Line-up sur cet Album
- Didié Nietzch : synthétiseurs, Ipad
- Sébastien Schmit : batterie, percussions
- Hugues Philippe Desrosiers : basse
- Jean Jacques Duerinckx : saxophone sopranino
- Guillaume Cazalet CZLT : chant, trompette, flûtes, percussions
Style:
Drone Metal/ Noise Rock Psyché / JazzDate de sortie:
05 novembre 2021Label:
I, Voidhanger Records / WV Sorcerer Productions / Homo-Sensibilis SoundsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
« Tu sais bien qu’en amour, il y a des hauts et des bas. Parfois, c’est l’harmonie, parfois, la cacophonie, comme en musique. » Gayle Forman
Question à deux francs (suisses, sinon ce n’est pas marrant) : qu’est-ce-qui m’attire dans les musiques complètement barrées? Difficile à ce stade de l’enquête intérieure que je tente d’approfondir de savoir quoi. Toujours est-il que dans ma flamboyante discothèque se cachent des trésors de musiques que, dans le genre, je ne suis pas prêt de conseiller ni de mettre à la maison en recevant des invités. Je dirais que j’ai même des musiques qu’une oreille expérimentée aurait du mal à digérer tout simplement parce qu’elles sortent tellement de l’ordinaire qu’on serait bien en peine de la ranger dans des cases ou de la scinder en plusieurs genres qui se chevaucheraient. Du reste, je n’ai pas de réponse à ma question. J’adore les projets musicaux complètement dingues, à la limite du supportable, parce que derrière le masque de l’insondable se dissimule des musiques bourrées de sens cachés. J’ai coutume de citer Neptunian Maximalism comme référence de ce que j’ai de plus fous en musique, je pense que ce soir je ne suis pas loin de mettre sur le même piédestal un autre groupe, français de surcroit. Il en fallait un! Mais sachez, nobles mortels et lecteurs, que rédiger cette chronique m’a été aussi pénible que d’écouter l’album qui sortira dans quelques jours. Permettez-moi donc de vous présenter officiellement et en avant-première le groupe Zaäar et son album « Magická Džungl’a« . Cela ne va pas être de la tarte!
Derrière ces noms alambiqués et difficilement prononçables, on retrouve un obscur label à la fois français et chinois qui se vante de produire de la musique avant-gardiste et ésotérique. Au début, je pensais qu’il s’agissait du groupe Zaäar lui-même qui était comme cela, et non content d’avoir eu une fausse information (le label ne nous a rien fourni du tout, démerde toi Quantum!), j’ai surtout vu que l’album « Magická Džungl’a » était en fait (ré)édité au format vinyle chez I, Voidhanger Records en coproduction avec ce fameux label étrange nommé WV Sorcerer Productions et de Homo-Sensibilis Sounds, rien que cela. Et puis, en fouillant les tréfonds obscurs d’Internet j’ai eu enfin les informations que je voulais. J’ai découvert que le fameux Neptunian Maximalism et Zaäar ne formait quasiment qu’une entité puisque les deux projets gravitent autour du même fondateur : Guillaume Cazalet, que je couvre d’admiration. Un artiste belge, entouré par d’autres musiciens, souvent des différents d’ailleurs, pour porter ces projets artistiques. Zaäar est donc un énième projet de ce gars talentueux, et « Magická Džungl’a » est son premier album sous cet étendard. Voilà pourquoi en introduction je trouvais que les deux groupes se situaient sur le même rang! Tout s’explique. Alors, ami(e)s lecteur(e)s, si vous avez peur de tomber dans des relents de musique barrée, ne continuez pas plus loin. Parce que, qui dit Guillaume Cazalet, dit musique de malade mental. Moi, en tout cas, à la lumière de cette découverte inattendue, j’ai hâte!
Bon, je vais essayer de ne pas faire trop de parallèle entre les deux groupes, mais ayant fait la chronique des deux précédentes sorties de Neptunian Maximalism, je vais avoir du mal. En tout cas, je constate la même chose concernant les pochettes : c’est le bordel! Il y a une énorme part de surréalisme et je dirais même de dadaïsme dans l’artwork de « Magická Džungl’a« . Je ne devrais pas le dire mais ce genre de pochettes me fait penser à un délire psychotique, avec un mélange de tout un tas de trucs totalement impossibles à rassembler. On frôle la schizophrénie! J’avais déjà parlé de folie artistique pour le cas de Guillaume Cazalet, je pense que cette pochette avec des animaux complètement morcelés et mélangés dans un décor pourtant très fidèle aux références asiatiques, limite jungle de l’artiste reflète idéalement ce concept étrange de folie artistique. Ce que je retiens principalement de cet artwork loufoque mais superbe, c’est la dimension d’état sauvage de l’Homme et de sa pensée. Le groupe Zaäar revendique cette recherche transcendantale d’état sauvage, de retour à un état primitif stimulé par une musique psychédélique, comme si l’auditeur vivait un mélange de transe et d’hypnose ou tombait dans les bas-fonds d’une méditation. Je tombe dans le redondant, retenez toutefois que la pochette est superbe, très bizarre mais superbe. Les couleurs sont belles mais contrairement à « Éons » de Neptunian Maximalism par exemple, les couleurs sont froides et la teinte est plus terne. Seul reproche, déjà présent sur les autres opus : pas de nom sur la pochette. Mais au moins, la pochette en elle-même est franchement belle. J’aime beaucoup!
Une fois qu’on sait que les deux projets sont liés, on n’a pas de surprise. La musique est sur la même base séculaire mais complètement folle. De prime abord je me suis même demandé pourquoi fonder deux groupes séparés si c’est pour, au final, produire la même musique. Vous voulez un nom? J’avais émis l’hypothèse d’une étiquette genre « Drone Metal/ Noise Rock Psyché / Jazz« . Je pense que l’on est sensiblement près de cela. On retrouve effectivement une musique drone metal, plus drone ambient que metal d’ailleurs avec des longues envolées de guitares qui sont là uniquement pour ragaillardir une atmosphère très psychédélique. Du reste, le mot « psychédélique » est bien faible pour décrire l’extrême connivence musicale avec les différents instruments traditionnels qui émanent de la composition. Je trouve que la partie jazz ne se résume pas, comme on pourrait le croire, à la présence de percussions ou d’un saxophone, mais plus dans l’esprit d’improvisation. Mais si improvisation il y a, alors elle est dans la marmite bouillonnante du génie quasi absolu. Parce qu’arriver à faire d’instinct des lignes instrumentales sur un truc aussi riche voire dissonant, cela relève très clairement d’un conglomérat de génies. En tout cas, outre cette immense richesse artistique, il y a surtout la même démarche très ésotérique et traditionnelle qui ressort de la musique de Zaäar. C’est un point commun indéniable avec Neptunian Maximalism! Seul petit détail que j’ai remarqué : la fameuse place instinctive qui trahit surtout une forme d’impulsion plus que de réflexion. On dirait vraiment que les musiciens s’animent au fur et à mesure de l’avancée des morceaux forts longs d’ailleurs. Il y a quelque chose de l’ordre du primaire, que le groupe cite d’ailleurs sur Bandcamp comme ceci : « leur approche est plus instinctive, plus crue, plus primitive. Leur free-jazz psychédélique imprégné de mélodies ambiantes bourdonnantes réveille et stimule les sens anciens et oubliés, dormant depuis que l’humanité a été projetée dans la grisaille d’une réalité industrialisée, ramenant l’auditeur à une époque où tout était nouveau, excitant et dangereux. » Cela résume bien la musique et la volonté artistique de Zaäar. Mais « Magická Džungl’a » qui signifie en tchèque « jungle magique » est définitivement la continuité de son précédent groupe avec un retour à la primitivité assumé et franchement bien foutu! Un superbe album, une première écoute un peu laborieuse du fait de la complexité mais passée l’analyse, ce n’est que du bonheur auditif. J’adore!
La production dans ce genre de musique ne souffre d’aucune contestation puisque c’est très compliqué de trouver la trace flagrante d’une production. Je m’explique : avec autant d’instruments, on ne discerne pas vraiment quelque chose, c’est un peu comme un orchestre philharmonique : on sait qu’il y a un très bon son mais on ne sait pas pourquoi. C’est une question d’harmonie, or dans le cas de « Magická Džungl’a » on devine tout de suite que l’on se réfère plus à du bruitisme qu’à une réelle production sonore propre et carrée. Comme chaque instrument et ambiance sont au service d’une cacophonie censée réveiller nos plus noirs desseins, on s’aperçoit tout de suite qu’il n’y a rien de carré ni de propre. C’est du bruitisme quoi! Et en cela, j’aime beaucoup cette dissonance artistique qui amène une dimension primaire mille fois revendiquée par Cazalet. Résultat : on ne cherche même pas à analyser quoi que ce soit, l’intérêt principal étant de se laisser porter ou glisser dans des méandres sonores proche de l’insondable. C’est encore une fois un vrai gros boulot artistique d’arriver à trouver cette forme d’harmonie primaire dans de la disharmonie sonore. Un vrai coup de maître, mais connaissant bien le personnage et son immense talent, je n’en suis guère étonné.
Il s’est passé un truc durant une écoute plus de « lâcher prise », j’ai vécu une vraie forme de transe. Il faut se référer à l’image : je suis dans mon salon, fenêtre ouverte alors qu’il faisait froid, le casque sur les oreilles, mon chat qui dort comme un phallocrate impotent (entendons-nous, le zgeg à l’air sur le dos), et la musique de Zaäar en fond de ce décorum limite un peu pathétique. Et je suis tombé dans un truc avec plein d’images bizarres, des gens qui dansent dans ma tête frénétiquement, au milieu d’une jungle foisonnante et sous le regard curieux mais placide d’animaux. C’est drôle parce que cette pensée envahissante ne me quittera qu’une fois le cerveau nettoyé avec une série Netflix. Je pense que la musique fonctionne réellement si on l’écoute avec une vraie volonté de se laisser faire. Si l’on résiste quelque peu cela ne marche pas du tout. Mais « Magická Džungl’a » est définitivement un album qui marche sur l’inconscient et cela, je ne peux que féliciter le collectif belge d’avoir réussi un tour aussi fort! Voilà pourquoi je situe ce premier album déjà comme une référence! Delà à le mettre dans la continuité de l’incroyable ouvrage de Neptunian Maximalism, je ne sais pas encore, j’attends la fin de la chronique pour le savoir. Mais d’ores et déjà, « Magická Džungl’a » est un album parmi les meilleurs de cette année qui se termine bientôt!
Le chant pour terminer est trop peu présent à mon gout mais répond sur une logique très ritualiste, limite chamanique qui émane de la musique conceptuelle très riche de Zaäar. Cazalet s’y colle avec une certaine réussite je dois dire ! Vocalement parlant, on est là encore sur quelque chose de très vaste avec tantôt des voix rituelles, tantôt des parties de chant clair très juste techniquement et qui sont loin de dénaturer l’ensemble instrumental pourtant ultra dominant. On devine que le chant est au final lui aussi un instrument à part entière mais avec une place plus en retrait, comme une forme d’atmosphérique ou une recherche de combler les trous. Mais franchement je suis épaté ! Je ne connaissais pas cette corde à son arc gigantesque, me voilà donc résolument épaté. Mais jusqu’à quel point ce type va me fasciner, bon sang ?
Il ne me reste plus qu’à conclure cette nouvelle chronique en panache! Zaäar se veut l’héritier d’un groupe jadis que je considérais, si toutefois il n’est plus car rien n’est dit, comme l’un des plus mabouls qui soient parmi l’énorme arbre universel de la musique! Neptunian Maximalism m’avait offert les sensations les plus troublantes mais les plus folles que j’avais eu en musique à chroniquer, mais je me rends compte qu’il existe un bébé caché qui se nomme Zaäar et qui sort une véritable bombe avec « Magická Džungl’a« ! Cet album hautement complexe, doté d’une frange jazz sous le socle impénétrable d’une musique psychédélique, ritualiste et bruitiste, saupoudré de quelques perméations drone metal et ambient, est l’un des plus barrés que j’ai eus à écouter dans ma vie. Et c’est en cela que je le classe absolument dans mes futurs CDs de chevet dans mes moments d’égarements sensoriels. Guillaume Cazalet est définitivement un musicien hors pair, avec un cerveau multipolaire et totalement polymorphe mais surtout proche de passer plus dans un shaker que dans un Moulinex! Énorme album, une tuerie!
Tracklist :
1. Respiration Aérobie
2. Multicellularité Des Cyanobactéries
3. Eucaryotes Et Reproduction Sexuée
4. Sortie De l’Eau Et Seconde Oxygénation
5. Explosion Cambrienne
6. Grande Oxydation
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