Line-up sur cet Album
- Mattias Starander : batterie
- Peter Hunyadi : guitare
- Tony Jelencovich : guitare, chant
- Dennis Österdal : basse
Style:
Post-Hardcore / Sludge MetalDate de sortie:
27 août 2021Label:
Mighty MusicNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10
« Aller jusqu’au bout, ce n’est pas seulement résister, mais aussi se laisser aller. » Albert Camus
Et l’autre dicton du jour serait « on n’est jamais mieux servi que par soi-même ». En vérité, la démarche de faire une chronique repose sur ce que l’on nous vend. Et il arrive souvent de trouver des styles qui forcément nous attirent, pour au final se retrouver avec tout autre chose. Le nombre de fois où plein d’enthousiasme, j’ai lutté pour ne pas freiner des quatre pieds mon ascension vers de glorieuses lignes d’analyse simplement parce que le style était l’inverse de ce qui était proposé. L’étiquetage de la musique a toujours été un souci. Encore plus dans le metal et les genres extrêmes puisque les ramifications sont tellement nombreuses, et l’anarchie étant de mise dans un anticonformisme qui va de pair avec l’extrême, que l’on se retrouve parfois à se demander si c’est nous qui avons l’oreille abîmée ou si le groupe ne se fout pas un peu de nous. Ou le label, bien sûr! Parce que même les labels essayent de nous gruger. Mais en tout cas, s’il y a bien un truc que je redoute souvent, c’est ce sentiment de déception qui m’anime quand je lance les premières minutes d’un album à étudier, et que je tombe sur un style que je n’aime pas, sinon moins que les autres. C’est souvent le cas. Mais comme j’adore la musique et que je m’éclate à écrire des chroniques, je continue, je persévère et je me dis que des fois je vais tomber sur THE album qui va me réconcilier, temporairement (ce qui serait déjà bien) ou définitivement avec un style boudé. Transport League et son dernier album Kaiserschnitt m’ont été proposé comme étant du sludge metal, vous allez voir que ma frontière n’a jamais été aussi compliquée à dépatouiller. Mais au final, le jeu en valait la chandelle, voilà pourquoi il faut aller au bout des choses dans la vie. Merci! Et bonne lecture!
Un groupe qui s’appelle Transport League, j’avoue être bien étonné. Qui se cache derrière ce sobriquet qui fait penser à un mélange de films DC Comics et d’une compagnie de taxi? Certainement pas des gentils messieurs plein de douceur en tout cas, en témoignent les photos de promotion du groupe. Bref! Il s’agit donc d’un groupe suédois, qui nous vient plus précisément de Partille non loin de Göteborg. Le quatuor a créé Transport League en 1994! Il est bon de noter, après l’effet de surprise concernant la longévité potentielle du groupe, que ce dernier a été mis en stand-by de 2005 à 2009, mais tout de même! On cumule en tout 23 années d’existence, ce n’est vraiment pas rien. De fait, la discographie du groupe offre pas moins de neuf albums avec ce dernier et dont le premier est sorti en 1995, deux EPs et trois singles. Plutôt pas mal! Kaiserschnitt est donc le neuvième d’une liste assez importante, si l’on s’amuse à contextualiser les années d’expérience avec la création du groupe, nous pourrions d’ores et déjà penser que Transport League est un groupe des prémices de genre. Une sorte de pionnier, témoin d’une époque ancienne où le style musical en était à des petits sursauts, semblables à des crottes de fourmi dans le macrocosme de la musique. Nous verrons!
Pour la pochette, le résultat est assez surprenant. A vrai dire, je ne m’attendais pas à un style aussi « jeune ». Je me suis focalisé sur l’idée préjudiciable que Transport League était un groupe old school, je ne sais pas pourquoi mais l’effet non escompté à été la surprise. Alors que l’artwork est plutôt cool, déjanté assurément et avec une référence à ce qui ressemble à un démon qui tourne le dos à notre champ de vision et tourne sa grosse tête effrayante vers nous dans un rictus caractéristique des représentations coutumières des démons, la langue tirée et les yeux exorbités. On dirait un spectacle de marionnette un peu. Les mains humaines amènent cette touche de bizarrerie supplémentaire et donne un soupçon d’humanité à cette figurine flippante. On pourrait y voir une sorte d’amalgame plutôt commun entre l’Homme et sa condition chaotique, voire sadomasochiste concernant sa propre place dans l’échiquier universel. Une forme de cynisme comme on l’aime quoi. A noter pour votre savoir, et pour étayer cette idée de représentation humaine scabreuse, que Kaiserschnitt signifie « césarienne » en allemand. Voilà donc une pochette étonnante, captivante et effrayante. Trois ingrédients censés produire une mixture pour déblatérer avec aisance mais violence sur l’Homme? Tranport League seuls savent. Je retiens cependant que l’artwork est vraiment cool!
La musique m’a été vendue comme du sludge metal, ce qui en soi n’est pas très loin de la vérité. Mais je suis intimement convaincu que si sludge metal il y a, la musique proposée par les suédois se rapprochent plus d’un sludge extrêmement primitif, voire presque prématuré puisque je ne retrouve pas tous les ingrédients qui caractérisent à tous les coups ce type de musique. Par contre, pour moi, Kaiserschnitt est un très bon album de post hardcore! Et comme on sait que les deux genres sont étroitement liés, rien d’étonnant! En fait, ce qui m’a convaincu, difficilement d’ailleurs, c’est l’absence de ce son boueux que l’on reconnaîtrait entre mille. Le son est agressif, strident, avec cette violence qui transparaît dans la batterie dont elle est le seul atout pour amener de la lourdeur, la basse étant plus aigüe que la normale. Les rythmes sont rapides, contrairement au sludge metal qui usite un tempo plus lent, sinon plus posé. Là, la vitesse est quand-même plus proche d’un Sick of it All que d’un Bleeding Eyes par exemple. Enfin, le chant n’est pas ce cri horrible, de tête, que l’on a habituellement, le débit est rapide et donc beaucoup moins hurlé. Voilà pour la comparaison. Après, stricto facto, la musique est pêchue, avec cette patate que l’on assimile au post hardcore et aux envolées des frontmen sur scène. On devine très bien le concept de concert chez Transport League.
La production est assez typique, il n’y a rien d’extraordinaire et le groupe qui accumule de longues années derrière eux reste selon une recette qui fonctionne bien. Le son est agressif, strident avec des guitares tranchantes et la batterie qui se montre rythmée sans tomber dans le trop violent, typiquement du genre! Après, mes connaissances en hardcore sont limitées, mais pour avoir écouté quelques albums, je me retrouve pleinement avec ce son. Pour le reste, il me semble évident de dire que le travail est propre, le groupe étant expérimenté je n’en attendais pas moins de toute manière. J’aime beaucoup alors que d’ordinaire le post hardcore n’est pas réellement ma came, ce qui est tout de même très honorable à souligner.
Après, le constat que je peux faire après quelques écoutes, c’est que Kaiserschnitt est un album de gens qui baroudent depuis longtemps dans la scène metal européenne. Tout est bien composé, avec cette volonté très old school qui fait hésiter sur l’étiquette de la musique de Transport League mais en même temps ce pas de fait vers la modernité pour proposer autre chose ou tout simplement vivre avec son temps. C’est exactement le ressenti que j’ai eu en écoutant l’album deux ou trois fois, et pour cela je dois non seulement mon respect aux amis suédois, mais aussi une forme d’admiration. Ne pas rester campé sur ses positions est une belle preuve de sagesse surtout dans les domaines artistiques. La prise de risque par l’abandon de ses acquis pour se mettre à la page, c’est une belle démarche. Alors certes, je ne suis pas féru de tout ce qui est hardcore, plus de sludge metal, mais j’ai vraiment aimé Kaiserschnitt. Les compositions sont intelligentes, pleine de cynisme et d’énergie, il y a en plus de tout cela une sorte d’hommage au folklore hardcore américain, patrie du style nommé. Transport League a bien fait de revenir, cet album est la continuité d’une résurrection opportune et bienvenue. Beau boulot!
Ce serait une insulte de dire que les musiciens sont bons, du fait de leur ancienneté je ne mettrai pas en avant l’évidence même. Mais pour le chant, je reconnais avoir un peu plus de mal. C’est viscéral, je n’aime pas le style -core en chant. D’abord parce que 90% des chants studio de -core sont truqués, et ensuite parce que ces hurlements subreptices me hérissent les poils. Le chant de Transport League ne fait pas exception, même si je le trouve un peu plus agréable à l’oreille du fait de sa violence amoindrie par le mixage, ou par l’usure des cordes vocales c’est selon. Les cris sont moins présents, la baston est ailleurs que dans le débit de paroles et la technique vocale, ce qui permet d’édulcorer un peu mon ressentiment à l’égard du chant -core. C’est pas mal en vrai, je suis juste un peu soulé on va dire, mais ce n’est en rien la faute au groupe. C’est une simple et banale question de gout, voilà tout.
Pour finir, Transport League n’est peut-être pas un cousin éloigné de Ghost Rider mais il a largement de quoi épater la galerie. Proposant selon moi une musique plus proche d’un post-hardcore moderne que d’un sludge metal ancien, les suédois viennent déclarer la bagarre de rue avec Kaiserschnitt qui est un bon album plein de cynisme sur la condition humaine délabrée et délabrante. Un album que d’ordinaire j’aurais laissé sur l’étagère moisie d’un disquaire, mais que j’ai eu l’outrecuidance d’aller découvrir, et qui me laisse un sentiment plutôt positif. C’est assez rare pour être souligné, moi qui ne suis pas un féru intensif de tout ce qui est -core, j’ai fini par trouver mon compte dans cet album d’anciens routiers de la musique qui, loin de se reposer dans leurs pénates de sûreté, jouent la carte du moderne pour s’adapter et perpétuer la vie de leur bébé. Depuis 1994, cela force le respect en tout cas, et la note est à la hauteur de cette expérience de scène et de studio. Bon album, à conseiller aux fanatiques du genre si ce n’est pas déjà connu.
Tracklist :
1. Atomic
2. Criminal Energy
3. Me the Cursed
4. Nailsober
5. Titty Coma Status
6. Kaiserschnitt
7. March, Kiss, Die
8. Sound
9. Autumn Moon
10. Death Klinik
11. Unburden Woes
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