Zgard – Place of Power

Le 21 mai 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Yarosmil : chant, guitares, basse, batterie, claviers, sopilka, guimbarde, programmation
  • Lycane : batterie (session)

Style:

Black Metal Paganique

Date de sortie:

21 mai 2021

Label:

Schwarzdorn Production

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10

« Qui est assis au-dessus peut facilement cracher sur qui est assis en-dessous. » Proverbe ukrainien

Quand on m’envoie du black metal paganique, je sais que normalement je vais passer un bon moment. D’abord parce que je suis un amoureux inconditionnel de tout ce que les cultures peuvent amener (cela fait très meeting politique je sais), et de deux parce que je sais que certains pays ont une propension à déclamer leur Histoire. Certains pays ont une vraie fierté nationale, frôlant parfois l’indécence et l’extrémisme, mais la vérité est au fond du verre comme disent les russes. Il y aurait sûrement une étude sociologique intéressante à faire pour savoir pourquoi tel pays produit telle musique, ou telle genre de musique plus que les autres. Je suis certain que l’on aurait de quoi graver des murs entiers avec des chiffres et des lettres. Dédicace à Laurent Romejko au passage! L’Ukraine est typiquement le genre de pays qui ne laisse pas indifférent. On sait que certains concerts sont obscurs, que certains groupes aiment s’y produire parce que leurs messages passent mieux là-bas qu’ici, donc il y a tout un tas de rumeurs qui circulent sur le prétendu racisme et fascisme de ce pays. Les rumeurs ont bon genre… Moi je persiste à croire que l’Ukraine est un pays qui a ses travers mais aussi ses qualités, et ses promesses. Aussi, ce n’est jamais totalement le fruit du hasard, auquel je ne crois d’ailleurs pas, quand j’effectue la chronique d’un groupe ukrainien. Je suis convaincu que parmi tous ceux que je vais mettre en lumière, il y a une majorité de groupes qui ne sont pas estampillés fachos! Zgard, par exemple. Je ne connaissais pas du tout avant la chronique de leur dernier album à paraître aujourd’hui, appelé Place of Power. Je bondis donc plein d’entrain vers la conquête musicale de cet album et de ce groupe étrange.

Zgard est le synonyme d’amulettes dans le dialecte des Houtsoules. Qui sont-ils? Un peuple digne de figurer dans le prochain numéro de Rendez-vous en Terre Inconnue certainement. Il s’agit d’un peuple qui vit dans les Carpates ukrainiens, qui sa propre culture, son économie un peu parallèle faite de récoltes dans les forêts et de l’artisanat coloré, et sa propre langue, sorte de mélange entre l’ukrainien, le polonais et le roumain. Alors je me suis dit naïvement que Zgard venait de cette région si particulière. Pas du tout! Il vient de la ville thermale de Truskavets, qui n’a rien à voir avec les Houtsoules. Bon… Ce n’est pas bien grave! En tout cas, il y a un musicien qui compose tout et qui se nomme Yarosmil, et un autre qui s’occupe de la batterie et qui se nomme Lycane. J’ai toujours trouvé le fait d’avoir un batteur pour épauler la composition très intelligent, je maintiens donc cette affirmation. Quoiqu’il en soit, la discographie de Zgard est franchement belle, pour un groupe qui existe depuis 2010 avec sept albums, un single et un split avec Prohod, groupe roumain de black metal mélodique. Cela a de la gueule en tout cas! Je pressens que ce Place of Power mené par Yarosmil qui fêtera ses quarante et un ans demain (22 mai) est prometteur en tout cas.

La pochette promet elle-même de beaux augures! Ce que j’aime bien avec les pochettes paganiques, c’est qu’il y a à boire et à manger pour tout le monde en termes de symboles. Ici, ne connaissant pas la culture Houtsoule, je ne pourrai pas vraiment en tirer une analyse profonde, mais je devine que la part belle est faite à ce peuple des Carpates. Les couleurs sont belles, j’adore le bleu qui est usité pour les esprits derrière l’arbre. Il semblerait qu’il y ait une symbolique de la mort avec l’arbre qui ne paraît pas tout jeune ni fringant, les crânes de bêtes à corne et de corbeaux en guirlande, les sortes de croix en bois qui représentent la sorcellerie, les symboles tracés sur les pierres qui font penser à ceux chamaniques vikings. Bref! Typique d’un artwork de paganisme, plein de choses à regarder et quand on est comme moi un tant soit peu curieux des cultures, qui donne envie d’aller découvrir de quoi ça cause. Franchement, j’aime beaucoup. Ma femme aussi, elle qui baigne dans différentes pratiques ésotériques, je pense qu’elle appréciera la démarche de Zgard. Mission curiosité et piège à disquaires accomplie!

J’ai par la suite effectué ma première écoute, la fameuse. Celle qui détermine rapidement mes premiers ressentis et oriente doucement mais sûrement mon analyse. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle fut mitigée. Je ne sais pas exactement ce qui m’a laissé sur ma faim, parce que la qualité était de mise et la musique plaisante. Un bon black metal paganique, comme on aime en temps normal, sans qu’il y ait la démesure habituelle du folklorique, ni le côté pouet-pouet. On va dire qu’il s’agit d’un black metal au sens pur, donc froid et acéré, sans vergogne ni dentelle, et la partie paganique est relativement discrète. Sur le papier, on m’avait annoncé qu’Yarosmil pratiquait la sopilka qui est une sorte de flûte et la guimbarde (appelée ici drymba), mais pour tout vous dire, ses deux instruments sont très peu utilisés, voire presque jamais. C’est probablement ce qui va beaucoup me décevoir, parce que je conçois bien que l’on veuille rester sur une démarche classique de black metal et comme j’énonçais avant, que l’on veuille se distancier avec emphase du folklore à outrance, mais de là à ne pratiquement jamais employer ses deux instruments pourtant historiques, je trouve cela dommage. Limite un peu fallacieux sur les bords. Ce qui n’enlève en rien que les compositions, au nombre de huit, sont intéressantes et plutôt prenantes notamment avec les claviers qui amènent par leur simplicité une dimension certaine dans l’ésotérisme. Un black metal comme on l’aime quoi! Direct, franc et rebouteux parfois. Mais ici, je n’ai juste pas accroché plus que cela. C’est du classique mais correct quoi.

La production est donc d’une banalité franche. Enfin, ce qui ne veut pas dire qu’elle est mauvaise, loin de là. Juste banal dans le sens commun, ce qui se fait habituellement. Rien de folichon, juste un son très nasillard et glacial, très peu d’épaisseur y compris dans la batterie. Je m’interroge depuis longtemps sur l’intérêt de jouer de la basse dans ce type de production tant elle est inexistante dans le mixage, vu qu’il n’y a aucune épaisseur ou presque. C’est mon avis, il vaut ce qu’il vaut mais quitte à mettre en sourdine la basse, autant ne pas en jouer… Encore une fois, le son n’est pas mauvais! Mais c’est juste que je devais probablement m’attendre à mieux, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs. La ligne sonore reste plate, on dirait que les percussions se sont noyées dans le flux des guitares, c’est un peu bizarre. Je devine qu’il y a une sorte de production maison derrière, le genre qui n’a pas dû être tant retouché que cela et qui donne un aspect un peu raw non déplaisant et que je retrouve dans des productions de black metal qui ne sont ni trop mainstream, ni pas du tout. Une sorte d’entre-deux qui devient majoritaire dans le black metal moderne. Voilà! Donc une production bonne, sans plus à redire. Banale mais pas mauvaise.

Honnêtement, il n’y a pas eu de vraies autres écoutes, je me suis arrêté au milieu de la deuxième. Tout d’abord parce que mon constat de départ est aussi banal que la musique de Zgard, et d’autre part parce que j’attendais désespérément une accroche paganique qui n’est jamais vraiment venue. Ce qui m’a permis de comprendre au moins une chose sur mes attentes et mon processus d’écriture : j’attendais le détail qui permettrait à Zgard de se hisser fièrement devant moi et de me dire droit dans les yeux « voici ce qui crève l’écran, ce qui m’amène à te dire que je suis original dans ce que je fais! » En vérité, et à moins qu’Yarosmil me dise l’inverse, il n’y en a pas. L’aspect paganique est presque inexistant, voire l’est tout court si on était franchement méchant. Parmi les axes d’amélioration qui m’auraient permis de sortir Place of Power du lot, on aurait pu avoir les textes en ukrainien voire en langue houtsoule. Ou alors, des titres d’album qui font penser au folklore houtsoule, et non pas des mots d’une normalité affligeante comme ceux nommés en bas. Ou encore, un peu plus d’instruments folkloriques. Enfin! Le côté paganique qui m’est cher ne transpire tellement pas que ma déception est à la hauteur de cette absence : béante. C’est juste du black metal quoi. Et en plus, du black metal normal, sans incorporation originale ni d’expérimentation. Putain! Je voulais des légendes carpates moi! Je voulais des contes houtsoules, l’impression que je voyage dans l’Ukraine oubliée quoi! Là, il n’y a rien de plus que des lignes de blast « true norwegian », il n’y a même pas de mélodie franche et envoutante. Désolé, je m’emballe un peu mais c’est un vrai cri du cœur que je pousse. Zgard avait largement les moyens et les ambitions de départ d’avoir un album qui sorte du lot et m’impressionne. Au final, je me retrouve avec une galette insipide, d’une lapalissade désolante. La définition même du gâchis les ami(e)s.

Après, je suis dur je le reconnais, j’essaye d’être objectif mais le cœur a ses raisons que la raison ignore. Aussi, dois-je admettre sans trop de difficultés qu’au moins, dans l’exécution de son black metal, Yarosmil est bon. C’est propre, carré, sans fioriture aucune. Le black metal est justement joué, au moins peut-on lui reconnaître cela. Si sur le papier les intentions n’étaient pas putassières, au moins j’aurais pu aimer l’album Place of Power. Sans m’emballer encore une fois, mais j’aurais pu l’aimer un peu quand-même. Je maintiens que la collaboration avec un batteur est essentielle puisqu’elle permet à la base rythmique de s’exprimer sans être plate ni indolore. Le batteur amène forcément le supplément qui manque à tout album, surtout quand il s’agit de black metal qui tabasse sans fin et sur une ligne droite. On peut au moins reconnaître donc le talent des deux acteurs de Zgard, qui travaillent bien ensemble et sont bons dans leurs instruments. Sachant qu’Yarosmil est multi-instrumentaliste, ce n’est sincèrement pas volé comme compliment!

Le chant me laisse un peu plus dubitatif notamment au niveau de la technique vocale. Qu’on soit dans quelque chose de brut, c’est indéniable et cela colle plutôt bien avec l’esprit black metal de l’album. Mais ces espèces de cris d’agonie, qui essayent vainement de s’immiscer dans un style mi-sludge, mi high scream, je n’ai pas compris l’utilité de faire ce compromis. La dimension paganique, si tant est qu’elle existe bien sûr, devrait à la limite se situer sur une mouvance de chant clair, ou d’un high scream qui au moins serait dans la banalité de l’album. On dirait que notre ami Yarosmil s’est tranché un testicule à chaque morceau, c’est vous dire s’il en avait en stock! Non plus sérieusement, ce chant qui résonne comme une approche dépressive et vomissante, je trouve là encore que cela manque d’originalité. Voire même d’intelligence! Parce que se farcir un album de huit titres déjà d’une incroyable roture, c’est long, mais quand en plus vous avez cet énergumène, dont on ignore s’il est énervé ou blessé, qui vous hurle à n’en rien comprendre de ce qu’il chante dans les oreilles, cela peut vite tourner au vinaigre. Enfin, sincèrement j’essaye d’être objectif. Mais quand on a ce chant strident et agressif, cela peut vite lasser l’auditeur que je suis. C’est peu vous dire donc que le chant me questionne…

Constat plutôt mitigé donc pour conclure cette chronique. Zgard a un beau palmarès, surtout pour un musicien qui mène sa barque avec motivation, ou presque puisqu’il a son second qui est batteur. Mais je trouve que ce Place of Power était plus alléchant en lisant le menu qu’en consommant l’assiette. Se dotant d’un étendard black metal paganique et essayant de nous parler du peuple Houtsoules, c’était franchement sympathique au départ. Je pensais bêtement que j’allais passer un moment culturel et onirique intéressant, surtout dans un pays comme l’Ukraine qui se revendique d’une forme de nationalisme exacerbé. En fin de compte, ce septième album est ni plus ni moins qu’un album de black metal, aussi débordant de truisme que de fadeur. Niveau technique, hormis le chant que je trouve largement contestable, il n’y a pas grand-chose à redire. Et c’est tout le problème de cet album : il n’y a pas grand-chose à (re)dire. Je dirais simplement que certaines cultures et croyances mériteraient largement qu’on les connaisse un peu mieux qu’au travers d’un black metal certes bon, mais surtout trop classique. C’est une sorte de manque. Si vous aimez le black metal, j’imagine que vous allez vous plaire dans la contemplation artistique de ce Place of Power. Mais en ce qui me concerne, et malgré quelques points positifs honnêtes, faire dans la tautologie quand on a la promesse d’une concision entre les mains, cela me déçoit beaucoup. Pour ne pas salir le travail de Zgard, je resterai sur une note moyenne, mes propos suivront le chemin de la sincérité. Si tant est qu’Yarosmil lise ma chronique…

Tracklist :

1. Arise
2. Trap of Cold
3. Old Ruins
4. Ascension Fog
5. The Fiendmother
6. Place of Power
7. Last Harvest
8. Thaw

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