Echange autour d’un livre, Black Metal et Art Contemporain, Gwenn COUDERT ...
Un rappel pour tous, « Black Metal et Art Contemporain » a été publié en début de l’été. Pourquoi ne pas en profiter pour poser quelques questions à Gwenn…
ITW: Celtikwar
– Quel effet cela fait d’avoir son propre livre dans les bacs? Soulagée?
Mon propre livre dans les bacs ? Oui, d’une certaine manière très soulagée surtout qu’il soit terminé et imprimé, plus encore que de le voir en vente, à la limite. J’ai donné beaucoup de moi-même et ai assumé pas mal de différences avec mes « confrères » du milieu Black Metal et sans se leurrer, il est parfois très élitiste et fermé, quel dommage ! Cela aurait été regrettable d’écrire en rapport avec l’attente des autres, forums ou autres microcosmes, groupuscules particuliers… j’avoue ne pas avoir collé à tout ça c’est peut-être la raison pour laquelle ce livre est différent. Un peu trop certes, mais très différent. Il évoque le Black Metal sans vouloir lui plaire. De cela oui, je suis soulagée d’avoir pu aller au bout d’un projet « barré ».
– S’il fallait faire une simple description du Black Metal, que diriez-vous ?
D’une manière générale, le Black Metal est pour moi d’abord une expression, quelque chose qui crie à autrui, qui englobe, passionne et prend par les tripes les plus enfouies de l’organisme. Teinté de romantisme noir, inspiré des courants les plus crus des années 70-80 (Coldwave, Batcave, musiques industrielles…), ce Black Metal se revêt de des plus beaux atours en empruntant quelques doses de culot artistique tels qu’on a pu les voir dans de nombreux chocs de sens à l’ère contemporaine. Je pense à l’Actionnisme Viennois, aux performances irregardables, au sang qui coule, aux barbelés qui déchirent la chair qu’on nomme « Art ». Le Black Metal est ainsi une expression artistique.
Personnellement, c’est une passion, une sensation, une écoute, une découverte chronique et un apprentissage constant sur moi-même. J’aime le Black Metal et sans pouvoir l’expliquer très clairement, c’est le courant le plus adéquat avec ce que je suis, et ce dans tous mes états. Paradoxalement, j’apprécie d’autant mieux les morceaux les plus sombres que lorsque je me sens affreusement bien…
– S’il n’y avait qu’un groupe pour représenter le Black Metal se serait?
C’est une question qui tord l’estomac, comment répondre ? Il faut oser, pourtant. De manière très objective, je dirais que Mayhem serait le plus représentatif du courant Black Metal. Je m’explique avant que tous les puristes « Darkthroniens » ne me tombent dessus, j’assume tout à fait mon choix car au-delà du son qui est effectivement plus intériorisé chez Darkthrone, les prestations scéniques ne peuvent être ainsi oubliées (quoi qu’on en dise)… et Mayhem les a totalement assumées. Exemple, la description du Live in Marseille de 2000 que je fais dans le livre, extrêmement fidèle avec un Black Metal assumé, pur, cru, radical et exprimé.
D’une manière subjective ? C’est plus difficile. J’ai le droit à un morceau, à la place d’un groupe ? Je dirais alors sans hésiter que « De Profundis Mors Vas Consumet » du groupe Abruptum est la définition la plus fidèle à ce que j’imagine être du Black Metal. J’ai triché un peu, oui.
– L’univers Black Metal est très vaste, très sombre et très noir, et fait plus « ancien et mystique » que contemporain, et pourtant n’existe que depuis peu, comment l’expliquez-vous?
L’Art Contemporain est né, de manière très théorique, dans les années 45. Certes, bien avant le Black Metal. Et les codes qu’utilise l’Art contemporain reprennent les mêmes modalités de fonctionnement qu’auparavant… à savoir que quand un courant artistique est amené à voir le jour, il CASSE ce qui existe… en reprend des morceaux et reconstruit. Tel un puzzle qui devient cohérent de mille manières.
Le Black Metal fait pareil, il tend dans son expression, à casser le Death, casser le Thrash, casser la prison culturelle dans laquelle la Norvège est plongée (à la naissance du courant Black Metal), casser l’américanisme, casser le oui à tout, casser le mouton, casser le bien-pensant. En cela il se réfère à des valeurs plus sûres, à savoir ce qui se rapporte aux cultures païennes, traditionnelles, en rapport avec la force des éléments et de la nature (c’est très fort, dans le Black Metal). En cela effectivement il apparaît plus « ancien ». Mais il n’a que 30 ans ce qui est déjà respectable au vu de son évolution.
Mystique ? Peut-être, par le fait que c’est une musique qui s’intériorise, et non appréciée de tout le monde. Elle prend de ce fait un aspect très particulier et personnel.
– On voit une recrudescence de jeunes loups, mélangeant Death et Black, est-il possible d’y voir à terme une disparition du « Vrai Black Metal »?
Oh !!! Le Death fait sa vie en parallèle même si en réalité, le mélange est tout à fait possible. Rien que Behemoth ou Absu ont fait des prouesses en la matière. C’est très bon, parfois, le mélange prend comme une mayonnaise, mais l’esprit est totalement différent de ce que peut être le Black Metal dans son essence. Un brin de Death dans du Black et ça devient Black Death, Achtung Baby. Pour ce qui est de la disparition du « Vrai » Black : Comme beaucoup le savent certaines appellations telles que « True Norwegian Black Metal », « Raw Black » ou « True Black » sont légion en ce moment, comme pour nous rappeler que les bonnes choses, entre guillemets… c’était avant. Trop nostalgique pour moi. J’aime le vieux son et ai pris conscience que comme pour tout courant artistique, le Black Metal « meurt » en évoluant par ramifications. Il est toujours là car, ayant existé… mais déambule maintenant au gré de son histoire, se nourrit de plein de chose. Mais c’est un courant tellement radical dans ses codes qu’à mon sens, il ne faut pas s’en faire, ça n’est pas demain qu’on appellera « Black Metal « quelque chose qui n’en est pas.
– Quels sont pour vous les jeunes noms qui représenteront aussi le Black Metal?
Horde of Hel (Suédois, 2000, bon, Ok… ), Pestiferum (Toulouse) dégageant un potentiel Black Metal extraordinaire… PHTO en DSBM pas des moindres car même si je connais très mal ses musiciens, les prestations sont de toute beauté… non, ce ne sont que des exemples. Ce que va chercher un amateur de Black Metal est d’abord si « l’esprit » musical et intérieur est respecté. Si ça l’est, le groupe est validé.
– Y a-t-il en France un bon groupe de Black Metal?
Difficile de répondre. Je pense d’abord à Merrimack, alliant technique et esthétique radicales… mon groupe du moment mais ça changera demain. Cruxifiction qui m’a valu une baffe lors de leur prestation à Toulouse il y a quelques temps ? J’ai le droit de donner Borgne même s’ils viennent de Suisse ? Aosoth, très franc jeu également et surtout pourvu d’une imagerie qui leur est propre, oui, la France regorge, au-delà des fameuses Légions Noires (Vlad Tepes, Torgeist, Mütiilation, Belketre… ) adulées par les plus jeunes d’entre nous… de groupes vraiment intéressants. Tiens, rien que Malhkebre et Sektarism, là aussi il y a vraiment des choses à écouter, plus si affinités. Les Chants de Nihil, aussi, tiens par exemple, et pourquoi pas non plus citer nos amis bretons de Belenos ? Bigre, ça n’était que les exemples vus récemment.
-Quels ont été les albums qui ont le plus tourné pendant l’écriture du livre?
Ça, c’est une question dure aussi. Discographie de Bathory pour commencer, suivie de celle de Satyricon avec ces albums phares que sont « The Shadowthrone » et « Rebel Extravaganza ». « Baldr Ok Iss » de Helrunar qui lui passe… en toutes circonstances (personnellement mon groupe… musicalement favori), la discographie de Beherit, quelques albums de Carpathian Forest (évidemment), les Darkthrone également sans compter Mayhem surtout pour Deathcrush, là aussi difficile de répondre, car j’ai aussi beaucoup écrit sur BFM Tv quand je travaillais en journée, vie en collocation oblige (marrez-vous, oui). Mes exemples sont très classiques mais je ne peux écrire et découvrir de la musique en parallèle, les deux demandent un certain engagement.
-Si on devait le représenter en une chanson ce serait?
De Profundis, d’Abruptum, déjà dit, du coup une autre ? For All Those Who Died de Bathory sans hésitation, allez soyons fous.
-Vous faites aussi des portraits de groupes, quel est celui le plus Black Metal ou celui qui vous tiens le plus à coeur?
Tout groupe qui arbore un Corpsepaint sur scène va énormément m’intéresser au-delà même de la qualité de la musique qu’il produit. Bien évidemment si j’ai les deux c’est encore bien mieux. J’ai eu la chance dans ma vie d’avoir eu accès… à des fosses où j’ai pu poser un objectif sur ces expressions qui je qualifie simplement de magnifiques. J’en mesure maintenant la valeur. J’espère pouvoir continuer sur cette voie cependant même si le travail (« in real life ») est primordial pour gagner sa croute. Un groupe qui vraiment alors, m’aurait marquée au niveau de l’image ? Taake… et 1349 ensuite. Merrimack j’ai beaucoup aimé aussi cette année au Hellfest. J’en ai tiré mes meilleurs clichés du festival. Celui-ci par exemple, se situe vraiment dans la veine de ce que je cherche constemment.
– Question Bonus : What About « The Thing To Think About Frost ».
Hahemm… heuuu. « The Thing to Think About Frost »… est mon rapport tout à fait personnel avec le Black Metal allié à un retour très païen à la nature brute des choses. C’est aussi et tout simplement un bout de bois souvenir d’un très beau moment passé avec des amis, des rencontres extraordinaires (Hellfest 2011 si je ne m’abuse, avec cette fameuse ITW de 1349, c’est ça ?) et ce qui fait de la vie quelque chose de chouette et de passionné. Mais sinon à la base non, « TTTTAF »… c’est d’abord très censuré dans son tout premier degré, et surtout un rigolo clin d’oeil de la part de l’auteur de cet échange que je remercie très vivement pour son intérêt.
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