Line-up sur cet Album
Inconnu
Style:
Blackened Death Metal / Dark AmbientDate de sortie:
19 novembre 2020Label:
Barren Void RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
« On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu. » (Charles de Gaulle)
Cette nouvelle chronique est l’occasion pour moi de faire une petite minute d’avis personnel sur le christianisme et ces travers. Il y a eu dans l’histoire du christianisme un croisement fallacieux selon lequel cette religion pleine de bienveillance aurait traversé la Seconde Guerre Mondiale sans accroc. Il y a eu, de fait, un personnage clé dans l’Histoire qui a nourri une forme d’ambiguïté suspecte à l’égard du régime nazi, au point encore aujourd’hui de cliver tout le monde : le pape Pie XII. De son vrai nom Eugenio Pacelli, il a été dans un premier temps Nonce apostolique (c’est à dire comme une sorte de diplomate en Allemagne durant la Première Guerre Mondiale, où il a vu l’apogée grandissante du nazisme par la suite et sera élu pape en 1939 à la mort de Pie XI. Du reste, il a donc traversé la Seconde Guerre Mondiale en ayant une position assez ambiguë dans le sens où il condamnait les actes d’extermination et de guerre, sans jamais véritablement nommer lesquels, ni en parlant du peuple juif. Cette ambigüité, que beaucoup de personnes empathiques verraient comme une forme de maintien de la neutralité du Vatican dans la guerre, et d’une espèce de jonglerie politique pour éviter d’aggraver la situation, sinon de trop faire silence, j’aurais tendance à la voir comme un point noir dans le discours soi-disant infaillible de l’amour de son prochain que prônent à outrance les catholiques. Je me suis attardé historiquement sur ce passage parce que la Seconde Guerre Mondiale m’a toujours rendu curieux, notamment sur la sphère sociologique et psychologique, et il est vrai que la religion a toujours occupé une place prépondérante (hélas, encore de nos jours) dans la vie des gens. Alors, c’est en faisant mes petites recherches personnelles notamment en lisant Philippe Chenaux et son livre Pie XII, Diplomate et Pasteur, que je me suis forgé cette conviction selon laquelle, encore une fois, l’Eglise a foiré sa doctrine. Et je ne suis guère étonné de découvrir qu’un groupe traite plus particulièrement de ce sujet historique pour assouvir son nihilisme et son anticléricalisme. J’ai nommé le groupe Totalitarian et son dernier EP en date.
Concernant le groupe en lui-même, hormis son accointance assumée avec ce sujet brûlant, on ne connaît quasiment rien. On sait, grâce à notre formidable encyclopédie metal que le groupe a été créé en 2017, en Italie, Rome plus exactement, et qu’il en est à ce jour à un album sorti en 2017 justement, intitulé De Arte Tragoediae Divinae (« L’art de la tragédie divine » en latin), et deux EPs en comptant celui-ci. Une toute jeune formation dont je n’ai pas réussi à trouver les musiciens (ou « le », ou encore « la ») mais qui se montre assez prolifique donc. En termes de quantité de morceaux, chaque support en compte peu, l’album par exemple n’a « que » cinq pistes mais d’une longueur relativement longue chacun ce qui compense un peu le manque de création. Ne soyez donc pas étonné de découvrir seulement deux morceaux sur cet EP, qui se nomme sobrement Kulturkampf / Los Von Rom, du nom justement des deux pistes. « Kulturkampf » voulant dire plein de choses possibles en traduction, tandis « Los Von Rom » veut dire « Au Large de Rome ». En fait, je ne vous cache pas que je suis un peu inquiet, parce qu’un groupe dont on n’a très peu d’informations, qui est soutenu par un label qui se targue de ne soutenir QUE Totalitarian, qui vend son digipack avec une Croix de Malte et qui ne fait pas de concert, très vite avec certains de mes préjugés je suis inquiet. Puis j’ai lu quelques interviews et il s’avère qu’au final, Totalitarian est un pamphlet sur congrûment ce qui est totalitaire. Donc me voilà rassuré ! Je peux me lancer sur l’écoute.
L’artwork est joli, assez sobre dans les colorations et le style un peu peinture me plait plutôt bien. Seulement, voilà, je ne vois pas trop ce qu’il y a dessus. Je distingue une sorte de personnage sinistre au centre, avec ce ton plus noir, et une sorte de machine de guerre à gauche mais sans que je parvienne à savoir de quoi il s’agit. Elle me fait penser à un porte-avion mais il semble que l’Allemagne n’en avait pas à l’époque… On dirait surtout une sorte de champ de bataille, figé par une photographie lors d’un total carnage, avec des explosions, du feu, et des nuages de poussière virevoltants dans l’air. C’est un peu dommage parce que le design en lui-même est vraiment sympa, bien fait et les tons de gris qui sont si chers à Totalitarian ressortent vraiment bien, mais j’aurais aimé comme les précédentes sorties, c’est à dire un artwork un peu plus clair. Là, à part un amas de tout un tas de trucs informes, comme si l’auditeur était plongé entre deux camps retranchés, on ne distingue pas grand-chose. Je reste toutefois sur la beauté et la cohérence de ce dernier, puisque sans être guéri de myopie, on voit qu’il y a une thématique précise sur la guerre. Donc la mission est remplie si je puis dire, et c’est l’essentiel.
La dénomination musicale, que nous avons à chaque réception de colis en .zip, se situait dans le cas de Totalitarian sur du black death metal industriel. Autant les deux premières étiquettes sont évidentes – encore que le death metal pas toujours – mais l’industriel pas du tout. Ou du moins, pas comme on l’entend. « Industriel » est assez fourre-tout de tout ce qui touche de près ou de loin à la musique électronique, avec énormément de nuances différentes selon les univers des groupes. Mais il est bon de rappeler qu’il existe une branche bien définie et suffisamment émancipée de nos jours pour que l’étiquette existe et se démarque définitivement de l’industriel : l’ambient. Aussi, l’écoute des deux morceaux qui composent cet EP m’orienteront tout de suite vers mes connaissances assez étoffées en dark ambient. Et de fait, il y a un vrai mélange des genres metal, sur un versant « blackened death » assez évident comme je disais, et de la dark ambient. Cette première écoute, qui est la plus primordiale de toutes, me fera dire qu’il y a cette scission importante entre ces deux genres musicaux représentés ici par ce Kulturkampf / Los Von Rom. Le côté metal me semble un peu rébarbatif, pour ne pas dire lourd, même si je dois reconnaître que les riffs, peu nombreux, ont le mérite d’être accroches-oreilles. En revanche, les parties dark ambient sont d’enfer! Bien imposantes, bien pénibles, bien souffreteuses et qui ne font surtout pas dans la dentelle! Vous rêviez d’un décor de guerre ? Avec cet EP, vous l’avez, mais sur un versant dont on ne soupçonne même pas l’ampleur : l’horreur. Absolue. C’est donc une écoute qui en appellera d’autres pour bien comprendre pourquoi j’ai d’un côté des doutes saisissants, et de l’autre une forme d’adhésion totale.
Mais d’abord, il me sera aisé de dire que la production de l’album est au top. Et c’est bien là sa plus grande force! Le son est superbe, comme je stipulais plus haut, les parties ambient sont incroyablement bien faites et bien mixées, on a le sentiment de vivre un cauchemar apocalyptique. Une forme d’hébétude que l’on attribuerait volontiers à ces soldats qui se sont mortifiés, perdus par les horribles trahisons de la réalité d’un champ de bataille, qui met tous les sens en souffrance et ralentit le temps. Je crois que le grand talent de Totalitarian a été de retranscrire de manière sonore l’horreur d’une guerre sur des vallées meurtries. Pour cela, vraiment, le son joue un rôle crucial, comme dans toute dark ambient qui se respecte d’ailleurs ! Mais avec en plus des parties blackened death metal qui sont propres, carrées et sans bavure, y compris dans le champ sonore, alors vous avez tout gagné. Totalitarian a gagné une médaille dans l’élaboration studio de son EP, c’est indéniable. Et je salue avec respect cette retranscription parfaite, avec un son quasiment parfait. Good job, tas de punaises!
Mais c’est là que le premier reproche, si je puis dire ainsi, arrive. Les autres écoutes ont permis de m’être en lumière ce qui, selon moi, pêche un peu dans cet EP, et que le son si folichon ne parvient pas à éclipser totalement. Les deux pistes sont longues mais tournent en rond. Autant le premier « Kulturkampf » est plus varié, quoique légèrement, autant « Los Von Rom » est une simple répétition du même riff sur quatorze minutes ! Avec évidemment des variations, assez diffuses en plus. Mais je trouve que se lancer dans des morceaux aussi longs, quand on ne prend pas la peine de faire au moins varier une fois les riffs, c’est vraiment casse-gueule ! Après, je ne nie pas que les riffs sont excellents, et c’est le cas du « Los Von Rom » où ce dernier se montrera très accrocheur pendant un bon moment, plus de la moitié je dirais. Mais bon… Quatorze minutes qui tournent sur la même boucle, cela devient vite lassant. Sans compter que les parties dark ambient, si excellentes soient-elles, sont aussi longues, proportionnellement autant que les parties metal, et que lorsque l’on n’a pas l’habitude de ce genre de musique qui détonne grave, cela devient vite un chemin de croix que de vanter les mérites d’un EP comme « Kulturkampf / Los Von Rom ». Je suis intimement convaincu, au vu de ce que j’entends, que Totalitarian peut faire beaucoup beaucoup mieux qu’un simple EP deux titres avec des longueurs malsaines et des langueurs idoines. J’aurais vraiment aimé plus de travail sur les compositions, là ça manque cruellement quand-même…
C’est d’autant plus regrettable que le ou les musiciens sont très très bons. J’aime beaucoup l’utilisation qui est faite des talents de chacun, et qui amène à accoupler deux genres musicaux distincts. Il faut du talent pour cela. Et outre les maitrises instrumentales qui coulent de source, j’apprécie tout spécialement le soin qui est apporté au son de chaque instrument qui sont à leur place méritée et qui ne sont jamais trop en avant ou étouffés. Bon point qui sauve la nonchalance des morceaux on va dire. Et le chant est tout aussi bon, sans crever les enceintes on va dire. Je le trouve par contre trop présent. J’imagine sans peine que Totalitarian a voulu compenser cette tournure incessante de riffs avec le chant, peut-être était-ce un souhait de le mettre en avant via une surabondance chantée! Mais en fin de compte, je trouve que c’est l’effet inverse qui s’est produit : le chant se montre trop en avant et rajoute encore de la redondance générale à des pistes qui tournaient totalement en rond comme le chien essaye de se mordre infiniment la queue. Il y aurait au moins largement assez de potentiel pour que les choses changent drastiquement et ça, c’est très rassurant pour l’avenir!
Mais là où j’ai été ravi, c’était en lisant les textes. Situant un univers historique bien pointé, je m’attendais à avoir des textes de fort belle facture et je n’ai pas été déçu du tout! Ils sont comme deux chapitres, j’ai percuté en lisant les textes : un sur l’Allemagne nazie, et un autre sur la vision de Rome sur tout cela. Le fameux pape Pie XII donc, qui nous retransmet son regard sur la situation et sa neutralité maladive qui a posé d’énormes soucis. En tout cas, les textes sont écrits avec des mots recherchés, phonétiquement parlant l’anglais amène la rondeur qui permet de glisser sur le chant comme sur une piste de ski bien pentue. Je trouve cela intéressant de confronter deux visions du monde destructeur avec autant de vocabulaire. Poésie n’est pas le mot puisque l’intérêt d’un EP comme celui-ci n’est pas de faire dans la fioriture et les Bisounours, loin de là. Mais il y a un vrai travail de fait sur l’écriture, les mots savants et qui font mouche. Et cela, en contextualisant, j’adore. En plus, j’ai été bluffé parce que je trouvais le chant trop omniprésent, je comprends mieux pourquoi vu la longueur des textes. C’était évident qu’ils étaient très longs en plus… Mais je ne me doutais pas à ce point. En tout état de cause, les textes valent le coup d’être lus pour s’imprégner encore davantage de l’impromp-tueuse guerre et l’horreur qui en découlait. Saisissant de justesse!
Deux titres donc, pour conclure, qui laissent sur notre faim pour deux raisons bilames. La première étant que les musiciens sont très bons, ont probablement plus d’idées qu’il n’y paraît et que je ne me fais aucun souci pour l’avenir. Totalitarian propose une musique équilibrée dans ces mélanges et a trouvé le son adéquat pour faire vivre émotionnellement son EP, et c’est un très bon point. Seulement, cette insistance qui devient à la mode de faire dans un faux minimalisme et qui consiste à faire tourner en boucle un riff, UN riff génial certes, mais qui perd tout son sens quand d’une part il n’est pas bien accompagné par d’autres éléments musicaux, et d’autre part à force d’être projeté et de l’user jusqu’à la mort. Je peux donc dire sans vergogne que nos italiens nous laissent sur notre faim, ils pourraient largement faire mieux et devenir un très bon groupe et c’est donc pour cela que ma note finale restera bonne mais moyenne. Encore faut-il changer pas mal de choses, et non des moindres, pour me faire changer d’avis. Mais cela restera un bon EP quand-même et j’hésite presque à l’acheter, car je suis convaincu d’y revenir plus tard.
Tracklist :
1. Kulturkampf (11:19)
2. Los Von Rom (14:22)
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