Helioss

Le 15 février 2023 posté par Metalfreak

Intervieweuse : Balkiss via Discord
Interviewé : Nicolas Muller (Nico)
Le 12 Octobre 2022 à 20h30

3540319130_logo

Ca fait maintenant plus de 10 ans que je suis Helioss et il m’est apparu qu’une interview « Bilan » serait une bonne idée. Après avoir contacté Nicolas Muller, autrement dit Helioss, il a été OK pour m’accorder cet échange et après un temps relativement long, je vous livre enfin cette discussion.
Après avoir fait les présentations, j’avoue à Nico avoir acheté le premier EP d’Helioss et il me confie que je fais partie des rares personnes à posséder ‘Confessions’ car il avait été édité qu’à 50 exemplaires, autant vous dire ma joie !
Rentrons maintenant dans le vif du sujet…

Balkiss : C’est une sorte d’interview « Bilan » donc si tu veux bien on va reprendre depuis les débuts jusqu’à aujourd’hui. Quelle formation as-tu eue à la base ?

Nico : En musique, je n’ai pas vraiment eu de formation, j’ai appris comme beaucoup de musiciens. A 15 ans, j’ai eu ma première guitare électrique et puis c’est parti comme ça ! J’étais avec un pote, on se challengeait, on jouait, on apprenait ensemble, c’était super ; surtout que c’était à l’époque où, fin des années 90, y’avait pas internet, l’apprentissage, c’était pas comme aujourd’hui. On jouait, on regardait de temps en temps une VHS d’un live qu’on avait trouvé, on n’avait pas internet pour nous donner des milliards de vidéos de gens qui jouent, qui nous donnent des techniques, qui nous disent comment faire ceci ou cela, donc ça a été un apprentissage relativement lent parce qu’on prenait pas de cours, j’en ai pris par la suite mais pas longtemps, et l’apprentissage a été lent puisqu’il y a des techniques que j’ai apprises au bout de 2 ans de pratique alors que maintenant, n’importe quel teenager qui se met à la guitare, en 10 minutes, il voit des gens qui font des choses. Ca veut pas dire qu’il saura les faire mais il a déjà un panel assez complet de ce qu’il est possible de faire avec une guitare électrique. Donc un apprentissage lent, avec plein de maladresses, avec des instruments de qualité médiocre mais voilà, ça a été ça, mon apprentissage, ça a été la débrouille, les VHS, après les vidéos live qu’on tournait, quelques conseils de gars qui savaient jouer mieux que moi, des concerts aussi, je regardais le guitariste, comment il jouait…Je me suis acharné à la guitare et j’ai atteint un niveau que je juge correct, je suis très loin des virtuoses qu’on voit justement sur YouTube, mais un niveau correct pour arriver à faire de la musique, à l’écrire, à la jouer, à m’amuser à faire des reprises, des trucs comme ça.
J’ai fait un peu de piano en parallèle, j’ai fait 2 ans de cours de piano et j’ai plus retouché un piano pendant 10 ans parce que je vivais que pour le metal et en l’occurrence c’était la guitare.

B : Ok (Rires), je vois, je comprends, donc pas du tout de formation musicale genre conservatoire ?

N : Si, un petit peu, mais à l’époque, ça me plaisait pas du tout… J’étais content, j’apprenais, je faisais un peu de guitare classique, comme je t’ai dit, j’ai fait un peu de piano par la suite, j’ai pris des cours de guitare avec un prof local de ma ville, qui était plus orienté BLUES/ROCK, il était très bon, il m’a appris plein de trucs mais voilà, l’apprentissage du metal, je l’ai fait par moi-même.
J’ai fait un peu de conservatoire oui, j’ai pu apprendre les bases du solfège, apprendre à lire des choses, ça m’a construit mais je ne suis pas un produit de grande école. Je suis comme 95% des musiciens du metal, un autodidacte qui a grappillé ce qu’il pouvait, à droite, à gauche.

B : D’accord. Et du coup, tu avais un groupe avant Helioss ? Tu faisais quoi ?

N : Avant Helioss, j’ai eu des groupes, des projets, je ne te donnerais pas de nom parce que la plupart n’en avait pas, c’était plutôt des réunions de potes, on faisait un peu de bœuf, des reprises de Metallica, Dream Theater ou je ne sais quoi, on compose quelques morceaux et puis tout ça s’effiloche, ça ne donne rien parce que c’est compliqué, on n’a pas le temps, on répète une fois par mois, certaines personnes ne sont pas fiables, moi j’écris un truc, personne ne l’a bossé, bref, la vie de groupe un peu de loose, qui n’arrive à rien faire de concret.
Ca a duré quelques années, des chouettes années où je me suis bien amusé, où j’ai appris plein de trucs aussi mais à un moment donné je me suis dit que j’aimerais bien arriver à faire autre chose que des répètes un peu chaotiques, bordéliques qui finissent en ouvrant quelques cannettes ; je voulais quelque chose qui donne du résultat et je me suis dit que le meilleur moyen d’y arriver, c’était de m’y mettre tout seul en fait et de construire moi-même quelque chose. C’est pas novateur, y’a beaucoup de formations, de one man band qui soit font tout, tout seul, soit qui vraiment organise tout, tout seul. Donc Helioss est né de cette volonté, d’une espèce de frustration de ne pas arriver, c’est certainement en partie de ma faute aussi mais de ne pas arriver à m’entourer de musiciens avec qui je peux avancer et créer des conditions pour, parce que quand tu as une heure et demie de transport pour aller en répète et que t’as qu’un jour dans la semaine, c’est des conditions qui font que tout est très lent. Encore une fois, y’avait pas internet à l’époque, ça commençait, c’était balbutiant, maintenant, construire quelque chose avec un groupe même si chacun est à un bout du monde, c’est possible, c’est facilité par internet, à l’époque, c’était pas vraiment le cas, on pouvait s’envoyer des petits fichiers part mail mais y’avait pas cette émulation que permet la toile.

B : C’est vrai ! Et alors, tu as auto-produit ‘Confessions’ du coup ?

N : Alors, auto-produit dans le sens où il n’a pas été diffusé par un label, oui, auto-produit dans le sens où c’est moi qui ai tout fait, non. ‘Confessions‘ c’était les débuts, c’était mes premiers écrits, les premiers trucs que je voulais concrétiser. J’étais étudiant ou pas loin, j’avais pas vraiment un rond, j’avais pas beaucoup de contacts dans le milieu, donc j’allais pas débouler dans un studio professionnel en disant : « Salut les gars, c’est moi ! » Donc ça a été la débrouille, ça a été un enregistrement dans des conditions absolument catastrophiques, un mixage fait par un pote qui connaissait un peu le mix et je le remercie encore d’avoir pris le temps de le faire, mais on était très loin d’un standard professionnel – et je pense que toi qui connais ‘Confessions‘, tu l’écoutes, on va pas se mentir, la prod elle fait un peu carton-pâte – On sent clairement l’amateurisme qui rappelait plutôt les années 90, à l’époque où l’amateurisme était encore plus contraint parce qu’on parlait plutôt d’analogique, c’était des bandes, fallait des techniques de couper/coller, bref, heureusement, là, on avait du numérique, quelques talents, quelques compétences et ça a suffi à faire ce produit. L’artwork, je l’ai demandé à un de mes potes étudiant en graphisme, le logo pareil, le mixage je l’ai dit… Voilà, ça donne un mélange sympathique de fougue, de naïveté, d’amateurisme mais je ne renie absolument rien !

B : Sûr ! Et on arrive comment à ‘The forthcoming darkness‘ ?

N : Finalement j’étais content d’avoir fait ‘Confessions‘, je dirais pas qu’il a eu du succès mais j’ai eu plutôt des retours positifs. Je bossais à l’époque avec Pierre Jourdan-Gassin…
B : Très bon chanteur !
N : … Qui chante en ce moment dans Unchained, à la base c’est plutôt un chanteur de Thrash,  Thrash / Death mélodique mais voilà, on s’était rencontrés sur une forum qu’on fréquentait tous les deux et je sais faire pas mal de petites choses en musique mais chanter, je ne sais pas. Chanter, gueuler, growler, rien du tout ! Donc il me fallait un chanteur et j’ai trouvé Pierre. Lui à Nice, moi à Paris, c’était parfait car là, les conditions nous permettaient de bosser à distance. Lui avait déjà d’autres projets de Metal et Helioss était un projet annexe, il était content de bosser avec moi, ça lui prenait pas beaucoup de temps et voilà, ça lui faisait une corde de plus à son arc et quand je lui ai dit que je voulais faire un vrai album, pas un EP (même si il dure plus de 30mn), il a été ok et m’a suivi sur ce nouveau projet. Je me suis remis à composer des petits riffs et des petits morceaux, puis voilà, ‘The forthcoming darkness‘ est arrivé, cette fois-ci dans des conditions un petit peu plus pro ; c’était toujours du : « Salut, j’ai entendu parler de toi, qu’est-ce que t’en penses ? Tu veux faire mon mix ? Combien tu demandes ? » – « Je demande tant parce que c’est que le troisième mix de ma vie, donc pas cher » et voilà, ça a été encore de la débrouille et au final le résultat avait quand même un peu plus de gueule en terme de mix ; je pense qu’un ingé son moderne l’écoute, il dira qu’il y a plein de choses qui vont pas mais la prod je la trouve claire et je l’aime encore bien aujourd’hui même si elle a plein de défauts, elle manque de dynamisme, de patate, de profondeur mais bon, j’étais très content du résultat.

B : Et tu rencontres DM et tu fais l’album suivant. Ca se passe comment ça ? Comment tu rencontres DM et comment ça s’est goupillé puisque du coup Pierre n’est plus là…

N : En fait, j’ai composé ‘One with the sun‘ en mettant Pierre dans la boucle, c’est-à-dire qu’Helioss, ça a toujours été moi aux commandes, donc la musique c’est moi qui la fait et le chanteur il se « contente » de chanter, c’est pas tout à fait ça mais voilà, le chanteur, il chante voilà. L’album était prêt et je commençais à tanner Pierre, je lui avais envoyé les démos et : « Vas-y, quand est-ce que tu peux commencer ? Quand est-ce que tu peux commencer ? » Mais il était à une période de sa vie où clairement il n’avait pas le temps et au bout de six mois que je lui cours derrière, il m’a dit : « Ecoute, désolé mec mais je vais pas pouvoir assurer. »
C’est la vie, mais j’étais un peu déçu, je lui en voulais absolument pas, juste un peu déçu et il fallait que je trouve un autre chanteur. Et là encore, par contact de contact, en l’occurrence un gars du forum, qui m’a dit : « J’ai un pote, il cherche des projets metal etc… » Donc, le contact est pris : « Salut, comment tu t’appelles ? Tu vas bien ? On fait quoi ? » et ça a bien collé ! DM alias Thomas est encore le chanteur actuel d’Helioss et c’est un mec en or.
Il arrive donc en cours de route sur ‘One with the sun‘ puisque l’album est déjà écrit, je lui propose et il était tout feu, tout flamme et c’était chouette parce qu’il avait vraiment une approche du chant assez différente de celle de Pierre, qui lui se rapproche plus du Death mélo, il peut faire aussi un peu de criard, à la Black, Thomas, lui, il est arrivé avec son coffre de death metalleux, un growl profond, la puissance dans les basses et je trouve au final que ça a vraiment changé ce qui ressortait de Helioss, ça a pris une autre identité, c’est aussi d’ailleurs pour ça que j’ai choisi de changer le logo. Et ‘One with the sun‘ est arrivé avec son panel d’invités parce que je me suis dit : « Tiens, on commence à connaître pas mal de personnes, on va faire chanter des gens et plusieurs chanteurs sont venus, des amis, ma soeur est venue chanter un peu, Pierre, qui n’avait pas eu le temps de faire l’album est venu faire un guest sur le dernier morceau pour chanter avec Thomas. C’est un album qui a fait intervenir quelques personnes et ça me donnera des idées par la suite !

B : En effet ! (Rire) Dis-moi, comment est-ce que tu composes ?

N : Pas toujours de la même manière en réalité. On va dire que pour ‘Confessions‘ jusqu’à ‘Devenir le Soleil‘, j’avais une méthodologie de composition assez scolaire, où j’utilisais un logiciel qui s’appelle Guitar Pro en l’occurrence, qui est à la fois un logiciel d’apprentissage mais qui peut aussi servir d’écriture pour poser des bases, donc j’écrivais les morceaux là-dessus, ce qui était un travail assez réfléchi, assez construit et une fois que j’avais un fichier Guitar Pro qui me plaisait, en général je le traduisais en audio, c’est-à-dire que la batterie se transformait et passait en signaux midi du petit synthétiseur de Guitar Pro à une vraie batterie samplée, j’enregistrais la basse, j’enregistrais les guitares mais la construction était relativement rigide dans le sens où j’avais tout écrit et puis après j’enregistrais, une méthode qui parait logique mais qui manque de souplesse parce qu’entre ce qu’on a écrit sur un fichier Guitar Pro et comment ça sonne à la guitare, même si je construis les morceaux la guitare dans la main et comment ça sonne quand tu commences à mixer, tu te rends compte que le morceau se transforme ; c’est pour ça que sur ‘Contre ma lumière‘, le dernier album, je suis parti sur une manière complétement différente de bosser, complétement organique, j’ai pas du tout utilisé Guitar Pro, j’ai composé directement la guitare à la main en enregistrant quasiment en live, les parties de guitare qui me venaient et après je les construisais une fois qu’elles étaient enregistrées, je reposais des basses à la batterie, je rebougeais le piano et après, je repartitionne, je remélangeais tout ça, donc ça a été un processus beaucoup plus souple que ce que j’avais fait jusqu’à aujourd’hui. Je pense que ça se sent dans le dernier album qu’il y a une approche plus progressive, par exemple sur ‘The forthcoming Darkness‘ et ‘One with the Sun‘, les morceaux ont une structure qui est relativement facilement identifiable, c’est un peu moins le cas sur ‘Devenir le Soleil‘ et encore que, mais par contre pour ‘Contre ma lumière‘, c’est plus du tout le cas. A par « Charnier » qui est un peu plus construit, les autres sont plus progressifs, on fait appel à une progression d’écriture, plutôt qu’à vraiment une construction en amont, c’est quelque chose de plus… Je cherche mon mot… Instinctif !

B : Oui, je vois très bien. Alors, au niveau des textes, tu écris avant ? Tu les poses après ? Parce qu’on sent un peu le concept album dans ce que tu écris…

N : C’est exactement ça, t’as tout juste ! Je dirais pas concept album ou concept projet mais le nom Helioss fait directement référence au soleil donc y’a clairement une identité, y’a qu’à voir les pochettes, qui représentent toutes, même de manière un peu détournée, l’astre solaire, donc oui, y’a une thématique, elle est présente sur beaucoup de morceaux, pas tous, mais autour de la lumière, du soleil, ça peut être abordé de manière un peu scientifique mais aussi spirituelle ou symbolique. Mais oui, y’a un fil pour donner une cohérence au projet ; Je ne me vois pas dans un prochain album parler de ‘ je ne sais pas moi, la Rome ancienne ou la jungle Amazonienne, y’a une constante chez Helioss de l’ordre de l’astral.
Ensuite, 99% du temps, je fais la musique et après j’écris les paroles. La seule exception qui a été faite, et pas des moindre, c’est le morceau fleuve de 25 mn  »Devenir le Soleil », sur l’album du même nom, puisque j’ai demandé à un ami qui est dans l’édition, très littéraire de m’écrire un poème, je lui ai donné un petit cahier des charges, quelques pistes, une vague structure et il m’a écrit le texte « Devenir le Soleil », qu’ensuite j’ai mis en musique. Donc là, je suis parti du texte et ça a donné quelque chose d’assez inédit pour moi, même si ça n’a rien d’extraordinaire, plein de gens écrivent les textes avant la musique, mais pour moi c’était un exercice complétement différent et ça m’a vraiment enthousiasmé ; maintenant est-ce que je le referais, en sachant que je ne sais pas si j’arriverais à écrire un texte « dans le vide ». J’arrive à écrire des textes quand j’ai écrit la musique parce qu’à travers elle je sais ce que j’ai voulu dire, ça m’aide et le texte vient plus facilement… Mais faire un texte et me dire, maintenant je vais le mettre en musique, je ne sais pas, il faudra que j’essaie…

B : Ecoute, le morceau est génial en tout cas, il est ouf ! (Rires)

N : Merci ! Ca a été un putain de boulot mais c’était chouette !

B : J’adore ce titre ! D’ailleurs pour rebondir, comment vous travaillez quand vous avez tous ces chanteurs, invités sur un morceau ? (Non, mais ce morceau est fou !) ?

N : Je me suis effectivement lâché sur ce morceau, j’ai demandé à mon pote écrivain un texte en cinq parties, un peu arbitrairement cinq c’est cool, ça sonne bien et je me suis dit que je voulais cinq chanteurs invités dessus, Thomas bien sûr mais cinq chanteurs pour incarner les cinq chapitres de ‘Devenir le Soleil‘. Je suis encore une fois allé taper aux portes de gens que je connaissais mais aussi d’autres gens que quelqu’un connaissait, certains m’ont dit : « Cool, mais j’ai pas le temps », d’autres qui trouvaient le projet chouette mais qui n’étaient pas intéressés plus que ça… ils ont le droit et j’ai ceux qui m’ont répondu : « Ok ! Cool ! » et j’ai eu mes cinq invités, tous des gens que je voulais, personne n’était un second choix ou un choix de remplacement et donc ça s’est fait.
Pour l’organisation, je leur envoyais le ou les passages où ils devaient chanter, je leur donnais une structure, je leur proposais une démo avec ma voix dessus, c’est-à-dire absolument honteux, lamentable et tout pourri, que personne n’est autorisé à faire écouter à qui que ce soit ! Et je leur ai dit : « Voilà, vous avez une base mais allez-y ! Proposez, libérez-vous, faites ce que vous voulez ! » et ça a été super, chacun des chanteurs m’a donné plus que ce que j’avais demandé, à chaque fois que j’entendais ce qu’ils me proposaient, je me disais : « C’est chouette ! J’avais pas pensé à ça, c’est vraiment super ! ». Ca a été hyper enthousiasmant ! Il y a aussi du saxophone, du violon, du violoncelle, tout ce que j’ai pu foutre dedans, je l’y ai foutu !

B : Et c’est très bien foutu ! (rire) Tu l’as vécu comment l’évolution d’Helioss depuis ‘The forthcoming darkness‘ jusqu’à ‘Contre ma lumière‘ ? T’as eu un objectif ou tu as laissé libre cours ? Parce que tu dois bien avoir d’autres projets, d’autres envies ? Tu restes sur quoi pour faire évoluer Helioss ?

N : C’est une bonne question et ce n’est pas évident d’y répondre, parce que ça voudrait dire que j’ai tout prévu depuis le début alors que c’est absolument pas le cas mais l’évolution telle que je la lis, c’est qu’à chaque album j’ai essayé d’aller plus loin que le précédent. Ca paraît une banalité, 95% des musiciens vont dire qu’eux aussi, personne ne veut faire moins bien mais je trouve que ça se ressent dans la musique, où chaque album va proposer quelque chose de plus ambitieux que le précédent ; que ce soit en terme de production, parce qu’à partir de ‘Antumbra‘, j’ai fait appel à un professionnel, Frédéric Gervais, qui monte en puissance d’album en album car lui aussi évolue et à partir de là, je savais que je pouvais compter sur des prod de qualité et que je pouvais « me lâcher », que si je mettais 74 pistes en même temps, il arriverait à me les faire sonner ; ça me permettait d’évoluer, d’apprendre vu que j’avais aussi appris, évolué en tant que musicien, j’dis pas que je suis meilleur à la guitare maintenant qu’il y ‘a 20 ans mais par contre j’ai appris en matière d’écriture et en technique de son, avoir les outils pour réaliser des démos en étant plus à l’aise avec les logiciels de musique même si c’est pas moi qui mixe l’album. Et tout ça m’a aidé à faire évoluer Helioss, à lui donner à chaque album plus d’ampleur, du moins c’est l’impression que j’en ai.
J’ai aussi diversifié mes projets, dont un qui s’apparente à de la Synth / Darkwave, qui s’appelle Terminal Khaos Builder où je fais tout de A à Z, c’est-à-dire la musique, tous les instruments samplés, la production, le mastering… C’est un projet annexe, qui n’a pas la même ambition qu’Helioss mais aussi un projet « laboratoire » qui m’a permis de faire 6 albums en 3 ans, je produis vite, je fais des expérimentations, qui pour certaines se sont retrouvées dans Helioss sur les deux derniers albums, que ce soit en terme d’approche, de son et ça a fait évoluer Helioss que j’aille chercher ailleurs des choses qui étaient radicalement différentes.

B : C’est vrai qu’on sent la différence, ‘Antumbra‘, j’adore cet album ! D’ailleurs je crois que c’est la première chronique d’Helioss que j’ai faite sur Soil Chronicles…
N : J’espère que tu as dit des choses gentilles (rire)
B : … Je le trouve hyper sombre mais j’ai l’impression qu’Helioss s’éclaire…
N : Tu trouves ? C’est intéressant.
C’était pas quelque chose de planifié et c’est amusant mais il y a comme une espèce de cycle, dans le sens ou ‘The forthcoming darkness‘, il n’y avait que Pierre et moi, sur l’album ‘One with the Sun‘, j’avais quatre ou cinq invités, sur ‘Antumbra‘ c’était que Thomas et moi, pour ‘Devenir le Soleil‘ dix invités et sur ‘Contre ma lumière‘, on est à nouveau seuls avec Thomas. Ça le fait rigoler parce que je lui dis que c’est comme un cycle, y’a des albums complexes et là, ‘Contre ma lumière‘, c’est un album simple, alors que c’est peut-être notre album le plus complexe, il a fait un gros travail de voix dessus et ça veut dire que si on suit le cycle, le prochain album il va falloir que je ramène plein d’invités et que je fasse un truc encore plus fou que ‘Devenir le Soleil‘ ! C’est pas gagné mais ça peut être amusant ; c’est pas la même chose de me dire que je vais faire un album « intime », où deux personnes sont impliquées, que de faire un album que je vais ouvrir pour inclure, si j’en ai l’opportunité, un accordéoniste, un claveciniste, un organiste. Il faut que j’écrive en fonction donc c’est pas la même approche. Pour le moment, je t’avoue que la suite n’est pas planifiée, ni écrite. Depuis les quelques mois qui ont suivi la sortie de ‘Contre ma lumière‘, je me sens un peu comme paralysé, dans le sens où, qu’est-ce que je peux faire derrière ? Ca veut pas du tout dire que c’est l’album ultime, ni l’album parfait mais y’a un côté ou Thomas et moi avons tellement donné sur cet album, ça a été un album dense et intense autant que ‘Devenir le Soleil‘, les deux ont étés des putains de merdiers à sortir en terme d’énergie et du coup, là, je ne sais pas très bien quoi faire…

B : T’aurais envie de travailler avec des gens en particulier ? D’autres musiciens avec qui tu aimerais vraiment bosser ?

N : Là, comme ça, j’ai envie de dire non, pas dans le sens où y’a aucun musicien qui n’a de valeur à mes yeux, y’en a des tonnes mais je ne suis pas quelqu’un qui va avoir une espèce d’adoration ou un côté idolâtre, j’ai toujours travaillé dans un approche humaine, j’aime bien, autant que possible, connaître les gens avec qui je bosse, ça n’a pas toujours été le cas mais j’aime avoir l’occasion de les rencontrer, si par exemple demain je rencontre quelqu’un qui fait de la flûte traversière et que je sympathise, peut-être que je vais lui dire : « Tiens, qu’est-ce que t’en penses ? Tu voudrais faire un truc ? » Après si je dois piocher parmi les musiciens professionnels, y’a des tas de gens fabuleux, quelques-uns d’ailleurs à qui j’ai demandé si ils voulaient bosser sur Helioss et ça n’a pas forcément été le cas. Voilà. Je préfère rester sur une échelle humaine, pas forcément locale mais sur mon microcosme social.

B : Je passe un peu du coq à l’âne mais quelles sont tes influences ?

N : Alors, c’est un peu ce qu’on appelle une question piège (rire), tu te retrouves après 35 ans de pratique ou du moins d’écoute intensive de musique et si tu parles d’Helioss, à la base, j’ai été attiré par ce qu’on appelle le Black metal symphonique ou le Metal symphonique, ce genre musical qui rajoute beaucoup d’orchestre, ça a été Dimmu Borgir, Cradle Of Filth, Bal-Sagoth, des groupes de ma jeunesse que j’écoute encore avec plaisir aujourd’hui mais le déclencheur ça aura été Mirrorthrone quand même. C’est ce que je répète à chaque interview parce que j’adore tellement ce que ce gars-là a fait, c’est un one man band de Black symphonique Suisse et quand j’ai écouté ce truc, je me suis dit : « Si lui il y arrive, pourquoi pas moi ? », ça fait partie de mes influences dans le metal. Après, c’est beaucoup plus large que ça, j’écoute aussi Metallica, Megadeth, du Speed, du Black… Si je devais dégager une constante, c’est aller jusqu’au bout, dans l’extrême, dans la surenchère, ça m’a toujours plu. J’écoute aussi bien des gens comme Malmsteen qui en font tellement des caisses que ça peut en devenir ridicule, moi ça peut me parler, j’ai pas de problème avec ça. Dream Theater aussi parce qu’ils faisaient des morceaux fleuve de 20 mn, je trouvais ça génial !
Et la deuxième grosse influence, c’est la musique classique, plus particulièrement la musique Baroque, je suis un fan absolu de la musique du XVIIIème siècle, qu’elle soit italienne, française, allemande, anglaise… ça se ressent de manière assez marginale sur Helioss, que ce soit du piano ou des instruments comme le clavecin, l’orgue, ça fait partie des choses que je peux mettre dedans.
Ce sont les deux facettes de mes passions musicales, après y’a d’autres centres d’intérêts mais ils sont moins passionnels que la musique Baroque et le metal.

B : Ok. Pourquoi tu as choisi d’écrire en anglais et en français et pourquoi pas l’un ou l’autre ? Est-ce que ça te vient naturellement d’écrire certaines choses en anglais et d’autres non ?

N : Alors quand j’ai fait Helioss, naturellement je me suis dit, le metal, c’est l’anglais. J’ai du coup écrit en anglais, je ne me suis même pas posé la question et en fait y’a une espèce d’invasion progressive du français dans ‘One with the Sun‘, j’ai mis quelques parties en français, mais pas sur des morceaux complets. Dans ‘Antumbra‘, j’ai fait mon premier morceau en français. Dans ‘Devenir le Soleil‘, le morceau de 24 mn du même nom, est à 95% écrit en français, y’a aussi un peu d’allemand mais c’est quasiment que du français et en revanche ‘Contre ma lumière‘ , il a été écrit en français à 100% ! Alors pourquoi ? Je ne sais pas mais je me rends compte au fur et à mesure de mon expérience que je suis plus à l’aise dans ma langue natale, c’est relativement logique et peut-être que je faisais une erreur en me cramponnant à l’anglais, parce que tu regardes mes textes en anglais, ils sont dignes de groupe de metal classique, en français par contre, je pense que ça favorise la qualité sans vouloir me prévaloir d’un quelconque talent, mais voilà, je suis plus à l’aise et je me suis éclaté à écrire le dernier album en français, ça a été vraiment intéressant et je me rappelle avoir dit un peu crânement en interview à l’époque de ‘One with the Sun‘ ou ‘Antumbra‘ que j’écrirais en français avec parcimonie car je ne me voyais pas écrire un album entièrement en français et résultat, quelques années après, je propose un album intégralement en français.

B : En plus tu as la chance d’avoir Thomas, parce que c’est un peu le problème avec le Black et les chants grawlés, on a du mal à comprendre les textes, même les anglophones je ne sais pas si ils reconnaissent leur langue et en français c’est franchement pas vraiment mieux, mais là, on arrive quand même à comprendre les paroles.

N : Alors… Déjà il est français et il a un growl bien articulé, ce qui n’est effectivement pas le cas de tous les chanteurs mais après ça pose aussi la question de l’intérêt qu’il y a à comprendre les textes dans le metal. Je mets de côté le metal un peu politique, type Grind où les textes sont incompréhensibles mais importants car ce sont des groupes à messages mais dans le Black ou le Death, qu’est-ce qu’on s’en tape de ce que raconte le chanteur, en tout cas pour la majorité des auditeurs qui recherchent les décibels, les riffs, le handbanging et la signification profonde d’un morceau de Cannibal Corpse ou Deicide, je pense que tout le monde s’en fout un peu. Moi, j’ai pas la prétention de faire de la musique où je vais dire aux gens de regarder les textes parce que j’ai des choses passionnantes à dire, à tel point que parfois des moments où ça m’emmerde de les écrire, parce que je suis avant tout un musicien. Je peux écouter de la musique instrumentale sans aucun problème, j’adore ça ! Et c’est très, très rare que je me focalise sur le texte à part si ce sont des chansons résolument à textes, comme dans le Rock, la Pop etc… Où le texte est plus important que la musique. Dans le metal c’est quasiment jamais le cas même des groupes comme Dream Theater en progressif, qui mettent beaucoup d’affect dans leurs textes, qui montent des concepts pas possible sur leurs albums, je ne me suis jamais intéressé à ce que ça racontait, pas parce que ça n’a pas de valeur, mais parce que ce n’était pas ce qui m’intéressait. Donc en tant que créatif, il y a un concept derrière Helioss, y’a des choses que j’ai envie de dire et de raconter mais clairement c’est pas ce qui me paraît le plus important.

B : J’entends ce que tu dis et c’est vrai que moi je me penche toujours sur les textes mais je ne suis pas non plus fan de Cannibal Corpse ou de Death ça a une importance pour moi donc je me suis penchée sur les textes d’Helioss…
N : Ah ben t’as pas dû être déçue ! (Rire)
B : … et en parlant de textes dans le metal je pensais plus à des groupes comme Pain Of Salvation, tu vois ?

N : Ah oui, typiquement le groupe que tu ne peux pas dissocier de ses textes, le chanteur a un tel charisme, une telle histoire que sa musique, c’est lui et effectivement y’a toujours des concepts, même si je suis loin d’avoir tout compris mais pour le coup t’as raison, c’est un bon exemple de groupe, il vit par ses textes, sa musique, ils ont réussi à faire les deux et c’est cool !

B : Et pourtant on ressent quand même ce type d’émotion dans ‘Devenir le Soleil‘, où vraiment tu te dis, il faut les chanter ces textes, tu vois ce que je veux dire ? Cette symbiose entre la musique et les textes, c’est ça qui crée le « truc ».

N : Oui, c’est amusant parce que le morceau « Devenir le Soleil », c’est le seul texte que j’ai pas écris moi-même (Rire)
Et oui, bien sûr que j’ai essayé de faire ça, on est bien d’accord, pour moi, il faut que les textes collent à la musique, il faut qu’il y ai une cohérence, en fait je dis pas que je mets des textes random même si je l’ai un peu fait sur ‘Contre ma lumière‘ mais… C’était voulu. A partir du moment où j’arrive à la cohérence entre la thématique, le syllabique, la rythmique et la musique, ça me va, la signification profonde et l’analyse c’est pas un exercice dans lequel je me plais, je préfère être dans le symbolisme, un peu de narratif mais pas dans le texte à message, par les textes, je ne m’adresse pas à l’auditeur en fait.

B : Je me suis posé la question si tu étais misanthrope ou pas ? (Rires)

N : (Rire) De fait un petit peu, je dirais pas misanthrope mais comme beaucoup de musiciens qui choisissent de bosser seuls et de pas faire de live, c’est que je suis plus à l’aise seul derrière mon bureau où à écouter de la musique au casque en me baladant, que dans des grands concerts, je suis pas misanthrope mais j’ai un appétit de solitude que je partage avec beaucoup de musiciens.

B : Je vois très bien ! Même avec des non-musiciens… Regarde-moi ! (Rires) Du coup, des projets pour le futur ?

N : Un projet, que j’ai travaillé avec Aline Boussaroque, qui est une des chanteuses intervenant sur ‘Devenir le Soleil‘, c’est une amie depuis quelques années, elle est chanteuse dans Përl, excellent groupe de Post black metal avec plein d’influences et elle pour le coup met beaucoup d’affect dans ses textes, alors si tu aimes le style, je t’encourage à l’écouter.
Nous en revanche, on a décidé de se lancer sur un projet pas du tout metal, c’était son choix et j’avais envie de suivre l’exercice, ça s’appelle Shall We Fall et on sort notre premier album ‘Nadja‘ mi-novembre (2022), c’est genre Rock / Trip hop avec un petit côté Jazz, j’avais envie de travailler sur autre chose, ça fait des années qu’on bosse dessus, ça a été long, raisonnablement, ça aurait pu l’être plus, pour de bonnes raisons, mais c’est pas grave, on l’a fait même si c’était en pointillés. Enfin voilà, c’est mon projet de fin d’année ! 2022 aura quand même été plutôt riche puisque j’ai sorti un album de Terminal Khaos Builder, un album de Helioss et là le premier album de Shall We Fall, ce fût assez dense pour moi, donc pas sûr que 2023 le soit autant.

B : Ben écoute, merci beaucoup à toi, Nico, c’était super !

N : C’est moi qui te remercie, questions vraiment intéressantes, pas toujours facile d’y répondre mais vraiment intéressantes donc merci beaucoup.

On a passé 3/4 d’heure à échanger et pour ma première interview, je suis vraiment contente que ce fût pour Helioss et cette « rencontre » avec Nico, fût un plaisir, merci encore à lui pour sa patience.

 

Facebook  BandCamp  Deezer  Instagram  Myspace  Spotify  YouTube
Chronique ‘Confessions
Chronique ‘The forthcoming darkness
Chronique ‘Antumbra
Chronique ‘Devenir le Soleil
Chronique ‘Contre ma lumière
Interview 2011

Retour en début de page

Laissez un commentaire

M'informer des réponses et commentaires sur cet article.

Markup Controls
Emoticons Smile Grin Sad Surprised Shocked Confused Cool Mad Razz Neutral Wink Lol Red Face Cry Evil Twisted Roll Exclaim Question Idea Arrow Mr Green