Line-up sur cet Album
- Isaac : chant, paroles
- Etienne : guitares, chant (back)
- Quentin : guitares, chant (back)
- François : basse, chant (back)
- Romain : batterie, chant (back)
Style:
Post/Math MetalDate de sortie:
20 octobre 2014Label:
Apathia Records/Black Wave PromotionNote du Soil Chroniqueur (Lusaimoi) : 9/10
En 2012, Zapruder m’était totalement inconnu, et ce jusqu’à l’origine de son nom : celui de l’homme connu pour avoir filmé l’assassina de J.F. Kennedy. En même temps, ce n’était pas vraiment étonnant, puisque ce quintet de Poitiers a sorti son premier EP, Straight from the Horse’s Mouth, dans la dernière partie de cette année-là.
En 2014, ce même groupe sort un album attendu avec fébrilité.
Il faut dire que le premier bébé en a marqué plus d’un. Un 5 titres qui commençait déjà fort et qui, lorsqu’on croyait l’avoir cerné, allait de surprises en surprises à chaque morceaux, pour une conclusion mémorable, qui nous redonnait une simple envie : celle de le relancer.
L’écoute de ce Fall in Line arrive donc après une attente qui a commencé à l’annonce de sa sortie, cet été. Annonce qui a été accueillie, pour ma part, par une petite danse de la joie sur le canapé.
Mais le risque, quand on commence si haut, c’est celui de la chute. Celui de la déception.
Alors Zapruder est-il parvenu à affermir les attentes que tous les possesseurs de Straight from the Horse’s Mouth avaient placés en lui ? Ou va-t-il les décevoir ?
Le principal risque, chez les Poitevins – car on va tout de suite exclure la possibilité de compos molles ou pas inspirées –, c’était de ne plus étonner, de faire ce qu’on attendait d’eux, de réutiliser ce qui avait fait leur personnalité, sans aller plus loin. Et on aurait tout aussi bien fait d’exclure cette hypothèse. Car Fall in Line, comme vous l’a déjà indiqué la note en début de chronique, confirme tout le bien que l’on pensait d’eux.
Oui, le groupe surprend. Mieux, il arrive à réemployer certains des éléments qui avaient porté si loin leur première sortie pour leur donner un tout autre sens. À commencer par le chant clair de Quentin – troublant de sensibilité – et le saxophone, qui tiennent, chacun leur tour, le rôle principal dans « Loquèle » et « Desilusion Junction », deux sublimes interludes (terme seulement justifié par leur courte durée) contrastant fortement avec le chaos qui les précède. À impérativement écouter en marchant en ville, un soir sous la pluie, pour pleinement ressentir toute la mélancolie qu’ils dégagent.
Sur les huit titres restants, on retrouve ainsi bel et bien leur Post/Mathcore aussi violent que chaotique, peut-être un peu plus groovy désormais (« Modern Idiot »), et parsemé de moments de grâce. Je ne parle pas là de pauses calmes, de passages contemplatifs où tout s’arrête. Il y en a, bien sûr, mais chez Zapruder, la grâce arrive aussi par la violence. Je vous défie alors de ne pas avoir de fourmillements dans le bas-ventre lors du passage tirant vers un Black dantesque, à la deuxième minute de « We Are Orphans » – un passage auquel semble faire écho le début de « Doppelgänger ». Surtout que ce point d’orgue du morceau nous est amené par un chemin tortueux, mais d’une fluidité qui le rend encore plus grisant.
C’est une constance chez nos gaillards. Déjà présente dans leur EP, elle s’accentue ici. Les morceaux ont beau multiplier les ambiances, les passages, les ruptures, ils sont tous d’une cohérence très forte. Une cohérence apportée autant par la qualité d’écriture que par la vitesse d’exécution – on en prend tellement plein les oreilles, qu’on n’a pas le temps de réfléchir. « Doppelgänger », qui, du haut de ses deux minutes, nous sèche en enchaînant les plans tous aussi furieux les uns que les autres, en est l’exemple parfait. Ainsi, le Mathcore furieux peut se conjuguer à un Post-Rock serein sans aucun souci (« Moloch ») ; on peut très bien trouver un passage funky sur « Modern Idiot » ou une autre apparition du saxophone dans deux passages chaotiques à l’ambiance lourde qui semble émietter le monde (« Cyclops »)…
Le groupe a aussi la qualité, et c’est ce qui le tient si haut, de ne pas seulement s’appuyer sur l’intelligence.
Les compos transpirent l’émotion, que ce soit une mélancolie grisaillante ou une colère accentuée par des hurlements aussi variés qu’habités. Allant du scream rageur et désespéré au growl puissant et profond, Isaac possède toujours son timbre inspiré, avec un petit gain de puissance par rapport au disque précédent. Sur « Monkey on my Back », entre autres, il arrive à un parfait milieu entre les deux styles de chant, comme s’il possédait deux jeux de cordes vocales qu’il utilisait simultanément, pour un résultat impressionnant.
Ces cris viennent mettre en évidence la tristesse et le regret qui viennent refermer cet album avec le Postcore velu de « Je Ferai de ma Peau une Terre où Creuser », où le chant clair fait son retour, déclamant son désespoir, beau et étrangement lumineux dans son obscurité.
À la lecture de ce dernier titre, certains auront remarqué l’utilisation dans cet album du français et de l’anglais. C’est aussi le cas dans les paroles, alliant parfois les deux langues au sein d’une même plage. Si cela semble dérangeant, incohérent au premier abord, il faut préciser que la plume est – en tout cas lorsqu’on comprend les paroles, n’oublions pas qu’on a affaire à des hurlements –, intelligente et dénuée des différents défauts couramment liés à l’utilisation de la langue de Molière dans la musique. Si bien que, malgré le fait qu’on remarque cette cohabitation, elle ne choque ni ne perturbe.
En 2012, j’avais mis une belle note à Straight from the Horse’s Mouth. Un 9/10 qui peut sembler élevé, surtout pour une première production, ne laissant au groupe que peu de marge de progression. Mais cette note était et est parfaitement justifiée, liée à l’étonnement de voir un si jeune groupe nous offrir un premier EP aussi solide et qui revient encore aujourd’hui régulièrement dans mes oreilles.
En 2014, je ne peux mettre à Fall in Line une note inférieure. Certes, l’effet de découverte n’est plus là, du moins pour ceux qui connaissent le groupe, mais Zapruder réussit à enfoncer le clou, à asseoir son style, tout en parvenant à déconcerter les habitués et à leur graver certains moments dans la cervelle.
Un album dans la continuité, mais aussi plus dense, plus puissant, plus furieux, plus cohérent, plus limpide, tout en restant tortueux, varié et profondément marquant.
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