Line-up sur cet Album
- Valy : basse, chant
- Drugo : batterie
- Mauro : guitare
Style:
Death Metal / Doom MetalDate de sortie:
06 mai 2022Label:
20 Buck Spin
Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
« Du ciel l’être suprême envoie les douces fleurs qui chassent notre amertume. » Proverbe aztèque
Je vous rassure, ma sagesse n’est pas proverbiale au point de connaître des citations aztèques. Celle-ci, je l’ai cherchée sur Internet pour la chronique, parce que pour une fois je vais bel et bien me frotter à l’histoire des aztèques, ou tout du moins à ce qui y ressemble. Ce n’est pas commun! J’avais eu le plaisir de découvrir au Hellfest en 2019 la prestation scénique absolument incroyable du groupe mexicain Cemican, qui inscrit son univers metal autour des traditions aztèques et la langue nahuatl, avec toutes les voyelles et consonnes qui s’enchainent, pire à la prononciation que le polonais. Non, peut-être pas à ce point quand-même. Mais j’ai toujours été impressionné par la musique de Cemican et le jeu de scène, permettant de mélanger metal extrême et traditions dans une logique de metal folklorique, mais je trouve surtout que le metal sublime considérablement la noirceur de ces fameuses traditions. A part quelques références à Quetzalcoatl, les fameuses pyramides précolombiennes et les costumes, je ne connais quasiment rien à ce peuple et sa religion qui porte le même nom. C’est donc sur une totale inconnue et des étoiles plein les yeux que Cemican s’était offert à moi sur scène. Oui mais voilà! La vie nous rappelle souvent qu’il n’y a que très rarement l’unicité parfaite dans le monde, et de surcroit dans le milieu metal qui regorge de références et de concepts tous aussi farfelus les uns que les autres! J’en ai bouffé des trucs louches. Ainsi, ai-je pris conscience qu’il n’y avait pas que Cemican dans la vie puisqu’il y a dans les tréfonds de l’underground un groupe absolument fou qui parle aussi de tout ce folklore aztèque précolombien, avec aussi l’utilisation au moins dans les titres de l’album et des pistes de la langue nahuatl, et dont l’artwork ne laisse aucune place au doute. Ce groupe, que je vais vous présenter pour cette nouvelle chronique du jour, c’est Tzompantli, et l’album s’appelle (j’ai renoncé à le prononcer) « Tlazcaltiliztli« . Elle est belle d’avance cette chronique, avec des noms pareils, on est bien! On est bien.
Tzompantli n’est néanmoins pas un groupe aztèque et donc possiblement mexicain, mais américain! De la belle ville de Ponoma en Californie, première surprise donc. La deuxième est que le groupe existe depuis seulement 2019 et a déjà sorti un EP la même année, avant de proposer ce premier album qui s’appelle donc « Tlazcaltiliztli » sur le label 20 Buck Spin, spécialiste des albums bien grassouillets et gores. Cela promet donc du lourd même s’il est étonnant d’associer de prime abord des croyances ancestrales avec une musique potentiellement bien bourrine. Et en fouillant un peu le pedigree des membres du groupe, celui qui apparaît comme étant le leader du groupe Tzompantli me fascine. Il a une carrure impressionnante, qui oscille entre le rappeur gitan Henock Cortès (oui je sais, j’ai des références étranges…) et George Fisher de Cannibal Corpse, avec un côté hispanique que l’on retrouve dans son nom Brian Ortiz, alias Big 0))), référence à Sunn 0)))? Mais ce n’est pas tout. Il a un autre groupe où il officie en tant que guitariste et qui s’appelle Xibalba. Encore une argutie sur les traditions aztèques! Notre ami américain aime donc à ce point cette culture. En tout cas, on sent toute la passion de ce type et j’espère qu’on la vit avec autant d’intensité que ne le laisse paraître ce « Tlazcaltiliztli« . Autant vous dire que, piqué de curiosité, j’ai hâte de foncer sur ce premier album pour Tzompantli.
Pour la pochette de ce premier album, on ne peut pas dire que le groupe ait choisi de faire dans la fioriture, même si de mon côté je peux comprendre l’idée maitresse, je n’ai pas été enthousiasmé. « Tlazcaltiliztli » serait le nom d’un rituel fait au cours d’une cérémonie nommée « the fire and sun with blood ». Je n’ai hélas pas trouvé grand-chose qui explique ce rituel, mais je sais en tout cas qu’il s’agit d’une cérémonie macabre. La pochette ne rend pas franchement hommage à ce genre de considération puisqu’on a une image grossièrement retouchée d’une rangée de crânes dont on devine par ailleurs qu’il ne s’agit pas que de crânes humains. Le contour reprend des thématiques aztèques et le logo est du même acabit avec ce crâne représentant ce qui ressemble à une pièce ou un sceau. Le nom de l’album en format gothique, franchement c’est totalement hors sujet et non-avenu. Ce rouge pétant est absolument moche au possible et ne donne qu’un sentiment de mauvais gout, d’autant qu’on a clairement l’impression, sans être des spécialistes de retouche d’images, que cet artwork a été monté de toutes pièces avec Paint. Sans déconner! Cela ne vend pas du rêve. A la rigueur pour le format K7 que va proposer le label, pourquoi pas! Mais pour un CD, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a d’enthousiasmant dans ce boulot iconographique un peu risible dans son élaboration. C’est beaucoup trop facile comme travail, il y aurait eu moyen de faire mieux déjà sur la stylistique, mais aussi sur tous les sens possibles à mettre pour parler de cérémonies, de culture aztèque ou que sais-je encore! Là, pour moi, pardon pour mon caractère abrupt, mais la pochette est nulle. Tout simplement. Pas bravo Tzompantli.
Pas bravo d’autant plus que la musique, en revanche, est juste monstrueuse. Sur le papier comme j’aime à le dire, Tzompantli est un groupe de doom death metal. C’est à peu près cela, à ceci près qu’en vérité, le doom metal et le death metal ne se mélange pas toujours. Comme beaucoup de groupes américains qui baignent dans ce jus nauséabond et sale, il y a des moments purement doom death metal franchement lourds et terriblement oppressants, et des instants de pure violence bien grasse et épaisse comme un bon Epoisse, qui va sur des tempos rapides estampillés death metal old school. D’ailleurs, hormis quelques percussions ritualistes et des courts moments ambiants avec la sensation d’être dans la jungle, on n’a que de la brutalité, de la lourdeur et du bourrin sanguinaire. Une forme de saleté typiquement death metal avec sa panoplie sonore de violence et de gras. Et c’est tout simplement excellent! J’avais perdu un peu le gout à ce death metal et avait laissé volontiers mes comparses Antirouille et Arno s’en occuper avec leur sens emphatique de la diatribe sur le saindoux et la margarine, et je crois que de l’avoir mis de côté dans ma vie me permet à ce jour d’apprécier comme il se doit ce premier album qui nous assène une musique d’une lourdeur incroyable et d’une saleté sonore qui sonne comme une douce mélopée de la rosée du printemps sur les fraisiers de mon balcon! Non, pour rester sérieux, « Tlazcaltiliztli » est un excellent album du genre. Vous conjuguez tous les ingrédients qui font un death metal old school pur jus avec quelques apports doom metal par-dessus et vous avez un croisement subtil entre la négligence sonoriquement pourrie d’un Eternal Rot et la lourdeur couplée de violence d’un Knowledge Through Suffering (RIP, l’one-man band n’est plus). Un album solide, ponctué de quelques apports samplés pour retranscrire le côté cérémonial revendiqué par Tzompantli sur le plan aztèque, du moins dans sa face noire, et vous avez un premier album extrêmement bien ficelé et qui ne souffre que de rares contestations. Dommage donc que la pochette soit moche à ce point, parce que la musique est géniale.
Bien entendu, il va de soi que pour être des plus efficaces, la musique death metal doit donner le sentiment d’une bouillie auditive semblable à l’épaisseur d’un vomi d’hippopotame. Voilà pourquoi vous aurez la désagréable sensation, surtout si vous êtes un novice en la matière, d’avoir un album mauvaisement sonorisé. Il est vrai que le tout ne souffre pas d’une perspective moderne avec tout le bataclan qui va avec d’avoir les guitares bien distinctes, la basse itou, une batterie triggée, et un chant propre et sans déraillement. Le tout étant bien mixé pour avoir une propreté certaine. Là, que nenni! C’est crade, bien crade! Les guitares sont à peine retouchées, la basse est noyée dans la diarrhée sonore, la batterie est brute de pomme et le chant fonctionne comme s’il était balancé à l’aveugle, sur le mixage déjà existant. Cette saleté, bons Dieux qu’elle fait du bien! C’est l’ensemble des choses qui font que ce son particulier, qu’on ne retrouve que dans un registre death metal bien old school, fonctionne. La composition des pistes, très rythmique et ne souffrant que de rares apparitions mélodiques et samples, fait qu’un son adéquat reste un son épais, oppressant dans les moments de lenteur et permettant de tout simplement vivre intensément le rythme. Sans se préoccuper de connaître les arpèges mélodiques, les harmoniques et j’en passe. Louer une musique comme sur « Tlazcaltiliztli« , c’est louer que l’on puisse avoir une saleté appréciable. Si vous n’aimez pas tout ce qui sort du champ moderne à outrance que l’on a de nos jours, alors passez votre chemin. Moi, j’ai adoré cette production. Cela fait du bien, vraiment.
J’ai oublié de préciser une chose qui a son importance : Tzompantli est le nom que l’on donnait aux monticules de crânes qui étaient plantés sur des pieux, formant une sorte de mur de crânes. Quand vous avez cela ainsi que le concept autour duquel gravite le groupe, dans les cérémonies de sacrifices humains et autres motions de sorcellerie et chamanisme, alors vous comprenez tout de suite que la musique n’a pas d’autres vocations que de faire dans ce qui suit le death metal, doomesque ou non : le gore. Il fallait toutefois parvenir à retranscrire musicalement toutes ces cérémonies vertigineusement macabres, sans tomber dans une forme d’obédience à la subtilité qui aurait dénaturé l’essence death metal de Tzompantli, et dans le bourrin à outrance qui n’aurait pas permis d’avoir une once, même infime, de contextualisation traditionnelle aussi ancrée que les aztèques. « Tlazcaltiliztli » est selon l’exemple quasiment parfait de ce qui doit se faire en termes d’équilibre conceptuel. Un death metal aux relents occasionnels de doom metal avec ces petites touches ambiantes et cet univers iconographique, c’est exactement ce qu’il fallait pour mettre en musique tout le folklore autour des rituels aztèques. Loin d’être un poids, ce death metal a été l’élément majeur selon moi. Et je pense que même si mon analyse s’avère écourtée par l’absence de fioriture sur « Tlazcaltiliztli« , il n’en demeure pas moins que l’on peut faire dans le gore et le traditionnel en même temps. Bref! « Tlazcaltiliztli » est définitivement une découverte importante pour ma culture death metal, et je pense que ce premier album va bientôt garnir ma discothèque. Dans le genre death metal couplé à du doom metal, c’est tout ce que j’aime! Quel pied putain!
Le chant reste lui aussi, sans surprise, dans une veine death metal, en grunt grave extrême, mais avec de temps en temps quelques cris bien chamaniques, comme une sorte d’appel aux esprits par le cri strident. Mais la ligne très majoritaire reste le grunt grave, ce qui est normal! La technique vocale est excellente, bien grasse et bien profonde, tout ce qu’on aime dans ce registre et en plus, comme je disais, cette production sale donne du corps à cette performance vocale. L’épaisseur permet de rajouter du macabre à ces lignes de chant dont on ne comprend par contre absolument rien, ce qui est très dommage parce que, même si l’absence de textes présentés amènent la supputation de ma part, j’aurais aimé comprendre quelques dialectes ou au moins comment le chanteur représentait ses rituels dans la musique. Mais bon. Je chipote un peu, je sais qu’il est difficile de conjuguer habituellement le grunt grave et l’articulation. On va donc rester sur un constat positif pour le chant, parce qu’il l’est!
Je conclus cette nouvelle chronique par le biais d’un premier album pour le groupe américain Tzompantli, qui se nomme « Tlazcaltiliztli« . Groupe qui se revendique non seulement d’un death metal aux forts accents doom metal, mais aussi et surtout d’un univers musical rendant hommage au peuple aztèque et ses croyances très sombres. Tout une panoplie musicale qui donne du corps et du sens à ces cérémonies sacrificielles du temps de ces peuples lointains, avec cependant une attention amenée particulièrement la dimension old school de la musique death metal, avec tout ce qui va avec si j’ose dire. Vous aurez donc un premier album très bien réussi, dans la même veine du death metal old school qui faisait un tabac dans un univers crade et repoussant de saleté, dans un décorum sanguinaire comme dans le cas précis de « Tlazcaltiliztli« . Bref! En quelques mots : c’est du très très lourd et du très très sale, et donc du très très bon! A découvrir de toute urgence!
Tracklist :
1. Yaohuehuetl 01:18
2. Tlatzintilli 04:34
3. Tlazcaltiliztli 04:30
4. Eltequi 04:42
5. Ohtlatocopailcahualuztli 04:18
6. Tlamanalli 05:53
7. Yaotiacahuanetzli 07:38
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