Note du SoilChroniqueur (Seblack) : 10/10

Il y a quelques jours en parcourant la liste des albums du mois de décembre, que vois-je ? Bon du Black, ça c’est comme d’habitude… mais plus loin, tout seul dans son coin, dans la catégorie ‘Metal Gothique’ : Type O Negative – Dead Again. Une réédition bien sur, pas une résurrection, le groupe n’existant plus depuis le décès de son charismatique leader Peter Steele le 14 avril 2010 (R.I.P Pete). Un de ces jours maudits, où certains trinquent dans le vide avec un verre d’un bon vin rouge, comme on le fait le 28 décembre avec un shot de Jack Daniels.
Avec Type O Negative et son leader surnommé le “géant vert”, on tient quand même un sacré client que ce soit en termes de musique, d’anecdotes ou d’anatomie. Un vrai morceau de légende… Pour vous en convaincre tapez donc Peter Steele et Playgirl dans votre moteur de recherche… en terme de gros morceau avouez que cela force le respect. Bon si comme moi vous préférez la musique, remémorez vous ou allez jeter une oreille à ces bijoux (de famille) que sont Bloody Kisses, October Rust, World is Coming Down, Life is Killing Me et Dead Again donc.
Pourquoi cette réédition alors? Rappelons qu’après l’album Life is Killing Me, paru en 2003, Type O Negative avait fini par quitter le giron de Roadrunner Records pour intégrer les rangs du label allemand SPV.
L’album sort en 2007, bien mis en valeur avec différentes déclinaisons Cds ou Vinyles et un succès très honorable en une période où les ventes de disques s’effondraient. Mais la malédiction allait frapper… Deux fois.
Tout d’abord en 2009, premier coup de tonnerre, SPV se déclare en faillite et disparait après 25 années de bons et loyaux services à la cause du métal. Une situation jamais confortable pour les artistes signés et leurs créations.
Deuxième coup du destin en 2010 c’est Peter Steele qui succombe officiellement à une crise cardiaque. Pourtant le “Géant Vert” avait commencé à travailler sur un nouvel album dont le titre de travail était Doubled Cross, un contrat avec Napalm Records était sur le point d’être signé… mais voilà tout s’est effondré.
La disparition de Peter Steele a précipité celle de Type O Negative, les autres membres n’ayant jamais eu la moindre intention de poursuivre sans celui qui personnifiait le groupe. Puisse cela durer. Les années passant, Dead Again a fini par devenir un peu difficile à trouver sauf coup de chance ou en y mettant le prix. Pire encore, en ces temps où Internet est devenu incontournable, l’album avait disparu des plateformes d’écoute. Visiblement Nuclear Blast s’est porté acquéreur des droits de ce dernier opus de Type O Negative et cette réédition a donc au moins le mérite de tirer cet album des limbes où il se trouvait.
Au menu, pas de remasterisation ou de chose dans ce genre. Cela aurait été une faute de goût, Dead Again n’en ayant pas besoin. Pas de titre inédit tiré du fond du tiroir non plus. Type O Negative n’était pas un groupe très prolifique en termes de compositions, il suffit de compter les années qui s’écoulaient entre leurs albums pour comprendre que le processus de composition n’était pas chose facile pour Peter Steele et Josh Silver, les principales têtes pensantes de la formation de Brooklyn. Pas de remix non plus, c’est plus trop la mode et c’était plutôt une spécialité de Roadrunner Records que de proposer ce genre d’immondices .
En revanche, cette réédition donne naissance à deux packages sympathiques : un double cd digipack et surtout des éditions triples vinyles assez somptueuses. Le tout se voit quand même agrémenter de dix titres live enregistrés lors de différents festivals notamment au Wacken Open Air 2007… Ahhh les coquins de Nuclear Blast… ils l’ont donc trouvée… Ils l’ont dénichée cette corde sensible qui va pousser le fan de Type O à casser sa tirelire, à voler sa grand-mère, à vendre ses cadeaux par Internet.
Bon, il est vrai que mis à part le DVD Sympathy for the Devil, les titres live officiels du Géant Vert ne sont vraiment pas légion. Le groupe n’a jamais sorti de vrai album live, si on excepte le faux live The Origin of the Feces et les innombrables bootlegs plus ou moins tolérés, vendus à droite à gauche.
Au menu de ces bonus, on retrouve la plupart des grands classiques du groupe : “Every Thing Dies” de l’album World Coming Down, “Are you Afraid ?” et “Kill you Tonight” de The Origin of the Feces, “My Girlfriends, my Girlfriend” et “Love you to Death” de l’album October Rust, les incontournables “Christian Woman” et “Black No 1” de Bloody Kisses, et enfin “Anesthesia” de Life is Killing Me. Bien sûr, ironie du sort, aucun titre live de Dead Again ne figure dans ces bonus.

Pour ce qui concerne l’album Dead Again en lui même, que dire ? Et bien beaucoup de choses, car avoir la chance de pouvoir parler de Type O Negative en 2022 (2023?) c’est une occasion de jacasser qui ne se loupe pas.
Personnellement je me souviens avoir rapidement accroché à cet album à sa sortie, peut-être plus vite encore que ses prédécesseurs même si j’ai toujours fini par leur vouer un culte frisant la bigoterie. Je l’ai très vite apprécié donc, mais avec cette curieuse sensation que ce serait peut-être bien le dernier car beaucoup de choses le laissaient penser outre le piteux état physique dans lequel Steele se trouvait alors.
Dead Again m’était apparu, et plus encore aujourd’hui, comme une sorte de testament musical, une parfaite synthèse de ce qu’était Type O Negative tant sur le plan musical, graphique que thématique.
Commençons par le titre tout d’abord qui reprend celui de la première piste : Dead Again. Il peut s’interpréter de différentes manières : on peut y voir une référence au canular de 2005 quand Steele s’était fait passer pour mort en postant sur le site officiel du groupe la photo d’une tombe avec la mention “Peter Steele – Free at last – 1962-2005”. On peut également le concevoir comme un clin d’œil antinomique à l’album Born Again de Black Sabbath, groupe que Steele affectionnait au point d’en avoir fait des reprises très personnelles et très réussies (« Suspended in Dusk », « Black Sabbath »). Des reprises fort appréciées de Tony Iommi et Geezer Buttler, certains les considérant même meilleures que les morceaux originaux. On pourrait enfin voir ce titre sous un angle métaphysique comme une intuition prophétique de Peter Steele sur sa propre mort et celle du groupe? Allez savoir…
En connaissant bien Type O et son goût prononcé pour les blagues scabreuses en tout genre, la pochette vaut également son lot de cacahuètes. On retrouve le fond vert et le lettrage dans les coins qui sont les caractéristiques visuelles de toutes les réalisations du groupe. Un lettrage qui évolue quelque peu toutefois avec un style ressemblant à l’alphabet cyrillique. Une empreinte russe que vient renforcer la figure hirsute du moine russe Raspoutine utilisée pour l’artwork. Là encore, il y a matière à glousser tant on peut faire différents rapprochements entre les deux personnages.
D’après la biographie de Peter Steele par Jeff Wagner (traduite en français aux Editions du Camion Blanc), Raspoutine était un des personnages historiques préférés de Peter Steele qui disait à propos du moine et un peu de lui-même : “C’est un de mes héros. J’ai beaucoup de choses en commun avec lui. C’était un chrétien, un alcoolique, un drogué, un homme à femmes, un glouton, il avait un chibre énorme et les communistes n’arrivaient pas à le tuer”. Cela se passe de tout commentaire supplémentaire.
Comme à son habitude, c’est Peter Steele qui conçoit l’ensemble du graphisme. L’intérieur de la jaquette est orné de quatre silhouettes dessinées sur une scène de meurtre et de quatre squelettes dans leur cercueil, représentant les membres du groupe. Type O Negative a toujours été un bon client en matière d’humour noir et a toujours eu à cœur de glisser des illustrations incongrues de leurs trognes album après album. La jaquette arrière voit le retour de la mention Product in Vinnland, République Technocratique imaginée par Peter Steele et dont le drapeau a été ensuite récupéré par toute sorte de groupuscules d’extrême droite. On voit aussi une vieille photographie de quatre jeune filles en noir et blanc avec une citation de Groucho Marx : “Whatever it is, we’re against it” ( Quoi que ce soit, nous sommes contre). Les quatre jeunes filles en question s’avèrent être les filles du Tsar Nicolas II. Pourquoi ? Ben pourquoi pas… on reste donc dans la veine russe et l’ombre de Raspoutine disons.
Thématiquement, Dead Again est l’album de Type O qui parle le moins de cul. Contrairement à Life is Killing Me, l’album est aussi beaucoup moins rigolo à l’exception peut-être de la chanson « Halloween in Heaven » qui raconte une fête d’Halloween au Ciel avec quelques figures familières du Rock : Bon Scott, John Lennon, Randy Road etc…
Mis à part cette note de légèreté, les thèmes de cet album ont des connotations sombres et personnelles : ayant subi de terribles épreuves familiales, particulièrement la perte de sa mère durant les années précédentes, Peter Steele règle quelques comptes avec certains membres de son entourage dans le titre « Tripping a Blind Man ». Il évoque aussi son long et difficile combat contre ses addictions à l’alcool et à la cocaïne.
Mais la grande nouveauté de Dead Again en terme de thématique : c’est la religion. Peu après la perte de sa mère, le Géant Vert a retrouvé le chemin de la foi catholique et certaines des paroles de Dead Again s’en ressentent fortement notamment sur « The Profit of Doom » et « These Three Things ». Deux morceaux qui ont pu susciter une certaine controverse au sein du groupe ou à l’extérieur mais qui témoignent bien des nouvelles convictions du chanteur-bassiste. Convictions qui ne l’ont pour autant pas empêché de continuer à se poudrer le nez, se bourrer la gueule et diverses autres choses…même si le chemin de la rédemption semblait proche.

Musicalement enfin, Dead Again dégage l’impression que Type O Negative boucle la boucle. La formation de Brooklyn avait commencé sa carrière sur un improbable mélange de Doom, de Hardcore et d’Industriel. Bloody Kisses et plus encore October Rust l’avait vu muter vers un Metal gothique suave sans totalement écarter quelques unes de ses influences antérieures. Avec World Coming Down il s’était enfoncé un peu plus encore vers la noirceur et la dépression, Life is Killing Me marquant un peu une sortie du tunnel et le retour à certains titre plus punchy.
Et bien Dead Again est la synthèse de tout cela. Le son est nettement plus organique que les albums précédents. C’est notamment le retour d’une vraie batterie. En effet bien que Johnny Kelly soit batteur du groupe depuis October Rust, Peter Steele et Josh Silver avaient préféré enregistrer les trois précédents albums avec une batterie programmée. Plus encore Peter Steele renoue avec ses premières amours Hardcore du temps de Slow, Deep and Hard voire avec les accents Crossover de Carnivore (groupe antérieur de Peter Steele, avec lequel il rejoue à partir de 2006…). Le son de Dead Again est toutefois bien plus travaillé et les compositions beaucoup moins chaotiques que Slow Deep and Hard et Carnivore.
Le titre d’ouverture « Dead Again » est symptomatique de cela et l’introduction sabbathienne cède vite la place à une musique au relents Punk Oï menée tambours battants. Des rythmes nerveux que l’on retrouvera sur « Halloween in Heaven », et « Some Stupid Tomorrow ».
Dead Again marque aussi le retour fracassant de sonorités indus assez marqués avec des arrangement évoquant la guerre et des intonations martiales ( sur « The Profit of Doom », la fin de « She Burned me Down » et le final grandiose de « Hail and Farewell to Britain » ).
Bien sûr Type O Negative ne serait pas Type O Negative sans ces ambiances gothiques, ces titres longs au son épais et hantés des claviers de Josh Silver. Des morceaux souvent plus personnels où la voix de Peter Steele se fait plus suave, plus grave. Ainsi « September Sun », et son introduction au piano n’est pas sans rappeler celle de « Love you To Death », le titre a d’ailleurs servi de single et de clip (sous un format très raccourci).

De manière générale, les titres les plus longs de Dead Again sont globalement les plus réussis notamment « These Three Things » et ses quatorze minutes, « The Profit of Doom » et plus encore le très intrigant titre final « Hail And Farewell To Britain”…très intrigant car il se referme sur une scène de guerre où l’on entend Steele hurler sous les avions qui attaquent. Les dernières paroles en sont : “All hail and farewell to England. All hail and farewell to Me” (Ave et adieu à l’Angleterre, Ave et adieu à moi”). Tels sont les derniers mots que Steele aura offert pour ce dernier enregistrement, comme une intuition que la boucle était bouclée…

Tracklist :

1. Dead Again (04:15)
2. Tripping A Blind Man (07:04)
3. The Profit Of Doom (10:47)
4. September Sun (09:47)
5. Halloween In Heaven (04:50)
6. These Three Things (14:21)
7. She Burned Me Down (07:54)
8. Some Stupid Tomorrow (04:20)
9. An Ode to Locksmiths (05:15)
10. Hail And Farewell To Britain (08:57)
11. Everything Dies (live) (06:06)
12. My Girlfriend’s Girlfriend (live) (03:43)
13. Are You Afraid – Gravitational Constant (live) (07:14)
14. Black Sabbath (intro) Christian Woman (live) (08:35)
15. Love You To Death (live) (07:16)
16. Black No. 1 (Little Miss Scare All) (live) (09:11)
17. Anesthesia (live at Wacken Open Air 2007) (06:04)
18. Christian Woman (live at Wacken Open Air 2007) (07:58)
19. Love You To Death (live at Wacken Open Air 2007) (07:15)

BandCamp  Deezer  Facebook  Instagram
Site web  SoundCloud  Spotify  YouTube