amis! Alors, on attend.

Tracklist :

1. Kan Ter Boyun Ağrısı 05:30
2. My Pale Comrade 04:43
3. Silver Devil 08:53

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