Line-up sur cet Album
Jakub Lisicki : composition
Style:
Dark AmbientDate de sortie:
01 novembre 2024Label:
Sulphuric DarknessNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
« Les Hommes sont beaucoup plus dangereux que les Dieux de la forêt. » Princesse Mononoke
A l’instar de nombreuses autres personnes de mon entourage, et de quelques personnes que je suis de près ou de loin sur les réseaux sociaux, je ne suis pas un grand féru de manga. J’ai quand-même eu une longue période Dragon Ball et je les relis de temps en temps quand je vais en villégiature chez ma maman. En ce qui concerne les animés, j’étais branché (un peu seulement) Pokémon. En revanche, je suis un grand amateur de l’œuvre gigantesque de Hayao Miyazaki et la majorité de ses films (« Porco Rosso », « Princesse Mononoke », « le Château ambulant », etc.) restent à ce jour de grands classiques pour moi. Quant au reste, c’est quasiment le néant. Je reste volontairement sur la culture japonaise parce que je suis plus amateur du cinéma coréen par exemple. En fait, je n’explique cette ignorance que par le désintérêt, tout simplement. Certains sont extrêmement fanatiques des mangas, moi ce n’est pas le cas. En revanche, je peux témoigner qu’à un de mes anniversaires, un ami m’a offert un manga qui m’a profondément marqué, m’occasionnant quelques insomnies. Il s’agissait du manga d’horreur « Le Journal Maudit de Soïchi » qui date des années 90. Le chapitre nommé sobrement « Le Mannequin » m’a traumatisé. C’est la première fois qu’un livre, en dehors de quelques « Chair de Poule » quand j’étais petit, me traumatise à ce point. Au point de le garder sans jamais le relire. Au point d’en éprouver une fascination morbide qui me pousse parfois à simplement le ressortir de sa poussière d’étagère pour le contempler… de loin. On pourrait trouver cela ridicule : un simple animé ou une bande-dessinée qui vous traumatise, cela semble idiot, mais c’est ainsi. Après, s’agissant de la présence de la culture japonaise dans la musique, j’ai bien écouté quelques groupes de visual key comme Moi Dix Mois, Dir en Grey, Maximum the Hormone, mais cela s’arrête là. J’admire toutefois la connaissance en la matière de mon collègue chroniqueur Sakrifiss de Transylvanie (pour Thrashocore) qui fait de la musique en lien avec son amour de la culture japonaise à travers, par exemple, Enterré Vivant ou Peurbleue. C’est ce dernier projet qui avait à l’époque attiré mon attention parce que j’avais effleuré ce que je trouvais d’intéressant dans l’approche de l’horreur dans la culture japonaise. En fait, quand j’ai choisi The Haunting et son album éponyme, j’étais loin de me douter que j’allais encore plus approcher cette dimension musicale. On y va !
Vous l’aurez compris, de The Haunting, je ne connaissais rien jusqu’à ce jour. J’ai honteusement supposé que le gonze derrière le projet était japonais, jusqu’à ce que je me souvienne qu’on n’a pas besoin d’être japonais pour parler de la culture nippone. Bon j’exagère, mais ma surprise a été réelle quand j’ai découvert que le seul musicien derrière ce projet s’appelait Jakub Lisicki et qu’il était donc… polonais. Il officie d’ailleurs dans un groupe nommé Voidfire – que je ne connaissais pas non plus, et fait principalement dans le black metal mélodique mais uniquement les paroles. C’est étonnant de constater qu’on peut être reconnu comme membre officiel d’un groupe alors qu’on est uniquement sur l’écriture du texte. Bon. En tout cas, Jakub Lisicki va explorer des sentiers étranges avec son projet The Haunting et son premier album nommé… « The Haunting« . Un choix audacieux pour un jeune musicien (vingt-trois ans), mais qui ne m’étonne pas puisque cette jeunesse apparente peut effectivement m’évoquer celle que l’on vit même quand est plus vieux, quand on aime les mangas. Alors, allons découvrir cet univers nouveau !
La pochette de cet album a été élaborée par Yuki Hijirikawa, une artiste philippine qu’évidemment, je ne connaissais pas non plus. J’ai regardé son Instagram et sans être un féru de mangas, je peux quand-même dire que ses créations sont très sympathiques ! C’est d’ailleurs une artiste variée puisqu’il y a un peu de tout. Bon, on ne va pas débattre inutilement sur les artistes qui vont explorer beaucoup d’univers différents, et qui du coup se perdent ou ne se forgent pas une identité propre parce qu’on pourrait écrire une chronique entière ou un pamphlet dessus. Ici, en tout cas, notre ami polonais a fait le choix de parer son album d’un artwork fabriqué par une artiste qui dessine des mangas. Ce qui est tout à fait raccord et entendable ! Sur le visuel en lui-même, je suis néanmoins un peu circonspect. D’une part parce que ce personnage effrayant, typique du peu que j’ai vu et lu dans les mangas horrifiques, ne me parait pas très original dans sa conception. Les yeux rouges, écarquillés et brillants qui exhale la morgue bien noire du personnage, les dents acérées comme celles d’une bête, les cheveux noirs et filasses… tout cela me donne une désagréable impression de déjà-vu, ce qui me désole un peu. Je pense qu’en matière de conception d’un personnage de manga flippant, il y a eu et il y a moyen d’avoir mieux. Ensuite, pour mon côté « vieux con » en devenir, j’ai toujours eu du mal avec les pochettes qui ne portent ni le nom de l’artiste (ou le logo), ni le nom de l’album. Ici, il n’y a ni l’un ni l’autre. Si je me mettais dans la peau d’un auditeur normal qui erre chez un disquaire et qui tombe sur ce CD, sans identité visible, je ne suis pas certain que je l’achèterais spontanément. Enfin, si ce personnage constitue une quelconque entrée dans un univers précis, je trouve que le dossier presse ou simplement le support CD manquent un peu de descriptif pour nous fédérer. En fait, jeté brut de pomme comme cela, ce visuel – qui au demeurant est bien exécuté sur le plan graphique – ne fédère pas assez l’auditeur, ne donne pas tellement envie d’écouter ce qu’il y a à l’intérieur. Cela reste donc un travail très sommaire et je pense qu’il y aurait eu largement moyen de faire mieux. Je reste sur ma faim avec cet artwork. Espérons que la musique rattrape le truc.
Sur le papier, le style musical est très alléchant pour moi puisque j’adore ce type de musique qui n’est pas donné à tout le monde. The Haunting officie donc sur un registre dark ambient assumé et revendiqué. La revendication s’étend d’ailleurs sur un travail fait uniquement en home studio avec une bonne année et demie de réflexion. Cela me pousse à croire qu’il y a un gros soin de mis pour accoucher de ce premier album. Je vais citer le label qui explique bien le concept et qui permet effectivement de comprendre quelle musique nous allons recevoir : « It combines dark ambient textures, household environment sounds, and unsettling, dehumanized voices to create a unique cinematic horror atmosphere. The Haunting is a concept album that tells the story of one night, during which an evil spirit/demon appears in a quiet, isolated house and mercilessly murders the entire family livingthere.« . De prime abord, je trouve la musique efficace dans la mesure où, dans une expérience très immersive (soit dans le noir), on peut avoir de bons moments de frissons et on se représente bien le concept qui est décrit. Cela consiste en une expérience démoniaque d’une nuit, autour de cauchemars, de présences flippantes, d’une maison hantée. Bref, tous les ingrédients intemporels qui font un bon film d’épouvante, même japonais. Il convient toutefois de préciser que cette musique est fortement minimaliste. Dans une échelle plus prépondérante, c’est un peu ce que ferait un Lustmord, par exemple. Cet artiste gallois a « démocratisé » la dark ambient dans une approche minimaliste et immersive au possible. Je parle de minimalisme puisque globalement, le schéma de composition classique se répète avec un bruit de fond lancinant, répétitif, qui dévie rarement dans d’autres octaves ou tessitures. On a des rajouts qui tournent en boucle aussi et puis de petites banques sons qui interviennent ponctuellement, histoire de faire varier cette expérience hautement hypnotisante. Je peux affirmer que « The Haunting » est composé comme une sorte de modèle de base de la dark ambient. Il définit, sans le faire exprès je crois, ce que pourrait être une « dark ambient old school ». Cela n’enlève en rien qu’il y ait des sonorités modernes, des banques sons aux goûts du jour ! Mais dans l’approche de la composition, on est sur du basique mais efficace. En tout cas, en première écoute, j’ai été convaincu du bien fondé de ce premier album.
Je pense qu’il est difficile de causer production avec un projet comme The Haunting qui utilise exclusivement des banques sons que l’auteur retouche à sa guise. Toutefois, force est de constater que le mixage est intéressant puisqu’il n’occupe pas à l’excès, comme c’est d’usage dans beaucoup de « petites » productions de dark ambient, le spectre sonore. Ce qui est étonnant, c’est que l’écoute est agréable dans un certain sens. La contrepartie réside dans le fait d’être moins noyé dans un marasme sonore. Chacun appréciera cela à sa juste place. Moi, je trouve que ce n’est pas plus mal, dans un contexte d’univers manga, de ne pas noyer l’auditeur de trop sonoriquement parlant. Au moins, chaque sample a sa place propre, tout est audible comme il le faudrait et je salue le gros travail d’une année et demie qui n’ont pas été de trop pour créer « The Haunting« . On sent vraiment qu’un soin particulier a été mis dans cette création qui n’est pas cringe ni « garage », voire trop old school dans le son. Cette capacité à faire par ailleurs dans une composition comme je le décrivais plus haut « old school » et d’offrir des sonorités propres, c’est vraiment du très bon boulot ! L’immersion est possible sans passer par la case habituellement sale de ce genre de musique et je trouve cela vraiment bien. Je n’ai rien à dire de plus.
Je me dois d’être honnête car l’objectivité d’une analyse d’album n’empêche pas la subjectivité. Je n’ai pas accroché durablement à cet album. Mais pour des raisons personnelles, et purement personnelles. N’étant pas un branché de l’univers manga, il est évident que quelque chose de l’ordre de la passion m’échappe dans « The Haunting« , j’en ai conscience. Étant en plus rompu à l’exercice de l’écoute de la dark ambient, il est difficile de se présenter à moi avec un truc aussi récent et aussi « jeune ». J’ai pris le challenge sans connaître le contexte de créativité de cet album. Donc subjectivement parlant, je pense que ce n’est pas un album sur lequel je reviendrai souvent. Par contre, sur un plan purement objectif, pour une première sortie, c’est déjà très élaboré et très bien amené. Cette approche typiquement minimaliste et les diverses incorporations qui sont faites pour ambiancer l’auditeur dans cette sphère horrifique fonctionne très bien. J’ajouterai d’ailleurs que le concept autour de « The Haunting » est bien représenté, on devine bien les ambiances nocturnes, les terreurs qui en découlent, les esprits démoniaques qui arrivent chacun leur tour, etc. C’est d’ailleurs une force de composition récurrente de placer son concept dans des ambiances nocturnes comme cela. Quoi de plus flippant qu’une nuit après avoir maté un film d’horreur bien horrible ? L’hypervigilance qui en découle, la captation des bruits habituellement insignifiants dans le noir qui font que notre inconscient développe des pièges sournois dans notre imaginaire ? Il y a par ailleurs, je trouve, un côté un peu enfantin qui ressort chez notre ami polonais qui ne me laisse pas indifférent. J’ai moi-même un imaginaire suffisamment prolifique pour tomber dans les pièges grossiers des peurs nocturnes, encore aujourd’hui. En fait, c’est du très bien composé dans le sens où on cerne à merveille l’idée maitresse de la composition. Même si l’on pourrait croire que c’est du réchauffé, le fait que ce soit très subjectif comme composition – le nommé Jakub Lisicki est tout seul – démontre toujours une différence en plus pour ne pas tomber dans le déjà-entendu. Je pense qu’à la longue, si j’insiste un peu, je pourrais probablement revenir avec intérêt dessus, mais cela va me demander de m’intéresser davantage à la culture japonaise, ce qui n’est pas acquis d’avance. Quoiqu’il en soit, le travail de composition de la dark ambient proposée ici mérite notre attention et ce sont de bons débuts ! A voir par la suite.
N’ayant pas placé de chant, je vais directement aller à la conclusion. The Haunting propose ainsi un premier album éponyme. Ce projet monté de toutes pièces – hormis l’artwork – par Jakub Lisicki, musicien du groupe Voidfire, nous propose une plongée totale dans un univers de manga d’horreur le tout versatilement construit autour d’une situation de terreur nocturne, de maison hantée et de tentative de possession démoniaque (dont on ignore réellement l’issue en plus !). En tout cas, ce premier album m’a permis de me replonger dans mon amour très ancien de la dark ambient, puisque c’est de cela dont il s’agit aujourd’hui, et je dois reconnaître que même si la musique, située a fortiori sur un univers manga, ne m’aura pas transcendé outrageusement ce jour, elle est quand-même sacrément bien ficelée. La composition minimaliste au possible, les divers samples rajoutés de temps en temps pour ponctuer cette lancinance sonore, tout fonctionne bien et me fait dire que la dark ambient, dans sa dimension minimaliste, est encore la plus efficace pour nous plonger dans une hypnose sonore remarquable. Alors oui, ce premier album ne m’a pas beaucoup parlé puisque son univers, à la base, n’est pas celui que j’affectionne le plus (les mangas), mais au moins, sur un plan purement objectif, c’est une belle entrée en matière qui, je l’espère, en appellera d’autres. Je vais suivre The Haunting attentivement pour la suite.
- I wish you good dreams 00:05
- Weird nightmares 01:14
- Shadows have eyes now 03:56
- The arrival of the evil spirit 05:18
- The chase 05:11
- The dialogue between the malicious and the innocent 01:34
- Feasting on a child’s soul and body 03:03
- I’ve heared some strange noises 03:54
- My son is dead 03:01
- I’ve found you demon! (and I shall avenge my child) 01:56
- Brutally torn apart 03:13
- A house full of half-devoured corpses 04:36
- The end of the murderous night 02:40
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