Interviewer : Quantum
Interviewés : Entropy Zero
Bonjour à vous et merci d’accorder du temps pour Soil Chronicles !
Première question : pourriez-vous me présenter le groupe et son historique, svp ?
Que ce soit purement par plaisir, dans l’optique d’aller sur scène ou pour collaborer dans différents projets (court métrage, jeu vidéo…), je fais de la musique depuis que je suis tout petit. En 2017, ça faisait presque dix ans que j’avais arrêté la scène et ça me manquait vraiment. Lors d’un concert d’Hans Zimmer (mon compositeur préféré), j’ai eu comme un déclic. J’étais loin d’avoir son niveau mais l’idée d’exprimer des univers sur scène avec de la musique instrumentale, c’était la direction que je voulais suivre. Je me suis alors demandé ce que j’aimais vraiment musicalement mais aussi dans mon mode de vie, qu’est-ce que je voulais et pouvais proposer sur scène ? Et Entropy Zero est né. Ensuite j’ai composé tout le set live qui nous a permis par la suite de sortir un EP en 2018 puis un premier album en Novembre 2019 chez Send the Wood, distribué par Season of Mist. J’ai mis en place le projet en live avec K-74 et J-808. Depuis nous avons dû faire quarante ou cinquante concerts dont de très grosses conventions pour ne citer que le Japan Tours ou le Hero Fest à Bern. Depuis quelques mois, nous nous sommes séparés de J-808. On ne souhaite pas le remplacer et avons trouver un meilleur équilibre à deux. Il faut dire nous sommes frères donc ça aide…
Comment se passe le travail de composition chez Entropy Zero ?
Comme je le disais, je suis à l’origine du projet et c’est moi (F-2301) qui compose et crée les vidéos lives. Dans ce projet, je voulais me laisser un champ d’action le plus large possible. En choisissant la SF, je me suis donné la possibilité d’explorer une grande quantité d’émotions et sans réelles limitations de choix sonore et visuel. Concrètement, j’identifie un thème que je souhaite aborder au gré de mes envies du moment ou d’échange avec K-74. S’ensuit une recherche de sons spécifiques (synthés, ambiance, sound design…) que je vais intégrer à mon kit de composition de base. Généralement, une fois cette étape terminée commence à émerger une histoire dans ma tête. Cette histoire devient le fil conducteur qui va me permettre d’attaquer l’écriture à proprement parler. Ensuite, je crée et/ou monte la vidéo live dans la foulée pour surfer sur l’inspiration du moment. Enfin, j’intègre le nouveau titre dans le set et, après quelques lives, j’apporte souvent des petites modifications pour finaliser le titre.
D’où vous vient cette inspiration pour l’univers industriel ? Est-ce une manière pour vous de corréler votre vision de l’Homme-machine et la musique ou juste un « résumé » de vos différentes inspirations musicales ?
Je ne dirais pas que nous sommes inscrits dans un univers purement industriel mais plutôt dans « des » univers de science-fiction. Alors c’est vrai que l’aspect industriel y joue souvent un rôle très important mais, pour moi, c’est important de faire la différence pour, encore une fois, ne pas s’enfermer dans un style. On comprend alors plus facilement que les inspirations peuvent venir de plein de médias possibles et que la SF peut prendre énormément de forme. Mon frère et moi sommes des purs produits des années 80 et avons été bercés, grâce à nos parents, dans le cinéma et les jeux vidéos. Aujourd’hui, tout ça ressort et se prolonge dans la culture SF d’aujourd’hui très très riche.
J’ai beau me plonger dans mes connaissances en musique industrielle, je ne vois pas réellement de groupes qui ont une vision aussi similaire hormis les films Matrix, mais qui ont plusieurs artistes au compteur. Est-ce que cette particularité assez philosophique vous aide à vous démarquer sur la scène metal ou plutôt l’inverse ?
Je ne sais pas si ce qu’on fait est bien mais, par contre, je sais qu’effectivement c’est très original dans la musique live. C’est d’ailleurs à la fois une force et une faiblesse. Une force parce qu’on est les seuls (du moins à ma connaissance) à amener des univers SF comme on le fait en live avec musique construites comme des thèmes et des vidéos scénarisées et pas de simples boucles. Une faiblesse parce que pour jouer quelque part c’est compliqué d’expliquer clairement ce qu’on fait et surtout la diversité musicale abordée. On est à cheval entre plusieurs styles et souvent c’est un peu perturbant au premier abord. La preuve c’est qu’on a joué avec des groupes de Death/Djent, de Synthwave, de Rock, de K-pop et de musique japonaise traditionnelle.
N’ayant pas pu voir de concerts de votre groupe jusqu’à présent, je me suis contenté des vidéos YouTube et je me suis aperçu de vos effets visuels. Envisagez-vous de faire des mises en scène plus riches à l’avenir ?
Effectivement la vidéo prend une place très importante en live. Nos nouveaux titres vont d’ailleurs de plus en plus loin dans le ciné-concert avec toujours des scénarios mais aussi maintenant du sound design comme un film. On a aussi commencé à réfléchir pour faire des choses avec plusieurs écrans. Disons qu’avoir des idées, c’est la partie facile et on n’en manque pas ; par contre, les mettre en place en live et dans le projet, c’est le challenge et c’est pas toujours facile…
En visionnant vos concerts, je me suis également aperçu que votre guitariste est en fait un claviériste. Élément assez peu courant je dois dire !
Hé, hé, oui, c’est tout à fait ça ! Un des points de départ du projet live était de jouer la carte électronique jusqu’au bout. Je trouvais ça fun d’envoyer des gros riffs de guitares avec mon Keytar et sans ampli. Alors les guitaristes un peu old school trouveront ça surement un peu bizarre mais force est de constater que vu notre style musical, je pense que ça fonctionne bien et on a toujours eu de bon retour de ce point de vue-là.
On ne peut évoquer la musique d’Entropy Zero sans noter l’absence de chanteur dans le combo (ce qui, à titre personnel ne me dérange pas, au contraire !) Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ce choix ?
Pour moi, une ligne de chant est quelque chose qui dirige l’auditoire de manière précise. Comment laisser libre recourt à son imagination si quelqu’un vous explique précisément l’histoire et l’émotion qui va avec. A mon sens, l’absence de parole permet beaucoup plus de s’évader et d’avoir sa propre interprétation de la musique. Dans les nouveaux titres, je me suis mis au micro avec des voix trafiquées électroniquement. C’est pour moi un instrument supplémentaire intéressant qui permet d’apporter de nouvelles variations et des messages ponctuels. En revanche, le couplet/refrain, ça ne sera toujours pas pour nous.
Ce qui me fascine dans votre musique, parmi foule d’autres choses, est le son de vos samples qui ont un côté très « ancien », un peu comme ceux utilisés dans la série Strangers Things. Est-ce simple de produire ce son si particulier de nos jours, avec tous les logiciels modernes que l’on a ?
Ça fait un paquet d’année que je fais de la musique et en particulier sur ordinateur. J’ai commencé sur AMIGA avec Soundtracker ou je devais piquer des sons sur des disquettes de jeu vidéo et aujourd’hui j’ai plusieurs PC en réseau dopés aux rayons gamma où, en un clic, je peux avoir accès à quasiment tous les sons qui existent. Donc déjà, oui, tout à changer. Aujourd’hui, avec la technologie, tout le monde peut faire des choses qui me semblaient extraordinaires il y a encore quelques années. Paradoxalement, les presets tuent la prise de risque à la faveur de l’uniformisation. Par exemple, j’entends beaucoup de production metal aujourd’hui qui ont un super son très puissant ; seul problème, c’est que beaucoup ont le même son et je trouve ça très dommage. Donc, moi, j’essaie de passer du temps à travailler mes propres sons pour proposer quelque chose d’un minimum différent. Je mélange l’ancien et le ressens en fonction des ambiances de nos titres.
J’ai également remarqué que vous aviez changé vos lignes de batterie/percussions pour les morceaux du premier EP que vous avez rajouté dans votre album, ce qui est un vrai bonus !
Comme je l’ai évoqué, la dernière étape de composition d’un titre est le passage en live et les modifications qui vont avec. Clairement ici, c’est un bon exemple. L’EP est sorti quasiment quand on a commencé les lives, l’album bien après. J-808 a aussi contribué à améliorer ces lignes batterie. De la même manière, j’ai modifié ma façon de la produire en studio ; du coup, elle ressort plus et est mieux aboutie.
Pour l’année 2020, quelles sont les villes que vous aimeriez visiter, au cas où des associations nous lisent ? Et qu’est ce que l’on peut vous souhaiter ?
Toutes celles que l’on n’a pas encore faites et où la SF peut trouver sa place. Je pense qu’il y en a encore un paquet (rires). J’espère qu’en 2020, on continuera de se développer et que le cercle de nos partenaires s’agrandira. Parce que, bon, on va être honnête, bonne ou mauvaise musique, tout seul, on ne fait rien. La crise du CoViD-19 étant passée par là avant d’avoir terminé cet interview, je rajouterais que comme beaucoup de groupes, bon nombre de nos plans sont tombés à l’eau en 2020. C’est super frustrant pour plein de raisons mais, au moins, j’en ai profité pour composer de nouveaux titres qui sont pour moi un cran au-dessus de ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. Le deuxième album est donc bien entamé et va comporter plein de nouvelles sonorités, à la fois plus metal et plus électroniques. Je peux aussi dire qu’à présent notre éventail de musique nous permettra de ne pas jouer la même chose en convention ou en concert rock/metal. Pour la partie live, si tout se passe bien, nous reprendrons fin septembre avec le Japa Niort (nouvelle ville donc).
Pour finir, je vous remercie pour votre musique et votre disponibilité ! Je vous laisse le mot de la fin.
Moi je vous remercie pour votre support et votre temps. Je terminerai par une citation de Ray Bradbury : « Tout ce que l’on rêve est fiction et tout ce que l’on accomplit est science, toute l’histoire de l’humanité n’est rien d’autre que de la science-fiction ».
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